Établie à Oklahoma City dans l’Oklahoma, Walrus Audio avait déjà frappé fort avec sa pédale d’overdrive à cinq modes, l’Ages, testée dans nos colonnes, et remet le couvert cette fois-ci avec une distorsion dénommée Eras. Polyvalence, gros son, voyons si cette jolie boîte rouge tient ses promesses.
Eras : une nouvelle ère pour la distorsion
Comme l’Ages, l’Eras est dotée de plusieurs caractéristiques qui en font une pédale assez unique en son genre. Bien que des dizaines voire des centaines de pédales de distorsion se partagent déjà le marché, la proposition de la marque américaine apporte son lot de nouveautés qui pourraient bien faire pencher la balance en sa faveur. Les contrôles présents sur la pédale sont strictement identiques à ceux qu’on trouve sur l’Ages, sa petite sœur. On dispose donc d’un réglage de volume, d’un potard de gain, d’une égalisation (active, s’il vous plaît) à deux bandes (basses et aigus), d’un sélecteur rotatif à cinq positions et d’un contrôle dénommé Blend. Comme sur l’Ages avec laquelle on pouvait amener du son clair à l’aide du potard Dry, le réglage Blend effectue ici la balance entre le son saturé et le son clair. Sur sa position minimale on n’entend que le son clair et sur sa position maximale, que le son saturé. Le réglage Mode permet de basculer entre les cinq modes de saturation qui offrent des versions différentes du même circuit, rendant ainsi la pédale très polyvalente. Ces cinq modes sont les suivants :
I : hard-clipping à LED
II : hard-clipping à diodes au Silicium
III : hard-clipping à LED et diodes au Silicium
IV : hard-clipping à LED avec léger creux dans les médiums
V : hard-clipping à diodes au Silicium avec creux plus prononcé dans les médiums
L’égalisation à deux bandes est active et permet donc d’augmenter ou diminuer les fréquences concernées. Sur leur position médiane, ces réglages n’altèrent pas le son et on peut à loisir décider de booster ou couper les basses et les aigus. C’est un outil très pratique et très efficace pour adapter la pédale à l’ampli sur lequel on la joue.
Le look de la pédale est très soigné, comme toujours chez Walrus. La décoration est signée de l’artiste Adam Forster et représente un taureau ailé à quatre cornes. Le châssis est celui utilisé très régulièrement par la marque avec embases jack et d’alimentation sur le dessus pour gagner un maximum de place sur un Pedalboard déjà bien rempli. La LED qui témoigne de l’activation de la pédale est blanche et bien visible, elle est installée à droite du switch true Bypass. Ce dernier est un soft-switch très silencieux inspirant une bonne robustesse. Comme d’habitude, la pédale m’est arrivée dans sa jolie boîte noire avec logo doré et elle était enveloppée dans une pochette en tissus décoré d’un morse, l’emblème de la marque. La pédale, très belle et aux coloris très bien choisis, respire la solidité et la fiabilité. Les potards exercent une bonne résistance ce qui permet des réglages en finesse. C’est un très bon point d’autant que l’égalisation est assez sensible. On reconnaît bien le sens du détail propre au fabricant qui signe une jolie pédale qui fait envie. Comme la plupart de pédales de saturation du marché, sa consommation électrique est assez faible, autour des 100 mA.
Prête pour le gros son !
Selon le fabricant, la pédale développerait des sonorités hi-gain très modernes, avec un côté resserré très marqué et qui donne au jeu de paume un côté agressif et précis. Il ne me reste plus qu’une chose à faire, installer la pédale sur mon Pedalboard et faire sonner tout ça. Je commence le test en plaçant tous les réglages à midi et le sélecteur de mode sur le premier réglage qui utilise une saturation à LED. J’accorde ma fidèle Fender American Original Custom Telecaster’62, et c’est parti ! J’ai testé la pédale sur un son qui sature très légèrement si on attaque fort. La première chose qui m’a frappé en enclenchant la pédale est l’épaisseur du son. L’Eras transforme littéralement le son de base en un mur de saturation précise et redoutablement musicale. La sonorité de la pédale avec les réglages à midi est déjà très convaincante, mais je tripote quand même les réglages Bass et Treble afin de tester leur réaction. Ils sont très sensibles et permettent de sculpter la distorsion avec précision, mais ils sont surtout là pour adapter le son à l’ampli qu’on utilise. Le réglage de basses réagit bien et avec précision. Pour ce qui est des aigus, le résultat est plus mitigé. On peut les couper totalement et ne pas manquer de présence ; le son s’assombrit beaucoup, évidemment, mais on ne perd pas en définition ni en détail, on conserve tout le haut du spectre nécessaire. En revanche, dès lors qu’on dépasse les deux tiers du réglage, on arrive sur des sonorités beaucoup plus « fizzy », presque tronçonneuse, à la manière de la célèbre Boss HM-2. Il faudra donc être vigilant avec ce réglage. Cela dit, en le laissant sur sa position médiane, le son est déjà très excitant. Je passe sur le mode II qui bascule d’une saturation à LED à une saturation à diodes au Silicium. Le son est immédiatement plus compressé et on dispose de plus de gain. J’en profite pour tester l’étendue du réglage de gain, justement. Sur sa position minimale, le circuit de la pédale colore déjà pas mal le son et on profite d’une très légère saturation. En arrivant à la moitié de la course du potard, le son est bien épais et les accords sonnent de manière pleine très agréable. En l’augmentant encore, le taux de saturation augmente, mais on perd un peu de définition pour gagner en épaisseur, et le jeu de paume est un peu moins resserré (« tight » comme disent nos confrères anglo-saxons). Cependant, on jouit d’un gros son très épais qu’on peut moduler grâce au potard de volume de la guitare. Je replace le réglage de gain à midi pour passer sur le troisième mode qui utilise une saturation à LED et à diodes au Silicium. Comme je m’en doutais, on gagne en saturation et donc en sustain ce qui fait de ce mode le réglage idéal pour les solos. Un léger creux dans les médiums commence à apparaître, mais l’équilibre en fréquences est toujours parfait. Cela m’interpelle d’ailleurs, en regard de la guitare que j’utilise. Souvent, avec une Telecaster ou tout autre modèle de guitare équipée de micros simples bobinage, il faut souvent enlever pas mal d’aigus pour ne pas obtenir un son saturé qui déchausse les dents. Mais l’Eras semble en réalité avoir été conçue pour être utilisée avec des micros simples (ou des micros doubles à faible niveau de sortie, genre PAF) et j’ai en effet découvert une nouvelle facette de ma guitare, plus agressive et musclée.
