Nombreux était ceux qui lorgnaient vers les claviers Komplete Kontrol S sans pouvoir se les payer. On n’est donc pas trop étonné de voir Native Instruments décliner une version entrée de gamme de son concept : le Komplete Kontrol A.

Avec le Komplete Kontrol S et le fomat NKS, Native Instruments est parvenu à apporter un souffle d’air frais au marché des claviers de contrôle qui s’enfermait quelque peu dans la logique de la surenchère : chez la plupart des constructeurs, il s’agissait surtout de proposer toujours plus de potards, de sliders, de boutons ou de pads, et bien évidemment toujours plus de connecteurs. Fort de son expérience dans la MAO et de son statut de leader dans le domaine des instruments virtuels, le constructeur berlinois a choisi de prendre une direction sensiblement différente en s’attaquant à deux problèmes bien connu des home studistes : la délicate gestion des milliers, voire des dizaines de milliers de sons dont chacun dispose à force d’entasser de nouveaux plug-ins, et la laborieuse phase du mapping pour ces mêmes plug-ins, parce que réunir 70 contrôles sur une même surface n’a pas grand intérêt s’il faut réaliser soi-même l’assignation de chacun de ces contrôles pour chaque instrument virtuel, voire chaque preset.
Bien sûr, en amont du système Komplete Kontrol, Novation avait fait figure de précurseur en tentant d’automatiser les mappings avec la technologie Automap, mais force est d’admettre que le résultat demeurait décevant dans la plupart des cas. Avec son Advance et le logiciel VIP, Akai s’est aussi fendu d’une solution permettant de gérer et mapping et presets, mais en l’absence d’un réel soutien de la part de l’industrie (ce dont s’est assuré Native) et malgré un logiciel plus abouti sur certaines fonctionnalités (possibilité de réaliser des multis, par exemple), il faut bien admettre que le constructeur allemand est celui qui a le mieux transformé l’essai. NKS est ainsi devenu une sorte de standard à laquelle nombre d’acteurs prestigieux du monde du plug-in et de la banque de sons se conforment, tandis que Native a enfoncé le clou il y a un peu plus d’un an avec ses Komplete Kontrol Mk2. Parmi les nouveautés de ce dernier, on notera notamment l’intégration de deux grands écrans couleur simplifiant la navigation comme le pilotage de la STAN depuis le clavier, et une intégration beaucoup plus poussée avec Maschine…
Avec un ticket d’entrée à 500 euros pour le 49 touches et la disparition du modèle 25 touches, Native était toutefois loin de contenter tous les utilisateurs potentiels de ses claviers. C’est pour cette raison que nous arrive aujourd’hui, le Komplete Kontrol A, déclinaison entrée de gamme du Komplete Kontrol S, et qui se voit proposé en version 61 touches, 49 touches et 25 touches respectivement vendues aux prix 250, 200 et 150 euros.
Reste à voir ce qui subsiste du Komplete Kontrol S dans ces machines autrement plus abordables.
Le même en pas pareil
La première chose qui saute aux yeux, c’est la disparition des deux grands écrans couleurs du Komplete Kontrol S Mk2 au profit d’un tout petit écran à LED monochrome. Si les encodeurs sensitifs sont toujours là, on se sépare également des huit boutons RVB qui figuraient au-dessus des écrans du KKS tout comme on dit au revoir aux LED RVB qui permettait d’éclairer chaque touche sur ce dernier. Pour faire simple, disons le d’ailleurs : il n’y a plus un seul éclairage RVB sur l’appareil, ce qui implique, nous le verrons, des restrictions fonctionnelles.
