Près de 8 ans après Trilogy, Spectrasonics revient à la basse virtuelle avec Trilian. La nouvelle référence en la matière ?
Mais en matière de basse virtuelle, c’est surtout avec Trilogy, en 2002, que l’éditeur a frappé un énorme coup : basé sur l’UVI Engine d’Ultimate Sound Bank (le même moteur audio utilisé alors par les Plug Sounds et le MachFive de MOTU) et reposant sur une banque, énorme à l’époque, de plus de 3 Go, Trilogy s’est vite imposé comme la référence de sa catégorie, et ce pour plusieurs raisons : un sampling soigné et détaillé au son énorme, véritable marque de fabrique de l’éditeur, mais surtout une polyvalence qui faisait défaut à la concurrence. Basse moderne, vintage, acoustique, électrique ou encore synthétique, jouée au doigt, au médiator ou slappée : rien ne semblait manquer cependant qu’une splendide contrebasse couronnait le tout. Certes, d’aucuns pouvaient préférer le grain d’un Quantum Leap Hardcore Bass (allant du grain vintage au franchement distordu, très orienté rock, indus et big beat) ou le détail et la fluidité des basses Scarbee, mais force était de constater qu’aucun compétiteur ne proposait un rapport diversité/qualité à la hauteur de Trilogy. Très bien foutu et relativement efficace pour programmer des parties de basses naturelles (notamment grâce aux programmes True Staccato qui permettait de disposer au sein d’un même patch de notes tenues sur les 4 octaves graves et de notes en staccato sur les 4 octaves aiguës), Trilogy n’était toutefois pas sans reproche : certains regrettaient un certain manque de caractère quand d’autres remettaient justement en question le son « énorme » des instruments proposés, bluffant sur une partie solo mais envahissant au sein d’un mix plus touffu…
Et puis, il faut l’admettre, en vis-à-vis des derniers modèles en provenance de Scarbee ou de Pettinhouse, il faut dire que Trilogy accuse son grand âge du point de vue technique. Tout ça pour dire qu’on est plutôt content de voir débarquer Trilian dans sa belle boîte, au dos de laquelle se trouve une première surprise.
Grosse Bertha
Petites configs s’abstenir…
And then there was Lite
Bien que gérant la lecture d’échantillons en streaming depuis le disque dur, Trilian est un gros consommateur en terme de mémoire vive. Bien conscient du problème, Spectrasonics propose divers moyens pour alléger les patches et même des versions Lite de ces derniers. Entre les panneaux ‘System’ et ‘Lite Version Options’, vous pouvez ainsi définir la RAM maximum allouée au logiciel, définir le niveau de Round Robin ou le désactiver, et faire de même avec le legato. Plus intéressant encore, vous pouvez jouer sur les samples liés aux différentes vélocités, avec notamment la possibilité de ne pas utiliser les samples au-delà ou en deça de telle vélocité. Vu que la basse est un instrument dont on écrase très souvent la dynamique à grand coup de compresseur, la chose ne manque pas de pertinence. Soulignons toutefois que, quelques soient les options que vous désactiviez, vous appauvrirez le réalisme de l’instrument : ça n’a rien de gênant pour une basse électrique au sein d’un mix rock, mais ça l’est plus pour un solo de contrebasse. Et comme les patches de contrebasse sont les plus gourmands, on en revient au constat de base : pour profiter pleinement de Trilian, il vous faut 4 Go de RAM, voire plus en fonction des autres instruments virtuels que vous comptez utiliser à côté.
