Padawan mal dégrossi, passe ton chemin ! Cette MusicMan JPXI, conçue par MusicMan avec le grand maître de la Sith-cordes John Petrucci lui-même, ne se laissera pas dompter par le premier Jar-jar Binks venu.
On ne peut même plus parler de simple guitare électrique tant cet objet, aussi avenant qu’un char d’assaut, se permet de rassembler une panoplie franchement bien pensée pour armer le guitariste intergalactique du 21e siècle avide de conquêtes et de gloire. Ne vous méprenez pas, on est loin de la surenchère de gadgets qui peut parfois facilement tendre vers le ridicule (appelons cela le syndrome « robot-guitar »… mais je m’égare !). Ne faisant pas partie de la horde des fidèles disciples de John Petrucci – j’avoue par contre de bon cœur être un grand fan de son avatar sadique officiant dans les fameuses vidéos « Psycho exercices » -, j’ai abordé ce test avec un désir d’objectivité sincère en essayant d’oublier le snobisme parfois constaté vis-à-vis de ce type de marque et de modèle. Car oui, disons-le : c’est triste, mais le milieu (soi-disant) « pro » voit malheureusement toujours d’un œil mauvais ce genre de guitare « moderne ». Annonçons franchement la couleur et brisons les idées reçues : je l’affirme bien haut, ce modèle est un instrument de haut vol ! C’est vraiment celui qui m’aura le plus convaincu de tous ceux conçus en collaboration avec John Petrucci, et il pourra convenir à un panel de guitaristes bien plus large que ce que l’on pourrait croire, même si cela reste un instrument exigeant.
Les meilleurs bois d’Endor !
Disponible en version 6 ou 7 cordes (c’est le modèle 7 cordes qui m’échut), la JPXI en impose dès qu’on ouvre l’étui rigide (fourni, merci Ernie !). C’est sobre et élégant, c’est sombre, mais ça brille, sachant que le vernis noir légèrement pailleté reste esthétique sans sombrer dans le mauvais glam ; ça en impose sans que cela provoque le récurrent « houla, c’est quoi ce truc ? » qui ne manque pas d’être souvent dit lorsqu’on découvre un modèle en série limitée (ce qui est le cas ici). Seule faute de goût à mon avis, les potentiomètres qui, s’ils s’avèrent très pratiques, car leur utilisation est facilitée par les bagues de caoutchouc qui procurent une grande précision de mouvement, sont si j’ose dire assez moches. Ils sont par contre très bien placés sur le corps pour faire des effets de violoning facilement avec le petit doigt de la main droite, ce qui n’est pas toujours le cas, les utilisateurs de Gibson ne me contrediront pas…
À part cela, rien à signaler de rédhibitoire, on est tout de même en présence du haut de gamme des instruments sortant des usines MusicMan, et cela se voit et se sent immédiatement. À ce propos, une petite explication concernant la dénomination « Ball Family Reserve » s’impose : contrairement à ce que l’on pourrait penser, les bois utilisés pour les instruments labellisés « BFR » ne sortent pas de la légendaire cave secrète personnelle de monsieur et madame Ball, en revanche ils sont effectivement choisis manuellement avec le plus grand soin. Dans le cas présent, le manche est en acajou surmonté d’une touche en ébène, tandis que le corps en aulne accueille une table en érable ainsi qu’une pièce d’acajou. En d’autres termes, les meilleurs arbres d’Endor ont servi pour construire ces guitares et aucun petit Ewok n’a été exploité lors de la fabrication ! Les sensations et la résonance à vide sont effectivement très bonnes pour une guitare à manche vissé, sans être toutefois transcendantes, ce qui est peut-être lié à un vernis un peu épais et à la finesse du manche.
