Si pour vous la musique andine n'évoque que l'illustration sonore de vieilles publicités de café instantané, je vous propose d'opérer immédiatement une mise à jour de vos connaissances sur le sujet !
Les origines et l’histoire
On désigne par « musique andine » la musique pratiquée par les peuples de l’Altiplano, les hauts plateaux de la Cordillère des Andes. Ces peuples sont principalement représentés par les tribus amérindiennes Aymara (essentiellement autour du Lac Titicaca) et Quechua (partout ailleurs). La musique andine tient une place importante dans les traditions sonores de l’Amérique du Sud, non seulement en tant que musique de certains des premiers occupants du continent, mais également par l’importance de la zone géographique couverte qui s’étend du Venezuela à l’Argentine en passant par la Colombie, l’Equateur, le Pérou, la Bolivie et le Chili. Malgré cette large distribution spatiale, cette musique présente toutefois de nombreuses caractéristiques qui permettent de la définir comme un ensemble cohérent. Ceci provient en bonne partie des unifications culturelles déjà pratiquées dans cette région par l’empire Inca avant la conquête espagnole, mais également du fait de cette même conquête espagnole, notamment lorsqu’il a été question d’évangéliser les populations.
Comme dans de nombreuses autres traditions musicales, celles de l’Altiplano avaient à l’origine une forte valeur rituelle indigène, que l’on retrouve d’ailleurs dans la composition même de leurs orchestres ou carrément dans l’accordage de leurs instruments qui peut varier selon les saisons (nous y reviendrons). Les missionnaires espagnols comprirent donc rapidement que pour ré-orienter la spiritualité de ces peuples de leur religion d’origine vers le christianisme, il fallait en passer par leur musique. Et voici comment ils ont opéré. Malgré une certaine cohérence culturelle générale dans toute cette région, chaque village indien possédait ses propres particularités culturelles et musicales. Les Espagnols ont donc encouragé les imitations d’interprétation de musiques entre les communautés indiennes. Ceci eût pour effet non seulement de transformer des traditions musicales à valeur essentiellement rituelle en musiques de « spectacle » et de compétition amicale entre villages, mais également de renforcer encore les échanges et donc une certaine uniformisation culturelle. Pour les occasions religieuses à présent chrétiennes, ce fut la musique d’origine espagnole qui fut importée, notamment la musique baroque.
Pour finir cette toute petite introduction, il convient également de noter deux choses importantes. La première est que l’on distinguait encore à la fin du siècle dernier (le 20e…) la musique pratiquée par les peuples ruraux de l’Altiplano de celle des métis européano-indiens des villes. Et la seconde, c’est que contrairement à de nombreuses musiques d’Amérique latine, celle de la Cordillère des Andes n’a longtemps été que très peu influencée par les traditions africaines. L’explication en est simple : tout d’abord ces régions montagneuses n’ont pas connu l’esclavage et ensuite, après l’abolition de ce dernier, les populations d’origine africaine se sont plutôt dirigées vers les villes. On peut toutefois aujourd’hui assister à de fructueux mélanges musicaux, comme nous allons pouvoir le constater.
Les œuvres et les artistes
Tout d’abord voici une compilation datant de 1958 de musiques péruviennes traditionnelles :
Parmi les représentants les plus emblématiques de la musique andine traditionnelle, on peut citer les boliviens du Grupo Aymara :
le joueur de « charango » péruvien Jaime Guardia :
et la chanteuse bolivienne Luzmila Carpio, qui a d’ailleurs été ambassadrice de son pays en France entre 2006 et 2010 :
Pour ce qui est du mélange de musique espagnole baroque avec les traditions andines, on citera notamment le « Hanacpachap cussicuinin », première oeuvre liturgique en langue quechuane publiée en 1631 par le moine franciscain Juan Pérez Bocanegra, ici par l’ensemble Ex Cathedra:
D’autres oeuvres de la renaissance et de l’époque baroque sont proposées ici sous la direction de Jordi Savall:
Le groupe qui a réellement fait connaître la musique andine en occident et a même largement participé à la genèse de la « world music » sont les Chiliens d’Inti Illimani, dont le nom lui-même mélange les origines quechuane (« Inti », pour le soleil) et aymara (« Illimani », le nom d’une montagne bolivienne):
On les voit ici dans un style nettement moins typiquement andin en compagnie de Eva Ayllon, l’une des principales représentantes du courant afro-péruvien :
Enfin, je ne peux pas ne pas citer El Condor Pasa, « zarzuela » (forme de comédie musicale) composée par Daniel Alomía Robles en 1913 et dont le thème principal moultes fois repris en occident (notamment par Simon et Garfunkel) est quasiment devenu chez nous le symbole même de la musique andine :