Certes, j’avais promis dans le dernier article que nous allions attaquer cette semaine la partie pratique de ce dossier. Il ne me semble toutefois pas inutile de vous proposer avant cela un petit récapitulatif rapide de l'ensemble des articles, histoire de vous remettre un peu tout en mémoire.
Les gammes
La grande majorité des morceaux de musique est constituée de notes. Le système dit tempéré que nous avons adopté en Occident contient un ensemble de douze notes répétées sur plusieurs octaves. Toutefois, il est très rare que toutes les notes soient employées dans un morceau de musique, et souvent on base la composition de ce dernier sur une sélection d’un certain nombre de notes parmi les douze, que l’on appelle alors des gammes. Le plus souvent, il s’agit de gammes de sept notes et qui se divisent en quatre grand types : majeure et mineure naturelles, harmoniques ou mélodiques. Ces types sont définis par les intervalles qui séparent les notes entre elles. L’intervalle le plus réduit sous nos latitudes est le demi-ton, autrement appelé « seconde mineure ». Viennent ensuite la seconde majeure, puis la tierce, la quarte, la quinte, etc. qui peuvent être majeure, mineure, juste, etc.
L’ordre des intervalles est toujours le même selon le type de gamme. Le respect de cet ordre implique l’utilisation d’altérations sur des notes spécifiques de la gamme concernée. C’est en partie grâce à la présence de ces altérations que l’on peut reconnaître la tonalité d’un morceau.
Les cadences, le système tonal et le cycle des quintes
Mais une tonalité se définit également par la présence de cadences spécifiques dans le morceau de musique qui nous intéresse. Une cadence est une « chute », un mouvement descendant d’une note vers une autre. La principale cadence est la « cadence parfaite », celle qui mène du cinquième degré d’une gamme vers le premier, et qui est souvent employée en musique classique et encore régulièrement dans les musiques actuelles pour clôturer un morceau. Ce mouvement cadentiel vise en général à résoudre une tension musicale. Ce concept de résolution de tension irrigue tout le système harmonique dit tonal. Les différentes tonalités de la musique occidentale se succèdent de quinte en quinte selon ce que l’on appelle… le cycle des quinte.
L’harmonisation et les accords
Pour accompagner une mélodie – pour réaliser son « harmonisation » ! – on emploie souvent des accords, c’est-à-dire des empilements de notes selon des tierces majeures ou mineures. Ces accords au départ composés de trois notes peuvent être renversés et/ou enrichis par des notes supplémentaires. L’emploi desdits accords se fait selon des règles précises, et n’importe quel accord ne peut s’employer à n’importe quel moment du morceau. C’est notamment important pour souligner les cadences dont nous avons parlé plus haut. Mais l’harmonisation se fait aussi en tenant compte du rythme du morceau (à ne pas confondre avec sa vitesse d’exécution!). On parle alors de rythme harmonique.
Si les accords ont une nature et un rôle bien définis, ils peuvent toutefois être remplacés par certains autres accords très proches harmoniquement. C’est ce que l’on appelle une substitution d’accords. Mais ces substitutions peuvent parfois mener à changer de tonalité dans le morceau, que cela soit temporaire ou permanent. On parle alors de modulation.
Les accords peuvent se suivre dans ce que l’on appelle des « progressions » d’accords. Certaines de ces progressions ont été employées de nombreuses fois et sont devenues ultra-célèbres, au point que certaines en ont même gagné la réputation de progressions « magiques ».
Les accords peuvent être modelés pour coller au mieux à la mélodie qu’ils doivent accompagner, quitte à être un peu « démantibulés » : on parle alors de voicings.
Le système modal
Mais les gammes majeures et mineures ne représentent pas les seules manières d’organiser les notes en Occident. Chaque note de chacune de ces gammes peut en effet être à l’origine d’une nouvelle structure. On ne parle alors plus de gammes et de système tonal, mais de modes et de système modal, dans lequel les notions de tension et de résolution n’ont plus cours. Mais ce n’est pas tout ! En divisant chaque gamme ou chaque mode en deux groupes de notes distincts – les tétracordes – et en recombinant ces groupes entre eux, ou encore en altérant certaines notes, on obtient de toutes nouvelles gammes : les gammes synthétiques.
Aux frontières de l’harmonie et au-delà
Les recherches pour pousser l’harmonie dans ses derniers retranchements mèneront notamment au dodécaphonisme de Schoenberg ou aux modes de Messiaen, afin de constituer une palette sonore encore plus riche. Mais certains musiciens ont considéré que cette palette n’était pas satisfaisante pour intégrer et transcender par la musique les sons nouveaux et rugueux de l’ère industrielle et de l’environnement mécanique. Ainsi, un certain nombre de compositeurs ont travaillé à dépasser l’harmonie et à mettre de plus en plus en valeur la matière brute du son. On parlera alors de bruitisme et de musique acousmatique, servant notamment de base à de nombreux modes d’expression actuels comme la musique électronique.
Voilà, maintenant c’est promis, juré, craché : la semaine prochaine commence la mise en pratique de ce que nous avons étudié ensemble durant ces quelques années !