Autrefois déconseillé, le mixage au casque est aujourd’hui monnaie courante, grâce notamment à des solutions permettant de simuler un rendu d’enceintes. Realphones est l’une d’entre elle, et pas la moins intéressante comme nous allons le voir.
Elle a vécu l’époque où l’on clamait qu’il ne faut jamais mixer au casque pour ne pas se retrouver avec un résultat bancale une fois écouté sur une paire d’enceintes. Pour des raisons logistiques (une bonne partie de la production audio s’est déportée des studios vers les home studios souvent mal ou pas traités acoustiquement), pécuniaires (un casque coûte autrement moins cher qu’une paire d’enceintes et un traitement acoustique) mais aussi générationnelles (aujourd’hui, le casque est devenu le premier système d’écoute, loin devant la vieille chaîne hi-fi de papa), nombreux sont en effet les musiciens à faire de la musique au casque, de la composition au mastering en passant par le mixage. Les usages évoluent donc, mais les défauts du casque n’en demeurent pas moins problématiques lorsqu’on ambitionne de réaliser un mix qui sonne bien sur n’importe quel type d’écoute. Entre une courbe de réponse en fréquences qui est loin d’être plate même sur les modèles audio pro et le fait que la restitution bi-aurale au lieu de binaurale biaise complètement la perception de l’espace stéréo, le casque est à bien des égards le meilleur ennemi du home studiste.
Fort heureusement, il existe des solutions pour amoindrir cette différence et rapprocher l’écoute au casque des sensations que l’on a avec des enceintes, comme le Realphones proposé par Dsonic qui nous occupe et dont la particularité est de proposer une simulation d’enceintes en plus d’une correction de la réponse en fréquence du casque, là où il faut le plus souvent cumuler deux plug-ins…
Un casque plus droit…
La solution semble complète donc, et l’on s’en rend compte dès l’installation puisqu’en plus du plug-in que vous pourrez utiliser dans votre STAN, Realphones se décline aussi sous la forme d’une interface virtuelle qui vous permettra de l’utiliser pour tout usage multimedia sur votre ordinateur. Une bonne initiative donc, d’autant plus intéressante pour ceux dont la STAN ne dispose pas d’une tranche de monitoring comme Cubase ou Studio One, et qui pourront bénéficier du traitement du plug-in à l’écoute sans pour autant avoir à désactiver ce dernier au moment de l’export du projet. Seul hic, l’installation du pillote Realphones a gentiment pris la place sur mon Mac du pilote Sonarworks…
Redimensionnable de 75 à 200 %, l’interface du logiciel fait la part belle aux graphismes vectoriels, sachant que l’aperçu du studio simulé donne lieu à une petite représentation photoréaliste du plus bel effet. Concentrant un assez grand nombre de fonctions, la fenêtre s’organise en 5 parties.
Au sommet, vous pouvez sélectionner votre modèle de casque et doser notamment la correction de sa courbe de rendu par le logiciel et encore adapter cette dernière via les paramètres Presence et Pressure. Notons-le : la correction de la courbe de réponse en fréquences se fait en fonction des caractéristiques moyennes pour chaque modèle et non comme chez Sonarworks sur le profil réel de votre casque que vous auriez préalablement fait mesurer. Pour compenser cette lacune, Dsonic a toutefois pensé à proposer un profil « Sonarworks » qui permet de déléguer la correction de courbe. Les utilisateurs de ce dernier pourront donc continuer d’utiliser la correction précise de leur casque en insérant le plug-in juste après Realphones sur le bus d’écoute ou le master. Voilà qui est très bien vu !
…dans une belle pièce…
Au-dessous se trouve tout ce qui concerne la simulation de pièce et d’écoutes à choisir parmi des écoutes de proximité, de semi-proximité ou des grosses écoutes murales dans un studio moscovite : on aurait certes aimé pouvoir disposer de plusieurs studios aux acoustiques différentes, mais tant que la pièce choisie sonne bien, on se dit qu’il n’y a pas de raisons de refuser ce séjour virtuel en Russie. Notez que vous pouvez doser l’ambiance de la pièce, basée sur une simulation binaurale, comme l’écartement des enceintes.
En dessous encore vous accédez aux modèles de moniteurs utilisés, sachant qu’un large choix s’offre à vous derrière des noms suffisamment explicites pour qu’on comprenne à quoi ils font référence : Yamaha NS10, Tannoy, Auratone. Là encore, vous pouvez doser l’impact de ce choix sur la courbe de réponse en fréquences, comme travailler la sensation de bas avec Density ou le rapport à la pièce avec Warmth.
S’en suivent un EQ trois bandes pour une ultime balance du spectre et une section de monitoring vous permettant d’écouter canal par canal (gauche/droite ou mid/side) d’activer des filtres coupe/bas, coupe-haut ou coupe-bande, de passer le tout en mono, d’inverser la phase ou les canaux : bref, tout ce qu’il faut pour scruter des détails de votre mix.
Et pour quelques fonctions de plus…
Finissons en précisant qu’un vu-mètre de sortie flanqué d’un limiteur débrayable vous attend sur la droite, tandis qu’au sommet de l’interface et à gauche se trouvent respectivement un gestionnaire de presets global, et un système de snapshots présentant des réglages pour différents contextes d’utilisation : mix, mastering, avec auratone ou gros système, etc.
Bref, il y a beaucoup de fonctionnalités et beaucoup de réglages sur cette interface, ce qui est sans doute une bonne chose pour adapter la simulation à son goût et ses besoins, mais peut aussi perdre l’utilisateur à l’heure du tweaking. L’interdépendance des différents paramètres fait qu’on perdra sans doute moins de temps à prendre ses habitudes dans le son d’un preset qu’à vouloir faire le sien. Soulignons aussi que quelques bugs sont à déplorer du côté du gestionnaire de presets et de snapshots.
Reste à voir ce que tout cela donne à l’usage.
Et donc ?
Sur ce point, Realphones est une bonne surprise. Inséré sur le bus de monitoring de Studio One, il modifie drastiquement le rendu du casque (ici un DT880) en atténuant ses aigus pour remonter le grave, et recentre efficacement l’image stéréo, avec une vraie sensation de distance qui imite de façon crédible l’écoute sur une paire d’enceintes. Sur le DT880, j’avoue avoir toutefois atténué un peu le bas pour retrouver mes repères, n’ayant jamais eu l’habitude de mixer avec un caisson de grave. Tous les paramètres s’avèrent efficaces et pèsent sur le rendu : il m’a vite semblé toutefois que certains d’entre eux étaient à manipuler avec parcimonie, voire qu’il valait mieux ne pas y toucher : l’écartement des enceintes notamment, dont la valeur par défaut m’a semblé finalement la plus convaincante. J’avoue ne pas avoir été pleinement convaincu non plus par l’usage conjoint avec Sonarworks, non que cela ne fonctionne pas, mais que la correction par défaut du DT880 me semblait offrir un résultat plus naturel à la fin, avec lequel il ne m’a pas fallu grand temps pour prendre mes habitudes. Souvent déçu par des produits concurrents, je dois reconnaître en effet que c’est la première fois qu’il me semble tenir une solution exploitable immédiatement dont le côté tout-en-un ne gâche rien. Ultime critique : on fera bien attention à ne pas se laisser abuser par le limiteur intégré qui n’est pas un modèle de transparence : sur un passage avec un saut de volume conséquent dans un projet, j’ai mis un temps à comprendre d’où venait un effet de pompage très prononcé avant de m’apercevoir que c’était le limiteur de Realphones qui faisait des siennes. Or, il est impossible de régler les paramètres de ce dernier qui ne peut-être qu’activé ou désactivé.
Parlons enfin du prix sachant que le plug-in est proposé en trois versions qui ont toutes les mêmes fonctionnalités mais qui différent dans le nombre de profils de casques qu’elles pourront gérer. Avec la version Lite à 69 euros, vous ne disposerez que d’une correction générique de votre casque. Avec la version Professional à 99 euros, vous pourrez utiliser jusqu’à 3 profils de modèles précis, sachant que la base de l’éditeur est relativement bien fournie (environ 90 modèles à l’heure où sont écrite ces lignes). Avec la formule Ultimate à 179 euros enfin, vous disposez d’autant de profils que vous le souhaitez, en sachant qu’à part des studios d’enregistrement devant s’adapter aux demandes de leurs clients, les home studistes utilisant plus de trois casques différents doivent être assez peu nombreux.
L’offre médiane sera donc la plus satisfaisante, et son prix n’a rien de scandaleux en regard de la solution nous est proposée.
Conclusion
Même si Realphones n’est pas exempt de petits bugs et s’il se limite à la simulation de l’acoustique d’un unique studio quand on aurait aimé disposer de plusieurs environnements, force est de constater qu’il propose un tout-en-un extrêmement convaincant à l’usage. En espérant que tous les concurrents présents sur ce marché du plug-in pour casque s’en inspireront, on apprécie en effet de ne pas avoir à gérer un plug-in pour la correction et un plug-in pour la simulation d’enceintes, tandis que les sensations d’écoutes sont tout à fait crédibles. N’hésitez donc pas à vous faire votre propre opinion en téléchargeant la version d’essai…