La musique est universelle, et même les Néo-Zélandais, qui ont pourtant la tête à l’envers, pratiquent cet art. Et ils font même des pédales pour guitare, ce qui peut amuser les Chinois (car Mao rit), mais surtout nous intéresser, chez AudioFanzine. Focus sur quatre modèles analogiques…
Pendant que les moutons prolifèrent dans les grandes plaines vertes et chatoyantes de la campagne néo-zélandaise, une petite compagnie, basée sur la côte est de l’ile du nord, s’évertue à construire et commercialiser des pédales de guitare entièrement analogiques. Pourquoi ? Nous ne savons pas. Peut-être par amour de la six cordes, ou par détestation des animaux à poil laineux, du rugby à XV ou du netball, sport féminin s’apparentant au basketball. Quoi qu’il en soit, ce sont leurs pédales qui ont traversé la moitié de la terre pour se retrouver sur le bureau de votre serviteur, qui, après avoir exécuté un haka de circonstance, empoigna son cutter et ouvrit ce carton, qui, croyez-le ou non, est arrivé à l’endroit.
All Beiges
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Néo-Zélandais ne rigolent pas avec le contenant. Dans chaque petit carton, nous retrouvons le précieux beige, mais aussi une jolie sacoche en jean qui protégera le boîtier de la poussière ou des coups lors du transport. Une fois l’une des pédales en main, nous ressentons immédiatement un sentiment de robustesse, grâce au poids certain de l’objet et à sa carrosserie métallique. Pour l’entretien, nous ne recommandons d’ailleurs l’utilisation d’une peau de Samoa, mais en aucun cas une peau de Maori, car c’est moins drôle. Les potentiomètres, connecteurs et switchs respirent eux aussi la qualité, et la sérigraphie, bien qu’énigmatique, reste lisible et propre. On a beau chercher, rien à redire de ce côté-là, c’est un sans faute !
Tel James Cook cartographiant l’ile aux moutons, nous allons donc nous pencher précisément sur chacun des modèles mis à disposition, en commençant par une fuzz dont la dorure n’a d’égale que sa divinité patronymique…
Oh my (Fuzz) God !
Nous sommes d’ailleurs persuadés que grâce à ces enluminures fièrement gravées sur son boîtier, la Fuzz God II aurait reçu le prix du Samoa d’or 2010, s’il avait existé. Mais comme ce n’est pas le cas, le jeu de mots, en plus d’être minable, est inutile. Pas de quoi en faire un fromage, donc.
Il est temps de faire un tour du propriétaire et d’observer la connectique évidente (une entrée, une sortie), et le panneau de réglages composé d’une série de 4 potards, deux switchs et deux footswitchs. On retrouve à l’extrême gauche le potard de volume qui contrôle le volume de sortie, mais pas seulement. En effet, sur les derniers 20% de sa course, il enclenche un treble boost histoire de rendre l’effet plus agressif. Un autre potard dénommé Fuzz permettra de contrôler la saturation, allant du léger craquement au rouleau compresseur. Le réglage wrath (colère en français) ne sera effectif qu’une fois le footswitch en bas à droite actionné (celui avec les petits éclairs, l’autre engagera le true bypass), et donnera la possibilité de rendre le son encore plus chaotique et de faire littéralement hurler la guitare. Il est à noter que ce potard interagit avec les réglages de fuzz et de sputter. Avec un réglage un peu poussé, on pourra obtenir un sustain très long, et des harmoniques intéressantes dans le bas du spectre. Le potentiomètre dénommé sputter (piétiner en français), permettra de, au choix, déchiqueter le son ou le rendre plus lisse. À vous de trouver la position qui vous convient le mieux, et comme les réglages sont interdépendants, il va falloir tâtonner ! Enfin, les deux petits switchs situés au-dessus des potards seront présents pour doubler le gain (!) et engager un boost des hautes fréquences. Question pratique, sachez qu’une diode vous indiquera la mise sous tension de l’engin, et que la pédale pourra être alimentée par une pile 9V ou un adaptateur secteur classique, type Boss.
