L’avènement du tout virtuel a provoqué des attentes chez les utilisateurs, qu’elles soient légitimes ou non. Ces attentes sont simples (sur le papier...) : toujours plus de réalisme, toujours plus d’expressivité, toujours plus de facilité de mise en œuvre et d’utilisation et la réponse au jeu en temps réel, sans passer par des interfaces de programmation. Nouvel éditeur (mais pas nouveau venu...), SampleModeling présente son premier produit, simplement nommé The Trumpet. Revue de détail.
L’avènement du tout virtuel a provoqué des attentes chez les utilisateurs, qu’elles soient légitimes ou non. Ces attentes sont simples (sur le papier…) : toujours plus de réalisme, toujours plus d’expressivité, toujours plus de facilité de mise en œuvre et d’utilisation et la réponse au jeu en temps réel, sans passer par des interfaces de programmation. Nouvel éditeur (mais pas nouveau venu…), SampleModeling présente son premier produit, simplement nommé The Trumpet. Revue de détail.
Présentation
The Trumpet est vendu sur le site de l’éditeur par téléchargement (l’achat d’un Backup CD est possible), le paquet zippé pèse à peu près 333 Mo et installera un Kontakt Player version 2 (2.2.4.001) ainsi que la banque de samples (à peu près 260 Mo) à l’emplacement de son choix. Le programme est compatible PC (Win XP) et Mac (OS 10.4.9 et au-dessus), et propose une version standalone et AU, VST et RTAS. Une documentation complète est fournie, en anglais seulement. Dommage, car elle contient des explications bienvenues quant aux techniques de jeu du trompettiste… L’éditeur fournit des programmes pour Kontakt 2 et 3, mais recommande d’utiliser le player, ce dernier étant moins gourmand que les versions sampler en consommation CPU. À savoir, il est plus intéressant d’ouvrir plusieurs players ou samplers, plutôt que de charger un seul avec 4 ou 5 trompettes. Sur ma configuration tout du moins…
On dispose d’une Main Trumpet, d’un Cornet, d’un Flugelhorn, d’une Piccolo Trumpet, d’une German Trumpet et de deux Trumpet supplémentaires (2 et 3…), afin de pouvoir créer des sections sans effet de phase, d’annulation de fréquences, etc. Tout ça dans 237 Mo de contenu. Les échantillons sont chromatiques, en 24 bits mono, sans boucle (durée 10 secondes minimum), il doit y avoir un truc. Ou plusieurs… La clé est un ensemble de technologies propriétaires, telles l’Harmonic Alignment, une interpolation dynamique 32 bits, une modélisation baptisée Adaptive Model, des principes de convolution avec résonances modales, bref, un véritable arsenal technologique complété des possibilités de scripts offertes depuis Kontakt 2.
Si la notion d’Harmonic Alignment ne vous est pas inconnue, peut-être est-ce parce que vous avez en votre possession le Stradivari Solo ou le Gofriller Solo de Garritan. L’homme derrière tout ça (secondé à l’époque par Stefano Lucato) est Giorgio Tommasini, un médecin au parcours singulier. On regrettera d’autant plus que Garritan ait cessé la vente de ces deux instruments, rares dans leur catégorie à offrir autant d’expressivité et de réalisme. Pour The Trumpet, Tommasini s’est associé à un nom connu des utilisateurs de banques de samples, Peter Siedlaczek, auteur d’Advanced Orchestra, Strings Essential, etc.
Concernant les technologies en œuvre ainsi que l’utilisation d’échantillons, on trouvera de plus amples renseignements sur le site de l’éditeur, et cette petite explication signée de Peter Siedlaczek lui-même : 'On ne peut parler de samples au sens habituel du terme. Les échantillons utilisés ont été décortiqués pour ne garder que le 'son-à-l’embouchure’. Tous les instruments ont été échantillonnés pour obtenir l’empreinte de la résonance due à leur conception physique. Le traitement des premiers sons ('son-à-l’embouchure’) avec ces empreintes permet une reconstruction réaliste des sons de chaque instrument.'