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Dans les faits, j’ai d’abord tenté l’installation sur un Windows XP 32 bits avec 3 Go de mémoire vive et, s’il était possible de charger de nombreux patches, d’autres demeuraient inaccessibles : les contrebasses notamment (le chargement de la banque démarrait sans jamais s’achever). Direction donc la boutique informatique du coin pour passer mon PC à 6 Go de RAM ; j’en profite pour mettre à jour mon Windows vers Seven 64 bits, puis réinstalle Cubase 5.1 et les drivers de mon Echo Gina3G. Me voici ‘Trilian Compliant’…
Bien qu’un peu longuette, l’installation des 5 DVD se déroule sans problème. Après la procédure d’autorisation en ligne du logiciel, la mise à jour du soft en version beta 1.2 se fait quant à elle en 3 fois : un patch pour le logiciel, un autre pour les presets, et un dernier pour la banque de samples. Tout fonctionne même si c’est un peu laborieux : un patch unique serait vraiment plus 'user friendly’…
Finissons la partie installation en précisant que Trilian ne fait l’objet d’aucune version Standalone et ne peut donc être utilisé qu’en tant que plug-in VSTi, AU ou RTAS dans une application hôte. Un mot sur la doc ? Pour sa partie papier, elle se résume à un guide d’installation, le vrai manuel n’étant pas livré au format PDF mais sous forme HTML via Trilian lui-même. C’est donc votre navigateur Internet qui servira à le consulter… en anglais. Relativement complet, ce dernier décrit une à une toutes les fonctions du logiciel, mais ne comptez pas trop sur lui pour vous apprendre à programmer des parties de basse. Sur ce point, ne doutons pas toutefois que Spectrasonics publiera sous peu quelques vidéos bien senties comme à son habitude.
L’Omnisphere de la basse
Au sommet de cette dernière se trouve le Multi, une sorte de super patch pouvant contenir jusqu’à 8 parts et disposant de 4 racks d’effets auxiliaires et d’un rack d’effets Master. 4 pages permettent d’éditer un Multi : Mixer pour mixer les différentes Parts de ce dernier, FX pour gérer les racks d’effets susmentionnés, Live permettant via un système de Keyswitches de passer d’une Part à l’autre, et Stack qui permet de gérer les splits de claviers ou de volumes entre les parts, les recouvrements progressifs étant possibles. Descendons d’un niveau dans l’architecture pour nous intéresser à la couche Part, qui n’est ni plus ni moins qu’un patch instrument 'simple’ (exemple : Staccato, Sustain Vibrato) à charger dans l’un des 8 slots d’un multi et associé à 4 fenêtres : Arp, un arpégiateur/séquenceur 32 pas, FX, une section permettant de gérer 4 effets en Insert et surtout Edit, qui comme dans Omnisphere, consiste en une version améliorée de l’ancienne interface de l’UVI Engine, et vous met à la tête d’une matrice de modulation, d’un filtre multimode, de 6 LFO et de 4 enveloppes. J’avais dit 4 fenêtres et il en manque une : Main.
Bon d’accord, mais ça sonne?
Le premier changement très perceptible, c’est l’apparition du Round Robin. Qu’est ce que c’est? C’est le pote en collants de Round Batman, mais c’est surtout une technique qui consiste à alterner plusieurs samples d’une même note et d’une même vélocité pour éviter un effet de répétition trop mécanique lors du redoublement d’une note. En la matière, Trilian propose jusqu’à 16 samples pour une note identique (sur le programme X-Ghost de la basse Bissonnette, la plupart des patches proposant un Round Robin x2, x4 ou x6), le Round Robin pouvant se faire de manière séquentielle (toujours le même ordre de lecture), aléatoire (le sample suivant est défini de manière aléatoire) ou sur un cycle aléatoire (l’ordre des samples est redéfini aléatoirement à chaque cycle). Rien qu’avec ça, Trilogy qui au mieux n’offrait que son mode True Staccato pour bidouiller tant bien que mal un Round Robin x2, est aux fraises. Voyez ce que ça donne sur le patch Rock P-Bass, d’abord sans Round Robin, puis avec, et enfin sur le patch de contrebasse bénéficiant de 6 samples de Round Robin :
- noroundrobin pbass dry00:11
- roundrobin pbass dry00:11
- roundrobin upright dry00:11
Voici une trille réalisée avec le modèle Rock P-Bass :
Et une descente, la première utilisant le Dynamic Legato, et la seconde attaquant toutes les notes :
A titre de comparaison, voici la même séquence jouée avec le patch Rock Picked Bass de Trilogy…
Dur de ne pas préférer le premier exemple, non?
