Vecteur de sens autant que d'émotion, la voix est l'élément le plus important d’une chanson, au point que c'est par elle que certains ingés son commencent le mixage d’un titre. On ne s’étonnera guerre, du coup, qu’elle fasse l'objet de tranches comme de multieffets specialisés.
C’est précisément le cas du Nectar d’Izotope qui nous arrive dans sa troisième version et complète idéalement la gamme de logiciels de l’éditeur en se situant entre Neutron, la super tranche de console pensée pour un usage générique, et VocalSynth, le multieffet dédié aux voix trafiquées en tout genre.
Comme souvent, vous pouvez choisir de découvrir le logiciel avec nous en vidéo, ou avec le texte qui suit.
Putain, cinq ans !
On apprécie d’autant plus de voir Nectar 3 arriver qu’il n’avait pas été mis à jour depuis cinq ans et que son interface vieillotte commençait à jurer avec celles d’Ozone, Neutron, VocalSynth ou RX. Pour cette tant attendue troisième mouture, on dit donc au revoir à la simili 3D et bonjour au flat design utilisé depuis quelques années par l’éditeur et c’est tant mieux : le logiciel gagne vraiment en lisibilité et l’utilisateur en confort, surtout s’il est familier des produits Izotope. Au-delà de l’aspect cosmétique dont l’appréciation demeure parfaitement subjective, on a surtout droit en effet à une complète réorganisation de l’interface de sorte que si vous êtes utilisateur de Neutron ou Ozone, vous devriez sans peine retrouver vos petits.
Dans la partie supérieure, on dispose ainsi de la chaîne de traitements où sont alignés les différents modules utilisés, avec la possibilité d’en ajouter, d’en retirer, de changer l’ordre du chaînage et d’accéder aux commandes de bases du module : activation/désactivation, solo, dosage du traitement, etc. Juste en dessous et occupant la majeure partie de l’interface, vous disposez de la fenêtre d’édition qui vous permet de paramétrer chaque module dans ses détails. À droite, deux vu-mètres permettent de garder un œil sur le signal entrant et sortant, sachant qu’ils sont assortis d’un limiteur type mur de brique en sortie et d’un leveler automatique pour que le logiciel s’adapte au niveau de sortie RMS désiré.
Au sommet, on dispose enfin du gestionnaire de presets flanqué, comme vous vous en doutez probablement de son Assistant. Comme Neutron, Ozone ou RX, Nectar dispose désormais en effet d’un système permettant de générer une chaîne de traitements à partir du signal que vous lui faites écouter. Rappelons-le : il ne s’agit pas de mixage automatique, mais plutôt d’une suggestion de preset basée sur la source, de quoi disposer d’un réglage de base personnalisé pour gagner du temps.
Sur ce point précis, il n’y a rien à redire de particulier : on définit le genre de voix que l’on veut (ce qui joue sur le choix et le réglage des modules), si l’on veut une prod plutôt douce, normal ou agressive (ce qui joue sur le dosage des traitements) et on laisse Nectar faire sa petite tambouille. On se retrouve ensuite avec une chaîne de traitement prête à l’emploi, ce qui permet de faire connaissance avec tout le monde…
Mod, mod, module
Les modules de Nectar sont un mélange des traitements qu’on peut trouver dans Ozone, Neutron et VocalSynth, complétés de traitements dédiés à la voix. Outre un correcteur de pitch en entrée, on dispose ainsi d’un Noise Gate et d’un dé-esseur, de deux EQ et deux compresseurs, d’un double delay et d’une réverbe, d’une saturation et d’un multieffet à modulation (chorus/flanger/phaser), le tout étant complété d’un générateur d’harmonies vocales.
Ce qui frappe de manière générale, outre la qualité des traitements, c’est l’excellent rapport que présente chaque module en termes de simplicité et de richesse fonctionnelle, notamment grâce à un permanent affichage du signal qui permet de comprendre ce qui se passe. Très efficaces, le gate et le dé-esseur offrent ainsi une interface d’une simplicité enfantine : en trois réglages, on est rendu.
Les EQ sont également très bien pensés, lesquels offrent 24 bandes, 16 types de filtres et deux modes de fonctionnement, normal ou dynamique, sachant que dans ce dernier cas, le dynamisme peut concerner le gain (l’égalisation s’applique en fonction du niveau de signal sur la bande concernée) ou la fréquence centrale de la bande. Les compresseurs ne sont pas en reste puisqu’il peuvent fonctionner sur les pics comme sur le niveau RMS avec différentes natures (optique, numérique, transistors, vintage).
Et il en va de même pour le double delay (5 algos) ou encore la saturation (7 algos). Seule la réverbe semble s’en tenir à sa modélisation d’une Plate EMT 140 quand elle aurait pu offrir d’autres algos pour varier les plaisirs. Retenons à la décharge de cette dernière qu’elle intègre une saturation, ce qui n’a rien de très commun.
On a ainsi tout sous la main, et même plus puisqu’en vis-à-vis du logiciel Nectar, Izotope fournit dans la version standard le plug-in RX Breath Control qui n’a pas son pareil pour retirer les bruits d’inspiration/expiration en amont du mixage, mais aussi et surtout une version Essential de Melodyne qu’on ne présente plus.
