La marque viennoise, fondée par d’anciens employés des usines AKG autrichiennes, s’est fait un nom sur le marché de l’audio grâce à ses micros. Fort de ce bagage, Austrian Audio se lance cette année dans la production de casque.
Nous vous en avions parlé au tout début de l’année, lors du NAMM : Austrian Audio a lancé ces deux premiers modèles de casque, axés monitoring et mixage, les modèles Hi-X50 et X55. Cette semaine, nous nous penchons sur le modèle Hi-X55. Avant d’en arriver là, nous allons étudier l’objet, en lui-même.
Déballage
La première chose qui frappe au déballage du casque, c’est qu’en effet, comme avancé par le constructeur, c’est du solide. Beaucoup de parties en métal, pas mal de vis (au format Torx), peu de pièces serties. Deux points sont particulièrement appréciables : un arceau en métal et des charnières métalliques. Le casque se plie assez facilement (nous reviendrons sur ce sujet) et est accompagné d’un sac : résultat, on se dit que comme casque transportable ou nomade, ça doit bien tenir le coup. L’objet est assez gros, assez lourd (305 g), mais heureusement le bon amortissement des mousses rend le casque plutôt confortable sur le long terme.
Du point de vue de la construction, on est sur un modèle circumauriculaire, fermé, avec des mousses à mémoire de forme qui offrent une isolation sonique efficace. Toutes les mousses (oreilles et arceau) sont détachables : un bon point. En plus d’un sac, le casque est accompagné d’un câble détachable de 3 m, avec une sécurité à baïonnette, terminé par une connectique mini-jack 3,5 mm, et adaptateur 6,35 mm fourni. Bref, tout ça est assez classique, et les accessoires donnent la même impression que la construction générale : ça a l’air plutôt robuste. Un seul point à noter, les mousses des écouteurs sont maintenues en place par une série de petits ergots en plastique, tout fins : attention au démontage et surtout au remontage, il faut une délicatesse d’horloger.
Pris de curiosité, j’ai voulu ouvrir le casque pour voir la construction du haut-parleur. Échec total, je me suis arrêté une fois les mousses ôtées, car en dessous se trouve une couche isolante très poreuse, fermement collée… et je n’ai pas osé sortir le cutter. On devra donc se contenter de ce que le constructeur nous en dit : les haut-parleurs font 44 mm de diamètre, avec une réponse en fréquence de 5 Hz à 28 kHz, et une sensibilité de 118 dB SPL. Le casque a surtout une impédance assez basse, 25 Ohms, ce qui lui confère une assez grande adaptabilité, et le dispose à fonctionner avec des sources nomades.
Un point mis en avant par le constructeur (et cela explique pourquoi j’ai eu envie de l’ouvrir à coup de cutter… Le casque, pas le constructeur !) c’est la « nervosité » du transducteur (plus précisément, sa faible inertie). J’explique : le haut-parleur bénéficie d’un aimant en anneau, c’est-à-dire qui possède un évent concentrique à l’entrefer. Pour le dire plus simplement, derrière le HP, il y a un trou : quand les parties mobiles (qu’on appelle l’équipage mobile) du HP se mettent en mouvement, cela crée un effet de piston, qui compresse l’air à l’arrière du HP. Le trou au centre de l’aimant est là pour empêcher cet effet de pression, qui viendrait interagir avec les mouvements de la membrane. De plus, la bobine du haut-parleur est réalisée en aluminium (plaqué cuivre), qui possède une masse volumique trois fois plus faible que le cuivre. La bobine est donc très légère et peut répondre très rapidement aux impulsions sonores.
Je note ce point, car il est important dans la communication marketing d’Austrian Audio : il s’agirait non seulement d’un casque pour les professionnels, mais aussi spécifiquement adapté « à la production de musiques d’aujourd’hui » (je traduis les mots du constructeur… j’imagine que cela veut dire du beatmaking). Donc bien adapté à des styles de musique où les sons de synthèses prédominent, avec des instruments capables d’attaques impulsionnelles ultrarapides.
Pour finir la présentation de l’objet, je reviens sur le côté pliable du casque. En effet, le casque se plie, mais la taille des écouteurs empêche un pliage complet. On se retrouve donc avec un écouteur rentré contre l’arceau, et un autre qui reste en position semi-plié. Ce n’est pas très grave, mais sachez que même replié, le casque prend de la place.
Benchmark
Si vous êtes un habitué de ces tests, vous le savez déjà : nous avons mis en place un protocole de mesures objectives, afin de compléter l’écoute comparative subjective. Avec l’aide précieuse de notre partenaire Sonarworks, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes précises de la réponse en fréquence et du taux de distorsion harmonique (THD), réalisées à l’aide d’une tête artificielle et de matériel de mesure de laboratoire.
