On a longtemps attendu un Cubase 11.5 et voici que Steinberg change son fusil d’épaule pour nous livrer une version 12 qui comporte des douzaines d’améliorations pour changer votre quotidien en studio…
Avant même de rentrer dans les entrailles de cette nouvelle mouture, précisons en effet que ce Cubase 12 est d’autant plus attendu que Steinberg n’a pas sorti, comme il avait l’habitude de le faire depuis plusieurs années, de version x.5… et donc de Cubase depuis novembre 2020 ! Un changement de stratégie commerciale qui nous promet plus de richesse dans cette version 12, et qui s’accompagne d’une autre petite révolution pour l’éditeur allemand : l’abandon du dongle USB eLicencer comme système de protection !
Le petit dongle est mort
Alors qu’iLok s’était en effet depuis longtemps mis à l’autorisation via le Cloud ou le disque dur de l’ordinateur, Steinberg demeurait à la traîne sur ce point et on est heureux de voir que les Allemands ont modernisé leur système de protection pour cette douzième version, ce qui implique du coup une connexion à Internet, mais évite de fabriquer des bouts de plastique qui bousillent un peu plus l’environnement, comme de monopoliser un port USB sur des machines, avec tout ce que cela peut poser comme problème en cas d’usage d’ordinateur portable (Ah ! Le hub qu’il faut se trimballer ! Ou encore cette clé qui s’arrache et dont une partie reste bien enfoncée dans la prise à 10 minutes du lever de rideau : demandez à notre rédacteur Nantho, ce seul déboire lui a fait abandonner des années de Pro Tools pour passer sous Reaper). Personnellement, je trouve donc que c’est une excellente évolution même si je sais que le dongle a ses défenseurs qui, bien que la musique soit aujourd’hui majoritaire consommée en dématérialisé, ne jurent que par une station de travail coupée d’Internet…
Tant qu’on est au registre des améliorations notables, signalons que Cubase est désormais compatible Silicone : vu le gain de puissance que proposent les processeurs Apple M1, c’est une très bonne chose, tout comme la meilleure gestion de la plateforme ARA qui peut désormais s’utiliser au niveau de la piste et plus seulement au niveau du clip : cela apporte un gain de temps non négligeable lors de l’usage d’un Melodyne ou d’un Vocalign sur une piste qui réclame des retouches tout du long. Et puisqu’on parle d’édition audio, il est à noter que Cubase a aussi fait de notables progrès sur ce point avec des nouveautés du côté d’AudioWarp et de VariAudio.
Warp Warp Warp (Chante et mets tes baskets…)
Le nouveau Free Warp permet non seulement d’éditer le placement de l’audio depuis la fenêtre projet, mais il permet en outre de le faire en édition groupée, sachant qu’un nouvel algo permet d’éviter les problèmes de phase : synchroniser des chœurs ou recaler un coup de caisse claire hors du temps et repiquée par plusieurs micros devient ainsi un jeu d’enfant, à plus forte raison quand l’éditeur s’est aussi fendu de nouvelles options de grille, de nouveaux modes de zoom et d’un jeu de nouvelles fonctions et raccourcis clavier pour effectuer rapidement des tâches d’édition : caler le début ou la fin d’un événement sur le curseur, supprimer le début ou la fin d’un clip… Sur ce point, Cubase progresse en direction de Pro Tools que nombre d’utilisateurs plébiscitent pour son efficacité au moment de l’editing, et quand bien même il ne s’agit pas là de nouveautés absolument sidérantes sur le papier, gageons qu’elles auront un gros impact en termes de productivité…
C’est ce qu’on pourra dire encore en considérant l’exhaustivité du nouvel éditeur de fondus : difficile de faire plus complet que cette imposante fenêtre dont on pourra toutefois regretter l’austérité : un brin de couleur, notamment sur les courbes, permettrait assurément de gagner en lisibilité et donc en confort d’utilisation de cette petite usine à gaz qui permet de faire toutes les transitions possibles entre deux clips avec une précision hallucinante. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si Steinberg annonce par ailleurs que les automations de volume jouissent désormais d’une précision au sample près…
