Dernier leg laissé par Léo Fender à sa marque, rachetée dès 1965 par le groupe CBS, la guitare Mustang a d'abord été conçue pour mettre à jour la gamme d'instruments d'étude du catalogue déjà composé des guitares Music Master et Duo-sonic.
Si la version guitare a profité de la vague rock des années 90, pour connaître un revival certain aux États-Unis, les basses, quant à elles, n’ont jamais vraiment connu de réelle notoriété. Conçues en quatre cordes dès 1966, les basses Mustang ont été arrêtées au début des années 80 pour réapparaître quinze ans plus tard. Voici la dernière version de ce modèle, arrivée en 2013 au sein de la série Pawn Shop.
Petite Latina
Calquée sur la forme originale de 1966, la Pawn Shop se différencie du standard par sa finition et son équipement electro-magnétique : les micros passent du bobinage simple (splitté) à un gros double dissimulé sous un large cache métallisé et une bande vient scinder la table à hauteur de l’avant-bras droit. Ce détail esthétique, ajouté en 1969 sur plusieurs modèles de la marque et reproduit ici, constituait un clin d’oeil aux couleurs employées sur les voitures de circuit au début des années 50. Le premier modèle de Mustang agrémenté de cette bande sera appelé « Competition Mustang ».
Le corps, aussi menu que celui d’une guitare, est en aulne recouvert d’une épaisse couche de vernis polyuréthane. Le manche au diapason court (30 pouces soit 76,2cm) est composé classiquement d’érable, superposé à une touche en palissandre. Son galbe est l’association habituelle d’un profil en C, de la finesse du manche de Jazz Bass (38,1 mm au sillet) et d’un radius de 9,5". C’est donc plus court que la normale, mais on conserve tout de même des cotes bien référencées chez les bassistes.
Un micro unique mais double, trône au milieu de la table, recouverte d’une plaque imitant l’intérieur d’une huitre (perso, je trouve que mélanger le blanc à la nacre est un peu moyen visuellement). Le bloc chevalier-cordier est bien massif (il reprend de loin le célèbre design du bloc vibrato du modèle guitare) et permet de charger ses cordes en traversant le corps (uniquement). L’électronique rudimentaire consiste en un potard de volume et de son équivalent à la tonalité. Le poids est idéal puisque léger (3,4 kilos) et l’équilibre tout à fait honorable grâce au diapason court, rendant le jeu carrément confortable, assis comme debout. Sur le plan de l’écartement des doigts, comme sur celui de la fatigue encourue par votre bras gauche, il est vrai que le recours à un trois-quart peut résoudre pas mal de besoins.
Personnellement, je m’exposerais à dire que c’est un plus, surtout pour un bassiste occasionnel jouant déjà de la guitare, une personne de petite taille ou un enfant. La finition est belle, c’est même ce petit look accrocheur qui m’a décidé à tester cet instrument même si encore une fois, je n’aime pas la plaque en nacre et ne raffole pas des basses blanches. Il est important de préciser à cet égard que ce modèle se vend aussi en sunburst et en rouge, mais la vilaine plaque reste constante sur cette déclinaison.
Le seul reproche que je ferais à cet instrument avant de le brancher concernera exclusivement les cordes qui l’équipent, bien trop flottantes à mon goût : du 40 – 95 sur un diapason court, c’est un peu léger et la conséquence rend à la fois le jeu pas vraiment confortable et un signal assez brouillon.
La taille ne veut rien dire !
