Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

Editorial du 30 avril 2016 : commentaires

  • 165 réponses
  • 40 participants
  • 15 155 vues
  • 36 followers
Sujet de la discussion Editorial du 30 avril 2016 : commentaires

A la veille de la fête du Travail, on pourrait parler de ces casseurs de manif qui ont remplacé les briseurs de grève d’autrefois, des Panama Papers bientôt accessibles au public ou du salaire discuté du pauvre Carlos Ghosn qui n’a pas le temps d’aller manifester, lui, et qui n’hésite pas, pour boucler ses fins de mois, à cumuler deux emplois, voire plus, sans compter ses heures sup' et sans bénéficier de la moindre assurance chômage ou maladie…

Ou alors on pourrait parler de la musique et de la transformation de l’art en produit sous l’impulsion d’une industrie qui n’a jamais au d’autres buts que celui-là. C’est ainsi qu’une étude menée par l’institut britannique ICM pour le compte de la BBC a révélé qu’un vinyle sur deux vendus en mars 2016 n’avait jamais été écouté, parce qu’il avait été acheté pour des raisons purement décoratives.

Sans même parler du fait que ce sondage devrait calmer la morgue de plus d’un audiophile fêtant le retour du vinyle sur l’air de « je vous l’avais bien dit », on ne pourra s’empêcher de souligner que le disque qui n’était autrefois qu’un support est en passe de devenir plus important que l’oeuvre qu’il véhicule, le contenant primant bientôt sur le contenu. Pour une personne sur deux, il semble en effet plus important de poser un millésime sur son étagère que de le boire, signe que c’est le veau d’or, en définitive, qui est en train de gagner. Il fallait peut-être y penser avant de s’enthousiasmer chaque fois qu’un publicitaire dessinait une banane sur une pochette de disque en prenant des airs de peintre…

De ce point de vue, la tant décriée dématérialisation de la musique aurait presque une gueule d’espoir face au retour des bonnes vieilles pochettes tueuses d’arbres. Une chose est sûre en tout cas : lorsque vous aurez fini votre album grâce aux articles sur le mixage de notre Nantho bien aimé (car c’est la semaine du mixage sur Audiofanzine avec non pas un, deux, trois, quatre ou cinq, mais six nouveaux articles didactiques sur le sujet), ne passez pas trop de temps sur le visuel de votre « pochette » sous peine de voir votre musique réduite à l’état d’image, de bout de carton silencieux destiné à décorer une étagère ou une porte de chiottes.

Un musicien n’est pas un décorateur.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

__________________________________________________________________________________
Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

Afficher le sujet de la discussion
121
waoh tu sera pas un ...puriste par hasard ? ;) ça se défend pourquoi pas ? c'est vrai que nombreuse couvertures sont à chier En plus je crois que l'auteur n'a pas son mot à dire dans la plupart des cas !Mais des couvertures à la Crhis FOOS et ses superbes vaisseaux .... En fait une couverture n'a pas pour vocation de résumé le livre Dans ce cas c'est effectivement mission impossible Mais de suggérer quelque chose de même nature ou pas selon le principe de la " correspondance cher à Baudelaire;
C'est d'ailleurs comme cela que je conçoit les vidéos qui accompagnent la musique : non pas comme une illustration mot à mot de la chanson, mais comme une oeuvre visuelle qui accompagne une oeuvre musicale Elle ne sont pas du même monde mais partage le même univers, je pense aux clip des CURE par exemple ...
Pierresilex
122
Los Teignos... Los Teignos... Je crée principalement non pas des pochettes de disque mais des couvertures de livre, qui plus est en étant partie prenante d'une maison d'édition... Décidément tu me cherches !!!! :lol:

