Utilisé pour réaliser des rythmiques complexes, pour redonner du naturel à une prise de son sans ambiance ou pour grossir le son d'un instrument, le delay est l'effet de base par excellence. Un incontournable qui mérite bien qu'on s'attarde sur son histoire…
Utilisé pour réaliser des rythmiques complexes, pour redonner du naturel à une prise de son sans ambiance ou pour grossir le son d’un instrument, le delay est l’effet de base par excellence. Un incontournable qui mérite bien qu’on s’attarde sur son histoire…
D’où vient cette répétition ? Des multiples rebonds de l’onde sonore que vous produisez et qui vous reviennent aux oreilles, à chaque fois un peu plus atténués et filtrés (lorsqu’elle rentre en contact avec de la matière, une onde est en partie absorbée par cette dernière et perd en intensité…).
Sans aller jusqu’au Mont-blanc, ces phénomènes sont systématiquement liés à la diffusion d’un son : dans votre salon, dans votre salle de bain ou dans une cathédrale, l’émission d’un son provoquera ainsi de multiples réflexions qui, lorsqu’elles sont distinctes, sont appelées Echos et qui, lorsqu’elles le sont moins, sont appelées Réverbérations.
Du coup, on pourrait dire, pour faire simple, qu’écho et réverb, dans la nature, participent du même phénomène. Une réverb ne serait finalement qu’un écho plus complexe et on les désigne souvent d’ailleurs sous le nom d’effets de spatialisation.
Pourquoi spatialisation ? Simplement parce qu’entre autres stimuli, ce sont les réflexions que produit un son dans un environnement qui permettent à notre cerveau de se faire une idée du volume du lieu. Sachant cela et sachant que ces phénomènes de réverbération/écho sont omniprésents dans la nature (à moins de vous trouver dans une chambre anéchoïque, justement conçue pour produire le moins de réflexions possibles), on comprendra facilement qu’un instrument ou une voix, pour sonner « naturel », se doivent d’être enregistrés avec les multiples réflexions qu’ils ont engendrées dans le lieu où ils ont été enregistrés.
On s’est d’ailleurs aperçu très tôt que des enregistrements ne comportant pas d’ambiance naturelle paraissaient étranges, sans vie. Et pour y remédier, on s’est mis en quête d’un moyen de reproduire les réflexions produites par le son lors de sa diffusion. Si les processeurs de réverb, bien plus complexes à réaliser, ne viendront que beaucoup plus tard, l’écho fait ainsi son apparition sous une forme « électronique » dans les enregistrements discographiques des années 50.
Sam Philipps créait cet écho en utilisant deux magnétophones à bandes. L’astuce pour créer un écho simple avec des magnétophones à bande est de faire fonctionner en même temps et sur la même bande une tête d’enregistrement et une tête de lecture. Ainsi, la tête de lecture lit avec un retard court (« delay » en Anglais) le signal qui vient d’être enregistré.
Le deuxième magnétophone est utilisé pour enregistrer le signal « sec » et le signal retardé, le tout passant par une table de mixage. Pour la petite histoire, le guitariste d’Elvis, Scotty Moore, s’est ensuite fait construire un ampli avec un écho slapback à bande intégré, ampli construit par un électronicien de génie de l’époque, Ray Butts.
Principes et réglages
Il existe trois types de recréation électronique du delay : les échos à bande, les delays analogique et les delays numériques. Notez que la principale différence entre l’écho et le delay réside dans la nature infinie du delay là où l’écho a un nombre fini de répétitions. Reconnaissons tout de même que les deux mots s’emploient de nos jours de façon interchangeable.
Les delays à bandes
Ainsi qu’il était évoqué en introduction de ce dossier, la première recréation électronique d’un écho a été rendu possible en détournant l’utilisation d’un magnétophone à bande. Les premiers delay à bandes utilisent donc le même procédé, de façon améliorée : une bande tourne de façon infinie, une tête d’enregistrement capte le signal et une ou plusieurs têtes de lecture restituent le signal entrant avec un retard. Le nombre de têtes détermine le nombre de répétition et on peut faire varier le temps entre les répétitions en modifiant la vitesse de défilement de la bande.