On commence par la courbe de réponse en fréquence : de 20 Hz à 800 Hz, on obtient une réponse plutôt droite, avec une bosse très progressive de 60 Hz à 400 Hz (différence de 3 dB max). On peut s’attendre à des basses plutôt présentes, mais pas de basses sub. Ensuite, une grosse déviation (5 dB de différence), avec un pic juste avant 1,5 kHz et avec probablement un effet loupe sur les médiums, mais très spécifique, car suivi immédiatement d’un creux de 2 kHz à 3,5 kHz (14 dB de différence entre le pic et le creux). On peut probablement s’attendre à un rendu assez singulier des hauts médiums et des voix en particulier, surtout qu’on remarque ensuite une bosse importante de 4 kHz à 10 kHz, qui devrait donner une forte présence des aigus. On voit donc une courbe assez accidentée, qui colle plutôt aux courbes proposées par Harman International, mais avec moins de sub et une accentuation forte à la limite des médiums et hauts-médiums.
On remarque aussi une déviation droite-gauche assez importante, ce qui est moins positif.
Les mesures en THD sont très bonnes, situées principalement vers 0,1 %, avec une bosse autour de 3 kHz, correspondant logiquement au creux remarqué sur la courbe de réponse en fréquence.
Passons maintenant à l’écoute !
Écoute
J’effectue toujours les écoutes avant d’avoir regardé les courbes de mesure, pour que mon jugement ne soit pas orienté.
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Le Hi-X55 se sort très bien de ce genre de sonorités acoustiques, où les aigus et les hauts médiums doivent être mis en valeur. La guitare ne manque pas trop de médiums, même si ce n’est pas là que le casque brille le plus. En revanche on saisit subtilement des attaques de plectre sur les cordes. Les aigus bien en avant donnent également un excellent suivi sur les réverbes. La contrebasse, écourtée par le manque de grave du casque, devient assez précise dans ses attaques (c’est le point casse-gueule du morceau). Très bonne séparation stéréo, l’impression d’espace est remarquable : je pense en particulier aux réverbes sur la voix et la scie musicale.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Ce casque met vraiment bien en avant les attaques. C’est son point fort, j’ai l’impression. On obtient donc là aussi une très bonne lisibilité de la batterie et des percussions. Le drive à la croche, mixé très discret, est perceptible de façon constante. La deuxième caisse claire, qui arrive à un moment dans le canal droit, et bien présente, mais sonne un peu « cloche », très filtrée. Pas des masses de graves, ce n’est définitivement pas un casque « gras du bas », en revanche les attaques de la basse sont très définies. La voix est bien lisible, pleine de détails, mais sonne parfois un peu trop filtrée dans le haut médium/aigu : pas beaucoup de coffre. Encore une fois, l’image stéréo est très précise.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. On commence à comprendre la personnalité de ce casque à l’écoute : des basses nerveuses, mais en retrait, des hauts médiums et aigus bien en avant, avec des attaques ultra précises. Ça ne pardonne pas… Ici, on peut s’y attendre, pas beaucoup de résonnance infrabasse sur le kick (durant le premier couplet). Mais, pour autant, je n’entends pas de sifflantes gênantes sur la fameuse phrase pleines de « s » (« shakes me, makes me lighter »). Au final, j’ai ressenti une petite fatigue auditive due aux aigus très présents, écoute après écoute du morceau.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Je reste sur cette même impression de prééminence des aigus : les cymbales deviennent envahissantes, elles noient un peu l’ensemble des cuivres. En revanche, quand le saxophone fait sa courte incursion solo, la réverbe est parfaitement bien suivie jusqu’à son extinction. De plus, l’absence d’extrême grave aide à discerner les instruments dans l’ensemble des cuivres, tout en laissant la contrebasse bien apparente.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. Bien sûr, pour un casque qui souligne les attaques, et avec une image stéréo très détaillée, un enregistrement comme celui-ci — très riche en détails et en subtilité — est parfait. Certaines percussions manquent un peu de profondeur, en particulier la grosse caisse d’orchestre, mais le grave n’est pas pour autant absent, une bonne écoute permet d’en saisir le timbre avec précision. Quant à la résonnance acoustique de la salle de concert, elle est très bien retranscrite.
Conclusion
Ce Hi-X55 est vraiment un bon début pour Austrian Audio. En premier lieu, par sa solidité, son confort et son excellente isolation phonique ; en deuxième lieu, grâce à une signature sonore intéressante. Il s’agit à notre avis d’un casque vraiment adapté à une application professionnelle, pour le mixage ou le monitoring. Son rendu très précis lui donne un caractère « loupe » qui sera adapté pour l’écoute analytique et critique d’un morceau, ou un monitoring nécessitant une grande précision sur les attaques. En revanche, il nous semble que le casque sera moins adapté pour une écoute quotidienne « de loisir ». Et il nous semble aussi qu’en réalité, bien que le constructeur mette en avant la spécification « pour la production de musique d’aujourd’hui », le casque manque un peu de sub pour être convenablement utilisé sur des beats typés électro ou rap (trap, drill, etc.).