Après avoir longtemps fait dans le rouge, Line 6 se met au Bluetooth avec la nouvelle série AMPLIFI, combinant enceinte Multimédia et combo à modélisation.
Depuis le tout premier POD, un des pionniers de la modélisation d’amplis pour guitare qui sonnait, à l’époque de sa sortie, comme une petite révolution, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. De nombreuses marques ont sillonné le chemin ouvert et perfectionné par Line 6 et nous ont proposé, sous forme de combos, de stacks, de plug-ins ou de multi-effets, toute une variété de produits inspirés du haricot rouge. À vrai dire sa dernière mouture, le POD HD500X (dont nous avons publié le test cet été), ne présentait pas de réelles nouveautés et nous avait, malgré ses qualités, un peu laissés sur notre faim. Certains aficionados de la firme américaine ont dès lors commencé à s’impatienter et même à s’inquiéter de la voir doucement perdre son statut de leader précurseur au profit de marques plus innovantes. Qu’ils se rassurent, Line 6 se rebiffe et présente aujourd’hui au NAMM son dernier bébé, le combo guitare à modélisation AMPLIFi 150, qui risque de faire couler beaucoup d’encre, à commencer par la mienne.
PLASTIFi
À première vue, l’AMPLIFI à l’aspect rectangulaire classique du combo. Enfin classique…on peine à distinguer la galette derrière le tolex rouge et noir protégé par une imposante grille en plastique. Et c’est bien normal puisqu’il n’y a pas un, mais cinq H.P : deux woofers pour les fréquences médiums et deux tweeters pour les fréquences aiguës disposés autour d’un Celestion de 12 pouces. Hm…une sorte de système 2.1 dans un combo? Mais alors…cela voudrait-il dire qu’on pourrait s’en servir comme une enceinte pour nos appareils audio? Carrément! Et c’est là la première grosse originalité de l’AMPLIFi (d’où la « faute » d’orthographe, AmpliFi…Hi-Fi…vous suivez?) : il amplifiera non seulement notre guitare, mais aussi ces soirées déglingues où l’on vomit partout et au lendemain desquelles il nous faut demander honteusement pardon par SMS pour avoir lâché maladroitement à un pote un « ta copine c’est un gros boudin » alors qu’on voulait dire qu’elle est rigolote et sympa, et même qu’elle est charmante finalement… à sa manière.
Certains contesteront que d’autres combos proposaient déjà d’amplifier des appareils audio en passant par une prise Aux In. Si c’est aussi le cas ici, à l’arrière de l’ampli, nous leur rétorquerons que les autres n’embarquent pas d’enceintes spécialement élaborées pour cette utilisation ni de système BLUETOOTH (dont le logo est dessiné sur un petit bouton situé sur la gauche de la face haute) compatible avec Mac, PC ainsi qu’une pléthore d’appareils fonctionnant sous Android ou iOS. Sans câble, la fête est plus folle et l’on pourrait comparer notre combo à une Jambox géante qu’on aurait presque pu poser sur notre bibliothèque si son poids (pas énorme, mais quand même) et sa taille ne nous en dissuadaient pas. À moins d’avoir des échafaudages dans notre salon, mieux vaut ne pas tenter le diable. Aux fans de Jackass qui aimeraient quand même essayer, nous souhaiterons bien du courage car il n’y a pas de poignée pour le soulever. À la limite, il y a un petit renfoncement avec une barre en plastique au-dessus qui nous permettra de l’attraper par le haut, mais c’est bien inconfortable.
Comme pour Zahia, je lui reprocherai une esthétique un peu trop « plastique ». Le panneau de commande et ses potards, de gauche à droite, DRIVE (pour le taux de saturation), l’égalisation classique BASS/MID/TREBLE, FX pour le niveau des effets, REVERB et surtout le gros master volume, paraissent fragiles. Son aspect général reste sobre quoiqu’un peu tristounet (contrairement à Zahia pour le coup), la face haute étant beaucoup moins chargée qu’un ampli à modélisation traditionnel.
L’entrée jack se trouve à la gauche des potards alors qu’à leur droite, un peu plus haut, se situent 4 leds désignées A,B,C, D représentant chacune un son. Juste à côté, deux boutons, TONE qui permet de sélectionner l’un des quatre présets et TAP qui, comme son nom l’indique, fait office de tap tempo pour les effets.
