Aujourd'hui, nous allons nous pencher sur une tradition culturelle tout à la fois antérieure, en marge, parfois constitutive et parfois même antagoniste du Reggae : la musique nyabinghi !
Le culte Nyabinghi
Le culte Nyabinghi est apparu dans le sud-ouest de l’Ouganda, au Congo et au Kenya au milieu du XIXe siècle, en réaction à la colonisation. Le nom du culte se réfère à une princesse ougandaise, Muhumasa qui s’est sacrifiée dans le combat contre les colons blancs et qui aurait était habitée par l’esprit de la reine légendaire Nyabinghi. Ce mot serait d’ailleurs devenu le synonyme de, « victoire des noirs » « mort aux blancs » ou même « mort aux blancs et leurs alliés noirs » selon les interprétations. Le culte était dirigé par des prêtresses, les « bagirwas », auxquelles on prêtait des dons de mediumnité. Le culte aurait ensuite disparu après le couronnement en Ethiopie en 1929 de Haïlé Sélassié, dont certaines sources prétendent qu’il en aurait été un représentant. Quoi qu’il en soit, à l’issue du rassemblement rastafari en Jamaïque de 1958, le mouvement rastafari se divise en plusieurs groupes, dont les Bobo Ashanti et l’Ordre Nyanbinghi.
Les groundations
Ce type de rassemblement est appelé « groundation » ou « grounation » et sert de moment de réunion et d’affirmation de la foi en Jah et d’opposition à l’oppression blanche. Ces groundations servent à renforcer parmi leurs participations la conviction d’appartenir au peuple rastafari. C’est à l’origine lors de ces réunions que sont jouées les rythmes Nyabinghis, souvent par un groupe d’hommes placés en ligne ou en demi-cercle. Le reste de l’assemblée, composée d’hommes et de femmes, chante des versets à la gloire de Jah, reprenant parfois des hymnes chrétiens ou célébrant la nature divine de Haïlé Sélassié. C’est bien sûr en hommage à ces rassemblements que le célèbre groupe de Reggae californien Groundation tire son nom.
Les rythmes Nyabinghis
Malgré leur nom, les rythmes Nyabinghis pratiqués par les Rastas ne s’inspireraient pas directement de musiques pratiquées par les peuples rebelles auxquels leur nom fait référence. Ils puiseraient leur origine dans les rythmes Burru et Kumina pratiqué dans l’Est de la Jamaïque. Le principal architecte de la création des rythmes Nyabinghis jamaïcains a été le musicien rasta Count Ossie. En ce qui concerne les instruments Nyabinghis à proprement parler, il s’agit de trois tambours : le « baandu » ou « thunder drum » basse, le « funde » médium et le « repeater » plus aigu. Nous reviendrons plus en détail sur la nature des rythmes et des instruments Nyabinghis respectivement dans les deux prochains articles du présent dossier, avec les autres rythmes, caractéristiques musicales et instruments liés au Reggae.
Les relations du Reggae et du Nyabinghi
La musique Nyabinghi est considérée comme une forme de musique religieuse rastafari qui évolue en parallèle du Reggae. Les deux courants musicaux parfois se rencontrent, se mêlent, se nourrissent mutuellement ou s’opposent. Ainsi par exemple, les Bobos Ashantis n’ont longtemps pas supporté le Reggae et toléré uniquement que les percussions Nyabinghis.
Mais de nombreux musiciens Reggae ont introduit les rythmes Nyabinghis dans leurs compositions, et notamment Bob Marley dans par exemple Selassié is the Chapel, écrit en 1968.
Son épouse Rita est d’ailleurs devenue une fervente adepte de la religion rastafari à la suite de la visite de Haïlé Sélassié où elle aurait aperçu dans les mains de ce dernier les stigmates du Christ.
D’autres musiciens Reggae non-rasta comme le musulman Jimmy Cliff ont également introduit des rythmes Nyabinghis dans leurs compositions ou leurs performances.
On voit ici Jimmy Cliff en « duel » avec Peter Tosh :