S’il existe quantité de plug-ins pour gérer l’image stéréo d’un signal, peu peuvent se vanter de le faire de manière simple et transparente. Or, c’est bien le but que s’est fixé Leapwing audio avec cette seconde version de StageOne qui pourrait bien devenir un futur standard en la matière…
Parmi l’arsenal de traitements utilisés au mixage comme au mastering, les processeurs d’image stéréo font figure de mal-aimés auprès de pas mal d’ingés son ou de home studistes. Si tout un chacun admet l’intérêt de pouvoir élargir une image autrement qu’en jouant avec les panoramiques de piste, de pouvoir jouer avec cette dernière en fonction de la progression du morceau (il est courant d’élargir sur les refrains, par exemple), le fait est que l’usage de ces joujoux pose bien souvent des problèmes de déphasage du signal, compromettant la compatibilité mono de ce dernier. Or, celle-ci demeure primordiale pour la portabilité du mix : en marge des casques ou des systèmes hi-fi, quantité de systèmes de diffusion fonctionnent en effet en mono (HP de portable ou de tablette, enceintes bluetooth, système public adress, sono diverses et variées…).
Et sans même parler de diffusion mono, on soulignera à quel point l’usage inconsidéré des traitements stéréo peut souvent aboutir à une dégradation significative du mix : il n’est pas rare de voir des images stéréo complètement écartelées, dont la largeur se fait au détriment de l’énergie du morceau en raison d’un centre qui devient fantomatique.
Bref, vous trouverez plus d’un ingé son pour regarder les processeurs de stéréo avec méfiance, même s’il existe malgré tout quelques solutions qualitatives, misant notamment sur un encodage Mid/Side du signal plutôt que des astuces plus problématiques (l’effet Haas, utilisé par beaucoup d’élargisseurs stéréo, pose de vrais problèmes de phase en introduisant un micro delay du signal traité).
Parmi ces derniers, on citera notamment le fameur DrMS, référence du domaine mais dont les très nombreux réglages rendent l’usage du plug-in assez complexe. Autrement plus simple mais efficace et propre, on évoquera également le très intéressant module Imager livré avec la suite Ozone d’Izotope. Reste qu’à l’opposé du DrMs, on manquerait presque alors trop de contrôle sur le traitement, en dépit du côté multibande. On n’est pas faché en tout cas de voir Leapwing nous proposer sa version du processeur stéréo avec StageOne 2. En quelques années, l’éditeur s’est en effet forgé une solide réputation auprès des professionnels du mixage comme du mastering pour la qualité de ses plug-ins, et notamment de Bob Katz qui ne tarit pas d’éloge sur leur compresseur multibande.
Rapport de Stage
L’interface, comme toujours avec Leapwing, est un modèle du genre en termes de design comme d’ergonomie. Comprenez par là qu’on dispose non seulement des options de base utiles au quotidien (gestionnaire de preset, comparaison A/B, undo/redo, redimensionnement par cliqué/glissé), mais que la facture graphique de l’interface, avec ses couleurs bleues sombres, s’avère d’une grande clarté en termes de contrastes, de lisibilité et d’organisation.
Ceux qui connaissait la première version du plug-in ne seront pas dépaysés, bien que de nombreuses nouveautés soient à l’ordre du jour, à commencer par la possibilité de faire du traitement en multibande. La fenêtre se divise ainsi en trois bandes horizontales pour le bas, les médiums et les aigus, avec possibilité de jouer sur les deux fréquences de coupure qui définissent les trois bandes via deux sliders se trouvant au centre de l’interface, sur son visualiseur même. Pour chaque tranche, on trouvera les mêmes commandes.
WIdth détermine la largeur stéréo de la bande, en sachant que tout ce qui n’est pas au centre de l’image stéréo va être étiré de plus en plus vers les côtés à mesure qu’on pousse le réglage. En allant vers des réglages négatifs, on peut évidemment réduire l’image jusqu’au mono…
Un peu plus inattendu, Depth joue sur l’impression de profondeur en ajoutant des réflexions directionnelles au signal : une sorte de traitement empruntant au principe de la réverbe mais qui s’avère nettement plus discret et concourt à ce que l’élargissement du signal ne se traduise pas par une perte de substance…
Comme son nom l’indique, Phase Recovery identifie les microdécalages entre canal gauche et droit et réaligne tout ce petit monde pour éviter les problèmes de phase compromettant la compatibilité mono…
Mono Spread est à la base d’un traitement capable de stéréoiser un signal mono en garantissant toujours une complète compatibilité mono. Rien n’empêche toutefois de l’utiliser sur une source stéréo où il permettra d’élargir le centre fantôme du signal (faire probablement passer du « side » dans le « mid »).
Center Gravity n’est enfin ni plus ni moins qu’un panoramique qui permet de déplacer le centre de l’image stéréo vers la gauche ou la droite.
Tout cela disponible donc pour chacune des trois bandes et désactivable par section tandis qu’un visualiseur central permet de voir l’effet produit par StageOne. Et c’est sans doute sur ce dernier qu’on aura la plus grosse réserve, déjà parce qu’on aurait aimé disposer de plusieurs modes de visualisations, mais surtout parce que les couleurs choisies par Leapwing le rendent presque inutilisable. Sous forme de nuages de points, ce dernier reprend l’idée du Nebula de Flux : on voit la répartition stéréo en abscisse tandis que le spectre se déploie en hauteur. L’idée est bonne mais sur fond noir, le fait d’avoir mis le signal non traité en bleu indigo et le signal traité en turquoise clair a vite fait de créer une confusion visuelle. Même sans être daltonien, on peine en effet à voir quoi est quoi et cela est d’autant plus vrai qu’on ne peut pas paramétrer l’épaisseur des points comme le temps de réactivité de l’affichage.
Gageons que cela aurait été mieux avec deux couleurs bien tranchées sur le fond noir (bleu vif et rouge par exemple, ou jaune et pourpre), tandis qu’on aurait apprécié de pouvoir permuter avec des afficheurs plus classiques comme on en trouve dans Imager (un gyonomètre notamment).
XXL
L’important n’est toutefois pas là mais dans la qualité du traitement même, et sur ce coup, Leapwing ne trahit pas sa réputation d’excellence, d’abord parce que l’élargissement est efficient. Voyez cet exemple où la stéréo a été élargie de 30% sur l’ensemble du spectre. Outre les guitares sur les côtés, observez le déplacement du shaker à gauche :
- COMEinspi-Original00:17
- COMEinspi-Stage200:17
Évidemment, grâce au multibande, on peut ne pas toucher à ce qui se trouve sous les 200 Hz, et même l’étroitiser :
Essayons ensuite le paramètre Depth, avec un réglage bourrin à 100% pour bien comprendre son action :
On gagne certes en profondeur avec une sensation de pièce plus prononcée, mais cela se traduit en bazar aussi : tout est plus flou et les basses en profitent pour envahir le mix, ce qui nous fait en outre regretter que le plug-in ne soit pas doté d’une compensation de gain en sortie. Avec un réglage plus mesuré sur les médiums et les aigus, et en réduisant drastiquement l’effet sur la bande des graves, on retrouve une physionomie plus normale tout en jouissant de l’effet de profondeur :
Et encore suis-je là à un dosage trop exagéré pour un usage en mastering, mais qui sera plus pertinent en mixage. Écoutez cette batterie d’abord sans traitement, puis avec l’usage du paramètre Depth, puis enfin avec Depth et Width activés :
- StageOne2-DrumsDRY00:06
- StageOne2-DrumsJUSTDEPTH00:06
- StageOne2-DrumsDEPTHandWIDTH00:06
Plutôt convaincant, non ? Reste à parler de la compatibilité mono, en comparant des rendus mono avec ou sans l’élargissement de Stage One d’activé sur le master.
- COMEinspi-DRYmono00:08
- COMEinspi-STAGEONEmono00:08
- StageOne2-DrumsDRYmono00:06
- StageOne2-DrumsSTAGEONEmono00:06
Voyez qu’on retrouve ses petits…
Enfin, on appréciera l’à-propos du logiciel pour « stéréoïser » un signal mono, même si cela aboutit parfois à des petites bizarreries, comme la guitare qui change de pan d’une note à l’autre sur le mix ici :
- StageOne2-DrumsMONO00:06
- StageOne2-DrumsSTEREOIZE00:06
- COMEinspi-DRYmono00:08
- COMEinspi-STEREOIZE00:08
La mission de rendre le signal stéréo est toutefois accomplie, et toujours sans aucun problème de phase.
Bref, c’est ultra simple à régler et ça fonctionne sans mauvaise surprise, même en poussant les réglages, soit tout ce qu’on attend d’un outil pour faire de la musique… Un plug-in parfait ? Pas loin de l’être en tout cas dans l’ambition qu’il s’est fixé car en dehors de son visualiseur plus esthétique qu’utile, on ne lui reprochera pas grand chose. Disons qu’on n’aurait pas craché sur un système de compensation de gain en sortie du plug-in vu qu’en ajoutant de la matière, Stage One peut aussi booster le niveau, comme sur la possibilité de pouvoir écouter une des trois bandes en solo, ce que trois icônes permettraient de faire en vis-à-vis de chaque bande…
Conclusion
Leapwing a une nouvelle fois fait très fort avec ce StageOne2 qui s’avère extrêmement efficace. Doté d’une interface bien pensée qui offre une prise en main immédiate (on est loin de DrMS sur ce point), le plug ne souffre aucune critique sur le plan de la compatibilité mono, et va un peu plus loin que pas mal d’élargisseurs grâce à son paramètre Depth qui saura se rendre utile à l’occasion pour aller chercher le fameux effet 3D…
Bien évidemment, on peut trouver des outils moins chers dévolus à cette même tâche mais bon nombre d’entre eux n’offriront pas un traitement aussi transparent à l’heure du mastering, quand d’autres proposeront une profusion de réglages abscons au point de tourner à l’usine à gaz. Même s’il en fera reculer certains, on n’aura donc pas de grande réserve sur le prix de 249 euros de ce Stage One 2 en regard de son efficacité et on recommandera à tout un chacun d’aller télécharger la version d’évaluation pour se faire sa propre idée, sachant que le bougre n’est pas prêt de quitter mon répertoire VST…