Après avoir testé les modèles Strat et Tele de chez Eastone, la marque de Star's Music, nous avons gardé un œil attentif à ses différentes annonces. Récemment, elle a dévoilé une ré-interprétation de l'ES-335, la GJ70, sur laquelle il fallait que nous posions les paluches.
Pour ceux qui dormaient au fond, Eastone est la marque distributeur du magasin Star’s Music. Si le catalogue de la marque n’a proposé pendant quelque temps que des copies de Stratocaster (STR70) et Telecaster (TL70) dont vous pouvez découvrir les tests dans nos colonnes, il s’étoffe peu à peu en proposant de nouvelles copies de modèles phares. C’est aujourd’hui sur la GJ70 que nous allons nous attarder. Il s’agit, comme son nom ne l’indique pas du tout, d’une guitare inspirée de la célèbre ES-335, instrument de demi-caisse à poutre centrale. Proposée à une toute petite fraction du prix d’une Gibson, nous allons déterminer si elle tient toutes ses promesses.
L’ES-335 sauce aigre douce
Au premier regard, la GJ70 présente plutôt bien, sa forme et son gabarit semblent fidèles au modèle original dont elle est inspirée, et le rouge bien pétant lui va bien. Étonnamment, la GJ70 est construite entièrement en tilleul. Le corps, le manche et la poutre centrale sont confectionnés dans cette essence. C’est assez surprenant mais permet à la guitare d’afficher un poids très raisonnable compte tenu de sa taille plutôt imposante. Si Eastone ne nous donne pas d’informations concernant la construction de l’instrument, un rapide coup d’œil dans les ouïes laisse constater l’absence de contre-éclisses. Malgré un look assez similaire à celui d’une « vraie » ES-335, la GJ70 n’est pas construite de la même façon et n’emprunte pas grand-chose à une guitare acoustique contrairement à l’original. Le dos et la table sont cependant bien bombés, c’est assez sympa, et le manche est collé à la caisse. La touche au rayon de 16 pouces est ici en amarante, elle est sertie de 22 frettes médiums pour un diapason de 24.75 pouces, rien d’alarmant. Les repères sont en forme de trapèzes, ce qui est assez curieux, aucun modèle de Gibson ES-335 ne disposant de tels repères. On trouve le plus souvent les repères en forme de points (qui donnent d’ailleurs son nom au modèle : Dot), carrés ou en parallélogrammes scindés en deux. Les ouïes, le manche et le dos de la guitare sont entourés d’un simple filet blanc crème alors que la table et la tête disposent d’un filet multipli.
L’accastillage est chromé et regroupe un cordier Stop-Bar et un chevalet Tune-o-Matic, des mécaniques à bain d’huile, un sillet en plastique et un pickguard noir accompagné de sa patte de fixation. Les boutons de fixation de la sangle sont assez basiques sauf pour l’emplacement de l’un d’entre eux fixé directement sur le talon du manche. Habituellement, on le trouve sur le corps de la guitare. C’est curieux. Enfin, l’électronique est tout à fait standard avec deux micros humbuckers contrôlés par un volume et une tonalité chacun, auxquels vient s’ajouter le sélecteur à trois positions. La tête ne reprend évidemment pas la forme « open book » chère à Gibson ; elle montre néanmoins un placage noir brillant qui porte le logo de la marque. Le cache truss-rod possède trois plis (noir-blanc-noir) et cache le truss Rod double action. La guitare est fabriquée en Chine, elle est fournie sans housse, directement dans son voile de polystyrène lui-même placé dans un carton.
Sunshine of your Eastone
À vide, la guitare développe un volume conséquent, mais c’est normal pour une demi-caisse. L’ensemble vibre correctement, que ce soit au niveau du corps ou du manche, même si on est loin d’une Gibson. Je ne m’attarde pas trop sur le son à vide et branche la bestiole. Comme d’habitude, j’utilise mon petit ampli Hughes & Kettner Spirit of Vintage avec quelques pédales pour épicer le tout. Les micros, sans aller jusqu’à dire qu’ils ont un caractère « vintage », ont l’air très peu bobinés. Ils développent une très faible résistance de sortie ce qui permet à la guitare de ne pas être trop incisive. On a donc des sons clairs très cristallins, et l’ampli ne tord que sur le micro chevalet, en attaquant bien fort.