Evidemment, les coyotes de Spectrasonics en ont aussi profité pour proposer plus de vélocités différentes au niveau des samples. Là encore, on est en net progrès face au prédécesseur de Trilian, même si sur nombre d’instruments, les sauts de vélocités sont encore audibles :
- vlocitroundrobin pbass dry00:08
- vlocitroundrobin upright dry00:08
Rien de grave toutefois, vu que la basse est généralement un instrument qu’on n’hésite pas à compresser à bloc au moment du mix…
Polyvalence extrême
Puis la même avec les réglages opposés (Ampli à 0 et Pickup à 100 %) :
Pour les contrebasses, c’est la même chose sauf qu’on dispose d’un son Pickup au rendu très 'électro’ et d’un U-147 plus éloigné, qui fait respirer l’instrument, lui donne de l’air.
Si en plus les diverses sections d’effets s’en mêlent, vous imaginez les possibilités…
Les effets dans les faits
Ce détail mis à part, force est de reconnaître que tous ces effets sont efficaces et permettent de travailler les sons pour obtenir les choses les plus diverses :
- goodtimes jbass wah00:09
- goodtimes jbass sfx100:09
- goodtimes jbass delay00:09
- goodtimes jbass fuzz00:09
Disons qu’à ce stade, on est clairement en face d’une usine à Sound Design plus que d’une simple basse virtuelle, ce qui en ravira certains, mais en rebutera d’autres. Les certains en question seront en outre ravis de savoir que Trilian fonctionne à merveille en tandem avec Omnisphere et Stylus RMX.
Tous les patches de la basse virtuelle de Spectrasonics sont en effet susceptibles d’être directement chargés dans Omnisphere où l’utilisateur pourra les combiner aux divers sons du logiciel au gré de Multis au mapping plus ou moins sophistiqué.
Voyez dans les exemples ci-dessous comme le patch de Trilian seul, puis le patch d’Omnisphere seul fonctionnent à merveille lorsqu’ils sont réunis au sein de ce dernier (c’est lamentable, je sais, mais un seul doigt a été utilisé pour produire cet exemple).
- mixomnisphere trilianalone00:52
- mixomnisphere omnialone00:52
- mixomnisphere00:52
Groove et arpégiateur sans synchro :
Arpégiateur calé sur le groove de Stylus :
Conclusion
Bénéficiant de l’expérience acquise avec Omnisphere et Trilogy, Trilian est bien la tuerie qu’on attendait. Outre son sampling au-delà de tous soupçons et ses possibilités d’édition ou de traitement gargantuesques, c’est surtout l’extrême polyvalence de l’instrument et son petit prix qui sont ses points forts. Certes, Native Instruments propose à 89 € l’unité des basses Scarbee qui n’ont rien à envier, en terme de qualité, au logiciel de Spectrasonics. Mais pour ce prix, vous n’avez qu’un modèle de basse, soit en son DI, soit amplifié. Alors qu’ici, c’est la complète Oeuf-Jambon-Fromage et supplément chantilly qui vous attend, soit un grand nombre de basses, amplifiées et en DI, plus une bibliothèque complète de sons synthétiques, un stick Chapman et une contrebasse, une fretless, etc. De fait, le logiciel n’a aucun vrai concurrent sur le marché…
Si l’on ajoute à cela qu’il s’entend à la perfection avec Stylus RMX et Omnisphere, nul doute qu’il devient encore plus incontournable pour certains musiciens. Et en tant qu’ancien utilisateur de Trilogy que j’adorais, je peux vous dire que les deux softs ne jouent plus du tout dans la même catégorie (8 ans les séparent, il est vrai…)
Seul vrai point faible de la bête : son exigence matérielle. On pourra certes dégrader les patches ou jouer du Freeze dans son séquenceur pour passer outre, mais on est tout de même un peu halluciné de voir une basse se montrer si gourmande…
Quoi qu’il en soit, Mr Persing et ses hommes ont une nouvelle fois fait très fort, et à ce prix là, il va être très dur de venir les chercher…