« Dites au revoir au mixage à la souris », clame fièrement Softube en présentant cette troisième version de la Console 1 et son contrôleur dédié Channel. Sous nos doigts, l'égalisation, la compression et tous les autres processeurs, comme si on mixait en analogique... sauf qu'on est dans un plugin!
Softube, autoproclamé « rock & roll scientists », est avant tout un développeur de plugins. La société suédoise s’est spécialisée depuis son origine dans l’émulation de circuits analogiques, et notamment le doux et chaleureux son des lampes qu’on aime tant… Entre autres, la marque est connue pour modéliser les fameux amplis guitare Marshall, mais aussi toute une collection de périphériques de studio, dont les Tube-Tech. Des lampes, donc, mais pas uniquement, puisqu’on trouve aussi dans leurs œuvres des transistors avec les Chandler, des magnétophones à bandes, et même maintenant des synthétiseurs.
Un petit bout de console
Il y a une dizaine d’années, Softube a lancé la Console 1 Channel première du nom, en annonçant déjà l’ambition : libérer le mixeur de son clavier et de la souris, et retrouver un geste de travail musical comme si on utilisait une console analogique. Console 1 est donc un plugin, qu’on peut décrire simplement comme un « Channel strip » tel qu’on le trouve dans la plupart des DAW ou chez de nombreuses marques, synchronisé à un contrôleur physique – et c’est cela la nouveauté (il y a 10 ans) et la particularité (encore aujourd’hui) du produit. La version dont il est question ici est appelée mk III, donc la troisième. Le contrôleur propose un potentiomètre ou interrupteur pour chaque paramètre de notre tranche de console, il n’y a aucun mapping ou travail d’assignation midi à faire, on peut travailler piste par piste avec ce plugin les dynamiques, les fréquences, les niveaux etc. La disposition est plutôt classique, on retrouve les différentes sections que l’on connaît sur les consoles et les logiciels qui reproduisent ce schéma. De gauche à droite, on a une entrée avec le gain, l’inversion de phase et les filtres, puis un traitement dynamique qui propose un gate, mais aussi des choses plus originales. Ensuite vient l’incontournable égaliseur quatre bandes, qui précède un compresseur, et enfin la sortie avec une saturation, le pan et bien sûr le volume. Ce chemin du signal audio, qui n’a rien de surprenant, est à peu près le même depuis la première version de Console 1 Channel. Pour être plus précis, les deux premières versions étaient basées sur un canal de console SSL 4000, ce qui n’est pas le cas de cette nouvelle mouture, qui intègre davantage d’outils et d’options. Précédemment, les Channel permettaient aussi de piloter d’autres plugins développés par Softube, intégrés pour l’occasion à l’interface Control 1. Avec cette mk III, la possibilité d’intégrer des plugins s’élargit et s’applique aussi aux FabFilter et aux UAD, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas rien !
