Si l'article précédent vous a permis de repérer une musique relevant authentiquement de la tradition andine par sa structure, nous verrons dans celui-ci quelles clés peut nous fournir l'instrumentarium dans ce domaine.
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Quels instruments doivent être joués, et comment
Je vous citais dans l’article précédent certains indices dans la structure des musiques andines qui permettaient de différencier une musique réellement traditionnelle de celles davantage prévues pour complaire au goût européen. Il en va de même pour l’instrumentarium authentiquement traditionnel et son utilisation qui diffèrent aussi de celui qui nous est souvent présenté comme tel. Si le charango ou la harpe andine ont atteint le statut de véritable instrument traditionnel, il ne peuvent en revanche pas être considérés comme pré-colombiens car les Incas ne connaissaient pas les instruments à cordes. Je ne parle évidemment même pas de certains arrangements avec guitares classiques et violons que l’on peut trouver sur certaines compilations de « musique inca »… Lors de la prestation d’un véritable ensemble indien, seuls les tambours peuvent jouer en même temps qu’une autre catégorie d’instrument : les différents types d’instruments ne jouent en général pas simultanément.Enfin, il faut savoir que les Indiens de l’Altiplano ne vouent pas la même affection que nous aux sons graves et favoriseront plutôt les aigus comme nous avons notamment pu le voir dans les exemples chantés des précédents articles. Même quand certains instruments disposent d’un registre grave, celui-ci n’est quasiment jamais exploité.
Je vais profiter de la relative richesse de l’instrumentarium andin pour vous présenter les catégories utilisées pour classifier les instruments en général : les idiophones, les membraphones, les aérophones et les cordophones, une classification que je conserverai sans doute pour l’étude des prochains styles musicaux.
Idiophones
Les idiophones sont des instruments dont c’est la matière même dont ils sont constitués qui produit le son. Il n’y a pas énormément d’idiophones chez les Andins. On ne trouve pratiquement que les Chajchas, des sabots de chèvres ou de porcs montés en cercle sur un fil que l’on agite.
Membraphones
Les membraphones sont des instruments dont le son est produit par la mise en vibration d’une membrane tendue. Ils sont un peu plus nombreux que les idiophones dans la culture andine. Il y a le Huancar, un tambour formé par un morceau de tronc évidé, sur lequel est tendue une peau de lama.
Il y a le tinya, un petit tambour qui présente la particularité d’avoir ses deux membranes rattachées l’une à l’autre. Ces dernières étaient à l’origine en peau de lama.
Aérophones
Les aérophones sont des instruments dont le son est produit par la mise en vibration d’une colonne d’air. C’est dans cette catégorie que l’on trouve le plus grand nombre d’instruments traditionnels andins, dont leurs célèbres flûtes. Nous avons tout d’abord la Quena, flûte simple, dont l’embouchure n’est pas constituée d’un bec, mais d’une encoche. Elle peut être de tailles différentes, et comporte généralement de trois à six trous.
On trouve ensuite la fameuse flûte de Pan, appelée Antara en quechua, Siku en aymara et Zampoña en espagnol. Elles peuvent être en roseau ou en terre cuite.
Après les grandes stars de l’instrumentarium andin, on trouve également parmi les aérophones le Pututo, un nom qui désigne plutôt la trompe en général. Il peut s’agir d’une simple conque, souvent obtenue par le commerce avec les peuples côtiers, ou d’instruments en terre cuite dont la forme rappelle davantage notre cor de chasse.
On trouve également le Wakrapuku, un instrument fabriqué à partir de cornes de taureau découpées puis assemblées les unes aux autres. Cet instrument nous introduit déjà dans le domaine des apports espagnols, puisque les bovins étaient inconnus des Pré-Colombiens.
La tarka est une évolution de la flûte à bec européenne. C’est aussi l’un des exemples types d’instrument dont les Indiens négligent le registre grave dans leurs prestations traditionnelles, alors que c’est précisément dans ce registre que la tarka est employée dans les productions faites pour satisfaire le public européen.
Cordophones
Les cordophones sont des instruments dont le son est produit par la mise en vibration d’une ou plusieurs cordes. Comme déjà évoqué précédemment, les deux instruments à cordes emblématiques de la culture andine sont d’inspiration espagnole. Il s’agit du Charango et de la Harpe andine. Le charango est une petite guitare dont la caisse était à l’origine constituée de la carapace d’un tatou. Elle comporte 5 paires de cordes, chaque paire étant accordée sur une note particulière, selon des règles d’accordages très particulières (cf article 10).
Pour ce qui est de la harpe andine, elle possède entre 32 et 38 cordes, est accordée de manière pentatonique et peut être utilisée en marchant.
C’est ici que nous achevons cette nouvelle série d’articles. Et la semaine prochaine, c’est vers le Brésil que nous mettrons le cap !
Bien que particulier, l’accordage du charango est pratiquement identique au ukulele. G4x2, C5x2, E4+E5, A4x2, E5x2.
Il faut juste un peu s’adapter pour les accords ou bien muter le jeu de cordes E qui est en double.
Léon Punkachien
Drogué·e à l’AFéine
Posté le 31/01/2020 à 21:29:40
Merci newjazz. Articles très intéressants. Après le Brésil. Cool. Ensuite un petit tour par l'Amérique Centrale ce serait pas mal.
Suite à ton avant dernier article j'avais retrouvé un petit reportage péruvien sur Taquile et un ethno-musicologue français qui y vit régulièrement depuis 20 ans, c'était raccord avec ton article. Je vais le retrouver et le poster.
Léon Punkachien
Drogué·e à l’AFéine
Posté le 31/01/2020 à 21:45:36
Citation de newjazz :
Lors de la prestation d'un véritable ensemble indien, seuls les tambours peuvent jouer en même temps qu'une autre catégorie d'instrument : les différents types d'instruments ne jouent en général pas simultanément. Enfin, il faut savoir que les Indiens de l'Altiplano ne vouent pas la même affection que nous aux sons graves et favoriseront plutôt les aigus comme nous avons notamment pu le voir dans les exemples chantés des précédents articles.
Pour illustrer ce propos, la video de Xavier Bellenger à Taquile.
Je précise que cette fête n'est pas une attraction touristique. Taquile, sur le Titicaca, est une ile où les habitants ont toujours voulu garder leurs traditions, musicales, vestimentaires, et culturelles en général. Plus qu'ailleurs dans les Andes on y préserve les coutumes héritées de l'empire Inca. Le système communautaire des anciens a toujours cours. Taquile est un monde à part, j'espère qu'il le restera. Je pense que la musique de Taquile est celle qui se rapproche le plus de la musique andine des origines, d'avant la conquista.
Eddie666killer
Posteur·euse AFfamé·e
Posté le 01/02/2020 à 17:46:53
Citation de neeco13 :
Il faut juste un peu s’adapter pour les accords ou bien muter le jeu de cordes E qui est en double.
Peux-tu développer en quoi il faut muter un jeu de E ? Je joue un peu de charango (vraiment peu) et je n'ai jamais rien adapté de ce registre, suis-je à la ramasse ? Et pour côtoyer ou avoir côtoyé quelques pointures en charango, j'avoue ne pas saisir le truc, mais bon, les pointures en question étant pour la plupart des européens, on a pu passer à côté du truc...
La musique traditionnelle de ce type a bercé mon enfance, mes parents et grands-parents en ayant toujours joué. C'est d'ailleurs par la Zampona et la Quena que j'ai débuté en tant que "musicien" à l'age de 6 ou 7 ans.... ça fait plaisir de voir un article sur le sujet !