Quant aux Kontakt scripts, très importants, ils sont signés Nils Liberg, Josef Natterer et Tommasini lui-même, le premier étant l’auteur des fabuleux scripts des Bass de Scarbee, et d’une palanquée d’autres réjouissances pour Kontakt (voir son site).
Principes et KeySwitches
Le Controller #11 est indispensable au bon fonctionnement du plug (qui ne sera disponible qu’une fois le contrôleur reconnu), mais peut être remappé vers un autre contrôleur grâce à une page dédiée, idéalement un contrôleur à vent, à défaut une molette ou un fader. Le test a été réalisé avec soit une pédale d’expression (le contrôleur 11 d’origine), soit un Yamaha BC3. C’est grâce à ce paramètre que l’on va contrôler la majeure partie de la dynamique, la force de frappe rentrant aussi en ligne de compte.
Le but de The Trumpet, tout comme celui des précédentes réalisations de Tommasini, est de privilégier le jeu en direct, la gestion de la dynamique étant prise en charge par les éléments déjà signalés, les articulations et techniques de jeu étant contrôlables directement par raccourcis clavier (de C1 à D2) ou contrôleurs Midi. Première évidence, l’instrument est monophonique, et l’éditeur a implémenté un legato par défaut qui restitue un glissando, dont l’effet dépend de la vélocité avec laquelle on attaque les notes ! Ce n’est pas l’une des moindres réussites de l’instrument : voici en mode portamento normal (jeu avec recouvrement des notes), une transition rapide et une lente.
Côté raccourcis (KeySwitches, KS), on en distingue trois types : avant et pendant l’enfoncement d’une note, puis tout juste avant de relâcher la note. Dans les premiers on trouve Accent, Cresc, Up PB (la note part légèrement d’en dessous), Legato>Detached (qui permet d’obtenir un jeu staccato, même si l’on joue ou si l’on a joué Legato), et Semi-Legato (la même chose avec un résultat entre staccato et legato). Wah-Wah reproduit l’effet du même nom, le contrôleur 11 (ou celui utilisé à sa place) pilotant alors l’ouverture.
Split-Portamento sera utilisé en conjonction avec d’autres touches pour produire différentes sortes de Falls, chromatique, chromatique longue et Half-Valve (demi-piston), ainsi que différents Portamento, basés sur l’harmonie au lieu d’un simple glissando : ainsi le chromatique, le semi-chromatique, le demi-piston, l’arabic scale (la double harmonique…), le pentatonique, et le mixed mode half-valve split portamento (ouf !). Rappelons que ces effets varient en fonction de la vélocité à laquelle les notes sont jouées.
Ensuite on trouve les KS utilisés pendant que la note est tenue : Decresc. pour descrescendo, Down PB, Vibr-End 1 et Vibr-End 2, puis Short Fall. On termine avec les KeySwitches déclenchés juste avant le relâchement : le phrasé normal, avec Release Down PB, Short Rel et End Vibr. Release.
La plupart des KS sont utilisables simultanément, à l’exception de la Wah-wah qui ne peut être utilisée en même temps que les Split-Portamento.
Contrôleurs à gogo
Attention appréciable de l’éditeur, on peut calibrer The Trumpet de manière à ce qu’il réagisse le plus fidèlement possible au clavier maître utilisé. Une page Vel. Curve est dédiée à cette action. On clique sur Mapping, puis Calibration, ensuite on joue une note en essayant de couvrir la totalité de la plage de la vélocité de son clavier. Les différentes informations s’ajouteront dans l’écran du bas, et au bout d’un moment, aucune nouvelle barre ne sera ajoutée, il suffit alors de désactiver Calibration, et le tour est joué. La courbe obtenue peut cependant être retouchée à la souris si nécessaire.