Coco Channel
On déballe le contrôleur, et on doit déjà signaler que celui-ci semble bien conçu, solide, et qu’il a une certaine élégance… probablement ses origines suédoises. Un des atouts mis en avant par la marque et vantés par certains utilisateurs convaincus, est la sensation procurée par les potentiomètres, au plus près de ce qu’on aurait avec une console analogique. Il est vrai qu’ils ont une petite résistance agréable, inspirent confiance, mais cela reste des encodeurs à la course infinie et pour avoir une console analogique sous la main, c’est encore un autre monde (et c’est peut-être mieux comme ça). Signalons que le paquet Console 1 Channel mk III coûte la coquette somme de 995 €. Ce qui est nettement plus cher que la version précédente (449 €). On connecte la bête en USB C à l’ordinateur, on allume, et c’est parti. Au démarrage, la fenêtre du logiciel s’ouvre immédiatement, et on n’arrivera plus à s’en débarrasser ; ça peut sembler anecdotique, mais cette fenêtre passe devant toutes les autres, et tant qu’on veut faire autre chose (ouvrir un DAW et y importer du son par exemple) elle nous embête. La seule solution qu’on trouvera sera de réduire sa taille au minimum. Sur le papier, la Console et son Channel sont compatibles avec la plupart des DAW, dont les principaux Logic, Pro Tools, Cubase, Ableton Live etc… On ne les a pas tous testés, mais pour ce qui est de Cubase et Pro Tools, on confirme la compatibilité. Il paraît que Cubase a été particulièrement accueillant depuis la première Console 1, et l’intégration est plus évidente ici que dans notre Pro Tools. Avec le DAW Steinberg, le potentiomètre de volume contrôle le fader de la piste, on agit aussi sur le pan, solo et mute du logiciel avec le contrôleur. Le contrôleur affiche également le nom et les couleurs de piste attribuées dans le DAW. En haut du Channel, 20 petits boutons permettent de sélectionner la piste sur laquelle on travaille, et de naviguer ainsi dans la console. On accède à des bacs de 20 canaux supplémentaires avec des boutons de navigation juste à côté. Pour compléter une station de travail dans cette logique, Softube propose aussi le Console 1 Fader, un bac de dix faders qui viendront compléter cette sensation d’analogique dans le geste, au sein d’un environnement numérique.
Un contrôleur pour faire des tubes
On testera donc ici la Console 1 et ses propriétés sonores, mais aussi l’utilisation du contrôleur Channel, l’intégration des plugins Softube et FabFilter dans ce contexte, et encore l’intégration de la Console 1 elle-même dans un DAW.
La mise en situation qui nous paraît la plus simple et explicite, est de prendre les stems d’un morceau que nous avons produit et de recréer une session dans notre DAW de travail habituel qu’est Protools. On se rend rapidement compte que l’implémentation dans Protools n’est pas optimisée, et on décide donc d’aller créer la même session dans Cubase. Ça marche beaucoup mieux, c’est plus intuitif, et beaucoup plus de paramètres sont synchronisés avec le logiciel.
Après une brève prise en main, on comprend que tout se passe dans la page du programme Console 1, alors que les fenêtres de plugins insérés dans la session Cubase ne sont pas forcément très bien pensées ni en termes d’ergonomie, ni en termes de lisibilité. Par exemple, Cubase n’ouvre pas la fenêtre du plugin de la piste sélectionnée quand on change de piste, mais reste sur la fenêtre de plugin ouverte initialement. La configuration optimum est donc d’avoir un écran dédié à la fenêtre du programme stand alone et de laisser les fenêtres plugin de notre DAW fermées. Dans l’idéal, il faut donc trois écrans pour garder une fenêtre d’arrangement, une fenêtre de mixage et une fenêtre pour Console 1 ouverte et accessible en permanence.
L’interface est très lisible, et est segmentée en différents modules d’un channel strip, dans un ordre défini qu’on ne peut à priori pas modifier. Elle est vraiment pensée comme une console analogique, avec ses contraintes de fonctionnalité, mais surtout avec ses avantages de cohérence et d’uniformité sonore. L’étage de gain est intéressant et nous permet de ramener de la chaleur et du grain à des sources qui n’en auraient pas assez, mais reste plutôt accessoire dans notre configuration sur des stems, où on ne va pas particulièrement engager de filtres ni de rajout de gain. En revanche, les quatre modules suivants nous semblent très vite aussi pertinents qu’efficients, tant dans leur utilité que leurs résultats sonores.
Les modules Shape, Equalizer et Compressor possèdent chacun une banque de plugin qui peuvent être chargés dans les mémoires une et deux de la Console 1. Chaque tranche de notre logiciel sur laquelle est insérée la Console 1 peut avoir des plugins différents dans ces trois sections, et on peut ainsi individualiser les traitements de la console sur certaines pistes ou groupes, qui pourraient le nécessiter. Au-delà des modules Core qui sont fournis avec la console, celle-ci supporte tous les plugins Softube qui ont les mêmes rôles, mais également les Fabfilter et les UAD. Si certains plugins à l’ergonomie classique et aux réglages plutôt basiques semblent s’adapter facilement à l’architecture de la Console 1 et devenir des alternatives intéressantes aux modules de bases, les Fabfilter (entre autres) qui possèdent de nombreux réglages seront utilisés dans une version incomplète par rapport à leurs versions plugin.
