Pour suivre notre petite organisation habituelle, nous allons aujourd'hui nous intéresser aux instruments typiques du Reggae... où les notions d' « instruments » et de « typiques » vont se trouver quelque peu bouleversées !
En effet, si l’on s’en tient aux à la définition classique du terme « instruments », il n’y en a aucun dans le Reggae qui ne soit réellement caractéristique du genre en tant que tel et que l’on ne pourrait retrouver ailleurs exactement sous la même forme, qu’il s’agisse de la batterie, de la guitare (parfois remplacée par un clavier), de la basse ou de la voix humaine. Non, dans le cas du Reggae, il nous faudra décaler notre regard et chercher l’originalité de ses outils d’expression soit dans une tradition musicale parallèle soit dans son moyen principal de diffusion.
Les tambours Nyabinghi
Nous évoquions dans l’article 22 la tradition Nyabinghi et ses rapports complexes au Reggae, et il nous semblait donc important de décrire ici de manière un peu plus détaillée les instruments employés pour la réaliser, en l’occurrence les trois tambours « baandu », « funde » et « kete » ou « repeater ».
Le premier est appelé également « thunder drum » et il s’agit du plus large des trois. C’est un tambour grave joué au maillet, avec un son ouvert sur le premier temps et étouffé sur le 3e temps. On notera en passant que les rythmes Nyabinghi ne tiennent pas compte du « one drop » évoqué dans l’article précédent ! Le « kete » est le plus petit des trois et celui dont la sonorité est la plus aiguë. Il est utilisé principalement pour les parties improvisées, même s’il marque souvent les temps 2 et 4. Enfin le « funde » se situe entre les deux autres en termes de taille et de sonorité. Son rôle, en appuyant les temps 1 et 3 de manière étouffée, est d’assurer une assise rythmique constante et de ce fait, il est souvent associé aux battements de cœur.
Le Sound System
L’évocation du Sound System dans le cadre d’un article dédié aux instruments de musique pourrait sembler étrange à bien des égards, mais un genre musical ne s’exprime pas toujours uniquement via les outils primordiaux que sont les instruments ou la voix humaine. Il peut se donner à entendre également par des éléments qui pourraient sembler périphériques, mais qui dans le cas du Reggae vont s’avérer primordiaux, quitte à servir même de fondation à d’autres styles postérieurs. Les premiers Sound Systems sont apparus dans les années 40, à l’époque où un générateur, une platine et deux enceintes montés sur la plate-forme arrière d’un camion permettaient d’aller diffuser de la musique jusque dans les lieux plus reculés de la Jamaïque. Humainement, un Sound System est composé d’un « selecter » qui choisit les disques, et d’un « toaster » qui commente la sélection. Le Sound System deviendra le moyen principal de se faire connaître pour les musiciens de l’île tous styles confondus, et lorsque notamment le Reggae accédera à sa renommée mondiale actuelle, on observera le phénomène intéressant que les concerts live des grands artistes et groupes se feront surtout à l’étranger, alors qu’en Jamaïque ils continueront d’être essentiellement diffusés via les Sound Systems. Le premier DJ à connaître le succès a été Tom Wong, avec son Sound System « Tom the Great Sebastian ». C’est lui notamment qui lancera la carrière de Count Matchuki, de son véritable nom Winston Cooper, qui a été le premier DJ à improviser vocalement par-dessus les disques qu’il passait. Beaucoup même considèrent d’ailleurs Count Matchuki comme l’un des inspirateurs du Rap et le père du Beatboxing. Après « Tom and the Great Sebastian », il rejoindra l’autre Sound System mythique de l’île, celui de Clement Dodd alias « Coxsone ». Celui-ci était également le fondateur du fameux « Studio One », premier studio d’enregistrement de l’île possédé par des noirs, dans lequel Bob Marley fit ses débuts et qui a vu passer de nombreux artistes comme The Skatalites ou Burning Spear.
Les rivalités entre Sound Systems étaient nombreuses, et les duels artistiques ou « Sound Clashes » pouvaient parfois se terminer en « Sound Crashes », lorsque les hommes de main payés par l’un des sound systems venaient saccager le matériel de l’autre et effrayer les auditeurs.