Si c’est un bon point pour les sons clairs, cette légère résistance de sortie ne permet pas à la guitare d’avoir une réelle personnalité. C’est un point qui se ressent particulièrement en son crunch et en grosse distorsion. On reconnaît le matériel sur lequel on est branché mais la personnalité de la guitare ne ressort pas vraiment. Le son est quand même habillé d’un léger voile, on sent que les micros captent certaines résonances dues à la nature semi-creuse de la guitare. On a un peu plus de basses et un caractère sonore globalement plus doux.
J’active ma fidèle JHS Charlie Brown pour passer en son crunch façon JTM45. On devrait être dans le territoire sonore d’Eric Clapton à l’époque des Blues Breakers et du début de Cream avec cette guitare et ce son : il faut avouer qu’on y est un petit peu. La faible résistance de sortie des micros m’a cependant obligé à monter le niveau de saturation sur la quasi-totalité de mon matériel (pour info, je joue d’habitude sur une Gibson SG équipée en BurstBucker ’61, des micros vintage dans l’esprit PAF). Les potentiomètres remplissent leur office mais sans être excellents (c’est bien normal pour une guitare de cette gamme) ; on peut jouer avec la tonalité des micros mais mieux vaut la laisser sur sa position maximale sauf si on cherche une sonorité jazz très marquée.
Je termine le test sonore en passant sur une saturation plus moustachue et enclenche ma MXR 5150 Overdrive. Avec autant de saturation, les micros perdent en définition et en clarté. Ils ont même un côté boueux pas très agréable. Le jeu de paume est compliqué à faire ressortir correctement, même avec un réglage très « tight » sur mon matériel.
La guitare est définitivement plus à l’aise en sons crunch où j’ai trouvé qu’elle n’était vraiment pas mauvaise, avec un son à la Noel Gallagher.
- LEAD All Pickups02:27
- FUZZ Bridge Pickup01:04
En termes de confort de jeu, le profil du manche (« D » Custom aux dires de la marque) est plutôt agréable et la touche très plate permet un bon confort de jeu sur les frettes les plus hautes. La largeur du sillet (43mm) est assez standard et permet de ne pas être déboussolé. À ma grande surprise, aucun bord de frettes n’est venu m’entailler la main ni me titiller les doigts pendant le test. C’est un fait assez remarquable qui permet à la guitare d’être agréable à jouer dès la sortie du carton. Ne nous emballons pas cependant. Aussi agréable à jouer soit-elle, la GJ70 aura besoin d’un (bon gros) réglage avant d’offrir le meilleur d’elle-même. J’ai passé un peu de temps à ajuster l’action qui était bien trop haute ainsi que la justesse globale de l’instrument. Comme spécifié plus haut, son poids très raisonnable permet de jouer debout sans se détruire le dos.
En bref
Proposée au tarif de 349 €, la GJ70 possède un rapport qualité/prix correct. Si vous aimez la forme de l’ES-335 et le rouge flashy (ma Gibson SG Cherry semble maronnasse à côté), foncez dans votre magasin Star’s Music pour l’essayer. Malgré des mécaniques d’une qualité toute relative et des micros sans grande personnalité, la guitare a quand même un côté attachant. Les finitions sont propres, le frettage est plus que correct et l’instrument est bien construit. L’exemplaire qui m’a été gentiment prêté par le magasin Star’s Music Paris Pigalle ne présente qu’un très léger défaut sur le binding de la table. Blues, Rock, Pop, on peut aborder pas mal de styles musicaux en se faisant plaisir sur cette GJ70, et c’est ce qui compte.