La clavier phare de Native nous revient dans une troisième version avec un tarif singulièrement revu à la hausse. Reste à voir si tout cela se justifie...
Autant dire donc que cette version mk3 est attendue au tournant, non seulement parce qu’elle débarque six ans plus tard, mais aussi parce qu’il s’est passé bien des choses dans le domaine du clavier depuis : non seulement la concurrence a sorti quelques très bons claviers, qu’il s’agisse d’Arturia, Novation ou Nektar notamment, mais on a même vu arriver des technologies de rupture dans le sillage des produits Roli, comme sur le synthé Osmose d’Expressive E dont on espère franchement qu’il sera décliné en clavier de contrôle. En outre, si le MPE s’est généralisé dans quantité de logiciels, il semble que l’Arlésienne MIDI 2.0 soit enfin arrivée à maturité !
Bref, c’est avec fébrilité qu’on se jette sur le carton pour déshabiller le nouveau venu, dont on espère bien qu’il exaucera nos souhaits les plus fous !
Kontrol technique
Mais alors, c’est quoi la mauvaise nouvelle ? Eh bien, c’est que les connectiques à l’arrière sont les mêmes que sur le mk2 en dehors de l’adoption de l’USB-C mais surtout qu’il n’y a toujours pas de pads, de sliders, de pad x/y, et qu’on a même sensiblement moins de boutons sur cette nouvelle version que sur la précédente. Des 40 dont on disposait sur la version mk2, il n’en reste que 29, soit une régression assez rare dans l’évolution d’un matériel. Bon, tempérons ce point tout de même : tout dépend de la façon dont l’ergonomie a été pensée, plus de boutons n’étant pas forcément, loin de là, synonyme de mieux…
Sur l’écran noir de mes touches blanches…
Cela permet évidemment de rendre intuitif l’usage des 8 encodeurs physiques proposés en vis-à-vis, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’avec une telle surface d’affichage, on aurait grandement apprécié de travailler sur les vraies interfaces graphiques des instruments ou effets chargés, comme on regrette toujours l’absence de sliders pour certains contrôles, notamment parce qu’on peut manipuler plusieurs de ces derniers avec une seule main, chose qu’il est nettement moins évident à faire avec des encodeurs rotatifs. Avec un Komplete Kontrol S, jouer un orgue Hammond n’a plus rien à voir avec les sensations de l’original dont toute l’ergonomie est basée sur des tirettes, par exemple.
La navigation dans les présets ne change pas grandement elle aussi, dans la mesure où l’on retrouve toujours un système de filtres permettant d’écourter une longue liste de sons qu’il faudra, à la fin, parcourir à grands coups de molette. Peut-on faire de l’exclusion de filtre ? Toujours pas, hélas. Tout juste dira-t-on que la navigation est cohérente, que la baisse du nombre de boutons ne se fait pas sentir, et qu’il est toujours aussi agréable de disposer d’une préécoute audio d’un préset avant de le charger, mais que la molette n’est pas ce qui se fait de mieux pour parcourir de longues listes. Sans parler d’ergonomie tactile, un large jogwheel tel qu’on en trouve dans le domaine de la vidéo aurait été autrement plus pratique, à défaut de disposer d’un clavier pour saisir une recherche.
On le notera par ailleurs, cette meilleure intégration de Kontakt ne s’étend pas pour l’heure à Reaktor qui nécessite toujours, quant à lui, de passer par la surcouche Komplete Kontrol… À voir si Native aura à cœur de faire évoluer ce dernier comme il l’a fait pour son sampler, et surtout quand il le fera, les développements étant souvent longs à venir chez Native…
Mais laissons-la la partie contrôleur et navigation pour nous pencher sur ce qui constitue la moitié du Komplete Kontrol S mk3 : son clavier…
Un contrôleur qui fait aussi clavier…
Ceci étant dit, comme aimait à le rappeler Saint-Exupéry, l’essentiel est invisible pour les yeux. Et si je vous dis cela, ce n’est pas tant qu’un chapeau se cache dans le boa mais que la plus grande nouveauté de ce nouveau Komplete Kontrol tient dans ce qu’il gère l’aftertouch polyphonique. De fait, après avoir enfoncé trois touches, le clavier sera sensible aux variations de pression que vous pouvez appliquer sur chacune d’elles, ce qui offre bien des façons de faire des nuances dans le jeu des notes tenues, en fonction de la façon dont le contrôleur continu a été implémenté dans l’instrument que vous utilisez. À n’en pas douter, c’est un vrai plus en termes d’expressivité comme de créativité, même si cela ne présente d’intérêt que sur un jeu plutôt lent. On se retrouve ainsi à pouvoir donner de la vie au sustain de chaque note, et grâce à la polyphonie, à pouvoir créer des mouvements extrêmement complexes…
25 % de boutons en moins mais 25 % plus cher ?
Bon, les râleurs auront raison de le souligner : à voir l’expressivité d’un Osmose, on aurait rêvé que cet aftertouch polyphonique s’accompagne d’un pitch bend polyphonique. Mais soyons honnête, cela aurait occasionné une sacrée hausse du prix de la machine, l’Osmose étant vendu trois fois plus ch… Ah non, pardon, pas trois fois plus cher vu que Native a singulièrement augmenté le tarif de ses claviers…
Ouch !
