Vous ne rêvez pas: le 160Vu revient à la vie ! Si vous rêviez d'en acheter un, mais que le prix de l'occasion et la maintenance induite vous effrayaient, l'Audioscape 260Vu ne serait-il pas LE compresseur qu'il vous fallait?
Audioscape est une marque américaine basée en Floride. Sa particularité est de proposer tout un éventail de machines (préamplificateurs, compresseurs, égaliseurs et même réverbérations à ressorts) inspirées des grands classiques que l’on retrouve en studio. Si l’idée n’est certes pas nouvelle, Audioscape pourrait par contre bien tirer son épingle du jeu par sa volonté affichée de ne faire aucun compromis sur la qualité de construction, sur le design général ainsi que (fort heureusement) sur la qualité sonore. Pour ce test, nous nous sommes tournés vers leur version du Dbx160Vu, le bien nommé Audioscape 260Vu.
Le 260Vu
Découverte
Les concepteurs d’Audioscape ont un point d’honneur à se rapprocher au plus près des machines dont ils s’inspirent et le premier regard porté sur leur 260Vu ne peut que confirmer cette volonté. Nous retrouvons instantanément le look si typique des années 70 et des premiers Dbx. Que cela soit les boutons, les switches, les vu-mètres, leur disposition, la couleur ou même les deux barres en aluminium qui encadrent la façade, tout semble parfaitement identique au Dbx160Vu. Est-ce moderne ? Est-ce vintage ? L’illusion est vraiment bluffante et difficile de ne pas avoir le sourire aux lèvres face à cette belle qualité de fabrication.
Dans le détail
À l’instar de certains compresseurs des années 70 (cf. les Urei La3 ou La4), le Dbx160Vu est un compresseur au format « demi-rack » et il est assez courant de trouver deux 160Vu assemblés ensemble dans le même rack 2u. Le 260Vu repart du même principe en incluant deux machines en une seule (d’où son nom). Totalement indépendants, ces deux compresseurs sont également joignables via un switch « RMS », seul ajout « moderne » de Audioscape permettant de linker les deux côtés (nous y reviendrons plus tard).
Le 260Vu reprend l’un des atouts du 160Vu qui est d’avoir assez peu de paramètres à gérer. Les temps d’attaque et de relâchement étant fixes, vous n’aurez donc à régler « que » le seuil de compression (threshold), le ratio (de 1:1 à ∞:1) ainsi que le gain (de –20 à +20dB). Concernant le seuil, les ingénieurs d’Audioscape ont gardé la fameuse LED présente sur le compresseur original. Elle n’est certes pas indispensable, mais vous permet de mieux assimiler ce qui déclenche le seuil de détection, de le paramétrer plus finement et c’est avec un certain plaisir que l’on peut la regarder clignoter en fonction de vos réglages.
Les boutons-poussoirs, positionnés sur la partie basse du compresseur, permettent de visualiser l’entrée (« input »), la sortie (« output ») ou la compression appliquée à votre signal (« GC »). Ces boutons-poussoirs, identiques aux originaux, jouent énormément sur le côté vintage du 260Vu. La sensation physique et le bruit lors de leur enclenchement vous rappelleront de facto le jeu des vieux boutons-poussoirs de la chaine hifi de vos grands-parents (ou arrière-grands-parents pour les plus jeunes).
Les vu-mètres empruntent eux aussi le même look que les originaux. Dynamiques, très réactifs et parfaitement calibrés, ils sont très agréables à travailler avec. Il n’est pas possible de les étalonner sans ouvrir la machine, mais au vu de leur qualité, c’est un bien moindre désagrément et je doute que vous ayez à vous en préoccuper sous peu.
Les plus attentifs auront sans doute remarqué que le 260Vu, comme le 160Vu, ne possède ni bouton de bypass ni de mix dry/wet. Ceci pourrait potentiellement se révéler un peu frustrant lors de prises de son, mais n’est pas un réel problème pour du mix, votre DAW pouvant facilement remédier à cela. En outre, l’ajout de telles options pourrait altérer le son. Or, la volonté première d’Audioscape est vraiment de coller le plus possible au son comme aux fonctionnalités de l’original et de retrouver les mêmes ressentis à l’utilisation, quitte pour cela, à manquer un peu de flexibilité. Mais je vous rassure, l’ergonomie du compresseur est très bonne et cette absence de bypass se fait très très vite oublier.