Quant à VariAudio, il dispose désormais d’un système appelé « Assistant de tonalité » permettant de contraindre la transposition à une gamme, ce qui ravira ceux qui sont à la peine avec la théorie musicale, Cubase étant capable de détecter une progression d’accord comme une gamme à partir de vos parties MIDI ou – et c’est une nouveauté – de vos pistes audio. Et ça marche plutôt bien dans l’ensemble, même si l’algo peut se prendre les pieds dans le tapis sur des progressions un peu complexes : on corrigera ça à la main le cas échéant pour profiter de cet assistant de tonalité qui facilitera grandement la vie quand il s’agit de générer un contre-chant par exemple…
Voyez donc qu’il y a de quoi faire avec cette V12, en sachant qu’une myriade de nouveautés plus ou moins importantes sont encore à noter sur le plan de l’audio, allant de la prise en charge du Dolby Atmos (histoire de se mettre à hauteur de Logic Pro X) à l’évolution des possibilités d’exports. Cubase peut désormais prendre en compte les sidechain lorsqu’on bounce une piste unique dont les effets sont triggés par une autre, tout comme il permet de n’exporter que les clips qu’on aura sélectionnés préalablement : on imagine parfaitement comment la chose sera investie par les sound designers… Mais surtout, on bénéfice d’une refonte de l’éditeur logique qui demeure l’un des plus anciens et plus puissants outils de Cubase, et nous donne l’occasion de voir ce qui se passe du côté de MIDI avec cette v12…
Logical song
L’éditeur logique n’est pas une nouveauté dans Cubase, mais c’est un outil très largement sous-estimé par nombre de ses utilisateurs et on espère bien qu’à l’occasion de cette refonte, tous vont prendre conscience de sa puissance et l’investir au quotidien. Rappelons-le pour ceux qui ne le sauraient pas : cet éditeur permet d’appliquer une action plus ou moins complexe à des événements sélectionnés en suivant un jeu de conditions définies par des opérateurs booléens, ce qui peut s’avérer extrêmement varié. Cela peut aller de « créer une rampe de vélocités ascendantes pour les notes sélectionnées » ou « nettoyer les données de tel ou tel contrôleur continu » à « détecter toutes les pistes qui ont guitare dans leur nom, leur ajouter tel VST, les colorer en bleu et les mettre dans un dossier Guitares ». Bref, une pelleteuse utile tant au niveau de la séquence que du projet dans son entier, et qui se voit désormais doté d’un gestionnaire de presets avec une foultitude d’exemples imaginés par Steinberg : voilà qui vous permettra d’économiser un nombre conséquent de clics au jour le jour. C’est à coup sûr un des grands atouts de Cubase dont se sont largement inspirés certains de ses concurrents comme Studio One ou Reaper pour leurs systèmes de macros…
Une belle avancée donc, sachant que ce n’est pas la seule parmi les fonctions MIDI du logiciel. Sans même parler du support bienvenu du MIDI via Bluetooth sous Windows, on se montrera particulièrement enthousiaste concernant l’excellente refonte de la gestion des contrôleurs MIDI. Premier bonheur : on est vraiment dans du plug & play et pour peu que vous utilisiez un clavier ou une surface relativement populaire, vous devriez pouvoir, via la base de données de contrôleurs existants, immédiatement profiter de votre périphérique. Sitôt branché, notre Komplete Kontrol est reconnu et prêt à l’emploi avec le mapping qui va bien : ça fait plaisir ! Mais au-delà de cette configuration immédiate, Steinberg s’est fendu d’un outil de paramétrage graphique relativement exemplaire : on sélectionne un type de contrôle (potards, sliders, bouton), on touche le contrôle correspondant sur son contrôleur physique et voici qu’un nouveau contrôle mappé apparaît qu’on pourra placer comme bon nous semble sur la grille, et affecter librement à une commande ou un script via l’assistant d’assignation. On voudrait voir cela dans toutes les STAN concurrentes, même si je n’ai pas trouvé, au-delà des potards, boutons ou sliders, trouvé de moyen d’assigner un pad XY…
Voilà qui vous permettra en tout cas de renforcer la symbiose entre vos contrôleurs et votre séquenceur et ses instruments et effets, à commencer par le nouveau piano Verve qui nous arrive avec cette mise à jour.
