L'évolution de Schönberg du classicisme romantique à l'atonalité - Les bases de l'harmonie - 82e partie
Publié par newjazz,
mis à jour le 07/01/2019
L'article d'aujourd'hui sera de nature un peu différente des précédents. En effet, je vous propose exceptionnellement de nous intéresser cette semaine davantage à l'histoire musicale qu'à la théorie.
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La dernière fois, je vous ai parlé de l’atonalité, et notamment de la série dodécaphonique instaurée par Arnold Schönberg. Il m’a semblé intéressant de montrer brièvement le parcours musical de ce compositeur atypique, et de revenir plus en détail sur le lien de parenté paradoxal entre romantisme et atonalité déjà évoqué dans le précédent article.
L’évolution musicale de Schönberg
Schönberg est né en 1874 et en tant que tel, son œuvre est au début directement influencée par le romantisme apparu durant le XIXe siècle dans tous les domaines artistiques. Dans ses œuvres de jeunesse, Schönberg est totalement baigné dans cet héritage. C’est particulièrement audible dans son poème musical pour sextuor à cordes La nuit transfigurée, écrit en 1899 alors qu’il n’a que 25 ans.
On entend que cette œuvre est encore fortement traversée de tonalité et de rapports de tensions et de résolutions.
La forte inspiration romantique qui traverse cette œuvre est encore davantage audible dans les Gurre-Lieder, œuvre pour voix et orchestre basée sur la légende du roi danois Waldemar 1er et de sa maîtresse Tove dans leur château de Gurre :
Dans cette célébration romantique du patrimoine culturel et mythologique du domaine germano-scandinave, la figure tutélaire de Wagner est encore très proche !
Mais Schönberg ne tardera pas à se libérer de cette influence, et dès 1908 et son second quatuor à cordes, il affirmera son propre langage musical basé sur la remise en question du système tonal, et ceci bien que ledit quatuor soit encore défini comme étant en Fa dièse mineur.
On sent bien encore dans cette œuvre des notes qui pourraient être perçues comme des centres tonaux vers lesquels mèneraient encore des restes de construction mélodico-harmonique. Mais le destin de la tonalité est ici clairement scellé : ce sera la dernière œuvre que Schönberg achèvera avec un accord issu du système tonal. Le compositeur qui est en train de mener à bien cette révolution n’emploie en revanche pas lui-même les termes d’atonalité, ni de dodécaphonisme. Il préfère alors parler de « tonalité suspendue » ou de « pantonalité » .
À partir de ce moment, Schönberg assurera au fil de ses œuvres tout d’abord la suppression des rapports de tension-résolution pour arriver ensuite à une mise à égalité complète des douze sons de la gamme chromatique, mise à égalité que l’on entendra bien davantage ici dans son Quatuor pour cordes numéro 3 :
Comme on peut l’entendre, toute trace du romantisme des débuts du compositeur semble avoir disparu dans cette œuvre qui sacre la toute-puissance de la dissonance. Or cette dissonance a malheureusement aliéné un grand nombre d’auditeurs de l’époque – et encore d’aujourd’hui – à la musique classique contemporaine. Et pourtant, il a été écrit que Schönberg ne souhaitait que conceptualiser un système qui pourrait être compris de tous en s’affranchissant des règles d’harmonie tonale connues que de certains.
Magnifique article, merci à Audiofanzine de ne pas se limiter à des articles sur le matériel ou les techniques actuelles et de s'élever à ce niveau. Continuez ...Merci?
Darkmoon
Squatteur·euse d’AF
Posté le 07/01/2019 à 15:26:54
Pour faire suite aux prétendants commentaires (concernant la première partie)...
Il m'est évident que ce n'est pas une suite de notes aléatoire et/ou « n'importe quoi ». Je perçois des séquences, des « schèmes », de la structure, etc. Par contre, est-ce que ça m'émeut? Non. Qu'est-ce que ça m'évoque? Désorientation, perturbation, décadence, folie, etc. Est-ce que j'apprécie? A priori et, naturellement, non! Mais si je cherche à analyser, je pourrais finir par apprécier la combinaison et « l'ingéniosité » de certains passages. Mais j'avoue que ça demeurera essentiellement un exercice cérébral et intellectuel.
J'ai d'ailleurs un peu le même rapport avec des styles bcp plus « accessibles », comme le Jazz, que je réussis à apprécier écouter (et regarder exécuter) surtout parce que je suis guitariste et que j'admire « l'ingéniosité », la créativité et la virtuosité de certains jazzmen, sans pour autant que cela ne me touche émotionnellement ou ne m'émeut. Quand j'écoute ou regarde un jazzman jouer, ce n'est pas pour être émue ou touchée.
Bref, je comprends tout à fait que les musiques atonales/dodécaphoniques/sérielles ne touchent pas des masses, car (comme certains autres styles d'ailleurs), elles n'usent pas de « gimmicks » simples qui créent l'envie naturelle de fredonner et de bouger et/ou qui suscitent l'association d'émotions basiques comme la joie et la peine, ce qui ne nécessite aucun effort intellectuel. Mais sinon, je ne porte aucun jugement de valeur pour autant, car ça demeure une forme d'art et un style de musique comme plusieurs autres (on apprécie ou pas).
Il y a 30 ans quand, tout jeune, je commençai à écouter du Death Metal technique, mes parents et certains de mes amis ne voyaient en cette musique qu'un grand n’importe nawak, alors que lorsque nous sommes guitaristes, nous savons très bien que c'est loin d'être n'importe quoi et que certains mecs sont des virtuoses, que l'on apprécie ou non la musique (enfin, ok, dans tous les styles, il y a parfois des « sans aucun talent » qui cherchent à justifier leur médiocrité sous prétexte d'un « art incompris », mais c'est un autre sujet!).
Pierogi2022
AFicionado·a
Posté le 07/01/2019 à 15:48:49
Merci !
Est-ce qu'il serait possible, si jamais les prochains contenus s'approchaient des contemporains vivants et des enjeux actuels, d'avoir un article sur l'histoire récente de la compo algorithmique et de ses outils s'il vous plait ?
(pas forcément l'algorave qui est très récente et bien documentée...)
Killby
Posteur·euse AFfranchi·e
Posté le 07/01/2019 à 16:20:14
Darkmoon, ces musiques n'ont pas eu la chance de se faire connaître autant qu'elles le méritent, en particulier à cause de l'omniprésence du néo-classicisme dans les musiques de film.