Derrière, de gauche à droite, une prise casque, la prise AUX IN stéréo mentionnée précédemment, une prise pour pédale FBV (vendue séparément, grrr) afin de contrôler les présets aux pieds, et une prise USB (« pour une utilisation future » d’après le guide de pilotage…Mystère…). En dessous nous trouverons la prise pour le câble d’alimentation et le bouton POWER pour allumer notre AMPLIFi. Il est temps d’appuyer dessus et vérifier comment tout cela fonctionne.
SIMPLIFi
Ici, le Bluetooth ne sert pas seulement à envoyer de la musique dans les enceintes de l’AMPLIFi. Il nous permet surtout de le contrôler avec notre iDevice (pour être précis: iPod touch 5ème génération, iPhone5, 4 et 4s, iPad 3ème et 4ème génération, iPad2 et iPad mini) grâce à une application spécialement conçue pour lui. Bien sûr, l’ampli sera utilisable en standalone. Mais le contrôler depuis notre portable ou notre tablette nous simplifiera grandement la vie.
Prenons un exemple: lorsque l’on appuie longtemps sur le bouton TAP, nous avons accès à l’accordeur (qui mute automatiquement le son). Celui-ci est représenté par des LEDS en anneau qui encerclent le gros bouton de volume. Quand on pince une corde, des leds s’allument en rouge côté gauche si la note est trop grave et côté droit si elle est trop haute. Quand la corde est juste, les LEDS s’allument en blanc au centre. Très bien, classique, rien de nouveau. Sauf qu’il n’y a pas d’indication de la note exacte, on aurait pu vouloir un MI et obtenir une note juste, certes, mais un bémol en dessous. Mieux vaut dans ce cas se tourner vers le TUNER plus précis et réactif de l’application qui procède de la même manière, mais en nommant la note exacte que l’on joue.
Toujours en standalone, nous pourrons modifier et sauvegarder, en appuyant longtemps sur le bouton TONE (fonction inopérante quand on est connecté), les paramètres des présets enregistrés dans l’ampli, comme par exemple le drive ou la réverbe, mais nous ne pourrons pas changer la modélisation ou la nature de cette réverbe. Quatre sons, pas un de plus, avec seulement la possibilité de les affiner.
Nous pourrons enfin choisir entre le volume de la guitare seule ou accompagnée de nos morceaux préférés en appuyant sur le gros bouton de master (appelé BLEND dans ce dernier cas). Le niveau de la guitare sera représenté par des leds blanches alors que le mix des deux le sera par des leds rouges.
Le mode Standalone est quand même extrêmement bridé sans outil tiers et si vous n’êtes pas un minimum geek ou « connecté » comme on dit chez les marketeux, il est fortement conseillé de passer votre chemin.
En revanche, avec l’AMPLIFI REMOTE APP, une multitude de possibilités s’offrent à vous dont la plus essentielle, créer votre son. Nous aurons pour ça droit à 10 blocs : Noise Gate > Wah Wah > FX1 > FX2 > Ampli/Enceinte > Compression > EQ 4 Bandes > Pédale de Volume > Delay > Reverb. Contrairement au POD HD par exemple, tout est en série, il n’y aura aucun effet en parallèle. On ne pourra pas rajouter de blocs d’effets, seulement en déplacer avant ou après l’amplification.
Il y a 4 types de blocs d’effets: DRIVES & DYNAMICS (distos, compressions…), MODS (Chorus, Flangers…), DELAYS (Delay digital, à bandes…) et FILTERS, SYNTHS & PITCH (filtres, café et petits pains au chocolat). Une fois qu’on aura bâti un préset, on pourra le sauvegarder dans son appareil ou directement dans l’ampli et même le publier sur internet via le CLOUD pour le partager avec la communauté d’utilisateurs Line 6.
C’est ici le moment que j’ai choisi pour râler (je suis français) car comme le disait Cristiano Ronaldo quand il renégociait les millions de son contrat avec le Real de Madrid, « je ne suis pas heureux ». Il n’y a pas de préset vide à partir duquel on peut bidouiller notre son. Nous sommes forcés de le sculpter à partir d’un préset déjà programmé. Rien de grave, il suffira de sauvegarder un TONE que nous aurons vidé manuellement, mais ça ne coûtait rien de nous le proposer.