Plus sérieusement je trouve ta position problématique pour ce qu'elle dit d'une vision de l'art. Il me semble que tu vois celui-ci comme une langue morte à peine elle est dite. ; toute création est mort-née : elle ne peut plus vivre que figée.
C'est une vision du monde artistique comme un musée effrayant ; un cimetière d'embryons !
Une œuvre n'existe que parce qu'elle est dans la vie : utilisée, bien ou mal mais utilisée, pas conservée dans du formol, pas vénérée.
Elle n'existe que parce qu'elle en rencontre d'autres, s'affronte, s'accouple, et qu'elle en engendre d'autres, encore et encore : c'est seulement comme cela que se forme la culture, la civilisation. Pas en entassant de la taxidermie dans des musées.
Et à mon avis, c'est comme ça qu'on respecte toute œuvre d'art, en la foutant dehors, dans la rue, dans la vie. Pas en l'enfermant, et surtout pas en elle-même.

EDIT : Je dirais même qu'en sacralisant l'œuvre comme tu le fais, tu la neutralises.

Ni dieu ni clavier maître

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 00:03:23 ]

123
Tu es un extrémiste Teignos et tu n'as aucune tolérance :-D

Non sérieusement je comprends ton point de vue. Il se défend dans l'absolu, mais à quoi bon ? Tu l'as dit toi même : une couverture, une pochette ce n'est pas l’œuvre. C'est une autre œuvre. Le lien hypothétique, de nature artistique et autre (commerciale, culturelle, etc. ) entre les deux œuvres est laissé à l'appréciation du spectateur/lecteur/auditeur tout comme les œuvres sont laissées à son interprétation.
Je trouve enrichissant qu'une œuvre soit associée à une autre de quelque manière que ce soit. ça la met en relief, en perspective ou en abîme. Une couverture de livre c'est du méta texte. Une pochette de disque c'est de la méta musique.
Quid du titre d'une œuvre alors ? Ce n'est pas l’œuvre. Dans quelle mesure est-il représentatif de l’œuvre ? Et les paquets de cigarettes ? Anonymes sans marque et sans image ? Heureusement il restera toujours les photos des poumons noirs et de dents pourries :-D

Putain Walter mais qu'est-ce que le Vietnam vient foutre là-dedans ?

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 00:34:17 ]

124
Citation :
Décidément tu me cherches !!!! :lol:


Je te cherche moins que je ne me trouve. ;) J'essaye d'aller au bout de ma logique pour en mesurer les contradictions éventuelles. Je sais que je peux avoir tort souvent, mais encore faut-il m'en convaincre. ;)

De fait, je ne crois pas sacraliser l'oeuvre, ni la tuer dans l'oeuf mais au contraire vouloir lui redonner sa force : la seule chose qui revitalise un texte (le ré-actualise dit on chez les critiques littéraires), c'est sa lecture. S'intéresser à la littérature, aimer la littérature, c'est s'intéresser au texte. Pas au livre. Au texte : phrases, mots, lettres, signes et espaces. Ce n'est que cela depuis des millénaires et pour des millénaires encore alors que le livre arrivé depuis quelques siècles n'est que papier, encre, format, pagination.

Et pour tout dire, je pense qu'il y a plus de respect pour Baudelaire dans un ePub libre de droit sur liseuse électronique que chez les éditeurs de poche ou de beaux livres : je suis tombé récemment sur une édition des fleurs du mal illustrée par des toiles de maîtres. Et c'était consternant. Le résultat, la démarche, le prix évidemment et l'alibi culturel pour vendre du papier sous couvert de culture. Même chose pour les Bibles illustrées par Gustave Doré qu'on trouve dans les Maxilivres, gravures et traductions libre de droit pour faire un max de pognon avec un "bel objet" : certes les gravures sont très jolies, mais loin d'éclairer le texte, elle le caricaturent, en réduisent tout la complexité, reconduisant avec force cette image risible d'un Dieu à la barbe de Père Noël. Et c'est à cause de ces images placardées sur le texte et qui vous sautent à la gueule lorsqu'on l'ouvre que tout le monde pense savoir ce qui est écrit dans la Bible. Combien de gens pensent que le fruit défendu était une pomme alors que c'est une erreur de traduction relayée par tous les illustrateurs depuis des siècles...