Alors oui, on a globalement un contrôleur de grande qualité de fabrication avec toujours plus de métal et moins de plastique, un clavier haut de gamme désormais sensible à l’aftertouch polyphonique, le tout flanqué d’un grand écran en couleur et illuminé de quantité de pads rétroéclairés en RGB. Soit ! Mais on dispose aussi de moins de boutons, d’un écran qui ne change pas tant que ça l’ergonomie de la machine et d’un nombre de contrôleurs toujours aussi restreint : huit encodeurs seulement, et toujours pas les sliders et les pads réclamés par la communauté d’utilisateurs depuis la première version. Or, si sur le registre des pads, on peut comprendre Native ne veuille pas faire d’ombre à Maschine avec ses claviers, on se dit que rien ne justifie l’absence de sliders ou d’encodeurs ou potards supplémentaires… De la sorte, vous l’aurez compris, il n’est pas si évident que ce Komplete Kontrol S49 Mk3 soit 25 % mieux que son prédécesseur qui, du coup, aussi incroyable que cela puisse paraître, est peut-être son plus grand concurrent. Essayons d’ailleurs d’y voir plus clair à l’heure des conseils d’achat.
KK pour qui, pour quoi ?
Le Komplete Kontrol S est-il le meilleur clavier de contrôle jamais produit par Native Instruments ? Sans l’ombre d’un doute, en considérant l’apport de l’aftertouch polyphonique et du MIDI 2.0 sur cette version. Toutefois, comme en regard de cela, les nouveautés sont rares, que les vieilles lacunes demeurent et que le prix du produit fait un bond spectaculaire, il n’est pas certain que les possesseurs de la version Mk2 se laissent tenter par nouvelle mouture : tout dépend de la façon dont ils valorisent l’aftertouch.
À l’intention des autres, on soulignera qu’en dépit des défauts que nous avons mentionnés, pour la qualité globale de son clavier, l’interaction poussée que permet le format NKS en termes de navigation comme de jeu (mappings préconfigurés, lightguide), le Komplete Kontrol et sa couche logicielle sont indubitablement la meilleure solution pour qui cherche à simplifier son rapport avec une multitude d’instruments et d’effets sans avoir à passer des heures dans un utilitaire de mapping.
Il n’en reste pas moins que l’offre de Maschine ne compense pas l’absence de pads (parce qu’on veut pouvoir utiliser des pads simplement sans se frapper la surcouche logicielle Maschine et donc sans un paquet de boutons qui ne servent alors à rien) tandis que piloter une STAN, il y a mieux, pour piloter des synthés matériels, il y a mieux aussi, et que même pour piloter des instruments, il y a presque aussi bien et moins cher, à commencer par le Komplete Kontrol S Mk2…
Conclusion
En vis-à-vis de cela, soulignons toutefois ce que sait faire le Komplete Kontrol S mk3, grâce notamment au format NKS, et ce qu’il permet en termes de navigation et d’ergonomie (le lightguide demeure pratique à plus d’un titre), il est le seul à le faire sur le marché, et à présent qu’il a renforcé son intégration à Kontakt, il est un outil de choix pour ceux qui utilisent majoritairement le sampler de Native. Ça n’a rien d’étonnant en regard de la stratégie de l’éditeur ces dernières années, mais pour ceux qui font de la musique orchestrale ou du son à l’image, pour ce type de compositeurs polyvalents devant tout aussi bien faire du symphonique que du rock, de l’electro, du jazz ou une hybridation de tout cela en passant par Kontakt 7, alors là, oui, c’est sans le clavier à avoir… pour peu que vous achetiez un jeu de sliders à côté…
Reste le sujet qui fâche : ce mk3 est 25 % plus cher que son prédécesseur, sans être 25 % hélas plus pertinent pour autant, car quantité d’utilisateurs ne valoriseront pas forcément l’ajout de l’aftertouch par exemple… Du coup, la pilule a un peu de mal à passer, à plus forte raison quand Native fait la sourde oreille sur les desiderata de sa communauté. À ce stade, la question se pose toutefois de savoir si, en ces temps où la récession croise les problématiques géopolitiques et environnementales, avec ce que cela implique en termes de coûts du point de vue de l’énergie, des ressources et des transports, Native n’a pas construit le clavier dont nous rêvions, mais le clavier dont il pouvait assumer la construction de manière suffisamment durable… Voilà qui est dur à dire, sachant qu’il faudra voir les directions prises par le constructeur concernant son évolution, comme la réaction des concurrents à l’heure où le MIDI 2.0 pourrait tout à fait, sur le papier, se poser en solution alternative sur certaines capacités du NKS (le mapping notamment).
Bref, vous l’aurez compris : on se retrouve là avec un clavier haut de gamme, plus que jamais taillé pour Kontakt, mais qui peine à justifier son nouveau tarif face à son prédécesseur par rapport à ce qu’il apporte concrètement. Et il nous tarde déjà de voir ce qu’il deviendra en version mk4 pour savoir si Native saura de nouveau nous enchanter…