Atmosphérique, tournoyant, aérien : tels sont les mots qui décrivent habituellement le flanger, un effet vieux de 40 ans qui a fait le son de nombreux standards et qui méritait bien qu'on s'intéresse à ses origines, son fonctionnement et son utilisation.
Atmosphérique, tournoyant, aérien : tels sont les mots qui décrivent habituellement le flanger, un effet vieux de 40 ans qui a fait le son de nombreux standards et qui méritait bien qu’on s’intéresse à ses origines, son fonctionnement et son utilisation.
Si une légende voudrait que Les Paul (le célèbre père de la guitare du même nom) ait découvert le flanger plusieurs années auparavant, c’est plus vraisemblablement en avril 1966 que cet effet aurait été inventé, durant les sessions d’enregistrement de Tomorrow Never knows, chanson figurant sur l’album Revolver des Beatles.
Or, en jouant sur le décalage temporel entre les deux signaux, les hommes de George Martin (le célèbre producteur des Beatles) ne tardèrent pas à se rendre compte qu’au-delà de sa fonction initiale, l’ADT permettait de produire un drôle d’effet 'tournoyant’. Evoquant à la fois le son qu’on obtient lorsqu’on colle son oreille à un coquillage et celui d’un avion à réaction qui vous passe au-dessus de la tête, l’effet en question ne tarda pas à trouver un nom.En studio, un ingé son du nom de Ken Townsend cherchait à l’époque un moyen de doubler des pistes vocales autrement qu’en les enregistrant deux fois de suite. Son idée était de récupérer le signal de la tête d’enregistrement d’un magnétophone en plus du signal provenant de sa tête de lecture, puis de synchroniser les deux signaux en pressant légèrement une tige métallique du magnétophone en contact avec la bande à retarder. De cette façon, on récupérait deux images sonores au lieu d’une. Baptisé ADT pour Artificial Double-Tracking, le système plut énormément à Lennon qui n’aimait pas particulièrement l’idée de devoir répéter deux fois la même piste vocale en studio.
Sur ce point, l’histoire n’est pas très claire. Lorsque John Lennon interrogea George Martin sur ce système, ce dernier aurait préféré ne pas entrer dans les détails techniques et aurait évoqué, non sans humour, un « double-bifurcated sploshing flange », le flange désignant la tige métallique à presser pour retarder la bande sur le magnétophone. De cette explication, Lennon n’aurait, par la suite, gardé que le terme de 'flanging’. Une autre version voudrait que le mot « flange » soit issu d’un sketch de Peter Sellers, avec lequel George Martin travaillait à l’époque…
Quoi qu’il en soit, le flanger était né et allait séduire un grand nombre de musiciens des années 60, dont Jimi Hendrix.
Principe
Il fallut peu de temps à des électroniciens talentueux pour recréer le son produit par ces magnétophones « désynchonisés ».
L’idée est donc d’appliquer un retard court (en dessous de 10ms) à un signal. On peut renvoyer une partie du signal déjà traité dans l’entrée de l’effet (réglage de feedback), cependant que dans les flangers les plus sophistiqués, le temps de retard varie dans le temps au moyen d’un LFO (Low Frequency Oscillator soit oscillateur basse fréquence). Le signal traité est alors combiné à du signal non traité pour créer l’effet recherché.
Notons que ce principe de fonctionnement est le même en analogique et en numérique, à ceci près qu’il est appliqué de façon logicielle dans le deuxième cas.
Réglages
Voici les réglages que l’on trouve couramment sur les flangers du marché :
Depth (profondeur) / Mix qui correspond au taux de mélange entre signal traité et signal non traité.
Delay (retard) qui définit le retard minimum entre le signal traité et le signal non traité.
Speed (vitesse) / Rate (fréquence) qui définit enfin la vitesse de modulation.
Selon le modèle, on peut trouver d’autres paramètres comme le type de forme d’ondes du LFO ou le taux de feedback. Notez que la vitesse de modulation est un des paramètres clé. Une modulation plutôt lente sera utile pour épaissir un son de type guitare saturée ou une nappe de clavier, par exemple.
On pourra également synchroniser l’effet au tempo pour les flanger les plus sophistiqués ce qui sera du plus bel effet des sons plus percussifs (type charley ou guitare en son clair). Ce principe est utilisé entre autres dans la M-Audio BlackBox testée il y a peu sur AudioFanzine, et sur sa grand sœur l’AdrenaLinn.
De leurs côté, la plupart des plug-ins logiciels proposent un mode « tempo » au lieu d’une valeur en Hz. Si votre flanger ne vous le permet pas, voici la formule pour synchroniser un fréquence à un tempo :
Tempo / 60 = la valeur en Hz pour obtenir une pulsation par temps.
Exemple : pour un un tempo de 120, 120 / 60 = 2Hz. Pour une pulsation à la croche, multipliez par deux, à la double croche, par quatre, etc.
Placement
Dans une chaîne comprenant plusieurs effets, traditionnellement, le flanger se situe après la wah, la distorsion et les effets sur la dynamique (compresseur, expanseur…), et avant les effets de spatialisation (delay + réverb). Placer le flanger après un delay est également relativement courant.
Comme toujours, les règles sont faites pour être enfreintes et je vous engage à faire toutes les expérimentations possibles, bien entendu ! D’ailleurs, si le flanger est en général peu utilisé en conjonction avec d’autres effets de modulation de type chorus ou phaser, rien ne vous empêche d’essayer, voire de mélanger plusieurs flangers : soyons fous !
Pour finir, il y a une distinction importante entre un Flanger mono et un Flanger stéréo (tous ne le sont pas). Ce dernier élargit considérablement l’image sonore et il permet même de faire « tourner » le son d’une enceinte à l’autre en jouant sur le panoramique du signal. Le Flanger mono est, lui, plus contenu.
Exemples d’utilisation
Passons maintenant en revue les utilisations courantes du flanger :
On l’emploie tout d’abord souvent sur un mix entier pour souligner une partie dans un morceau ou tout simplement donner un effet un peu psychédélique (sortez les vestes à franges et les pantalons violets).
Le flanger utilisé est ici synchronisé au tempo (à la triple croche) ce qui accentue la pulsation rythmique. Mais on peut aussi s’en servir sur tout ou partie de la batterie (en particulier les charleys pour donner un effet tournant) :
Flanger utilisé sur toute la batterie, stratagème souvent utilisé pour souligner un break de batterie seul. Écoutez maintenant la charley traitée uniquement, synchronisé au tempo :
Sur des nappes de clavier, le flanger permet d’élargir le son (surtout en stéréo) et de le rendre plus vivant. Voyez cet exemple qui fleure bon les eighties : coiffure casque et néons fluos obligatoires.
Avec une guitare claire comme saturée, la modulation introduite par le flanger permet enfin de grossir le son et le rend plus épais (le trait est ici un peu forcé, à utiliser avec modération dans un mix surtout si d’autres guitares sont présentes).
Notez que la plupart de ces exemples ont été fabriqués en utilisant le plugin flanger livré avec Cubase SX ou le plugin Classic Flanger de Kjaerhus (voir matériel et plug-ins de référence).
Matériel et plug-ins de référence
Commençons par les flangers pour guitare sous forme de pédale (qui peuvent être utilisés avec d’autres instruments, certains musiciens ne s’en sont pas privé). La plupart sont mono sauf pour le modèle de chez TC.
la pédale violette a été fabriquée pendant des années et propose une bonne palette de son (d’aucuns diront qu’elle est un peu froide). Elle a été récemment remplacé par la BF-3 aux possibilités plus étendues (mais encore plus froide que son prédécesseur pour certains).
Electro Harmonix Deluxe Electric Mistress
Flanger au son chaud utilisé entre autres par Pink Floyd (on l’entend notamment sur « Run Like Hell » dans l’album « The Wall »).
TC Electronics Stereo Chorus/Flanger
la petite pédale noire que TC a recommencé à fabriquer à la fin des années 90 sous la pression populaire est un grand classique.
Pédale des années 80 revenue également sous la pression populaire, le son d’époque.
En terme de plug-in, le Classic Flanger de Kjaerhus Audio (www.kjaerhusaudio.com), au format VST pour Windows, est gratuit et permet donc d’expérimenter à moindre frais.
Si la plupart des séquenceurs audionumériques sont livrés avec un flanger de base, on pourra aussi s’intéresser à la Endless Serie d’Oli Larkin (www.oli.adbe.org), ou comment combiner les effets à modulation que sont le phaser et le flanger avec une illusion acoustique donnant l’impression que la tonalité du son progresse à l’infini dans le grave ou l’aigu…
Enfin, du côté des payants, on ne manquera pas de s’intéresser à l’Analog Chorus / Flanger issu du Blue Tube Bundle de Nomad Factory (www.nomadfactory.com) ou encore au Golden Modulator | GMO-1, encore chez Kjaerhus Audio (www.kjaerhusaudio.com) : un plug très bien conçu et dédié aux effets à modulation en général.
Pour finir, sachez que tout multi-effet généraliste qui se respecte, qu’il soit en rack ou en pédalier, se doit de proposer un flanger, souvent stéréo.
Discographie sélective
Voici une petite discographie sélective de morceaux utilisant plus ou moins abondamment le flanger :
Jimi Hendrix sur « Axis Bold (As Love) » dans Axis Bold (As Love) : Ecoutez le break de batterie avant le solo final.
Sweet Smoke sur « Silly Sally » dans Just a Poke : Une pochette d’anthologie pour un disque bien de son temps (1972) et un long solo de batterie qui n’en finit plus de décoller grâce à un flanger lent. Faîtes tourner !
Pink Floyd sur « Run Like Hell » dans The Wall : l’intro du morceau est un vrai régal : le micro aigü d’une Telecaster dans un compresseur, un flanger et un delay. Imparable.
Lenny Kravitz sur « Are You Gonna Go My Way » dans Are You Gonna Go My Way : Un tube Hendrixien en diable dont le pont précédent le solo est accentué par un flanger sur tout le mix.
U2 sur « Numb » dans Zooropa ou comment The Edge, après avoir repoussé les limites du delay, utilise les variations de pitchs apportées par le flanger pour accoucher d’une rythmique façon « scie circulaire ».