Le sabre laser le plus rapide de l’Ouest
À ce propos, ledit manche mérite qu’on s’y attarde, car il constitue une des particularités vraiment détonantes de cette 7 cordes. Personnellement, quand je prends mon sabre laser électrique pour pourfendre un public de droïdes plus ou moins hostiles, j’aime avoir la sensation de tenir un manche et non un tronc d’arbre, même s’il est, j’en conviens tout à fait, des instruments qui sont d’une telle qualité sonore qu’ils méritent qu’on « lutte » un peu. En l’occurrence, j’ai été très surpris de la facilité extrême de jeu, surtout sur un modèle à 7 cordes : les réglages d’usine sont vraiment bons, et la faible épaisseur du manche, combinée à un radius important (20’’, qui rend la touche presque plate) est étonnante, car même l’accès à la corde de si grave est tout sauf problématique, sans pour autant avoir besoin d’être doté de mains de wookie transgénique. On arrive à se balader partout sans aucun problème, au point d’en oublier que c’est une 7 cordes ! L’accès aux aigus est tout bonnement parfait, les envolées lyriques jusqu’à la 24e case sont déroutantes de facilité. J’insiste, c’est vraiment singulier dans le cas d’une guitare de ce type et c’est la première fois que je ressens une telle aisance. Enfin, j’exagère un peu : j’avoue fatiguer un peu après quelques temps, étant habitué à des manches d’un gabarit assez petit…
Les frettes sont des médiums jumbos (traduisez « une corpulence qui se situe quelque part entre Leia et Jabba the Hutt »), mais on a paradoxalement une impression étonnante de « Fretless Wonder », comme si leur gabarit était un bon cran en dessous de la taille annoncée. Aucun dépassement de frette à signaler d’ailleurs, la finition est digne d’un custom shop. C’est vraiment agréable de constater que la collaboration artiste/fabricant est ici placée sous le signe d’une véritable recherche de confort, d’innovation et de qualité, à l’opposé de certains modèles que je ne citerai pas, qui sentent plus l’opération marketing flattant l’ego de l’endorsé qu’un désir de servir l’intérêt des gens qui achètent le modèle en question, généralement à un prix élevé.
Côté accastillage, c’est difficile de faire plus fiable : on trouve des mécaniques à blocage Schaller à jardin, autant dire la Rolls du genre, et un étonnant vibrato flottant crée pour l’occasion à cour. Celui-ci est vraiment réussi, pas aussi souple d’utilisation qu’un Floyd Rose, mais on en est honnêtement très proche, avec un look « old school » du meilleur effet, qui donne à cette guitare une apparence plus « classique » et un peu moins typée « shred ».
L’arsenal sonore de l’Empire
Jusqu’ici, c’est un sans faute, mais il reste à dissiper mes inquiétudes quant aux micros et au son qu’aura cette guitare une fois branchée ; c’est en effet souvent à ce stade que les choses se corsent. Premier test, sur le canal overdrive, après tout ce n’est pas le modèle signature de Sacha Distel que je teste ! Autant aller droit au but et voir ce que vaut la bête dans son domaine de prédilection. Je branche donc la JPXI dans le canal saturé de mon bon vieil ampli Orange (Rocker 30) et je tricote quelques minutes avec le micro bridge, un Dimarzio Liquifire, sélectionné. Force est de constater que le grain est vraiment bon, on n’a pas ce filet de fréquences suraigües qui rendent certains modèles Dimarzio très désagréables à fort volume, de plus les attaques sont très dynamiques, ce qui est à double tranchant : plus on perçoit précisément ce que l’on joue, moins cela pardonne les erreurs !
- rythm disto micro bridge00:12
- solo disto micro neck00:12
Comme c’est une philosophie qui me sied tout à fait, je continue mon exploration et me penche plus avant sur la configuration des micros. Premier réflexe, vérifier la présence ou non d’un système « push-pull » sur les potentiomètres : bingo, le potard de tone est débrayable ! Il est par contre étonnant de constater que la position « tone up » n’agit pas comme un split : quand elle est enclenchée, seuls les bobinages 2 et 3 des deux humbuckers sont actifs en parallèle (et non en série) lorsque le sélecteur à trois positions est en position centrale, alors que la position « tone down » met les deux humbuckers complets en parallèle. Vous le constaterez sur les exemples audio, il semblerait que dans la configuration « tone up », les deux bobinages sont en opposition de phase étant donné qu’on perd pas mal de matière sonore. Très franchement, c’est intéressant, mais je n’ai jamais bien saisi l’intérêt de ce genre de choses, même si cela doit sûrement servir à certains… Mais j’ai conscience d’être un apôtre parfois un peu buté de la simplicité.