La fertilité dont tu parles se produit quand un artiste s'empare d'un artiste, qu'une oeuvre revisite une oeuvre. C'est Cocteau ou Shakespeare qui revisitent Sophocle, c'est Ridley Scott qui adapte K. Dick, c'est Lautréamont qui réécrit une encyclopédie de médecine : ça s'appelle suivant les cas de l'intertextualité ou de l'adaptation et c'est très intéressant d'un point de vue artistique, c'est même l'un des plus puissants ressorts de l'art de toujours se réinventer à partir de lui même. Nous sommes pleinement d'accord là-dessus. Et je suis bien d'accord qu'une oeuvre n'a pas à être mise dans le formol.

Mais je le redis : que Tardi que j'adore fasse un bouquin ou une expo d'illustrations de Céline, je trouve ça génial et très intéressant : c'est une oeuvre qui fait écho à une autre oeuvre. Qu'on larde le livre de Céline des illustrations de Tradi en mettant les deux auteurs comme co-signataires et en plaçant le livre dans les rayonnages parmi les oeuvres de Céline et je trouve que ça devient vraiment indigeste, et que chaque page d'illustration bouffe gentiment le texte de l'auteur. On m'avait offert le bouquin en question et oui, ça ressemble à la tentation du multimédia comme à celle du crossover sur le mode stupide de : si on prenait Superman qui fait plein d'entrée et qu'on le faisait se battre contre Batman qui fait plein d'entrée aussi, on ferait un film qui aurait encore plus d'entrées, non ? Du coup, comment imaginer que Tardi qui est un grand dessinateur et Céline un grand romancier n'aboutissent pas à une grande oeuvre ? Oui, sauf que ce n'est pas une oeuvre : c'est un produit qui cherche à y ressembler, mais qui demeure complètement factice. Un produit, rien que cela.

Oui, le saumon, c'est très bon. Et le caviar sans doute aussi. Et la glace à la vanille. Et le piment d'espelette. Et le chocolat. Et la confiture de fraise. Seulement voilà, quand on mélange tout cela, ça ne fait pas de l'intertextualité, ça fait juste un sandwich immangeable.

Ne pas être dans le formol, ça ne veut pas dire accepter qu'on mette des toiles de maître sur des verres à moutarde ou sur des sets de tables parce qu'à la fin, les oeuvres ne sont plus qu'un décors comme un autre, ce qui est complètement dans la pensée actuelle (où un artiste, un designer ou un publicitaire, au fond, c'est un peu la même chose, car ce sont tous des "créatifs"). Ne pas être dans le formol, ça veut dire diffuser l'oeuvre tel qu'elle a été écrite, et créer d'autres oeuvres qui s'y réfèrent, qui la convoquent, et non qui s'en servent maladroitement comme support. C'est pousser à la recherche autour de l'oeuvre, à l'étude, et c'est encore, j'en suis persuadé abrogé le leg des droits d'auteurs sur les oeuvres d'artistes morts pour en diminuer le prix. Le formol dont tu parles me semble bien plutôt venir de la volonté de l'industrie de continuer de faire son beurre sur ce qui ne devrait pas. Les préfaces de merde sur les livres, ce n'est pas autre chose que de refabriquer du droit d'auteur par-dessus du libre de droit. Le formol, c'est encore le budget plafonné d'un professeur de français que ce soit en photocopie ou en diffusion d'oeuvre. Parce qu'un professeur de français de seconde photocopie des chapitres entier de Céline, de Proust ou de Gide ne porte préjudice à aucun de ces auteurs, il assure même que leurs oeuvres soient vivantes, qu'elles soient lues. Mais non, le lobby du livre s'assure bien qu'à l'école gratuite, on fasse bien acheter les livres. Il s'agirait de ne pas léser Gallimard ou Flammarion. Pour cela aussi, on revisite les référentiels pédagogiques chaque année, histoire de vendre et revendre des manuels scolaires dont l'essentiel du contenu repose sur du libre de droit, ce qui ne les empêche pas d'être vendu cher. Une manne pour les éditeurs. (Désolé je m'égare sur ce qui, selon moi, plonge l'art dans le formol plus que n'importe quelle démarche puriste)

