À l’occasion de la sortie de Studio One 5.5, l'occasion nous est donnée de nous pencher sur l’offre d’abonnement de PreSonus, qui concilie contenus et services pour un tarif relativement raisonnable. Bon plan ?
Sur Audiofanzine comme ailleurs, le modèle de l’abonnement, arrivé dans le sillage de Microsoft et d’Adobe qui s’y sont convertis avec succès, est sujet à de nombreux débats. L’idée de ne jamais vraiment posséder l’outil sur lequel on travaille a quelque chose d’angoissant pour certains, tandis que d’autres sont mal à l’aise avec l’idée d’être tributaire d’une connexion Internet quand d’autres encore ont parfaitement compris le piège économique qui se cache derrière tout cela : 10 euros pour Netflix, 10 autres pour Dropbox, 10 pour le Playstation Network, 10 encore pour Spotify ou pour tel média, pour telle plateforme de didacticiels… Petit à petit, à coup de 10 balles par ci et 15 balles par là, on se retrouve facilement avec plus d’une centaine d’euros d’abonnement par mois, une somme qui va s’ajouter à d’autres autres charges plus incontournables : facture Internet et téléphone, gaz, électricité, transport… Bref, il est aisé de se laisser tenter par la petitesse des sommes demandées de prime abord, mais on se rend vite compte qu’il faut bien peser le pour et le contre d’une formule avant de s’abonner, et d’oublier qu’on s’est abonné…
Sauf que voilà, dans le jeu des abonnements, Presonus semble avoir mieux pensé les choses qu’un Plugin Alliance par exemple. Il ne s’agit pas seulement de louer l’intégralité des softs de PreSonus, mais de disposer en sus de contenus et de services exclusifs aux abonnés, comme nous allons le voir…
Rent a Sphere, côté soft et ressources
Proposée à 12,20 euros par mois sans engagement (soit 146,40 euros sur un an) ou 11,18 euros par mois avec un engagement d’un an (soit 134,15 euros), Sphere vous donne évidemment accès à Studio One, le logiciel phare de Presonus, mais aussi à Notion, ainsi qu’à l’éditeur de Presence XT (85,77 euros pour les non-abonnés) et l’Audio Batch Converter, utilitaire de conversion par lot (une cinquantaine d’euros pour les non-abonnés), auxquels s’ajoutent tous les plug-ins PreSonus et toutes les extensions pour Studio One et Notion.
Pour l’essentiel, il s’agira de banques de boucles ou de banques de sons pour PresenceXT ou Notion, mais aussi et d’extensions comme les Mix Engine FX, vendus en bundle un peu plus de 80 euros, ou encore le Fat Channel Collection, vendue 160 euros et qui propose une petite douzaine de modélisations d’EQ et de compresseurs célébrissimes.
Que penser de tout cela ? Que du côté des samples et des instruments virtuels, il y a de très bonnes choses d’un point de vue qualitatif bien que Presence XT ne soit pas en mesure de rivaliser avec Kontakt et Falcon sur le plan technologique, de sorte qu’on ne s’attendra pas au niveau de Spitfire sur les instruments orchestraux, ni à celui d’AcousticSamples ou de Synthogy sur les pianos électriques ou acoustiques.
Bien que les émulations proposées pour le Fat Channel soient réellement excellentes, tant du point de vue du son que de la consommation de ressources, le plus intéressant demeure toutefois selon moi les extensions du Mix Engine FX qui permettent de colorer façon Vintage la sommation dans Studio One. Grâce à ces derniers, on peut ainsi aller chercher une couleur Neve, SSL ou API, et même le son du bon vieux Porta-07 de Tascam avec un réalisme bluffant (avec un plus une émulation de l’empâtement du son lorsqu’on ralentit la vitesse de défilement de la bande virtuelle). Il ne s’agit pas seulement d’adapter la courbe de réponse en fréquence des tranches ou d’amener une jolie saturation typique des ces légendes lorsqu’on pousse le gain, mais même d’émuler le « Crosstalk Chanel » des consoles analogiques, soit l’aptitude d’une tranche a voir son signal fuiter sur la tranche voisine. Une horreur pour certains puristes, une bénédiction pour d’autres, car la chose est non seulement réglable et débrayable, mais elle peut sans conteste contribuer à « gluer » le mix de fort belle manière… Bref, à n’en pas douter, au rayon modélisations de légende, ce que nous propose Preso est de suffisamment bonne qualité pour vous éviter d’investir dans l’abonnement d’un Slate ou d’un Plug-in Alliance, ou encore des bundles Waves ou IK, même s’il manque encore quelques petites choses ça et là : on aimerait bien que ça bouge du côté des réverbes, comme disposer d’un deesseur ou d’un processeur de transitoires.