Ce ne sont toutefois pas sur ces seules suppressions de connecteurs, contrôles ou lumières que Native a opéré sa décente en gamme, comme on s’en rend compte en posant les mains sur le clavier qui est sensible à la vélocité, mais ne gère pas l’aftertouch comme son grand frère et n’est plus signé Fatar. Au-delà de la perte fonctionnelle de l’aftertouch, on notera qu’il ne propose plus d’amortissement des touches. Lorsqu’on enfonce une note, la course se fait donc plus longue que sur le modèle haut de gamme tandis que le clavier est également plus bruyant. Disons qu’on est au niveau de confort de ce que pouvait proposer M-Audio sur un Axiom, ce qui n’a rien de scandaleux en regard du prix.
Tant qu’on en est à parler bruit, précisons aussi que, bien que les boutons du Komplete Kontrol A soient les mêmes que ceux de son aîné en surface, ils ne rendent pas du tout le même son lorsqu’on les enfonce : du clic discret qui était probablement obtenu par un amortissement, on passe à un clic bien plus audible qui fait plus cheap. Je vous rassure toutefois, si ces petits détails trahissent l’appartenance du Komplete Kontrol A à l’entrée de gamme, l’impression d’ensemble demeure satisfaisante : sans trop se forcer, Native est parvenu à réaliser l’un des claviers les plus élégants sur ce secteur de prix.
Pour ne rien gâcher, le bundle de logiciels fourni est, comme souvent avec Native, relativement généreux. Sur ces prix plancher, on ne sera pas surpris de ne pas bénéficier d’une Komplete Select, mais on n’en a pas moins le droit à quelques très bonnes choses en plus des freewares Reaktor Player, Kontakt Player et Guitar Rig Player : les synthés Monark et Reaktor Prism, les pianos The Gentleman et Scarbee Mark I, et enfin le bundle Maschine Essentials qui réunit une version complète de Maschine ainsi que la Maschine Factory Selection, une banque d’1,6 Go de samples. Et c’est tout ? Non, car Native a glissé dans la boîte un coupon de 25 euros à dépenser sur leur espace de vente en ligne tandis que des offres de mise à jour vous seront proposées pour évoluer vers la Komplete Select ou la Maschine Factory Library. On n’en attendait pas trop sur de l’entrée de gamme quand certains claviers haut de gamme se contentent de nous proposer une bête version d’Ableton Live Lite…
Voyons maintenant ce que cela donne à l’usage.
En jeu, fou !
Profitons de l’occasion pour évoquer les autres fonctions logicielles propres au système Komplete Kontrol et qui sont accessibles via les commandes situées à gauche de l’appareil, soit l’arpégiateur et le module Scale qui demeurent pertinents même s’ils sont moins confortables à régler depuis l’appareil. En revanche, comme vous l’aurez compris avec la disparition de tous les éclairages RVB, le système Lightguide qui permettait d’afficher les keyswitches sur le clavier ou les gammes n’est plus disponible et c’est bien dommage, même si c’est parfaitement compréhensible en termes de prix.
Accessible, mais pas pour tout le monde
Reste à évoquer le dernier mode de fonctionnement du clavier, accessible via le bouton Track sur sa droite et les commandes remisées dans sa partie gauche. Grâce à tout cela, vous pourrez a priori piloter votre séquenceur et passer d’une instance à l’autre de Komplete Kontrol dans votre projet. Pourquoi a priori ? Parce que sur cette partie, Native n’offre pour l’heure de support que pour Garageband, Logic, Ableton Live et Maschine. Pro Tools ? Connaît pas. Cubase/Nuendo non plus, même si on nous promet que le support devrait arriver avant la fin du mois de décembre. Ceci étant, il va sans dire que si vous êtes sous Cakewalk, Reaper, FL Studio, Studio One, Bitwig, Reason, Tracktion/Waveform, Digital Performer ou Samplitude, tout cette partie du clavier ne vous concerne pas…
Bref, vous l’aurez compris : sous Maschine, Live ou Logic, les commandes remisées sur le clavier simplifient vraiment la séquence. Mais pour les autres opérations ou pour travailler avec d’autres séquenceurs, disons que le Komplete Kontrol A perd toute ou partie de sa pertinence… en attendant que Native fasse évoluer ses drivers…