À l’intérieur
Si les ingénieurs d’Audioscape ont soigné le look de leur compresseur, la ressemblance avec l’originale n’est pas que visuelle, ils ont aussi soigné ses entrailles ! Car l’un des secrets d’Audioscape est d’avoir écumé les marchés audiophiles pour retrouver tout un stock de composants originaux en new-old-stock (puces, transistors etc.) et ainsi approcher au plus près du son originel. Le vca du 260Vu est, d’après le constructeur, quasi identique à celui du 160Vu en proposant les mêmes caractéristiques de gain et surtout de saturation — ce fameux THD qui apporte cette couleur et ce grain si recherchés des vieux Dbx.
En avant la musique !
Batteries
Premiers tests sur une prise mono de batterie, l’un des instruments sur lequel le 160Vu a construit sa solide réputation… et le sourire aux lèvres s’élargit en un instant…
Le premier extrait est effectué avec un réglage assez doux et un ratio de 2:1 (extrait 01a et compression « itty bitty »). La compression, très légère, agit principalement sur la caisse claire et très légèrement sur la grosse caisse, mais le résultat est instantané : un effet « glue » se fait entendre et la batterie, sans être dénaturée, semble de suite plus homogène, plus compacte.
En poussant le ratio à 4:1 et la compression à environ –10 dB (extrait 01 b et compression « crush »), on tombe sur un effet de pompage bien plus accentué, mais quel régal ! La batterie prend vie, elle devient un peu plus mordante et plus claquante. Désactiver le compresseur la fait alors paraître en comparaison bien terne, presque morne.
Sur le 3e extrait, la compression est encore plus accentuée avec un ratio infini (extrait 01c, compression « Chop City »). Écoutez alors comme le timbre de la caisse claire s’en trouve modifié. Un effet squash ô combien amusant arrive et si cela pourrait paraître trop extrême pour certains, ne perdez pas de vue que cela pourrait également devenir très pratique en compression parallèle !
Le bouton RMS
Pour le 4e extrait, nous avons gardé exactement le même réglage, mais avons enclenché le mystérieux bouton « RMS » (extrait 01 d, compression « Chop City » avec RMS). La compression est toujours bien présente, mais évolue vers une sonorité bien plus naturelle. Le signal est moins écrasé, moins aplati par le fort taux de compression.
Profitons-en alors pour faire un petit aparté concernant ce fameux switch RMS. Il s’agit d’un « link » pour les signaux stéréo, mais il n’agit pas uniquement sur la stéréo ni de façon totalement « parfaite ». Son impact est assez audible, tant sur la couleur du son que sur la réactivité du compresseur. Appliqué ici sur une piste mono, nous entendons une différence notoire, certes, mais plutôt pertinente et assez utile pour apporter une nouvelle couleur à la machine. Contacté à ce propos, je me permets de retranscrire ce qu’en dit le constructeur : « le RMS n’est pas un link stéréo parfait. Vous remarquerez un changement dans le comportement, l’image et les contrôles. Nous vous recommandons de l’expérimenter et de trouver les paramètres qui fonctionnent le mieux pour chaque application. Nous avons estimé que ce choix de conception spécifique était le moyen le moins invasif de fournir une sorte de lien stéréo sans être trop “imposant” ».
Ceci explique cela… L’information en tête, retournons donc à nos essais sur une batterie avec deux derniers extraits en gardant le même setup que précédemment, mais en appliquant cette fois environ 25 dB de compression. Un peu excessif me direz-vous… Mais découvrez la musicalité qu’apporte le 260Vu. Le bénéfice sur le signal est incontestable. Que cela soit avec ou sans RMS, la prise s’en trouve bien plus nerveuse et agressive sans en devenir non plus ni trop dure ni trop fatigante à l’écoute. (extraits 01e sans RMS, extrait 01f avec RMS)
- 01 Drums Dry00:10
- 01d Drums 260Vu00:10
- 01e Drums 260Vu00:10
- 01f Drums 260Vu00:10
Et sur une TR808 ?