Le micro manche, un Dimarzio Crunch Lab, restitue vraiment bien les attaques du médiator, on retrouve la précision de son proverbiale de Monsieur P. dès qu’on commence à jouer en allers-retours en mode mitraillette ! Dès qu’on joue plus bluesy, cette position s’avère très agréable, avec de beaux médiums et un son toujours précis sans être agressif. Je me suis bien amusé dans ce registre avec le vibrato spécialement créé pour l’occasion : pour une fois, c’est une réussite totale, la tenue d’accord est parfaite et la souplesse d’utilisation autorise même le jeu typique de Jeff Beck ou Michael Lee Firkins (Mâtin, quelle coiffure !) qui consiste à garder la tige du vibrato en permanence dans le petit doigt de la main droite pour des effets rappelant le bottleneck… Un vrai bonheur. Même les « dive-bombings », les effets de miaulement et autres séances de torture pour vibrato qui se finissent généralement par un accordage complètement annihilé, ne nuisent pas à la bonne tenue des cordes à vide. Bluffant !
- clean position centrale tone down puis tone up00:20
- differentes configurations de micros00:17
- solo vibrato micro neck00:21
- torturing the vibrato00:18
Dans l’extrait Differentes_configurations_de_micros, sont joués dans l’ordre : micro manche, position centrale « tone down », micro bridge, position centrale « tone up »
Le potentiomètre de tonalité n’offre pas de surprise particulière, si ce n’est que cette guitare pourra très bien convenir à des amateurs de jazz recherchant une guitare 7 cordes pas trop tape-à-l’œil : n’oublions pas que ce type de guitare vient originellement du jazz et non du métal ! Ceci dit, les sons clairs sont assez vides, ce n’est vraiment pas dans ce domaine que la JPXI excelle, même si cela reste tout à fait correct.
…sans oublier le côté obscur de la force !
Reste à se pencher sur le circuit dédié aux capteurs piezo situés dans le bridge. Oui, je sais, les sons acoustiques flattent notre côté obscur, celui qui veut jouer du Francis Cabrel, mais je me dois d’en parler ! Indépendant du circuit « magnétique », il peut être complètement séparé (on dispose de deux sorties jack, l’une stéréo utilisable en mono, l’autre mono dédiée au piezo) ou mixé avec le son émanant des micros grâce à un panneau arrière offrant un réglage de mixage et une égalisation deux bandes, ainsi qu’une petite trappe permettant d’abriter une centaine d’abeilles tueuses que l’on pourra lâcher sur le public via un simple switch. Quel boute-en-train ce John ! Cette option n’est disponible que sur son modèle personnel malheureusement… Branchée en direct dans un channel strip Neve faisant office de DI, les résultats sont vraiment inspirants, d’autant plus que l’on n’a pas tous les jours l’occasion de jouer acoustique sur une guitare 7 cordes ! Le son est équilibré et on a même assez de graves et de corps dans le son (!) pour s’autoriser un jeu plus rythmique et plus bluesy sans se contenter d’arpèges sirupeux comme c’est généralement le cas avec les capteurs piezo… Bravo, là encore le pari est relevé avec brio, la force est décidément avec John !
- piezo100:17
- piezo200:16
- piezo300:14
Je ne suis pas son père, mais…
Vous l’aurez compris, je recommande cette JPXI sans hésitation. Certes, elle n’a pas une personnalité à proprement parler débordante (eh oui que voulez-vous, je reste malgré tout un « vilain noiseux » qui préfère se décrocher les gencives avec une Jazzmaster branchée dans une Fuzz War, on ne se refait pas…), et reste dans le créneau des « guitares à tout faire, et même un peu plus », mais elle offre vraiment beaucoup de qualités et sa conception est remarquablement bien pensée, ce qui la démarque d’emblée de nombreuses autres guitares du même genre qui sont souvent décevantes. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour ne pas le reconnaître. Elle conviendra à un panel très large de guitaristes, qu’il s’agisse de métalleux, de post-hardcoreux, de jazzeux, de fusionneux, et de tous ceux qui ont besoin d’avoir un large éventail de sons sous la main. Bref, n’en déplaise aux fans possessifs qui pensaient être les seuls à s’intéresser à la série JP, il est à parier que cette JPXI va faire long feu et convaincre du monde !