Disons en tout cas que le deal est plus qu’honnête même si chacun devra voir en fonction de ses usages et de ce dont il dispose déjà comment il valorise un Notion ou les ressources d’un Presence XT.
Contenus et services…
Mais Sphere ne propose pas que cela et comprend également un paquet de contenus réservés à la communauté : suite de tutos sur le mixage, podcast avec écoute critique de morceaux des membres, flux live exclusifs… Presonus fait ce qu’il faut pour animer sa communauté et vous devriez être satisfait de ce qui est proposé pour peu que vous parliez anglais (rien n’est traduit) et pour peu que vous ne vous attendiez pas à voir des tutos signés Chris Lord Algee ou Rick Rubin. Ici, ce sont les experts de Presonus qui s’y collent, sympathiques et pédagogues, mais certainement pas des stars, bien que certains artistes et pros jouissant d’une petite notoriété proposent des presets ou des sons…
Tout ceci, en regard de tout ce que la communauté peut produire comme contenu, presets, macros, mapping et qui vous attend depuis Studio One même, est un formidable moyen de mieux connaître votre outil, d’apprendre, de progresser et de faire a priori, à la fin, de la meilleure musique.
Or, je vous ai gardé le meilleur pour la fin : Sphere intègre un outil de travail collaboratif. Via 30 Go qui vous sont réservés dans le Cloud de l’éditeur, vous pouvez ainsi stocker vos morceaux et constituer des groupes de travail en ligne pour collaborer à plusieurs sur un même projet depuis votre séquenceur même. Une sorte de super Dropbox donc, orientée audio et qui, pour peu que vos bossiez avec des gens sous Studio One, est un vrai bon outil de travail et d’échange.
Bon, vous me direz qu’à l’heure où Mixup audio est gratuit et multiplateforme (avec toutefois une limite d’un mois dans la sauvegarde), la chose n’est pas si attractive que cela, mais gageons que son intégration à Studio One sur laquelle Presonus progresse de version en version est un argument assez intéressant.
Conclusion sur Sphere
Il sort une nouvelle version de Studio One tous les deux ou trois ans et la mise à jour vers cette dernière est vendue 150$. Si vous ne valorisez que Studio One, il va sans dire que vous ne ferez pas affaire avec Sphere. Toutefois, le fait de disposer « gratuitement » via votre abonnement de toutes les extensions et ressources proposées par l’éditeur au moment où elles sortent comme les nombreuses ressources pédagogiques exclusives proposées rendent l’offre de l’éditeur plutôt attractive. Si l’espace collaboratif vous fait en outre économiser le prix d’un Dropbox, il va sans dire que l’affaire devient intéressante. Bref, il reviendra à chacun de voir midi à sa porte, en fonction de ce qu’il valorise ou non dans ce qui est proposé, sachant que je trouve éminemment plus pertinent pour ma part de louer un ensemble de services, d’outils et de contenus cohérents pour une douzaine d’euros par mois, que plus de 180 plug-ins (dont une quarantaine d’EQ et une quarantaine de compresseurs) pour 25 $ mensuels comme le proposent d’autres.
Et Studio One dans tout ça ? Eh bien la STAN fétiche de la marque vient de débarquer en version 5.5, laquelle propose gratuitement, comme d’habitude avec PreSonus sur les version x.5, un nombre de nouveautés que certains concurrents n’hésiteraient pas à faire payer (suivez mon regard…). Principal axe de travail de cette nouvelle version : la partie Project du logiciel, dédiée au mastering.
Chef de Project
Même si la chose n’a rien d’étonnant, car elle était fort justement réclamée par nombre d’utilisateurs, on dispose désormais de quantités d’avancées propres à la partie Song dans la partie Project, à commencer par le bus du monitoring.
C’est d’autant plus important que ce dernier vous permet d’appliquer des effets et traitements que vous entendrez au casque ou sur vos enceintes sans pour autant qu’ils soient pris en compte au moment de l’export. L’intérêt ? Pouvoir utiliser en tout confort des outils de calibrage de casque ou d’enceintes à la Sonarworks comme des outils de simulation d’écoute à la Waves NX (notamment utiles pour rétablir le réalisme d’une écoute aérienne au casque du point de vue de la stéréo) sans avoir à les désactiver au moment de l’export. Une fonctionnalité fort bienvenue donc, même si l’on attend toujours chez Presonus comme ses concurrents que ce type de traitements soit directement intégré au logiciel.
Autre nouveauté important dans la partie Project : la possibilité de faire des automations et de disposer du clip gain. Là encore, ça manquait vraiment pour pouvoir faire sérieusement du mastering depuis Studio One, car bien des morceaux réclament des ajustements suivant qu’on est dans l’intro, le refrain ou le couplet.
Toujours dans l’onglet Projet, on dispose de la possibilité de faire un rendu non destructif des morceaux : une sorte de freeze qui permettra d’économiser les ressources de la machine. Quand on sait ce que peut pomper un Ozone sur le CPU, c’est là encore un ajout bien pratique.