D’une manière générale, nous avons été séduits par le son de la bête, et ses réglages permettent d’avoir une palette assez large, allant du son lisse et crémeux au plus rageur et rugueux. Certains potards agissant directement sur le bias, feront craquer le son lorsqu’ils seront tournés, pas de panique : c’est normal ! Il est d’ailleurs possible d’ouvrir la pédale afin de régler le bias général des transistors, afin d’avoir un son encore plus lisse. Nous avons adoré le mode lightning qui permet avec le potard wrath de créer des sons vraiment intéressants, entre le gros larsen qui tâche et le theremin grâce à un oscillateur. Les guitaristes/bruitistes seront forcément aux anges ! Le potard sputter agira un peu comme un gate grossier et donne la sensation de décomposer et de hacher le son de la guitare, cool ! Seul le switch de boost de fréquences aiguës ne nous a pas vraiment convaincus, car à vrai dire, nous n’avons pas vraiment entendu la différence… À vous de vous faire votre propre opinion grâce aux exemples audio suivants :
- Son
- Qualité de fabrication
- Mode lightning
- Réglages sputter et wrath
- Boost des hautes fréquences pas flagrant
Le seigneur des trémolos
On continue la visite avec le Pentavocal Tremolo, qui comme son nom l’indique, est une pédale de trémolo. Le look est le même que pour la pédale précédente, seule la couleur de la sérigraphie change, verte ici. Nous retrouvons deux footswitchs, quatre potards et un sélecteur quatre positions. Le footswitch de droite permet d’activer l’effet tandis que celui de gauche permet de passer d’un effet doux (sinusoïde) à un effet plus dur (onde carrée).
Le potard velocity sera utilisé pour faire varier la vitesse de l’effet, depth vous donnera la possibilité de régler la profondeur du traitement (les atténuations de volume seront plus ou moins grandes), le potard volume permettra de rehausser ou diminuer le niveau de sortie de la pédale, pratique pour palier la sensation de perte de volume souvent occasionnée par l’utilisation du trémolo. Enfin, un potentiomètre dénommé bottom donne à la pédale la possibilité de se démarquer de la concurrence. En effet, ce réglage permettra d’appliquer un filtre coupe-bas ou passe-bas proportionnellement à la décroissance du volume. En gros, si vous le tournez vers la gauche, un coupe-bas se mettra progressivement en place lorsque le volume chutera, tournez vers la droite, ce sera un filtre passe-bas. À midi, toutes les fréquences sont logées à la même enseigne. Sur les exemples audio ci-dessous, on s’aperçoit que le caractère de l’effet change radicalement lorsque l’on triture ce bouton, une très bonne chose !
Enfin, on termine avec le sélectionneur rotatif 4 positions, permettant de choisir parmi 4 voicings, qui ont chacun leur caractère sonore, du plus brillant au plus sombre. Comme on l’entend dans l’exemple audio, les différents voicings ont vraiment un son très distinct… Comme quoi un trémolo ne fait pas que diminuer cycliquement le volume ! Seul bémol, on aurait aimé un tap tempo, mais c’est la loi du tout analogique ! Enfin sachez que comme Fuzz God II, la pédale peut-être alimentée par une pile de 9 V ou un adaptateur secteur.
- Son
- Qualité de fabrication
- Les différents voicings
- Le contrôle bottom
- 100% analo, donc pas de tap tempo
Aptéryx et périls
La troisième pédale à passer sur le grill est la Titan, qui est un triple délai analogique de 800 ms. Le concept est simple : c’est comme si vous possédiez trois pédales de délai indépendantes, et que vous pouviez les chaîner en série ou parallèle. Un switch situé à droite permettra de passer d’un mode à l’autre et le comportement de la pédale s’en trouvera totalement changé. Soit le signal entrant alimente les trois délais en même temps, soit il alimente le premier, qui alimente le deuxième pour enfin alimenter à son tour le troisième. Le niveau en mode série sera plus élevé, car les étages de gain s’additionnent. Autrement, les réglages sont très simples (mais les boutons petits, gare aux gros doigts !) : vous disposez d’un potard delay pour affiner le temps de délai jusqu’à 800 ms, un potard feedback pour gérer le nombre de répétitions, et enfin un potard mix pour gérer la balance entre le son sec et l’effet. Du très classique, donc. Mais là où se démarque la pédale, c’est dans la présence d’une boucle d’effet permettant de brancher n’importe quelle pédale, une fuzz, un chorus, enfin bref, tout ce qui vous passe par la tête… ou sous le pied !
La seule chose que l’on peut regretter c’est le fait que cette boucle d’effet n’affecte que le troisième délai (celui situé tout à droite), on aurait aimé qu’elle agisse sur les trois… Et on ne comprend d’ailleurs pas cette limitation, aussi bien techniquement qu’artistiquement. Dernière chose : la pédale ne fonctionne pas sur pile, mais uniquement avec un adaptateur secteur classique.
Côté son, nous avons vraiment aimé cette pédale, qui permet au choix d’instaurer des ambiances psyché ou de créer des séquences rythmiques intéressantes. Le fait de pouvoir switcher entre le mode série et parallèle décuple les possibilités, il en va de même pour la boucle d’effet pour peu que vous possédiez une petite collection de pédales d’effets en tout genre. On s’amuse à essayer tout et n’importe quoi, on tombe sur des résultats parfois inédits. Les tweakers et explorateurs sonores seront forcément ravis !
- Qualité de fabrication
- Son
- Mode série ou parallèle
- Boucle d’effet…
- …qui n’affecte que le troisième délai
- Potards trop petits
- Uniquement sur bloc secteur
- 100% analo, donc pas de tap tempo
Celle kiwi quand on l’appuie
On termine par la Medusa, qui combine deux effets dans une seule pédale. En effet, cette pédale, qui revient après 5 années d’absence et un long plébiscite des guitaristes, permet à la fois d’enclencher un trémolo et un chorus, simultanément ou séparément. En fait, peu de personnes ont pu vraiment mettre la main sur la première version sortie en 2004, car elle n’a été fabriquée qu’à 74 exemplaires. Mais peu importe, car les petits gars de chez Red Witch ont décidé de ressortir les plans jaunis et de commercialiser une version légèrement améliorée… Tant mieux !
La pédale propose pas moins de 6 potards afin de régler le chorus et le trémolo. Il est d’ailleurs à noter que les deux effets seront parfaitement synchronisés lorsqu’ils seront activés simultanément. Côté connectique, la pédale dispose d’une entrée, d’un connecteur pour insérer une pédale d’expression et de deux sorties jack 6,35 mm pour pouvoir sortir en stéréo. Les exemples audio confectionnés avec amour par votre serviteur sont en mono, car nous n’avons qu’un seul ampli à disposition. Il est à noter que le mode stéréo ne fonctionne que lorsque le chorus est activé, le trémolo restera mono quoiqu’il arrive. En mode stéréo, le son de l’effet sortira sur la première sortie, tandis que le son sec sortira sur la deuxième. L’effet Chorus n’est donc pas vraiment stéréo, le nom est un peu usurpé. En revanche, ce mode permet de faire des choses intéressantes lorsque vous disposez d’un certain nombre de pédales.
À l’extrême gauche se situe le potard blend, qui permettra de régler le mélange entre le son sec et le chorus, le sélectionneur rotatif trois positions guise servira à choisir entre les modes Tremolo, Chorus ou Tremolo/Chorus, et le potard bathos, qui sera utile pour affiner la profondeur de l’effet chorus. Sur la partie droite de la pédale, nous retrouvons le réglage dénommé iridescence, pour adopter un chorus subtil et propre ou un effet plus lo-fi et vaseux. Évidemment tous les intermédiaires sont envisageables… Le potentiomètre magnitude servira à régler la profondeur du trémolo, et enfin, le potard velocity la vitesse des deux effets (chorus et trémolo pour ceux qui ne suivent vraiment pas). Enfin, sachez que la pédale pourra fonctionner sur pile 9V ou bloc secteur et qu’un réglage est disponible à l’intérieur pour activer un clean boost, intéressant.
Nous avons été séduits par le son du chorus, dont l’éventail est assez large grâce au potentiomètre iridescence et le fait de le coupler et de le synchroniser au trémolo est vraiment intéressant. Nous avons fait des exemples sonores afin de vous faire écouter l’action des différents réglages sur le son : on remarque que le réglage iridescence peut faire apparaître du souffle en bout de course et que le potard magnitude fait grandement baisser le volume général. On regrettera donc l’absence d’un potard de volume comme sur la Pentavocal Tremolo…
- Le son
- Qualité de fabrication
- Réglage iridescence pour le chorus
- et magnitude pour le trémolo
- Les deux effets simultanés et synchros
- Du souffle parfois
- Pas de potard de volume
- 100% analo, donc pas de tap tempo
C’était koru d’avance
Avec des prix allant de 180€ environ (Fuzz God II et Pentavocal Trem) à 250€ et 280€ environ (respectivement la Medusa et la Titan), les pédales sont définitivement haut de gamme avec une construction sans faille et un son à la hauteur de leurs ambitions. Elles se destinent aux amateurs de son analogique, qui veulent un peu plus que ce qu’on leur propose d’habitude. La Titan permet d’avoir des résultats très intéressants malgré ses limitations, la Medusa est originale et sonne très bien, même si elle n’est pas exempte de défaut, la Fuzz God II est sans doute notre préférée, car moins chère et offrant des sonorités et des fonctionnalités intéressantes. La Pentavocal Trem est aussi une pédale de trémolo très intéressante qui sait se démarquer grâce à ses différents voicings et son contrôle bottom.