Oui, vraiment, même si je déplore qu'elle ne soit pas forcément aux mains des bonnes personnes, la dématérialisation a du bon que ce soit dans la littérature ou la musique. Parce qu'on s'aperçoit enfin que les industries du disque et du livre ne sont que des industries du support et que, contrairement à ce qu'elles essayent d'enfoncer dans le langage à coup de burin depuis des décennies, on n'écoute pas un disque mais de la musique, on ne lit pas un livre mais de la littérature. Et qu'après avoir vécu dans la tradition orale, après avoir été gravée sur la pierre, après avoir été écrite sur du parchemin, la littérature n'est jamais passé au travers du livre que par nécessité. Or, si je conçois qu'un livre a une couverture, un roman ou un recueil n'en ont pas. Ils n'ont pas besoin d'être recouverts.

Bref, je me répète, mais un support ne fait pas pour moi partie d'une oeuvre, même si je conçois que pour les plasticiens ce soit le cas (encore que si on demandait aux artistes peintres ou aux sculpteurs de co-signer leurs oeuvre avec l'architecte du musée qui les accueille, je pense que beaucoup râleraient : c'est pour moi pourtant exactement la même chose). Une illustration sur une couverture, c'est une oeuvre graphique qui cohabite avec l'oeuvre littéraire à cause du seul fait qu'un livre ait une couverture. Ca ne fait pas du livre une oeuvre. Ca fait du livre un truc hétéroclite qui nuit aux deux oeuvres qu'il abrite.

__________________________________________________________________________________
Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 08:56:55 ]

125
Citation :
Quid du titre d'une œuvre alors ? Ce n'est pas l’œuvre.


Bien sûr que si. Les premiers mots d'un recueil, d'une pièce ou d'un roman sont évidemment ceux de son titre. C'est l'auteur qui les a choisi. Pas une tierce personne.

Citation :
Tu es un extrémiste Teignos et tu n'as aucune tolérance :-D


Je le pense profondément : si le principe de tolérance est l'un des plus important que je connaisse pour la société des hommes, Il est en revanche absolument néfaste dans le domaine de l'art. D'ailleurs, les révolutions artistiques sont depuis la nuit des temps basées sur l'intolérance sans quoi nous en serions encore à faire des empreintes de nos mains dans des grottes.

__________________________________________________________________________________
Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 03:31:50 ]

126
Citation :
C'est d'ailleurs comme cela que je conçoit les vidéos qui accompagnent la musique : non pas comme une illustration mot à mot de la chanson, mais comme une oeuvre visuelle qui accompagne une oeuvre musicale Elle ne sont pas du même monde mais partage le même univers, je pense aux clip des CURE par exemple ...


En fait, je peux bien l'avouer : il y a quantité de pochettes de disques que je trouve magnifiques, quantité de couvertures de livres aussi et il y a bien des clips que j'adore. Le problème, c'est que tout cela est systématique. Quand tu publies un album, tu es obligé d'avoir une pochette de disque, et tu es obligé d'avoir un clip, que tu en veuilles ou non. Tu as d'ailleurs plutôt intérêt à vouloir car de toutes façons, la maison de disques fera les choses sans toi.