Ce bémol sera d’ailleurs l’occasion d’adresser d’autres critiques au clavier de Native car si le constructeur a su préserver certaines qualités du Komplete Kontrol S, sa version d’entrée de gamme n’en hérite pas moins des mêmes défauts. Les mappings proposés par les instruments et effets NKS ont beau être qualitatifs dans l’ensemble, il n’en demeure pas moins que vouloir tout gérer avec des encodeurs s’avère contre-productif dans certains cas. Sans parler de la gestion des pads X/Y qui se transforme en mission Télécran, on évoquera le problème courant posé par les paramètres On/Off. Pour activer ou désactiver un effet par exemple, il faudra tourner un encodeur en sachant que la moitié de la course correspond au Off quand l’autre moitié correspond au On…
Je le souligne enfin, et cela vaut autant pour Native Instruments que pour Arturia ou Akai qui tous ont opté pour le même archaïsme sur leurs différents appareils : parcourir des milliers de presets avec une petite molette sans aucune inertie a vite fait d’être pénible. On comprend bien sûr que le Komplete Kontrol A ne puisse pas se permettre d’intégrer un écran tactile au tarif où il est proposé, mais puisque, comme nous l’avons vu, une partie de ses commandes ne serviront pas à 6 utilisateurs sur 10, gageons qu’il y avait de quoi faire des économies pour conserver le touchstrip et l’utiliser non pas seulement comme contrôleur, mais comme outil de navigation. Et si vraiment il fallait en passer par la molette, gageons qu’un jogwheel non cranté de 5 centimètres de diamètre serait autrement plus confortable et efficace pour l’édition de précision comme le défilement des presets.
Conclusion
Pour arriver à proposer tout cela sur un tarif d’entrée de gamme, il a fallu toutefois faire des choix et supprimer un certain nombre de choses qu’on adorait sur les Komplete Kontrol S : on n’est pas trop étonné de voir les deux grands écrans couleurs disparaître, tout comme disparaissent les regrettés Lightguide et Touchstrip ou l’essentiel de la connectique à l’arrière de l’appareil, l’aftertouch…
Ceci étant dit, le plus gros reproche que l’on pourra adresser à ce Komplete Kontrol A ne tient pas tant dans les coupes qui ont été faites, mais plutôt dans la partie logicielle qui fait qu’une bonne partie des contrôles du clavier n’a aucune utilité avec la majorité des séquenceurs du marché. Si vous êtes utilisateurs de Maschine, Logic, Garageband ou Ableton Live, soyez rassuré : Native a pensé à vous. Si en revanche vous comptez parmi les 60% d’utilisateurs qui utilisent un autre séquenceur, il faudra vous résigner à ce que, pour l’heure, toutes les commandes liées au pilotage de votre STAN ne vous servent à rien, parce que Native Instruments n’a pas pris la peine de gérer les protocoles HUI/MCU comme nombre de ses concurrents. Bien sûr, tout ce qui concerne la partie Komplete Kontrol sera fonctionnelle, mais il n’est pas sûr que cela suffise à convaincre de potentiels acheteurs. Quitte à offrir ce support partiel, mieux aurait valu donc supprimer toutes les commandes relatives au séquenceur et conserver ou le lightguide ou l’aftertouch qui auraient rendu ce Komplete Kontrol A autrement plus attractif.
Par conséquent, on recommandera le Komplete Kontrol A en premier lieu aux utilisateurs de Maschine, Logic, Garageband ou Ableton Live cherchant un clavier d’entrée de gamme, ou encore aux gros utilisateurs des logiciels Native Instruments pour lesquels le système Komplete Kontrol revêt un grand intérêt. Pour les autres, il semble urgent d’attendre : si le support de Cubase/Nuendo est annoncé comme imminent, on ne sait encore rien du support d’autres séquenceurs. Comptez sur nous pour suivre cela de près, sachant qu’il ne tient qu’à Native Instruments de libérer tout le potentiel de ce Komplete Kontrol A.