Fils du métal, emo kids, trashers fous, expérimentateurs psychotiques et shredders épileptiques, cette guitare vous est destinée. Conçue en collaboration avec Schecter par Synyster Gates, alias Brian Elwin Haner Jr, fils du musicien Papa Gates et guitariste d'Avenged Sevenfold, la Custom-S est un instrument très ciblé, oubliez tout de suite les styles musicaux joués à moins de 11 au volume ! Dotée d'un "sustainer" (gadget permettant d'obtenir un sustain infini, et plus encore), c'est une guitare vraiment intéressante et bien conçue pour peu qu'on ne soit pas rebuté par son apparence. Ouvrons donc les portes de ce sinistre pénitencier et voyons ce qu'il y a à l'intérieur…
Sus à l’austérité !
Premier constat, c’est toujours agréable de voir de l’innovation et de l’extravagance dans le domaine de la forme du corps de la guitare : ici, on est en présence d’une forme vaguement stratoïde, dotée d’une corne supérieure un peu priapique et donnant à l’ensemble un côté « art moderne » plutôt réussi. Par contre, amis concepteurs, pourquoi ne pas avoir enlevé les quelques millimètres de trop qui forcent l’utilisateur des transports en commun que je suis à fermer le gigbag avec un chausse-pied ? C’est un détail, mais c’est toujours un peu rageant de pousser une fermeture éclair dans ses derniers retranchements à cause d’un léger dépassement. La forme de la tête typique de Schecter est au rendez-vous, soulignant avec ses deux cornes démoniaques le côté métal de la guitare. A la première prise en main, la bestiole pèse son poids sans que cela soit abusif et force est de constater que la lutherie est d’un très bon niveau. Notons une première particularité : lorsqu’on retourne l’instrument, on remarque que le manche en acajou est un manche traversant en 3 pièces. Cela doit en théorie assurer une stabilité sans faille du manche au fil du temps. Toute la guitare est recouverte d’un épais vernis avec une finition noire brillante de bon aloi, le sustain à vide est très bon (ce que l’on perd à cause du vernis épais est rattrapé par le manche traversant et la qualité de l’acajou utilisé pour le manche et le corps).
Soyons francs, le look de la Custom-S me laisse de marbre. Soucieux d’éviter le lynchage facile et gratuit, d’autant plus que tous les goûts sont dans la nature, même les mauvais, je vais essayer d’argumenter ce constat : tout d’abord, il me semble que trop de têtes de mort tue la tête de mort. En effet, on constate sur le manche un premier crâne volant doté d’ailes de chauve-souris, et un deuxième présent sur la tête, non ailé, mais chapeauté élégamment. Première faute de goût, le premier est incrusté dans la touche en ébène (la matière utilisée n’est pas de la nacre, et malheureusement ça se voit) alors que l’autre est imprimé dans le vernis : c’est vraiment dommage car cela nuit à l’unité globale du design. Par ailleurs, il faut savoir faire des choix : chauve-souris ou haut-de-forme, il eut fallu choisir, ou combiner. Ce type de choix esthétique un peu maladroit pourra malheureusement rebuter des guitaristes n’adhérant pas ou peu à ce type de visuels (surtout s’ils sont un peu ratés) et leur faire rater l’occasion d’essayer cette guitare qui n’en est pas moins intéressante à de nombreux égards. Pour finir en ce qui concerne les incrustations du manche, les trois lettres gothiques « S Y N » rappelant le pseudonyme du concepteur de cette guitare pourront éventuellement être personnalisées pour vous approprier un peu plus cette guitare : par exemple, si l’on rajoute les lettres « D I C », cela devient un hommage vibrant au monde de la gestion immobilière. Vous l’aurez compris, je ne suis pas un grand fan de l’autocélébration, d’autant plus lorsqu’elle est un peu grossière comme c’est le cas ici… Enfin, et je serai en l’occurrence plus prudent car après tout je n’ai rien contre les rayures, reste la question du choix du décor de la table consistant en un ensemble de traits argentés qui me semblent relever du FBI (bureau de répression des Fausses Bonnes Idées). En la matière, je vous laisse seuls juges, ô vous lecteurs tout-puissants !
Mais revenons à l’essentiel : le confort de jeu. De ce côté, rien à redire : le manche en « D » légèrement aplati au centre est vraiment génial, on se sent tout de suite à l’aise et l’accès aux aigus est parfait. Les grosses frettes (à dire avec l’accent de François Damiens, rire garanti) donnent un sentiment de rusticité de jeu atténué par le radius important qui donne une touche assez plate, ce qui est assez traditionnel pour les instruments métallurgiques. Au final, cela n’a pas une grande personnalité, mais on arrive à s’adapter très facilement et presque instantanément à cette guitare, ce qui n’est déjà pas mal ! Les réglages d’usine sont excellents, je n’ai eu aucun tour de clé à effectuer pour trouver mon confort.