Outre le contrôleur 11, The Trumpet prend en compte 8 autres contrôleurs continus dans une page dédiée. Il s’agit des contrôleurs 19 à 27 (sans le 24), qui agiront respectivement et dans l’ordre sur la vitesse du vibrato (19), la profondeur de modulation de la hauteur (20), le flutter continu (tremblement rapide, 21), celui des transitions (22), le frullato (flutter-tongue, 23), la dynamique liée à la vélocité qui permet sur une même position d’expression d’attaquer plus ou moins les notes (25), la durée de la modulation de hauteur (26) et la durée du release (27). On y rajoutera les deux contrôleurs de volume et Pan, à activer dans la fenêtre dédiée.
La molette de modulation quant à elle contrôle le vibrato (jusqu’à 96) puis passe au-dessus de cette valeur en shake, effet typique de la trompette, ici sur un ton. On contrôle la vitesse des deux effets avec le paramètre CC19. On peut ainsi produire des vibratos progressifs, sans sensation artificielle comme sur ce phrasé de Flugelhorn, ou des shake qui feront très bon effet sur des sections de trompette dans une simulation de big band. Les trilles et ornements sont parfaitement rendus, de façon très simple, directement en les jouant.
On termine avec les Mutes proposées par l’éditeur, soit cinq modèles différents, dont on trouvera, heureux hasard, une description complète (ainsi que les conventions de notation sur partition) à cette adresse, en anglais seulement, certes, mais avec des photos… Voici un phrasé normal, avec Bucket, Cup, Straight, Harmon et Harmon+Stem.
En conclusion
Il n’y a pas à dire, ça sonne. Dès qu’on charge la Main Trumpet, que l’on s’est habitué à gérer la dynamique avec le contrôleur choisi (le BC3 est parfait) et à manipuler les KeySwitches, les phrasés coulent naturellement. Certaines vélocités hautes paraissent un rien exagérées, mais les modélisations ont été effectuées d’après un échantillonnage en chambre anéchoïque, ce qui explique certainement que l’on entende toutes les fréquences et non pas certaines atténuées, d’autres boostées, etc. Bref, peut-être les éditeurs ont-ils travaillé sur un matériau qu’un auditeur ou un musicien n’entend que rarement, le timbre pur d’un instrument acoustique.
L’instrument en lui-même est une véritable réussite, répondant parfaitement à son cahier des charges : réalisme, jouabilité, simplicité. On aurait pu se contenter d’une seule trompette, le prix étant assez bas, mais ne boudons pas les instruments supplémentaires, même s’ils restent en dessous de la Main Trumpet. Je regrette particulièrement que l’on n’ait pas un beau bugle à la Kenny Wheeler… Il arrive aussi parfois que le son continue très faiblement (proche d’une sinusoïde), bien que le contrôleur 11 soit à zéro. Ce que j’ai au départ pris pour un bug est en fait une volonté délibérée de la part de l’éditeur, censée être la « lowest available dynamics ». Malgré tout, je trouve cette fonction peu réussie et c’est bien l’un des rares reproches que j’aurai à faire au logiciel. On apprécie aussi la possibilité d’user et abuser des effets, notamment de la réverbe à convolution aux exigences en CPU raisonnables. Heureusement, car The Trumpet est en lui-même très gourmand, et mon G5 bipro 2 GHz a souvent été à la limite de ses ressources.
Pour son premier produit, l’association Tommasini/Siedlaczek fait très fort, et l’on attend avec impatience la suite, quelle qu’elle soit. Il y avait déjà des solutions pour réaliser des parties de trompette réalistes, mais c’était au prix d’heures de programmation, avec parfois un résultat décevant par rapport au temps passé. Avec The Trumpet, passée la phase d’apprentissage, on passe son temps à jouer et on ne travaille qu’en retouches, et non pas en programmant.
Le mélange samples et modélisation permet de parvenir à un résultat assez incroyable de fidélité, les nombreuses démos sur le site de l’éditeur en attestent. On est assurément en train de vivre une minirévolution, rappelant celle qu’apporta en son temps le D-50, avec son utilisation, très similaire dans l’esprit, d’attaques échantillonnées et de ‘corps’ synthétisés. Un grand pas en avant, indéniablement, très prometteur quant à l’avenir des instruments virtuels simulant le réel.