Surtout du point de vue sonore… Car si la Mustang était à l’origine une basse d’étude, cette version donne le change avec son gros gain poussé par le double bobinage. Le niveau de sortie est donc appréciable : voilà un petit diapason qui cogne dur et surprend aussi par un gros son bien bas. Cependant, là où le bât/bas blesse (désolé, je n’ai pas pu résister), réside dans le manque de possibilités tonales de cette dernière : les quelques essais effectués sur cette Pawn shop ne laisseront pas la place au doute. J’ai apporté la belle en répétition pour remplacer ma Jazz Bass et au final, je me suis rendu compte que pour couvrir les basses fréquences le boulot était bien fait. Par contre question médiums et aigus, il y a quelques lacunes qu’il faut rattraper via l’égaliseur de l’ampli. Et même en faisant le nécessaire, j’ai eu du mal à trouver la dynamique dont j’ai besoin pour marquer ma pulsion. Pour un jeu aux doigts bien pulpeux, assis sur de la ronde ou de la blanche, la Mustang ne pose pas de souci. Par contre, il est difficile de mettre en valeur un plan slap ou d’obtenir des bas médiums précis.
Ce constat sera encore plus évident une fois l’instrument branché dans ma carte son, sans passer par un préampli intermédiaire. Dans cette configuration, il m’est impossible d’avoir recours à un égaliseur pour corriger les manques de ce gros double : il est en effet costaud niveau gain et grosseur de son, mais sa position, comme sa nature, engendrent un signal un peu sourd à mon goût. Et les cordes flottantes n’aident en rien : il reste difficile de jouer sans bender ou toucher le capot du micro. Quant à la précision tonale, tout comme la netteté du signal, elles en prennent toutes les deux pour leur grade. Donc un changement de cordes s’imposera vraiment selon moi, ainsi qu’une bonne correction assistée par au moins quatre bandes ou un semi-paramétrique. Car tel quel, le grain de la Mustang n’est pas facile à apprécier, on a beau jouer de la tonalité pour passer de la rondeur à autre chose, il reste difficile d’élever le débat.
Voici quatre extraits, deux joués aux doigts avec une tonalité dans les graves et une seconde dans les aigus, suivis d’un petit plan slap et d’une prise au médiator.
- 1 Fingers Tone 7 00:25
- 2 Fingers Tone 10 00:25
- 3 Slap Tone 10 00:25
- 4 Pick Tone 10 00:25
Vous constaterez certainement le côté assez brouillon et sourd du grain naturel de la Mustang.
Je pense que le micro double en split et les cordes molles y sont pour beaucoup. À cet égard, je reste plus convaincu par les versions équipées de la configuration magnétique d’origine, à savoir un bobinage simple splitté. Le gain est certainement moins gonflé et le signal plus fluet, mais je trouve ce dernier bien plus précis sur une Mustang de base ou même, une Squier Bronco. Je serai donc assez critique sur les qualités sonores de cette Pawn Shop jouée telle quelle et prêcherai soit un recours au bobinage simple, soit un passage par une touche en érable, pour rendre mon jugement plus constructif. Je vous laisse une version bonus de l’extrait au médiator après un rapide passage dans un égaliseur, un chorus et une simulation d’ampli. Juste pour vous faire une idée de ce qu’on peut obtenir après un rapide traitement. Je n’ai pas l’habitude de le faire dans mes tests, mais je veux juste insister sur le fait que cet instrument demande à être corrigé pour être tout à fait exploitable.
Pas convaincu
Pourtant emballé à la base de voir une version de la Mustang tirée par le haut, je suis un peu revenu de mon excitation première pour arriver à cette conclusion : cet instrument ne serait pas du tout pour moi. Même si les vertus d’un diapason court sont claires à mes yeux, je ne vois pas vraiment vers quelle clientèle se tourne cette Pawn Shop trop chère pour le débutant et pas assez performante pour un bassiste avéré. Plus chère que des standards qui ont fait leur preuve, elle sonnera toujours moins bien qu’une Precision ou une Jazz Bass mexicaine. Je ne fonde cette critique que sur l’appréciation sonore et le rapport qualité-prix de l’instrument. Pour le reste : les qualités générales de fabrication et la finition de cette petite mexicaine ont déjà dû faire de l’œil à certains d’entre vous. N’hésitez donc pas à vous laisser aller à un essai personnel, si le testeur que je suis n’a pas été convaincu, rien ne vous empêche d’être tenté.