Et ce qui est amusant, c'est que quantité d'artistes n'ont rien à dire d'intéressant sur ces formats : quand on a choisi de faire de la musique, on n'a pas forcément envie de devenir peintre (mais ça, ça s'arrange avec la collaboration d'un autre artiste, encore faut-il être vivant pour collaborer) ou de transformer tes titres en musique de court métrage, ou pire encore de devenir acteur. Ca n'empêche pas qu'on les produits quand même ces clips, si inutile que ce soit. C'était assez manifeste avec Noir Désir je trouve : il fallait avoir un clip alors les mecs faisaient un clip et comme cela ça passait à la télé. C'était en général complètement inintéressant à voir (des collages d'images hétéroclites) mais c'était télévisable. L'enjeu, c'était du marketing. La maison de disque pouvait bien accepter que le groupe donne peu d'interviews, qu'il refuse tout passage télé, mais il fallait au moins transiger là-dessus. Alors ils ont fait de la merde, pour s'en débarrasser. Je pourrais dire que 3 clips sur 4 relèvent de cela et cela nous ne choque pas parce qu'en vis-à-vis du cinéma où i'on est critique parce qu'on se sent face à une oeuvre d'art, on ne sent que rarement autre chose qu'un vague plasticien qui plastique en rond pendant 3 minutes dans un clip et il est rentré dans les moeurs qu'un clip peut parfois être bon, mais qu'il est le plus souvent merdique, ou du moins complètement dispensable. Cela tient aussi au fait qu'il est la plupart du temps réalisé par des publicitaires ou des réalisateurs ratés. Je ne dis pas tous les clips, bien sûr. Mais la plupart : un vide béant de contenu qui mise en général sur une idée formelle pour que des images bougent dans la lucarne au moment où la chanson passe. Mondino, pour moi, c'est ça. Certes, il y a de beaux éclairages, des contrastes noir et blancs parfaitement maîtrisés et de jolis top modèles, des chevaux qui courent au ralenti, mais à la fin, c'est du rien bricolé avec une esthétique publicitaire. Ca n'apporte rien à la chanson si ce n'est que ça fait diversion de ce qu'elle aurait à dire ou faire ressentir, à ce point que les plans pourraient être interchangeables entre les clips. Osez Joséphine ou Tandem, Cargo de nuit ou Un autre monde, c'est la même soupe qui donne l'impression de feuilleter les pages de pub d'un numéro de Vogue ou de Cosmo, comme des réclames interminables qui pourraient tout aussi bien servir Kenzo, Hugo Boss ou Kookai. De l'art ? Non, du bavardage visuel absolument stérile.

La pochette d'album est nettement plus ancrée dans l'inconscient collectif comme faisant partie de l'album, bien sûr, mais c'est justement cela que je voulais questionner. Et si en fait, aussi incroyable que cela puisse paraître, on décidait pour une fois de ne pas faire de pochette d'album, de retrouver les cartons des disques de cire. Et l'on voit bien que c'est impensable, que c'est chevillé au disque. A un point personnellement que je trouve ça louche. Et que la pochette dépasse son contenu comme dans le sondage de la BBC.

Et pour les livres, c'est encore autre chose. Je dirais que c'est très simple : si ce que tu as fait relève d'une quelconque qualité littéraire ou scientifique, alors tu n'a pas de photo en couverture lors de ta première édition. Les photos, c'est pour les mémoires de Jean Roucas et le guide des meilleurs SPA en France, les "beaux livres" ou pour les rééditions en poche, soit finalement tout ce qu'on veut formater pour le grand public et le commerce de masse (pour moi, le recours à l'image vient de là, vu que je ne connais aucun texte littéraire, hors édition poche, qui ait jamais été publié avec une illustration en couv). Et je peux me tromper mais je crois sincèrement qu'à partir du moment où tu rentres dans la littérature, il y a une exigence de simplicité et de pureté, de montrer le texte pour lui même, et de laisser faire la graphie simple du titre en première de couv'. Parce que c'est lui le plus important de cette page. Ce n'est pas du snobisme ou de l'élitisme, c'est être fidèle à ce qu'est la littérature décrite par les philosophes depuis l'antiquité comme les grands critiques littéraires (Paz, Sartre, Barthes, Genette, Ricoeur, Todorov, etc.) . Je ne me souviens pas d'ailleurs qu'aucun d'entre eux ne se soit jamais intéressé à l'illustration en couverture mais je serais curieux de savoir s'il y a des textes critiques là-dessus. Si vous en connaissez (et je ne parle pas d'un propos de plasticien, de sociologue ou de psychologue sur le sujet mais bien de critiques littéraires). Pourquoi ? Parce que c'est de l'édition, éventuellement de l'art pictural, et que tout ça n'a rien à voir avec la littérature.