De retour sur notre mix, on s’attaque au bus de batterie, sur lequel le bien nommé module Shape nous parait adapté et nous permet de sculpter un peu plus notre son, en travaillant sur ses transitoires et ses résonances. On décide d’augmenter un peu ses attaques, qui nous semblent un peu molles ce jour-là. On se sert du second module pour rouvrir légèrement les graves et les aigus, et on arrive vite au dernier module intitulé Drive. Une fois encore, on est vite séduit. Il y a peu de paramètres, mais le grain est là et le réglage du caractère, du plus neutre au plus coloré, est aussi efficace que musical. On opte pour un caractère un peu neutre afin d’éviter que la grosse caisse ne tape trop fort dedans et perde alors tout son grave.
Pour ce qui concerne nos stems de basse, de percussions, et de guitare rythmique, on va s’atteler à ne travailler que sur le troisième module, et ainsi affiner la balance tonale de ceux-ci. Pour cela, on va charger tout d’abord l’égalisation de base de la console pour les percussions, chercher à renforcer la présence de celles-ci et les débarrasser d’un surplus de grave. Pas de surprise, on arrive rapidement à un résultat convaincant en augmentant de quelques dB les 2500 Hz dans le mode d’égalisation plutôt correctif, appelé ici Core Modern. Pour la basse, on veut rajouter du bas médium sans qu’il ne devienne trop envahissant. On cherche à obtenir un résultat en même temps solide et énergique. On va donc plutôt tenter notre chance avec le deuxième mode d’égalisation, le Core Vintage, qui va plutôt s’apparenter à un égaliseur de coloration. Ça marche plutôt bien en augmentant d’à peine 1,5 dB à 280 Hz. Cela vient apparemment un peu creuser les fréquences voisines afin d’éviter de trop encombrer les bas médiums et d’alourdir le son de notre basse. On ouvre notre stem de guitares rythmiques et on veut lui donner un peu de nez afin qu’il se place juste au-dessus du bas médium qu’on vient de renforcer dans la basse. On applique donc la même méthode en changeant notre fréquence pour 850 Hz, et le résultat est tout aussi convaincant.
Passons désormais aux éléments mélodiques, et en premier lieu à notre guitare riff. On la trouve un peu gentille et pas assez large et profonde, c’est donc l’heure d’aller travailler sur le module de compression. Dans ce cas précis, on ne veut pas gommer les attaques, mais on veut surtout ramener au premier plan les résonances de ces riffs. On opte donc pour le mode Core Bus, qui ressemblerait à un compresseur Vari Mu, et avec une attaque et un release plutôt longs, on s’approche d’un résultat intéressant. Néanmoins, on manque encore un peu de caractère, et on tente donc de rajouter du drive en sortie de chaîne avec cette fois-ci un maximum de caractère.
Pour les guitares et les claviers qui composent notre thème, on va encore une fois s’atteler à peaufiner l’égalisation de ceux-ci. En revanche, les voix nécessitent d’aller un peu plus loin dans le module Shape, et ainsi de contenir les attaques des syllabes rythmiques tout en rajoutant du sustain dans le but d’amplifier l’aspect mélodique de celles-ci. Le résultat de la somation de nos trois stems modifiés est plutôt prometteur. Il est temps de remettre dans le contexte.
Tout est plus fort et un rapide travail des niveaux est donc nécessaire afin de retrouver les équilibres initiaux. On déplore dans ce cas précis qu’il n’y ait pas de réglage de niveau en sortie de channel strip, mais que le bouton volume soit bien celui du niveau de la piste. Ça nous aurait permis de vérifier le niveau de chacun des stems en activant et désactivant la Console 1, mais cela ne vaut que dans notre cas précis, et non dans le cas d’un processus de mix plus conventionnel.