Bref, tout cela est très complet, et en passant par un simple preset ou par l’assistant, on devrait vite obtenir des choses très exploitables, ce qu’il convient de vérifier sur le terrain.
Oral, oral masqué*
Pour ce faire, nous partirons d’un a capella récupéré sur Internet autour duquel j’ai brodé un arrangement basique :
- VoixOriginale00:16
- VoixPlusMusique00:16
- VoixTraiteePlusMusique00:16
En utilisant l’assistant et en tweakant un peu, on arrive déjà à quelque chose de plus produit, mais qui peine à s’intégrer au mix car la guitare et le rhodes partagent la même zone de fréquence que la voix. Et c’est là que Nectar 3 devient intéressant car en marge du premier assistant, le logiciel en propose un second qui va permettre de résoudre les problèmes de masquage fréquentiels.
Tout ceci passe par le petit plug-in Relay que vous devrez insérer sur les pistes posant problème et qui permettra à Nectar d’écouter la source pour lui appliquer, depuis ce plug-in, une courbe d’égalisation qui fasse de la place à la voix.
Voyez ce que cela donne, sachant que l’on peut indifféremment utiliser Relay ou une instance de Neutron pour servir de passerelle :
Intéressant, non ? Et ça l’est d’autant plus que Relay est un vrai petit utilitaire bien foutu offrant des fonctions bien pratiques : fader, vu-mètre, convertisseur mono/stéréo, inverseur de phase, élargisseur stéréo… Le seul regret qu’on aura, c’est de ne pas pouvoir voir la courbe d’égalisation générée pour intervenir sur cette dernière…
À présent qu’il y a un peu plus de place pour la voix, le moment est bien choisi pour y ajouter des harmonies vocales, ce que permet de réaliser sans problème de module Harmony, que vous pourrez utiliser seul depuis Nectar ou piloter par une piste MIDI. Voyez ce que cela donne :
Pas mal, non, étant donné que rien n’est encore vraiment mixé sur l’ensemble du projet ?
J’en profite pour vous montrer un autre essai réalisé à partir d’une voix masculine, qui permet de se rendre compte de l’efficacité du module Harmony pour générer un doublage :
- RnBoriginal00:23
- RnBDouble00:23
- RnBMix00:23
Mais aussi de ses limites, surtout lorsqu’on commence à écrire des choses un peu plus alambiquées qu’une simple tierce suivant la progression harmonique :
Inutile de dire que les voix générées ne sont souvent exploitables que parce qu’on les planque derrière la voix lead au fond du mix et qu’on les noie de réverbe. De fait, dans une optique qualitative ou pour des choses précises et bien en avant (un chœur à la Crosby, Still, Nash par exemple), on n’hésitera pas à ne se servir du module Harmony que comme un guide et à enregistrer ces parties, quitte à faire un peu d’édition avec Melodyne. Cela est d’autant plus vrai que plus la voix de base est moyenne, plus les harmonies seront médiocres.
Conclusion
Il n’y a vraiment pas grand-chose à reprocher à ce Nectar 3 qui rassemble au sein d’un environnement clair et ergonomique tous les outils ou presque qui sont nécessaires à la production et au mixage d’une piste voix. Les modules sont bien pensés, efficaces et offrent suffisamment de possibilités pour qu’on ne se sente pas frustrés de n’avoir qu’un Nectar en Insert.
Alors qu’on s’était imaginé avoir à faire un Neutron complété d’un ou deux modules dédiés, Izotope parvient en outre à nous surprendre sur deux points. Le premier, c’est que Nectar est fourni avec RX Breath Control et Melodyne Essential qui n’ont rien de gadgets inutiles pour l’édition des pistes voix (et si l’on considère que Melodyne est vendu seul une centaine d’euros, on apprécie d’autant plus le cadeau). Le second tient à l’apparition d’un second assistant permettant de gérer automatiquement le masquage fréquentiel par le biais du plug-in Relay. Certes, on aurait aimé avoir plus de contrôle sur l’égalisation qui est alors opérée, mais il faut reconnaître que cela marche plutôt bien en l’état et que Relay est par ailleurs un petit couteau suisse qui pourrait rendre plus d’un service.
On se réjouit enfin de voir qu’à la faveur des modules Dimension, Saturation ou encore Harmony, Nectar ne se cantonne pas aux problématiques de mixage, mais s’intéresse aussi à l’arrangement et la production. Certes, on ne cracherait pas sur quelques effets de plus (un microshifter notamment ainsi que d’autres algos de réverbe) tandis que les choeurs générés par le module Harmony peuvent vite sonner synthétique, mais il n’en reste pas moins qu’il y déjà de quoi faire beaucoup de choses avec ce qui nous est proposé à un prix finalement relativement agressif, surtout si l’on considère les bundles par ailleurs proposés par l’éditeur.
Bravo Izotope, donc, en espérant maintenant que l’excellent et sous-estimé Thrash ou le sublime Iris aient droit eux aussi à une refonte.
*ohé, ohé… Capitaiiiine a-ban-donné !