Un petit tour d’horizon de l’accastillage s’impose : les mécaniques Grover Rotomatic sont sans surprises, fiables à souhait. Les choses se gâtent quand on se penche sur le vibrato Floyd Rose : tout d’abord, l’angle de la tige est un peu trop aigu, ce qui rend sa prise en main peu pratique. En effet, il suffit de quelques degrés manquants pour gêner le jeu lorsqu’on aime saisir son vibrato avec le petit doigt de la main droite pour des effets en finesse… Il va falloir d’ailleurs sacrément muscler ledit petit doigt car la souplesse n’est vraiment pas au rendez-vous. On bataille grandement pour obtenir ce qui normalement ne demande qu’une petite pression sur la tige, cela n’a rien à voir avec les sensations procurées par un « bon » Floyd Rose… D’autre part, je ne donne pas cher de la peau des fine-tuners à moyen terme.
Votons contre la baisse des taux de distorsion !
Grand amateur de gadgets et autres accessoires à la James Bond, c’est avec avidité que je me penche sur l’électronique de la Custom-S. En effet, on remarque tout de suite un étrange micro manche nommé « Sustainiac » qui augure une expérience de jeu sortant de l’ordinaire. Mais commençons par le commencement : hormis le sustainer, le reste est très classique : deux humbuckers, un Seymour Duncan Invader côté bridge et le fameux Sustainiac côté manche, le tout piloté par un volume, une tonalité et un sélecteur à trois positions. Pas de push-pull à l’horizon, on ne pourra pas splitter les bobinages des micros pour se prendre pour David Gilmour, bien qu’il faille avouer que ce n’est pas vraiment l’orientation générale de l’instrument en question ! Je branche donc la bête dans une tête Orange (difficilement, la prise jack de la guitare étant un peu dure) et je commence à envoyer du steak tartare dans le baffle. Pas de grosse surprise, le son est agressif à souhait, même si j’ai connu mieux en termes d’attaques. La guitare a une belle couleur dans les mediums, l’acajou la composant y étant certainement pour beaucoup. Seul le micro manche me déçoit un peu par son manque de caractère, l’avantage étant qu’il sera assez passe-partout : la discrétion est parfois une vertu.
- son satu micro bridge 100:10
- son satu micro bridge 200:11
- son satu micro bridge 300:17
- son satu both mics00:10
- son satu micro neck 100:06
En son clair, rien de très rédhibitoire à noter, si ce n’est que j’ai constaté une différence de niveau assez importante entre le micro manche et le micro bridge et que la course du potentiomètre de tonalité n’est pas linéaire, ce qui n’est pas gênant pour ma part, mais pourra en décontenancer certains.
- son clair 3 positions00:16
- son crunch micro bridge 100:16
- son crunch micro neck 100:18
Venons-en au principal élément de cette guitare : le micro Sustainiac (suce tes… quoi?). Alimenté par une pile 9V accessible au dos de la guitare, il est contrôlé par deux switches, l’un de mise en service, l’autre de choix de l’apparition d’harmoniques ou non lorsqu’on joue des notes. On y trouve trois modes : le mode normal, qui permet d’obtenir des notes infinies, le mode « harmonic » qui, comme son nom l’indique, génère des harmoniques (quintes, septièmes, octaves, selon la note jouée), et un mode intermédiaire. Habitué du fameux e-bow, j’avoue vivre comme une libération d’obtenir le même effet sans avoir à tenir un gros bout de plastique devant mes cordes !
Lorsqu’on enclenche le sustainer, il agit quel que soit le micro choisi, manche ou bridge. Cela marche vraiment bien, même si mon espoir d’obtenir des accords infinis s’est vite estompé (lorsqu’on joue un accord, la corde la plus grave finit toujours par prendre le pas sur les autres), mais je chipote. Globalement, cela apporte vraiment une nouvelle dimension au jeu, permettant de créer des ambiances tout à fait singulières. Et cela vaut le coup d’essayer, ne serait-ce que pour l’étrange et unique sensation de sentir le vrombissement (car c’est est un !) de la corde que l’on joue alors qu’on ne la sollicite pas avec la main droite : c’est une expérience vraiment particulière, d’autant plus que la vibration se ressent dans tout l’instrument, de manière beaucoup plus forte qu’avec un e-bow. Il est même possible de faire des effets assez inédits façon orchestre de sirènes de police par exemple, en laissant simplement la guitare s’exprimer par elle-même et en baladant le bottleneck sur les cordes ! L’utilisation de cet accessoire sera d’ailleurs très intéressante pour ouvrir le champ sonore de l’instrument en combinaison avec le sustainer.
- sustainer 3 positions00:31
- sustainer demo00:40
- sustainer demo bottleneck00:23
- sustainer fx00:14
Une candidate convaincante
Le nouveau bébé de monsieur Sinistre me laisse convaincu sur le fond, mais mitigé sur la forme. Je suppose que c’est bien entendu une affaire de goût personnel, mais je reste persuadé que l’élégance globale de cette Custom-S aurait vraiment pu être optimisée à moindres frais, surtout qu’une seule finition est disponible… Dans tous les cas, la lutherie est tout à fait à la hauteur du prix annoncé (1400€ environ) même si certains détails (le vibrato en tête) feront réfléchir certains acheteurs européens (la marque est assez bon marché aux USA, mais beaucoup moins dans nos contrées). Un point important est à souligner : la Custom-S est également disponible en version gaucher (la version gauchiste et sa finition rouge n’est, par contre, pas envisagée). Toutes choses bien considérées, le bilan est donc néanmoins positif pour cette guitare à haute teneur en métaux lourds qui ravira les shredders modernes avides de sensations fortes !