S’ajoute souvent à ce réglage de vitesse un réglage de régénération (ou feedback) qui contrôle le taux de réinjection du signal traité dans le système. Avec le feedback au maximum, on obtient une espèce de Larsen (je dis bien « une espèce ») ou plutôt un emballement : ceux qui ont eu l’occasion de jouer avec ce type d’effet comprendront de quoi je parle.
On doit l’utilisation la plus extrême de ce principe à Robert Fripp qui, au début des années 70, a inventé un procédé nommé Frippertronics (on doit le nom à sa petite amie de l’époque). Le système consistait en deux magnétophones analogiques séparés de plusieurs mètres, la bande se déroulant d’un magnétophone à l’autre (enregistrement sur le premier, lecture sur le deuxième).
Avec cette longueur de bande, une des premières machines à boucles était née. Le delay de 8 à 10 secondes permettait à Robert Fripp de créer des accompagnements complexes 30 ans avant le JamMan !
Les delays analogiques
Les delay à bande, c’est bien mais c’est encombrant et parce qu’elles s’abîment, il faut changer les bandes relativement souvent. Dans les années 70, les progrès de l’électronique aidant, on a pu créer des delays tenant dans des pédales d’effets et utilisant des composants électroniques en lieu et place des bandes antédiluviennes.
Généralement, le temps de retard maximum sur ce type de delay est de 300/350ms et, tout comme sur les échos à bandes, les répétitions sont de qualité variable : là où les bandes dégradent plutôt les aigus, les composants analogiques introduisent une légère dose de distorsion dans les répétitions… ce qui fait aussi leur charme aux yeux et aux oreilles de certains !
De manière générale, les réglages concernent le temps entre les échos, le feedback qui conditionne le nombre de répétitions et le de mixage entre son traité et son « sec ».
Les delays numériques
Les années 80 arrivèrent et avec elles les coiffures casques, les vestes à épaulettes et les delays numériques ! Disponibles en racks ou en pédales, ces derniers sont en quelques sortes des « mini-samplers » qui échantillonnent le signal entrant et le rejouent avec un retard.
Les répétitions sont assez, voire très fidèles à l’original, avec un son « cristallin » et très dynamique, mais comme toujours dès qu’on parle de numérique, certains déplorent un manque de chaleur, ce qui explique que les delays analogiques ou même les échos à bandes n’aient pas disparu.
Les réglages sont les mêmes que sur les delays analogiques : temps entre les répétitions, feedback (nombre de répétitions) et mixage (mixage entre le son traité et le son « sec »). Les retards générés par les delays numériques montent aujourd’hui à plusieurs secondes (plus de cinq secondes pour la dernière pédale Boss !).
Autres réglages
Notez pour finir que, suivant leur degré de sophistication, les delays peuvent intégrer divers paramètres et fonctionnalités :
- Un filtre passe-bas (souvent appelé 'High Damping’) permettant d’atténuer les aigus à mesure des répétitions, ce qui est indispensable lorsqu’on veut se servir de l’effet pour rendre une spatialisation réaliste.
- Un LFO qui permet de moduler les répétitions et dont on peut régler la vitesse et la profondeur de modulation.
- Une fonction 'Sample’ ou 'Hold’ qui permet de mettre une répétition en mémoire, à la manière d’un sampler, comme sur le JamMan…
- Un bouton Tap qui sert à définir manuellement l’écart entre les répétitions (on parle alors de Delay Tap-Tempo), ce qui peut être autrement plus intuitifs qu’un potar gradué en millisecondes.
- Un panner qui permet de renvoyer les répétitions alternativement à droite ou à gauche dans le champ stéréo. On parle alors de Ping-Pong Delay.
Placement
Comme tout effet de spatialisation, l’usage veut que le delay soit placé après la compression, la saturation ou distorsion et souvent en dernier ou en avant-dernier, juste avant la réverb dans une chaîne d’effet.
Les effets de modulation (chorus flanger) peuvent être situés avant ou après le delay. Le placement avant une distorsion ou un ampli à lampes saturé est à proscrire car il a tendance à générer de la distorsion d’intermodulation qui brouille sensiblement le message musical.
Dans le contexte de la guitare, notez que ce type d’effet se place idéalement dans la boucle d’effet de l’ampli, si celui-ci en possède une. Ceux dont l’ampli en est dépourvu pourront toujours faire comme Brian May, le guitariste de Queen, qui utilise un delay modifié pour pouvoir attaquer son Vox AC-30 saturé sans générer la distorsion d’intermodulation précitée. Celui-ci envoie chaque répétition dans un ampli différent ! (Pour 3 répétitions, 4 amplis sont utilisés, un pour le son sec, le deuxième pour la première répétition, le troisième pour la deuxième, etc.). Etant donné le résultat, on peut dire que cela fonctionne plutôt bien… même si le mur d’ampli n’est pas ce qu’il y a de plus pratique en appartement…
Exemples d’utilisation
Delay slapback : dans cet exemple, l’effet de slapback (écho court) sur la guitare est un peu exagéré mais on se rend compte à quel point il fait référence aux années 50.
Delay long : le classique parmi les classiques, un delay à 350ms permet de grossir une guitare solo. Efficace aussi sur un synthé lead, un sax, etc.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/478452.png)
Delay multitap : l’utilisation de plusieurs delays en série s’est popularisé dans les années 80. Dans cet exemple la guitare lead est traitée par trois delays : un à 350ms, un 500ms et un à 800ms. Cette configuration, utilisée depuis des années par Satriani favorise le gros son. Notez comme le son se rapproche d’une réverb alors qu’aucun processeur de ce type n’est utilisé.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/478451.png)
Delay rythmique (+ exemple 2) : en son clair comme en saturé, le delay peut être utilisé sur une guitare pour faire un « tapis rythmique ». Grand maître en la matière, The Edge de U2 utilise souvent un delay à la troisième de double croche (3/16) comme dans l’exemple audiofanzine_u2_delay.mp3.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/478449.png)
- audiofanzine delay rhytmique 00:26
- audiofanzine delay sonclair 00:20
Delay ping pong : le delay ping pong permet d’alterner les répétition entre la gauche et la droite de la stéréo. Ici, sur un son de basse qui n’est joué que chaque temps, le delay fait le reste :
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/478448.png)
Delay/échos matériels de référence
Dynacord Echocord Super S62 ou S65 : LA chambre d’écho des 60's avec une préamplification à lampes : côté précision, on repassera mais question chaleur, on est dedans. Une véritable machine à remonter le temps…
Lexicon PCM 42 : Un grand classique du numérique qui a depuis été virtualisé avec succès par PSP Audioware.
Ibanez AD-9 : cette pédale analogique compacte est rééditée depuis peu. Le temps de delay maximum est de 350ms, comme à l’époque.
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Boss DM-2 et DM-3 : avant les delay numériques, BOSS a produit plusieurs pédale de delay analogiques qui sont actuellement assez recherchée (la DM-2 comme la DM-3). La DM-3 est la dernière pédale de delay analogique du constructeur japonais. Elles ne sont malheureusement pas rééditées, il faut se tourner vers le marché de l’occasion.
Korg SDD 1000/2000/3000 : les racks Korg de la série SDD font partie des premiers delay numériques. Leur son un peu sale et leurs possibilités de modulation en ont fait des composantes indispensables du son de guitariste tels que Yngwie Malmsteen ou The Edge de U2 (encore lui).
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Boss DD-6 : dernier avatar en date de la série, elle comporte les derniers raffinements : 5,2 secondes de delay, enregistrement de phrase (5,2 secondes également), un mode inversé pour des effets psychédéliques et une fonction de Tap Tempo.
[Moogerfooger] MF-104 Analog Delay : Back to the 70's avec ce 'petit’ Delay analogique au gros son signé Moog et qui propose un retard de 0,8 secondes.
Plug-ins de référence (payants)
La plupart des STAN proposent un ou plusieurs delays dans leur bundle d’effet (le Logic d’Apple est notamment très bien fourni de ce point de vue), ce qui n’empêche pas nombre d’éditeurs d’y aller de leur version de l’effet, souvent beaucoup plus aboutie que les outils de base qu’on trouve dans les séquenceurs.