Et puis je râle une deuxième fois parce que non content d’être français, je suis parisien. Je réitère donc une critique que j’avais déjà formulée à l’encontre du POD HD500X: puisqu’il y a 4 sons disponibles d’emblée, pourquoi ne pas mettre, dans l’ordre, un clean, un crunch, un rhythm et un lead? Pourquoi l’avoir fait dans le désordre et avec des effets parfois envahissants?
Heureusement, il y a quand même beaucoup de motifs de satisfaction. L’application intègre un lecteur audio et nous aurons la possibilité de dresser une playlist de morceaux et de jouer par-dessus. Nous pourrons d’ailleurs abaisser leur tempo de moitié ou mettre en boucle des passages pour bien les assimiler. Et pour nous mettre dans des conditions optimales, Line 6 nous propose sa technologie TONEMATCH qui sélectionne pour nous des présets en fonction des morceaux lus par le lecteur. Si l’un de ces sons nous plaît particulièrement, nous pourrons le placer dans le dossier FAVORITES.
Vous remarquerez que le nom de l’onglet est en anglais. Dans l’iPad gracieusement prêté par Line 6 était installée une version BETA de l’app (avec un tout petit crash). Espérons qu’elle sera traduite dans notre langue et qu’elle gagnera en stabilité, ce dont je ne doute pas, connaissant le sérieux de la marque dans ce domaine. J’ai aussi remarqué que si l’on bascule de l’AMPLIFi REMOTE à une autre application, la connexion Bluetooth se perd avec l’ampli. Elle revient automatiquement dès qu’on relance l’application.
Quand on change un paramètre directement sur l’ampli (et on le fait souvent malgré l’iPad sur nos genoux, par réflexe), le changement sera effectif, mais ne sera pas indiqué sur l’application, on ne pourra pas savoir dans quelle mesure nous avons augmenté le DRIVE, par exemple.
J’ai aussi noté un dernier gros défaut qui sera sûrement corrigé dans la version finale: quand on lance un morceau dans le lecteur et que l’on change d’application pour lire la partition ou les paroles par exemple, la chanson s’arrête. Pour l’instant, la solution est de la jouer dans iTunes et de garder la « télécommande » Line 6 ouverte (mais nous perdrons l’avantage des boucles et autres ralentissements de tempo de son lecteur).
Puisque nous pouvons jouer accompagnés par un MP3, il est dommage que les ingénieurs californiens n’aient pas ajouté une deuxième entrée jack comme sur le POD HD, un de ses gros points forts, afin de pouvoir jouer avec un ami (celui dont on a insulté la copine et qui n’est pas très rancunier, reconnaissant qu’elle n’a effectivement pas un physique facile).
L’interface est agréable et les icônes d’amplis, classés en 4 catégories (CLEAN, AMERICAN, BRITISH, HIGH GAIN), sont clairement identifiables. La firme américaine annonce plus de 200 amplis et effets. Pour les amplis, j’en ai compté 52 différents (vous pouvez consulter leur liste en jetant un coup d’œil aux captures d’écran, ils y sont tous). Changer l’ordre de la chaîne ou passer d’un onglet à l’autre s’effectue sans accroc sauf quand il s’agit de changer d’ampli ou d’effet. Il faut alors appuyer sur une toute petite icône et on s’y reprend souvent plusieurs fois avant de passer à la page désirée. Enfin, tout ça est quand même infiniment plus pratique et ludique que de connecter notre ampli à son ordi ou devoir le paramétrer sur un petit écran LCD.
Pour finir, il n’y avait au moment du test que les 4 présets présents dans l’ampli et pas de possibilité immédiate d’en télécharger. Line 6 nous rassure cependant en affirmant qu’il y en aura plusieurs centaines dès le départ. Il est aussi important de noter que l’AMPLIFI 150 aura son propre type de présets pour exploiter pleinement les possibilités des 5 enceintes. Il ne sera donc pas rétrocompatible avec les présets des autres produits de la marque.
ELECTRIFi
Pour vous présenter les sons de l’AMPLIFi 150, j’ai utilisé ma Fender Telecaster Deluxe et une Gibson SG standard accordée un ton en dessous. Comme il n’y a pas une, mais cinq enceintes, au lieu de mettre un SM57 au hasard devant l’ampli, nous avons opté avec Red Led et Los Teignos pour un enregistreur ZOOM Q3 situé à quelques dizaines de centimètres de l’appareil.
Voici donc pour commencer 2 présets d’usine.
- 1 arpege 00:41
- 2 lustfor 00:09
Nous noterons que les sonorités sont étrangement similaires au POD HD500X. D’ailleurs, j’ai trouvé le son au casque plus flatteur que celui un peu plus agressif (criard?) provenant des enceintes. J’ai été quand même assez agréablement surpris par les présets de départ, surtout par le LEAD que je vous dévoilerai plus loin, très efficace et facile à jouer.
Si l’on ne penche pas l’ampli vers soi, les basses restent bien présentes, mais on perd beaucoup d’aiguës et de hauts médiums. Il faudra donc bien jouer face à l’ampli. D’autant plus que son volume n’est pas excessif, vos oreilles ne craindront pas grand-chose. Les 150W annoncés ne correspondent pas aux 150W d’un ampli à lampes. Même en le poussant à fond, il n’est pas sûr que votre guitare couvre un batteur. L’utilisation de cet ampli sera donc domestique ou ne sera pas. Pour la musique de votre iPod, il passera au niveau supérieur en gonflant son volume sonore et sera largement suffisant.
Voici quelques sons vite programmés et enregistrés: un exemple à la Van Halen avec un modèle Marshall Plexi Variac, un riff metal sur une tête Line 6 Modern High Gain, une petite bossa sur un son clair modèle Line 6 Super Clean, trois accords arpégés en son clair + chorus sur Line 6 Sparkle et enfin une petite grille bluesy avec un Line 6 Bayou + réverb Large Hall qui nous permettra d’apprécier la bonne dynamique des modélisations.
- 4 vanhalen 00:10
- 5 metal 00:17
- 6 bossa 00:17
- 7 clean chorus 00:30
- 8 blues dynamic 00:32
Nous restons en terrain connu avec ce nouveau produit Line 6. Ce n’est pas du côté des modélisations qu’il faut attendre du nouveau. Les recréations d’amplis sont de qualité variable quoique dans l’ensemble relativement fidèles et satisfaisantes. Les effets sont quant à eux toujours aussi bons (surtout avec la stéréo).
Pour finir, nous allons tester le lecteur audio de l’application en jouant d’abord sur un morceau blues rock avec un son lead à base de Flanger dans un esprit 70’s (Modèle Line 6 JTS-45) puis, comme j’ai toujours regretté de ne pas avoir enregistré un solo sur « The Maze », long morceau psychédélique du dernier album d’Abrahma, le groupe dans lequel j’officie, voici une petite impro jouée à l’arrache avec le son LEAD des présets d’usine.
- bluesrock 00:36
- abrahma 01:23
Précisons-le : la captation du Zoom Q3 ne rend pas grâce ici à la qualité de restitution de l’Amplifi qui évoque plus, in situ, une version bodybuildée des Jambox de Jawbone. A mi-volume, l’appareil permet tout à fait de remplir de son une pièce de 25 m². Et comme on dispose de fonction de bouclages pratique pour s’entraîner, on se dit que ce concept hybride s’en sort mieux que bien.
SALSIFi
En résumé, cet AMPLIFi 150 a tout d’un « practice amp » comme le disent nos amis anglo-saxons. Il intéressera donc tout naturellement les guitaristes occasionnels et même confirmés qui souhaitent s’exercer dans de bonnes conditions, avec un peu de tout directement sous la main (accordeur, lecteur audio avancé, présets préparés et sélectionnés, etc.). Le guitariste professionnel solitaire écumant les café-concerts y trouvera aussi une utilité s’il veut se faire accompagner d’un playback sans avoir à amener un deuxième ampli ou une sono. Mais il me semble que la vraie cible de Line 6, que l’on doit saluer au passage pour l’originalité du concept, ce sont les plus « connectés » d’entre nous, ceux qui manient le mieux les nouvelles technologies, à savoir les djeun’s. Même si le prix légèrement trop élevé du combo, annoncé à 449€ (surtout sans la pédale FBV, grrr), risque de les effrayer, ils pourront toujours se tourner vers son petit frère, l’AMPLIFi 75, légèrement moins puissant, mais aussi moins cher, à 359 € (au grand soulagement de papa-maman). Il conviendra parfaitement au débutant amateur de simplicité, mais surtout à l’étudiant qui n’a pas assez de place dans sa chambre pour un ampli + un système audio et qui voudrait pouvoir sonoriser une grosse teuf bien fracasse.