Cubase est en Verve
Verve nous arrive sous le coup d’une double mode : d’un côté, celle des pianos à sourdine très utilisés dans le son à l’image pour donner un côté intimiste à une BO, et de l’autre celle des pianos « traités » comme on a pu en voir ces derniers temps chez Native Instruments (Noire, Colours) ou Skybox Audio (Hammers + Waves). L’idée est simple : partir d’une base de piano samplé et enrichir le son via une section d’effets, mais surtout un générateur nimbant l’instrument acoustique d’une texture plus ou moins complexe : une sorte de piano préparé numériquement en somme !
Proposé avec des dizaines de presets, Verve est plutôt réussi : le piano est bien échantillonné et programmé et les différentes textures comme la section d’effets apportent leur supplément d’âme même si on se rend compte à l’usage que le moteur de texture n’est pas aussi sophistiqué que sur les pianos que nous avons évoqué précédemment : un layer, tirant sur la nappe ou le percussif, vient se mêler au son de jolie manière mais on ne se retrouve pas avec des nuages de notes granulaires comme chez Native ou Skybox et beaucoup de presets finissent par se ressembler. Ce ne sera donc pas le piano ultime en la matière mais Verve a l’avantage d’être simple à utiliser, de sonner bien et comme il est offert de bon coeur, on fera fi de ses limites d’autant que rien n’empêche de le passer dans un des nouveaux effets qui nous sont proposés…
- pianodry00:26
- pianoglass00:26
- pianoplanet00:26
- pianomonument00:26
- pianoshine00:26
- pianorenaissance00:26
L’effet, rien que l’effet
Sous le nom bien générique de FX Modulator se cache un multieffet à patterns basé sur un système de courbes de Béziers… Hmmmm : comme on en trouve chez Cableguys ? Exactement ! En sachant que Steinberg, s’il n’invente rien dans le principe ni l’ergonomie du plug-in et ne propose pas de traitement multibande, va tout de même plus loin que son modèle en proposant, parmi les effets embarqués, un Frequency Shifter et une réverbe. Entre la possibilité d’utiliser six effets simultanément à choisir parmi quatorze, et celle de piloter le LFO du logiciel via Side Chain ou MIDI, on se retrouve face à un outil d’un incroyable potentiel créatif donc, utilisable pour animer subtilement n’importe quelle piste un peu trop sage, mettre le dawa dans une boucle de batterie ou réaliser des choses sound designesques bien barrées. Si cet ajout ne changera pas la vie de ceux qui ne possédaient pas déjà Shaperbox, gageons que ceux dont ce n’est pas le cas seront ravis de disposer d’un plug-in comme on aimerait en voir dans toutes les STAN concurrentes. Un très bon ajout pour cette v12, et ce n’est pas le seul au rayon plug-in.
- DrumsDRY00:16
- DrumsFlange00:16
- DrumsSing00:16
- SynthDRY00:16
- SynthDuck00:16
- SynthDegrad00:16
- SynthRhy00:16
Plus sage, mais non moins intéressant, Raiser est le dernier ajout de l’éditeur à la gamme de traitements dynamiques de Cubase : un limiteur qui remplacera vite les vieux Limiter et Brickwall Limiter tant pour son ergonomie que sa polyvalence. Offrant une bonne visualisation du signal à la Pro-L et jouissant de temps d’attaque extrêmement faibles, Raiser dispose surtout de plusieurs algorithmes pour sa courbe de relâchement à la faveur desquels on peut travailler sur un traitement plus ou moins subtil et transparent. Vous voulez écraser une boucle de batterie ? Raiser fait ça très bien, mais il peut tout aussi bien contenir plus discrètement la dynamique de votre mix au mastering, et on apprécie d’autant plus de l’utiliser que Steinberg a intégré une compensation de niveau permettant de ne pas se faire abuser par un volume flatteur à l’écoute du plug. Bref, là encore, c’est un très bon ajout…
On finira ce tours d’horizon des nouveaux effets en mentionnant une mise à jour de Supervision qui propose désormais un mode vu-mètre, ce qui nous donne également l’occasion de préciser que la représentation graphique des formes d’onde a elle-aussi été améliorée avec un rendu plus lissé.
Et c’est tout ?
Et c’est à peu près tout, oui, à quelques petites choses près, mais c’est déjà pas mal, convenez-en, d’autant que Steinberg a revu ses tarifs à la baisse. Si à près de 580 euros la version Pro, Cubase demeure toujours parmi les STAN les plus chères du marché, cette mise à jour est proposée à moins de 100 euros seulement pour les possesseurs de la V11 et à mois de 170 euros pour les possesseurs de versions postérieures à Cubase 4… qui remonte tout de même à 16 ans !
Inutile de dire que si vous êtes déjà Cubasien, la question de la mise à jour ne se pose pas car les nouveautés présentes dans cette V12 vous apporteront un vrai gain de productivité (et donc de créativité) au quotidien… Quant à savoir si Cubase est le meilleur, le plus beau ou s’il lave plus blanc ou plus bleu que ses concurrents, c’est là une autre affaire beaucoup plus subjective.
Reconnaissons qu’il ne manque pas grand-chose fonctionnellement au logiciel phare de Steinberg si ce n’est la sauvegarde de l’historique, une gestion globale du M/S et des multis comme on en voit chez les concurrents. L’incroyable richesse du logiciel se traduit par ailleurs par une certaine lourdeur ergonomique. À l’image de l’éditeur de fondus, Cubase est touffu, très touffu et parfois… trop touffu, accumulant les options, les sous-menus de menus et les cases à cocher dans un parti-pris graphique austère (les couleurs comme les tailles de police ne servent pas qu’à faire joli hein, c’est aussi ce qui aide le cerveau à s’orienter dans une interface). On s’en rend compte dans la fenêtre d’export où il faut plusieurs clics pour faire un simple rendu de son projet, au nom d’options qui ne servent que rarement à la plupart d’entre nous : le fait de passer par une queue de traitements devrait être proposé à part… Bref, la richesse fonctionnelle se paye un peu en terme de simplicité, comme c’est le cas dans Reaper également…
Le moteur audio est par ailleurs un peu raide (je ne parle pas de son ici, mais du fait que le chargement d’un VSTi se traduit par l’interruption de la lecture en cours, tout comme du temps réclamé sur certains rendus pourtant simple), ce qui ne le rend pas, comme un Live ou un Logic, aussi souple qu’on le voudrait pour une utilisation en Live. Mais en vis-à-vis de ces défauts qui n’ont rien de rédhibitoire, note bon vieux Cubase n’en demeure pas moins l’un des seuls à proposer une édition audio aussi complète (via Spectralayers notamment), des fonctions d’arrangement assez abouties ainsi que des outils de programmation sans pareil (l’éditeur logique). Bref, pour peu que vous soyez convaincu par son ergonomie, c’est un outil dont vous n’êtes pas près de voir les limites…
Conclusion
Steinberg a bien travaillé avec cette version 12 en améliorant significativement le logiciel sur tous les plans à la fois (édition audio ou MIDI, effets, gestion des contrôleurs) et c’est ce qui rend cette mise à jour incontournable même s’il n’y a pas une fonction qu’on puisse reconnaître comme une killer app parmi les nombreuses nouveautés : les avancées ici présentes auront un réel impact sur votre productivité quotidienne… L’évolution de l’éditeur dans sa politique de prix comme dans son dispositif de protection est en outre à saluer. Bref, une très bonne cuvée qui confirme le statut de leader de marché de Cubase, en attendant la déjà attendue version 13…