Après les Keylab Essential, c’est au tour des Keylab tout court de passer en version Mk3, une mise à jour majeure d’un des étalons du marché des claviers de contrôle…
Connu et reconnu pour ses émulations logicielles, ses synthétiseurs et ses interfaces audio, Arturia s’est aussi taillé une solide réputation dans le domaine du clavier de contrôle. C’est ainsi qu’en une décennie, les Keylab on séduit nombre d’utilisateurs grâce à un bon équilibre entre qualité du toucher, fonctionnalités, fiabilité, ergonomie et design, le tout pour un prix attractif. Et après que le constructeur a sorti il y a quelques mois la version Mk3 de l’entrée de gamme Essential, on n’est pas surpris de voir débarquer la version Mk3 du Keylab qui, comme l’avait fait la version Mk2 avant elle, propose une évolution sensible du concept et son lot de nouveautés…
New deal?
La première chose à noter à la réception du modèle 61 touches qu’Arturia a mis à notre disposition, c’est le poids de la bête qui avoisine les sept kilos. Et l’on comprend aisément pourquoi au déballage du modèle noir qui nous a été fourni, les matériaux utilisées se répartissant entre du métal et un plastique bien épais, et le tout étant flanqué de joues en bois du plus bel effet… Bref, non seulement ce nouveau Keylab est plutôt élégant, mais il sent le solide et le stable : ce n’est pas le genre de clavier qui glissera du stand ou du bureau sur lequel vous le poserez et c’est tant mieux.
Si de la version Mk1 à Mk2, Arturia avait complètement repensé la disposition des contrôles sur le clavier, l’évolution est ici moins radicale de prime abord : on garde globalement la même organisation que dans le modèle précédent (pads à gauche, navigation et fonctions au centre, sliders et encodeurs à droite) même si de nombreux changements sautent aux yeux… On passe ainsi de 43 boutons et 16 pads sur la version Mk2 à 34 boutons et 12 pads sur la version Mk3, de sorte que le bandeau des commandes est nettement moins large qu’autrefois…
Pour autant, il ne s’agirait pas de voir dans cette réduction une bête régression, Arturia ayant profité de l’occasion pour nous gratifier d’un écran à LED couleur de 3,5 pouces (480 × 320 pixels) en lieu et place du petit afficheur LCD retroéclairé du modèle Mk2. Par ailleurs, un coup d’oeil sur les specs permet de relativiser la disparition des 8 boutons qu’on trouvait autrefois sous les sliders, les encodeurs rotatifs comme les faders étant désormais sensitifs. Toutefois, en regard des pads, c’est probablement plus du côté de la connectique que cela va râler chez certains, Arturia changeant clairement son fusil d’épaule avec cette version Mk3 qui se destine plus à l’informatique musicale qu’au pilotage de synthés hardware…
En face arrière, outre un interrupteur, une prise USB-C qui suffit à l’alimentation du clavier et une prise pour transfo externe non fourni, on ne dispose plus, outre l’entrée/sortie MIDI au format DIN, que de trois entrées : sustain, expression et auxiliaire.
Par rapport au modèle précédent, on perd donc deux prises auxiliaires et surtout les quatre connecteurs dédiés au CV/Gate, ce qui réoriente clairement la vocation du Keylab : on est clairement plus ici pour contrôler du logiciel que de matériel, ce qui conviendra très bien à certains mais en décevra d’autres.