Sur des éléments séparés de batterie électronique, le 260Vu est toujours aussi efficace. La gamme de fréquences reste bien pleine et bien contrôlée. Kick et snare prennent plus de « piqué » et plus d’agressivité. La snare devient bien plus vivante (écoutez son timbre !), plus tranchante et somme toute bien plus musicale. (extrait 02, avec un ratio de 3:1 et env 6 dB de compression)
Le réglage extrême (40 dB de compression !) effectué sur les pistes 02 b est somme toute assez abscons et n’a absolument aucun intérêt audiophile sinon que de bien entendre l’impact et le travail du compresseur en situation extrême. Le signal est totalement dénaturé, mais on découvre alors toute l’attaque qu’accentue le 260Vu et comment il parvient à tailler le son.
Essayons maintenant sur un pattern stéréo (extrait 03a sans RMS, 03 b avec RMS). Première remarque et pas des moindres : faites bien attention à vos réglages ! Car même avec le bouton RMS enclenché, il vous faudra régler les deux canaux exactement de la même façon sous peine de gros décalages de niveaux et de compression. Ceci pourrait en refroidir certains, mais comme pour l’absence de bouton de bypass, cette volonté est affirmée et assez vite compréhensible : le 260Vu reprend exactement le même principe que le compresseur original, à savoir deux machines dans un seul rack et non une seule machine stéréophonique. Les plus fainéants grogneront, mais c’est au final assez amusant et rajoute au côté vintage, vivant et ludique de la machine.
Avec le 260Vu, le pattern rythmique prend bien plus de liant et de percutant. Le kick et la snare s’équilibrent bien mieux entre eux, le tout paraît dès lors plus unifié, plus cimenté. Hormis la différence de son que le switch RMS implique, vous ressentirez la différence entre avec et sans principalement sur l’image stéréo et sur la position des petites percussions (charley and co).
- 02 Kick Dry00:09
- 02a Kick 260Vu00:09
- 02b Kick 260Vu00:09
- 02 Sn Dry00:09
- 02a Sn00:09
- 02b Sn00:09
- 03 Beat Dry00:17
- 03a Beat 808 260Vu00:17
- 03b Beat 808 260Vu00:17
Sur une basse
Les pistes de basses profitent pleinement du côté percutant du 260Vu comme de la petite saturation induite par le compresseur. Comme vous pouvez l’entendre sur les trois extraits, la basse gagne en précision tout en gardant un beau bas, plus tendu, mais toujours bien présent. Le côté clinquant du médiator en ressort grandi et insérer la piste dans un mix devient plus aisé. (extrait 04a, 10 dB de compression avec un ratio de 2:1, extrait 04 b, idem avec un ratio de 4:1)
Comme pour la batterie, avec le RMS enclenché (extrait 04c, ratio 4:1 avec RMS), la compression se fait plus douce. De facto, la basse retrouve un peu plus sa dynamique originelle et son bas du spectre est plus ample. Les trois différents setups conviendraient tous parfaitement dans un mix, en fonction de la couleur recherchée, que vous vouliez un son plutôt large ou plutôt tendu et contenu.
- 04 Bass Dry00:17
- 04a Bass 260Vu00:17
- 04b Bass 260Vu00:17
- 04c Bass 260Vu00:17
La guitare acoustique et électrique
Sur les pistes de guitares acoustiques (extraits 05 et 06 avec un ratio de 2:1) comme électrique (extrait 07, ratio 1.5:1), le mordant du 260Vu est une fois de plus bien là. Les coups de médiator tranchent un peu plus (surtout sur l’acoustique) et la dynamique est toujours très bien gérée. Certaines liaisons entre les accords et les arpèges semblent bien mieux effectuées grâce à l’action du compresseur. Selon les prises, le clinquant de la guitare électrique s’en trouve également durci, idéal pour accentuer sa dynamique (étonnamment !) et lui redonner plus de pêche.
Une très bonne surprise est, à mon avis, l’impact qu’a l’Audioscape sur la prise de guitare acoustique jouée au doigt. La couleur très typée de la prise en est renforcée (cf. le souffle et le grain de la guitare) et le jeu des doigts retrouve juste ce qu’il faut d’attaque et de « snap » pour donner plus d’entrain à l’arpège. Comme quoi, ce compresseur n’est pas destiné qu’aux sources puissantes et peut être tout aussi redoutable sur des pistes douces et délicates pour leur rapporter plus de vie.
- 05 Gtr Ac Dry00:21
- 05a Gtr Ac 260Vu00:21
- 06 Gtr Dry00:22
- 06b Gtr Ac 260Vu00:22
- 07 Gtr Elec Dry00:23
- 07 Gtr Elec 260Vu00:23
Et sur les voix ?
Sur les prises de voix, une petite saturation se fait instantanément sentir. Le VCA fait son travail de manière impeccable avec l’apparition d’harmoniques idéales pour typer un peu plus la piste et lui apporter un joli grain.
Nous retrouvons une fois de plus ce « snap » qu’ajoute le 260Vu avec une petite accentuation des consonnes percussives (les p, les t ou les k) qui fonctionne parfaitement sur la prise rap, mais aussi sur la prise pop en lui redonnant une fois de plus un peu de peps et de vitalité. La couleur du son est très agréable et vraiment très intéressante. Et bien que la compression soit un peu poussée sur ces exemples (exagérée afin de mieux entendre le jeu du 260Vu), on comprend qu’avec ce compresseur, les suivis deviennent vite superflus.
Seul tout petit bémol : sur le morceau typé jazz pour lequel le 260Vu pourrait paraître moins pertinent. Sur ce style de musique, la compression se fait peut-être trop marquée, trop audible, taillant un peu trop dans la dynamique de la chanteuse. Mais la couleur sonore est indéniable et le contrôle de la voix tout aussi parfait.
- 08 Vx Rap Dry00:12
- 08 Vx Rap 260Vu00:12
- 09 Vx Pop Dry00:15
- 09 Vx Pop 260Vu00:15
- 10 Vx Jazz Dry00:30
- 10 Vx Jazz 260Vu00:30
- 11 Spoken Dry00:20
- 11 Spoken 260Vu00:20
Comparatif
N’ayant de 160Vu sous la main, nous n’avons pu faire de vrais comparatifs. Toutefois, face à un vieux Dbx165 vintage, nous retrouvons bien le même genre de caractéristiques de compression et d’ajout d’harmoniques. Certes, le 165 est différemment typé et plus « dirty » que l’Audioscape. Les deux compresseurs ne travaillant évidemment pas de la même façon, il est toutefois un peu contreproductif de vouloir réaliser un véritable A/B entre ces deux machines, mais nous sommes définitivement dans la même famille sonore ! In fine, le 260Vu possède même cet avantage d’être typé sans être non plus aussi sale et granuleux que notre vieux Dbx, souvent malheureusement cantonné à un seul type de son. L’Audioscape possède donc tous les atouts d’une machine vintage dans le corps d’une machine moderne (ou inversement ?) : il en devient d’autant plus polyvalent.
Conclusion
Le 260Vu est un compresseur très très typé et extrêmement musical. Comme l’original, ce compresseur n’est clairement pas fait pour être transparent et ne conviendra sûrement pas à tout le monde, mais ce qu’il fait, il le fait très bien. Idéal pour dynamiser et raviver vos sources, il sublimera toutes vos pistes percussives et pourra, en fonction de la couleur souhaitée, magnifier vos pistes mélodiques. De par sa couleur sonore (aaaah, son THD !) comme de par la couleur de sa compression, le 260Vu est un outil qui complémentera à merveille vos autres compresseurs. Quoi de mieux qu’un vieux 160Vu ? Un 260Vu évidemment !