Enfin, pour en finir avec la partie Mastering, Presonus a revu tout ce qui concerne l’export, en proposant un nouvel algo de dithering, mais aussi et surtout la possibilité de conformer toutes les pistes à une valeur de loudness et de pic cible et de réaliser en un clic un export dans plusieurs formats. À l’heure où il faut se conformer aux normes de différentes plateformes de streaming en plus de celles des autres médias ou support, voilà qui permet de gagner un temps précieux et rend la partie Project plus pertinente que jamais, sachant que le vrai confort de faire votre Mastering dans Studio One, c’est de pouvoir faire des allers-retours entre le mixage et le master pour réaliser des ajustements.
Bravo pour cela donc, même si l’on aurait aimé disposer de la possibilité de faire l’ajustement du loudness en amont de la fenêtre d’export, pour chaque piste. En l’absence d’une telle fonction, il faudra continuer à ajuster fastidieusement la fader de chaque morceau pour remesurer ensuite le loudness… Bref, il y a encore une petite marge de progrès à ce niveau, tout comme au niveau de l’interface : sur des 27 pouces en 4K, il ne fait aucun doute que l’organisation des différents panneaux est ergonomique, mais sur un ordinateur portable, c’est une autre paire de manche et on aimerait pouvoir réduire tel visualiseur ou supprimer tel panneau pour personnaliser son espace de travail…
Tout cela, c’est bien beau, me direz-vous, mais en dehors de la partie Project que vous n’utilisez peut-être pas, quoi de neuf ? Et je vous répondrai…
Plein de petites choses
Des petites choses qui, en fonction de votre utilisation, changeront ou ne changeront pas votre vie. Parmi les plus intéressantes d’un point de vue créatif, on notera la possibilité de récupérer la grille d’accord d’un fichier MIDI par simple cliquer-glisser sur la piste d’accord, ce qui peut être un parfait point de départ pour faire une cover.
En complément à cela, on dispose de la nouvelle possibilité de décaler le départ de notes pour simuler des strumming typiques des instruments à cordes. La chose se fait très simplement avec un raccourci clavier et la souris, et comme l’on dispose en outre de la nouvelle possibilité de dessiner des stacks de notes à la verticale comme de contraindre le piano roll à une gamme, disons qu’il sera plus rapide que jamais, en combinant tout cela, de programmer des guitares MIDI…
Viennent ensuite des choses plus anecdotiques comme la possibilité de gérer le NAP par plug-in (système permettant de mettre en veille un plug qui n’est pas utilisé pour économiser des ressources), de copier-coller des pads dans Impact XT, de faire du Stretch audio depuis le début d’un clip, de caler la fin des événements sur la grille, tout cela et bien des broutilles encore en plus du support du format audio Opus et une meilleure gestion des plantages de plug-ins… Et c’est à peu près tout !
Conclusion sur Studio One 5.5
Sûr donc que si la partie Project ne vous intéresse pas, cette 5.5 vous laissera sur votre faim, tout comme la v5 pouvait en avoir laissé d’autres sur la leur s’il ne se sentaient pas concernés par la partie Show du logiciel. Soyons toutefois beaux joueurs en reconnaissant que tout cela est une mise à jour gratuite, ce qui ne nous empêchera pas de passer notre commande au Père-Noël pour la V6 du logiciel : longtemps qu’on attend des choses aussi banales qu’un processeur de transitoire ou un déesseur (et pas seulement des tutos vidéo pour nous expliquer comment déesser avec un compresseur multibande), plus de modulateurs MIDI et une meilleure gestion des plug-ins MIDI (mon récent test de Fluid Pitch m’a remis face aux limites de Studio One sur ce point), des outils permettant de mieux chercher et s’organiser dans les morceaux et projets, la possibilité de sauvegarder l’historique et… la gestion du surround ! En effet, si cette dernière ne concernait qu’un éventuel débordement du soft sur le marché du broadcast, l’apparition du Dolby Atmos dans la musique sous la houlette d’Apple change un peu la donne…
Bref, il y a encore à faire, sachant que l’équipe de Presonus demeure très à l’écoute de sa communauté qui peut suggérer et voter pour les nouvelles fonctionnalités depuis les forums de l’éditeur. Sachez-le : il est donc en votre pouvoir de faire pencher la balance… Et soulignons-le pour finir, dans cette version 5.5, Studio One demeure l’un des logiciels les plus attractifs pour faire de la musique sur le marché, non seulement pour certaines fonctions originales (Project, MixFX, gestion audio de la piste accord) mais aussi et surtout parce qu’il est extrêmement bien conçu d’un point de vue ergonomique. Bref, vous connaissez la chanson : essayez, et achetez si vous êtes convaincus… ou abonnez-vous !