Je vous propose aujourd’hui, en préambule de cet article sur les caractéristiques musicales de la Cumbia, de voir comment celle-ci a obtenu son statut de musique nationale colombienne en sacrifiant une partie de ses racines.
Une musique sous influence
Avant de disséquer les particularités musicales et rythmiques de la Cumbia, il y a un phénomène qu’il est important de comprendre, c’est celui de la « cubanisation » de la musique colombienne. Ce phénomène repose sur deux piliers. Tout d’abord, il faut savoir que de nombreuses villes colombiennes entretenaient des orchestres municipaux souvent formés en grande partie d’instruments à vent, en parallèle des orchestres traditionnels. Ensuite, les années 30 ont vu le développement massif de la radio dans le pays, radio qui a notamment beaucoup diffusé des chansons et musiques importées de Cuba, fortement orchestrées et assez éloignées de leurs racines africaines. Rien à voir avec la Rumba que nous avons étudiée dans les articles 5 à 8 ! Ces musiques connurent un grand succès en Colombie. Or pour les diffuser, il était à l’époque moins cher de les faire jouer directement par un orchestre appointé par la radio que de se procurer des enregistrements (sic !). Du coup, chaque grande station de radio en Colombie disposait de son orchestre attitré. Les compositeurs locaux de Cumbia se mirent alors à écrire ou arranger leurs propres œuvres pour ces orchestres. Et ces compositeurs étant souvent issus des ensembles à vents municipaux cités plus haut, ils n’eurent aucun mal à intégrer des instrumentations de « big band » dans la Cumbia originelle. La Cumbia ainsi obtenue perdit certes un peu de son africanité et de son indianité, mais elle en devint par là-même un symbole plus englobant de la société colombienne dans son intégralité.
La rythmique
Mais ces arrangements et ré-orchestrations n’impactèrent pas la structure rythmique traditionnelle de la Cumbia. Celle-ci présente une nature plutôt simple mais forme une exception parmi les musiques d’Amérique latine en cela qu’elle est l’une des rares à ne pas reposer sur le principe du « tresillo » cité dans l’article 16. La rythmique caractéristique de la Cumbria ne repose pas du tout sur la syncope, mais sur une structure binaire avec une accentuation du deuxième temps.
Voici ci-dessous un arrangement typique de la Cumbia avec un arrangement pour les tamboras, llamador, tambora allegre et guache dont je vous ai parlé la semaine dernière :
Et voici un motif de Cumbia arrangé pour des instruments plus occidentaux :
Les schémas mélodiques
L’une des principales caractéristiques mélodiques de la Cumbia est de proposer des phrases musicales répétitives. On y retrouve ici pleinement l’influence des areitos évoqués dans l’article 17, ces formes chantées et dansées incitant par leur répétition à mémoriser les paroles et les événements. Ces phrases musicales peuvent être rejouées à volonté et ne jamais sembler tendre vers une fin en particulier.
Eh bien voilà, c’est un nouveau cycle qui s’achève ici, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine autour d’une musique récente mais devenue en quelques décennies le symbole d’une nation entière … et qui n’est pas prête de partir en fumée…