- Mode I – EQ Tweaking, Blend Max – Telecaster02:04
- Mode II – EQ midi, Gain Tweaking, Blend Max – Telecaster01:36
- Mode III – Gain tweaking, EQ Midi, Blend Max – Telecaster01:32
Chug Chug
Le mode IV est décrit par la marque comme un mode rythmique avec un creux plus prononcé dans les médiums et une saturation à LED. Ce réglage est celui qui m’a le moins enthousiasmé. Le creux dans les médiums fait ressortir les aigus avec ce côté tronçonneuse pas très musical. Cependant, le jeu de paume est ultra « tight », d’où les recommandations de la marque d’utiliser ce réglage en rythmique. Enfin, l’ultime mode, le cinquième donc, est identique au quatrième, mais utilise une saturation à diodes au Silicium. Cette méthode semble plus appropriée au creux dans les médiums puisqu’on récupère du sustain et davantage de saturation. Cet ajout de gain se traduit par un son qui a plus de corps et d’épaisseur tout en conservant le côté ultra resserré. C’est très chouette.
Polyvalente, la bestiole
Si les sonorités de la pédale sont très convaincantes, qu’en est-il du réglage Blend ? Pour ceux qui ont fait Allemand LV1, « Blend » signifie « mélanger » dans la langue de Shakespeare. Ce réglage a donc pour but de mélanger les sons avec et sans effet. Jusqu’à cette partie du test, je l’avais placé sur sa position maximale pour n’entendre que le son saturé, avec effet donc. Toujours sur un son clair/crunch, je commence à le baisser petit à petit. Aux alentours de la moitié de la course du potard, on commence à pouvoir distinguer le son saturé du son « clair ». Deux modes d’utilisation s’offrent alors à nous. Utiliser la pédale par-dessus un son clair et doser à volonté le mélange entre les deux pour faire remonter légèrement les attaques ou simplement éclaircir un peu le son (c’est cette méthode qui correspond à l’utilisation de la pédale avec une basse, on utilisera alors le son clair pour gagner en définition dans les basses fréquences) ; on peut aussi utiliser l’Eras sur un son déjà saturé, soit le son saturé d’un ampli soit un son saturé provenant d’une autre pédale, et mélanger ces deux textures de saturation à volonté. Cette méthode fonctionne très bien et permet d’obtenir des sons saturés très originaux.
Si la pédale fait preuve d’une grande polyvalence, grâce notamment au réglage Blend et à la course très étendue de son potard de gain, elle ne se marie pas nécessairement avec tous les micros. Comme je l’ai précisé plus haut, ma Telecaster (équipée de micros vintage Grey Bottom) et la Walrus Audio Eras se sont parfaitement entendues. En revanche ce n’était pas du tout le même Pastis avec ma Les Paul Custom montée en micros EMG actifs (le fameux kit 81–85). Le son était immédiatement plus flasque, moins défini et beaucoup plus sombre. Ce n’est pas dramatique, la pédale reste excellente avec des micros simples et des micros doubles à petit niveau de sortie, mais c’est un aspect à prendre en considération lors d’une potentielle acquisition. Avec des micros qui poussent un peu, qui possèdent un gros niveau de sortie, la pédale s’en sort nettement moins bien. C’est quelque chose qui, personnellement, ne me dérange pas dans la mesure où j’affectionne particulièrement les micros dits « vintage », à faible niveau de sortie.
En bref
Jolie, solide et très bien conçue, l’Eras est à l’image des autres produits de la marque que j’ai eu le plaisir d’avoir sous la bottine. Son circuit est innovant et propose des options très intéressantes qui lui permettent de se hisser assez haut sur le podium bien peuplé des pédales de distorsion. Le réglage Blend ravira les bassistes et permettra aux guitaristes d’expérimenter en combinant plusieurs grains de sons saturés. Les cinq modes de saturation, décrits par la marque comme cinq « saveurs » différentes confèrent à la pédale une certaine polyvalence. La structure du gain est intéressante et super agréable à jouer. Elle sera amie avec beaucoup d’autres pédales d’effets, mais pas avec tous les micros. Comptez 209 € pour l’ajouter à votre arsenal, ce qui n’est pas excessif pour une pédale made in USA. Walrus Audio confirme (si c’était nécessaire) son savoir-faire en matière de circuit de saturation analogique. Bravo !