Poursuivant notre périple à travers les musiques traditionnelles du monde, je vous propose cette fois une étape qui va peut-être vous étonner car c'est en Jamaïque que nous allons nous arrêter, et que c'est le Reggae que nous allons étudier.
Histoire et présentation du Reggae
La pertinence de ce choix pourra vous sembler discutable dans le cadre d’un dossier sur les musiques dites « traditionnelles ». Mais si j’ai choisi de traiter du Reggae aujourd’hui, c’est parce que malgré son caractère récent, cette musique née à la fin des années 60 est devenue en l’espace de quelques décennies l’un des symboles culturels les plus marquants de la Jamaïque. Le Reggae est l’héritier des traditions musicales de l’île, notamment le Mento et le Calypso, mais également l’éphémère Rocksteady et le Ska fortement inspiré du « Scat » popularisé par l’américain Louis Armstrong. Et puisque nous évoquons les Etats-Unis, citons encore la Soul et même le Doo-wop comme sources du Reggae. Comme souvent, l’étymologie du nom se prête à de multiples conjectures. Mais de nombreux commentateurs s’accordent pour dire que ce serait Frederick « Toots » Hibbert qui l’aurait inventé avec son titre Do the Reggay. Si lui-même avoue qu’il ne donne pas de signification particulière à ce mot et que c’est quelque chose qui lui serait sorti de la bouche « comme ça », il peut être intéressant de noter que ce mot se rapproche de l’expression jamaïcaine « streggay » qui signifie « fille facile ».
Ceci nous amène d’ailleurs à nous intéresser aux implications sociétales du Reggae qui se traduisent par deux styles principaux attachés chacun à un courant de pensée et /ou style de vie particulier : le Reggae « roots » et le Reggae « dancehall ». Le Reggae dit roots se rattache au mouvement Rastafari, système de pensée à la fois spirituel et politique fortement lié aux traditions judéo-chrétiennes de l’Éthiopie, très critique quant aux Églises occidentales et qui considère l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié comme le véritable Messie envoyé par « Jah » ou Jéhovah. C’est cette forme de Reggae qui s’est imposée internationalement car c’était celle que défendait Bob Marley, icône du Reggae s’il en est. On notera d’ailleurs que certains Rastafari comme les Bobo Ashanti ne toléraient pas le Reggae mais ne reconnaissaient qu’aux percussions Nyabinghi le droit de rythmer leur philosophie. Si le Reggae « roots » représente le côté lumineux imprégné de spiritualité, la version « dancehall » quant à elle pourrait en représenter le côté obscur. Le Reggae dancehall traduit en effet les violences de la société jamaïcaine tout en s’appropriant à travers le personnage jamaïcain du « rude boy » la figure du « gangsta » véhiculée par les productions culturelles occidentales. Cette dernière version s’avère aujourd’hui sans doute plus vivante et plus active que le Reggae « roots ». Elle donnera notamment naissance au Raggamuffin.
Le Reggae connaît dès ses débuts un très grand succès international et se développe principalement en Angleterre, mais aussi en France. Cette musique sera accueillie dans ces pays notamment par le mouvement « skinhead », avant qu’une frange de celui-ci n’adopte les idées d’extrême droite.
Dans les années 70, l’ingénieur du son King Tubby commence à manipuler les bandes enregistrées en les remixant et en leur adjoignant des effets externes, créant ainsi le « Dub », un style de Reggae à part entière qui nourrira à son tour de nouvelles formes musicales, principalement électroniques, telles que la Drum’n bass, la Jungle et le Dubstep. Mais ce n’est pas uniquement par le Dub que le Reggae se trouve précurseur des musiques électroniques. À l’instar de ces dernières en effet, il intègre dès le début dans sa culture-même les moyens de diffusion modernes. Car c’est bien davantage par les Sound Systems des DJ jamaïcains que par les concerts live de ces artistes que la véritable expérience « Reggae » s’est transmise aux auditeurs, en tous cas sur l’île, et ce en rupture avec tous les autres styles musicaux de l’époque, même les plus modernes comme le Rock qui ont quant à eux toujours placé le concert au pinacle de leurs expériences respectives.
Artistes et œuvres
L’inventeur du nom « Reggae », Toots Hibbert était fortement inspiré de la Soul, et davantage par celle issue de Stax que celle provenant de Motown. Ici la chanson qui a donné son nom au Reggae :
Mais c’est véritablement Bob Marley qui portera cette musique à son sommet.
L’un de ses principaux compagnons de route au sein des Wailers sera Peter Tosh, figure emblématique d’un Reggae particulièrement conscient et impétueux :
Le producteur de certains albums des Wailers sera une autre grande figure du Reggae, Lee « Scratch »Perry, l’un des rares survivants de la grande époque :
L’autre grand survivant de cette époque est Jimmy Cliff, qui contrairement à ses camarades ne se ralliera pas au mouvement Rastafari mais plutôt à l’Islam qu’il juge plus universel.
L’un des principaux représentants du Dancehall sera Capleton :
La relève du Dancehall est notamment assurée aujourd’hui par Mavado :
En Angleterre, c’est le groupe Steel Pulse qui portera principalement la bannière du Reggae :
Tandis qu’en France nous aurons Pierpoljak ouTonton David: