Dans les articles précédents, nous avons principalement étudié les dissonances et les consonances, et comment celles-ci alternaient au sein de mouvements harmoniques.
Et si nous allions maintenant mettre un peu de stabilité au sein même de ces mouvements, qu’en pensez-vous ? C’est là que la pédale entre en jeu !
La pédale
La pédale, dans ce cas précis, ne désigne pas l’accessoire bien connu des pianistes et claviéristes de tous poils, et qui sert habituellement à maintenir le son une fois que les touches sont relâchées.
Et pourtant, conceptuellement, on n’en est pas loin. En effet la pédale harmonique consiste à faire durer une note sur plusieurs accords consécutifs, qu’elle soit répétée ou bien tenue. En général, une pédale fait quasiment toujours entendre la tonique ou la dominante de la tonalité générale du morceau ou de la tonalité de modulation. Concernant les modulations, je vous invite à vous reporter aux articles 17 à 22. La pédale est dite simple si elle ne fait entendre que la tonique ou la dominante, et double si elle fait entendre les deux.
Les pédales sont bien entendu utilisables en majeur ou en mineur, brèves ou longues, pour faire entendre des cadences ou bien des accords sans lien fonctionnel.
Dans l’exemple suivant, on a ainsi une pédale simple sur Do qui se poursuit sur l’ensemble de la progression d’accords. Sur les deux premières mesures, on peut également considérer que l’on a une double pédale de la tonique et de la dominante, Do et Sol.
Mais alors vous me direz, en quoi la présence de cette note apporte-t-elle une quelconque stabilité ? D’autant qu’elle n’empêche nullement l’alternance entre dissonance et consonance. Alors ?
Eh bien il se trouve que la pédale apporte un ancrage dans une succession d’accords. Le maintien ou la répétition d’une même note permet d’asseoir le morceau, d’aplanir le mouvement entre dissonance et consonance ou encore de créer une attente. La stabilité de la pédale permet également d’accentuer encore la cohérence de certains enchaînements d’accords, ou bien d’en adoucir d’autres. Nous verrons que dans certains cas, l’emploi de la pédale permet également de sortir du cycle des quintes.
L’accord sus4
Cet accord est particulièrement à même d’illustrer le fonctionnement de la pédale. Il nous faut nous pencher un peu plus en détail sur lui.
L’accord de sus4 est un accord un peu spécial. Il s’agit en règle générale d’un accord de septième de dominante dont on a remplacé la tierce par la quarte. On dit alors que la quarte est « suspendue ». Or cette quarte suspendue confère un caractère totalement particulier à cet accord, notamment en lui faisant perdre le triton, ce qui le destitue de son statut d’accord de dominante. Qui plus est, l’exemple suivant montre que par l’introduction de cette fameuse quarte, l’accord de sus4 se trouve composé aux ¾ de notes issues de l’accord du IIe degré de la gamme, donc d’un accord de sous-dominante.
Toutefois, à la différence d’un accord de sous-dominante classique, l’accord de sus4 montre une tendance nettement inférieure à vouloir résoudre sur l’accord de dominante. Il est de ce fait généralement employé comme ici pour retarder l’arrivée de l’accord de dominante, voire de l’évincer carrément dans d’autres cas.