Y a-t-il un pilote dans la STAN
Et il faut l’avouer, le nouvel écran offre autrement plus de confort que l’ancien pour piloter des logiciels, qu’il s’agisse de la V-Collection pour lesquels tout est mappé et l’on retrouve en partie le confort de l’Astrolab, avec notamment les miniatures des instruments disponibles, ou qu’il s’agisse de piloter une STAN, Arturia ayant pour l’heure travaillé sur l’intégration d’Ableton Live, Bitwig, FL Studio, Cubase et Logic. Ça ne veut pas dire que vous ne pourrez pas piloter un autre logiciel que ceux-là bien sûr, vu que le Keylab est compatible MCU/HUI mais que vous ne bénéficierez pas d’une intégration aussi poussée. On attend donc que l’éditeur se penche sur le cas de Pro Tools, Studio One ou Reaper entre autres…
Essayé avec FL Studio, le Keylab assure en tout cas un bon confort à l’usage, le mapping des pads comme des boutons ou des sliders et encodeur permettant de gagner en temps comme en intuitivité. Signalons-le toutefois, les graphismes proposés par l’écran à LED sont spartiates et les mêmes d’une STAN à l’autre : ne pensez pas afficher votre rack FL ou votre matrice de pad dans Live. L’écran servira pour l’essentiel à vous donner un retour visuel sur les valeurs éditées, ce qui n’est déjà pas si mal…
Et puis, il s’agirait toutefois de ne pas oublier que le plus important dans un clavier de contrôle, ça demeure le clavier. Or, sur ce point, Arturia nous propose aussi du neuf… mais pas forcément le neuf auquel tout le monde s’attendait…
Sur la touche
Le constructeur nous l’assure : c’est un tout nouveau clavier qui équipe ce Keylab, avec un touché de type semi-lesté comme on en trouve sur les synthés de qualité. Au jeu, ce dernier s’avère en effet ferme, réactif et précis, bien loin de ce qu’on peut trouver sur des claviers d’entrées de gamme, sauf que contrairement à ce qu’on pouvait attendre en cette rentrée 2024, il ne gère l’aftertouch que de manière globale et pas en polyphonie… Voilà qui est bien dommage car c’était l’une des attentes de pas mal d’utilisateurs en regard de ce qui est apparu chez Native Instruments ou Korg, et on est d’autant plus surpris qu’Arturia a fait des efforts notables pour gérer ce genre de raffinements MPE dans ses synthés logiciels…
Puisqu’on en parle, soulignons que le bundle logiciel comprend le bon vieux Ableton Live Lite flanqué du très recommendable Analog Lab Pro, du Mini V, du Piano V, d’Augmented Strings et Rev PLATE-140 de l’éditeur, le tout étant complété par deux abonnements à Melodics (plateforme de tutos) et Loopcloud, et de The Gentleman de Native Instruments…
Un bundle bien supérieur à celui de la version Mk2 donc, mais que chacun appréciera à l’aune de ses besoins et de ce dont il dispose déjà…
Mais aussi…
Reste à évoquer les belles possibilités de la machine en terme de créativité, que ce soit du point de vue la contrainte de gamme pour éviter les fausses notes ou de l’arpégiateur capable d’introduire de l’aléatoire dans les séquences générées, ou encore du mode Chord Play capable de produire des voicings différents sur des progressions d’accords. Tout cela est d’autant plus agréable à utiliser et à combiner que le paramétrage de ces modules se fait de manière très intuitive et lisible depuis le nouvel écran LCD, lequel sert également à gérer tous le paramétrage du clavier (réglage des courbes de vélocités, des assignations, etc.).
Bref, on est là face à un bon clavier de contrôle, agréable à utiliser même si l’on ne peut pas parler de Game Changer par rapport au Keylab précédent, ni en regard de la concurrence… Pour des raisons qu’on ignore (bien des fabricants de matériel électronique éprouvent de plus en plus de difficultés à construire leurs équipement, même dans industries bien plus vastes que celle de la musique), il subsiste cette désagréable impression que ce Mk3 n’est pas foncièrement mieux que le Mk3 précédent mais qu’il est différent, car tout ce qu’Arturia apporte du côté logiciel, il semble le retirer du côté du pilotage de synthés hardware en supprimant le CV/Gate. Surtout, les finger drummers regretteront la disparition d’une rangée de pads comme les claviéristes râleront sur l’absence d’aftertouch polyphonique.
De fait, chacun devra être attentif pour voir si le Keylab Mk3 répond à ses besoins, Arturia nous livrant ici un produit sérieux mais qui semble s’orienter vers un public clairement plus MAOïste…