Dans le genre complet, on pourra aussi aller renifler du côté du Bloom de FXpansion où les modulations sont à l’honneur, couplée avec des modélisation des 3 grands types de delay : Bucket brigade, bande et numérique.Le tout dans une interface très claire, ce qui ne gache rien.
Peut-être êtes-vous toutefois à la recherche d’outils plus simples que ces usines à gaz. Du coup, vous feriez bien de vous adresser au Waves H-Delay dont l’interface simplissime n’en cache pas moins un outil très complet, au petit DubStation d’AudioDamage, un petit Bucket Brigade à la grosse personnalité, ou encore au Tube Delay de Softube.
Au rayon des classiques, on ne manquera pas le Lexicon PSP 42 de PSP Audioware, une recréation du célèbre Lexicon PCM42, qui s’avère relativement simple à utiliser et sonne du feu de dieu en offrant pas mal de possibilité (9,6 secondes de retard, simulation de la saturation produite par les bandes, filtre passe-base, etc.). Notez que PSP Audioware a aussi publié une version gonflée aux hormones de cette émulation sous le nom de PSP 85 (10 secondes de retard, section de modulation et filtre multimode).
Tant qu’on y est, on en profitera aussi pour jeter un oeil au PSP Echo, une excellente émulation d’écho à bande à mettre en face de la parfaite interface du Massey TD5, dont le son n’est pas en reste mais qui est, hélas, uniquement disponible pour Pro Tools.
PSP 608 Multidelay, un plug-in proposant 8 lignes de delay offrant chacune 8 secondes de retards, un filtre, une section modulation, une simulation de saturation et une réverb… Une belle arme fatale !
Si le delay programmable à la façon d’une séquenceur à pas vous intéresse, vous feriez bien aussi d’aller voir du côté de l’excellent EARebound des français d’EAReckon.
Autres compétiteurs intéressant, le Sigmund de D16 Audio ou encore le Timeless 2 de Fabfilter qui, comme d’habitude avec l’éditeur suédois, offre une interface originale pour un outil très polyvalent.
Dans le registre du sound design, on ne se privera pas enfin d’aller visiter le site d’Ohmforce pour récupérer Ohmboyz, leur premier plug-in, un double delay dans la plus pure tradition du développeur français : à l’image des deux interfaces disponibles, le plug pourra produire le plus sage slapback comme servir à faire le sound design le plus barré. Le tout pour un prix très raisonnable et une consommation CPU réduite.
Plus récent et tout aussi recommandable, l’Echobode de Sonic Charge combine delay avec un Frequency Shifter pour donner un outil clairement orienté Sound Design.
Toujours au rayon des bizarreries, le Spectron d’Izotope permet de réaliser divers jeux de delay en fonction des fréquences du signal. On le raprochera du MMultibandDelay de Melda, combinant comme toujours un effet avec des possibilités de traitement multibande, MS et une section de modulations dantesque.
Plug-ins de références (gratuits)
Dans les gratuits, les Windowsiens iront voir du côté du Classic Delay de Kjaerhus Audio : gratuit et ne consommant pas grand-chose côté CPU, ce plug VST propose les trois grains de son typiques (bandes, analogique, numérique) et sonne de surcroît. Que demande le peuple ?
Quelque chose de plus vintage encore ? Alors jettez vous Elottronix et Elottronix XL d’Elogoxa, deux récréations sous SynthEdit du célèbre FripperTronic (sous PC donc), offrant pour la seconde version 80 secondes de retard ! Attention toutefois : les bestiaux ne sont pas commodes à maîtriser et le feedback a vite fait de prendre le dessus.
Toujours sous PC, on ne manquera pas non plus les quelques plugs désigné sous SynthEdit par Interruptor et les delays multiples de Klanglabs. Enfin, toujours et encore sous SynthEdit mais distribué en Donationware, on ne passera pas à côté de l’excellent Retrodelay d’e-Phonic.
Sous mac, l’offre est moins étendue mais on sera bien avisé d’aller visiter le collectif Expert Sleepers pour goûter à leur meringue et les incontournables coyotes de Smartelectronix qui proposent un chouette AnalogDelay en Donationware.
Enfin, on passera par http://arne.knup.de/plog/ pour récupérer un MultiDelay des plus sympathiques.