D'ailleurs, je regarde les couvertures des livres de poche à côté de moi et je me dis qu'elles sont parfaitement interchangeable : on peut prendre quasiment n'importe quel visuel de couv de Folio pour le mettre sur un autre Folio qui n'a rien à voir, et ça fonctionne. C'en est troublant mais ça en dit long, non pas sur la qualité des illustrations, mais sur le rapport qu'elles entretiennent avec le texte : la preuve pour moi qu'elles ne forment pas un tout mais sont bien deux choses parallèles. La couv a sans doute bien des vertus (elle attire ou repousse, elle déploit son propre imaginaire) mais non, elle ne participe pas d'un éclairage de l'oeuvre : elle l'obstrue. Comment ne pas avoir Isabelle Huppert en tête lorsqu'on lit Bovary dans une édition qui reprend une image du (mauvais) film de Chabrol ? Perso, je n'y arrive pas. Grâce au "génie" du directeur artistique qui a placé l'auto-portrait de Courbet sur le Horla de Maupassant, je me souviens avoir eu l'image de ce visage pendant toute ma lecture du Horla en troisième. C'est ce qu'on appelle pourrir un texte, dans quelque chose qui n'est pas loin de raconter la fin d'un récit policier à quelqu'un qui ne l'a pas encore lu. Contre l'avis de Maupassant et de Courbet, j'en ferais le pari.

__________________________________________________________________________________
Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 08:49:45 ]

127
x
Hors sujet :
Ça y est, je suis amoureux de La Teigne. :-D

Instruments Kontakt gratuits / FLUIDSHELL Design
Démos Audio / Soundcloud BTSLa chaîne YouTube

"001001001111010010010010100010 !" Mireille DAC.

128
Pierresilex

[ Dernière édition du message le 03/05/2016 à 08:54:06 ]

129
Los Teignos, si le support ne fait pas partie d'une œuvre (mais ça se discute parce qu') il n'est pas moins essentiel à celle-ci.
Le livre est un passeur.
Comme le comédien est le passeur du texte du dramaturge.
Ce comédien peut servir le texte en toute déférence et/ou y joindre son univers.
Voyons-le ici comme un simple passeur — un technicien — et imaginons-le marmonnant le texte, le bégayant, le jouant ridiculement faux.
Le livre est techniquement ce passeur, et derrière ce « produit » l'éditeur. Le travail d'édition ne consiste pas (ne devrait pas consister) à prendre du texte, l'emballer dans du joli et engranger la thune. Je ne te parle ici que de la partie technique concernant la fabrication, le contenant visible ; elle n'est pas la seule dans le riche et nécessaire travail d'édition. Le travail typographique (les régles typos, la mise en page, l'interlignage, les marges, la police utilisée, etc.), le choix du papier, le design graphique et l'illustration de la couverture... tout ceci est au service du texte, c'est une entrée puis un oubli.
Puisqu'on en est dans les analogies, imagine un voyage en train pour un beau paysage ; sauf que ce train est un sacré tape-cul aux vitres cradingues. Ce voyage sera celui d'un tape-cul, pas celui du paysage. Un livre techniquement mal foutu sera un livre (objet), un livre fabriqué dans les règles de l'art sera le texte qu'il porte.
Certes, une rose dans la boue restera toujours une rose, mais.
Un livre est un passeur.
Comme le comédien est le passeur du texte du dramaturge.
Il y a un aspect technique (ce mauvais comédien marmonnant, bafouillant, avec ses blancs, ne s'appelle-t-il pas Jacques ePub ?), mais il peut aussi y avoir ce croisement, cette autre chose, ce métissage entre arts. On parle ici de la couverture : c'est le comédien technicien qui porte aussi son univers, sa vision. Parce qu'un éditeur aussi a (devrait avoir) une vision, et le graphiste illustrateur de la couv d'autant. C'est le comédien qui porte le texte du dramaturge, parce qu'il ne doit pas êre réduit à un simple technicien — un comédien sans texte de l'autre, comment peut-il être comédien ? Il n'en est pas moins artiste.

Je te parle donc d'expérience, de mon travail. Comme je te disais je suis graphiste illustrateur, et bosse pour majorité dans la fabrication de livres en étant partie prenant d'une maison d'édition indépentante et associative (mais pas confidentielle pour autant). Pour ce qui est de l'objet en lui-même j'interviens sur les deux aspects : technique et artistique. Parce que oui je prends position dans ce travail comme artiste pour ce qui est de la conception des couvertures. Mon souci premier est mon rôle de passeur, toujours ; mais comme le comédien colore le texte qu'il porte, j'en donne mon interprétation. Oui avec prétention, parce qu'avec respect. (et puis merde, l'artiste n'est pas un demi-dieu ni son œuvre en sucre hein : hop, pogo !)

J'entends ce que tu dis mais je pense que pour une bonne partie il y a confusion. Confusion entre la réalité actuelle et économique de l'édition, ou la production de disques — l'industrie —, et le métier — l'art.
Oui, l'objet livre est majoritairement de la merde, les couvertures des illustrations en random ou conçues au mieux pour vendre au pire parce qu'il faut en avoir une. Le seul passage auquel ces éditeurs pensent c'est celui en caisse. C'est surtout que la réalité de l'édition est la même que celle du disque : quasi tous les éditeurs sont la propriété d'une poignée de grands groupes. Demeurent à côté de cela quelques indépendants.
Mais tout ceci n'a rien à avoir avec le métier, il y a le marchand et le passeur.

PS : il y a aussi qu'en France, qui se dit pourtant une patrie du graphisme, ça a toujours été une catatrophe les couvertures de livre — c'est peut-être justement du à une sacralisation du texte, qui donne à penser que la couverture n'est qu'emballage, un mal nécessaire. Résultat on a de la bouse, l'inverse de la fonction : du repoussoir au lieu du passage. Il n'en a pas été de même en Grande Bretagne par exemple (et pourtant pour de la grosse industrie comme Penguin) ou dans les pays de l'est, entre autres.

PPS : Le souci que tu dénonces est le marketing, la marchandisation et la réduction de l'art en produit. L'ePub, qui n'est qu'un texte jeté tel quel, sans ménagement (le tape-cul), est justement l'idéal du marchand qui a remplacé le passeur : on vend sans plus s'encombrer du métier.
— Et aussi je pense qu'il est faux de comparer tous les dématérialisés : un epub et un flac/wav/etc. ne sont pas du tout pareil. Un ePub est un morceau de musique, un album, enregistré à l'arrache et jamais mixé ; certainement une très bonne composition (l'essentiel, le primordial, le sans quoi rien d'autre ne vaut). Le travail d'édition est comparable dans son importance et utilité au travail de studio, de la captation du son au mixage. Et là aussi comme pour le comédien avec le texte du dramaturge, le technicien peut intervenir et y mettre de son monde (pourquoi faire appel à Steve Albini alors ?).
La question est surtout pourquoi. Quelle est la motivation, le passage ou le commerce.

Ni dieu ni clavier maître

130
Citation de mystyx :
Tu es un extrémiste Teignos et tu n'as aucune tolérance :-D


La tolérance, y'a des maisons pour ça !
Faites des mails plus courts, on n'est pas sur France Inter… :mdr: