Après deux incursions dans l’entrée et le milieu de gamme, avec les séries Alpha et CMS, et une irruption dans le (très) haut de gamme avec la SM9, le constructeur stéphanois Focal est revenu lors du Musikmesse 2015 sur sa série originelle SM6, composée des désormais classiques Solo6 Be et Twin6 Be. Une troisième référence vient donc compléter le tableau en proposant un système trois voies un peu différent, plus ingénieux et polyvalent que celui équipant la Twin6 Be. Le constructeur parle même de deux enceintes de monitoring en une… Qu’en est-il réellement ?
Avant l’arrivée de la Trio6 Be, la gamme SM6 était plutôt simple. Nous avions d’un côté la Solo6 Be, une deux voies équipée d’un boomer de 16,5 cm et du fameux tweeter en Béryllium, et la Twin6 Be, une trois voies dotée du même tweeter et de deux boomers de 6,5 pouces. Ces derniers endossent un rôle différent, le premier étant large bande (du haut médium aux graves), le deuxième s’occupant de reproduire uniquement la plage allant de 40 à 150 Hz. N’oublions pas non plus le Sub6, le caisson de basses destiné à compléter les deux enceintes précédemment citées.
Autofocus
Débarque donc la Trio6 Be, une enceinte trois voies un peu différente dans sa conception de la Twin6 Be. Si le tweeter reste le même, les deux boomers ont cette fois-ci des tailles différentes (8 et 5 pouces) et surtout, sont placés dans deux volumes isolés possédant chacun leur propre évent. Cela permet au constructeur de proposer un mode deux voies, appelé pour l’occasion mode Focus. Le fait que les deux boomers soient placés dans des volumes séparés permet à celui de 8 pouces de ne pas fonctionner passivement lorsqu’il est désactivé électriquement. Car si les deux boomers avaient été placés dans le même volume, le boomer de 8 pouces aurait fonctionné comme un radiateur passif (la SM9 en possède d’ailleurs un de 11 pouces) à cause des mouvements du boomer de 5 pouces. Lorsque que le mode Focus est activé, on dispose donc d’une « mini » Solo6 Be, une sorte de Solo5 Be. L’intérêt d’un tel mode Focus (90 Hz – 20 kHz) est de pouvoir vérifier le transfert de vos mixs sur des systèmes plus limités dans le bas, ou encore de vous concentrer sur les registres médiums et aigus sans vous faire « polluer » par le bas du spectre. Car il faut savoir qu’en mode trois voies, la Trio6 Be descend tout de même jusqu’à 35 Hz !
Longue Focal
À part cet important aspect technique, la Trio6 Be ressemble aux autres enceintes de la série SM6, avec des boomers à membrane sandwich composite W, un tweeter en Béryllium, une ébénisterie MDF 22 mm d’épaisseur et une finition « loupe de frêne naturel rouge foncé ». À noter que l’enceinte existe aussi en gris texturé plus passe-partout et moins « tableau de bord de la voiture de papa (riche) ».
À l’intérieur on retrouve trois amplis (200 et 150 W classe G pour les boomers et 100 W classe AB pour le tweeter) pour un poids total de 20 kg (soit le poids d’un enfant de 6 ans) et des dimensions de 520 × 278 × 360 mm. Un beau morceau ! À l’arrière on aperçoit l’entrée XLR avec une sensibilité de +4 dBu ou –10 dBv et des réglages pour les différents filtres : deux shelves (+/- 3 dB de 35 à 250 Hz et +/- 3 dB de 4,5 à 40 kHz) et un EQ pour les bas médium (+/- 3 dB à 160 Hz, facteur Q = 1). Des connecteurs de type Jack vous permettront d’enclencher le mode Focus au pied via un switch d’ampli de guitare classique, ce qui est une très bonne idée. Focal aurait pu cependant l’offrir avec les enceintes, vu le prix de ces dernières… Enfin, sachez que les Trio6 Be pourront être aussi bien utilisées à la verticale qu’à l’horizontale, le couple tweeter/boomer 5 pouces étant rotatif. Un bon point pour la flexibilité.
Dernière petite douceur : l’enceinte se met en veille automatiquement lorsque vous n’écoutez plus de musique (ou que vous ne l’écoutez pas assez fort !).
Il ne nous reste plus qu’à écouter ce que ça donne une fois branché.
Écoute
Difficile de trouver une paire d’enceintes à mettre en face de ces Trio6 Be coutant la bagatelle de 2300 € l’unité… Nous les avons donc comparées aux ADAM A7X, qui certes ne courent pas dans la même catégorie (550 € pièce), mais ont l’avantage de donner un repère à nos oreilles.
Nous avons branché les deux paires d’enceintes à notre Apollo 8 d’Universal Audio qui permet via le bouton alt de passer d’une paire d’enceinte à une autre. Les fichiers utilisés sont non compressés.
Johnny Cash – Hurt
On commence comme d’habitude avec Johnny Cash et sa guitare Martin. La première chose qui nous surprend agréablement avec les Trio6, c’est la facilité avec laquelle on arrive à entendre les moindres détails sans jamais avoir un son agressif. Quand on repasse sur les ADAM, le son est tout de suite plus englué dans les bas médiums (vers 400 Hz), ce qui rend la lisibilité plus ardue.
Le détail sur les guitares est vraiment très bon sur les Focal, et même les ghost tracks (les pistes mal effacées de la bande analogique) ressortent extrêmement bien. L’équilibre haut/bas médium nous parait aussi beaucoup plus approprié, avec une voix ayant moins de poitrine et plus de présence. Ce qui est assez amusant sur ce morceau, c’est qu’en fermant les yeux, on n’aurait pas forcément l’impression que les Trio6 sont beaucoup plus imposantes.
L’image stéréo est aussi très précise sur les enceintes Focal, avec une voix qui semble provenir du point situé exactement entre les deux enceintes. Le sweet spot nous semble aussi très large et c’est une très bonne chose. La dynamique de plus en plus restreinte du morceau est aussi parfaitement retranscrite. Rien à redire, sans trop de surprise, la Trio6 met une grosse claque aux ADAM A7X.
Gorillaz – Feel Good Inc.
Ici, on entend clairement que les Trio6 sont plus imposantes, car la basse descend clairement plus bas, vers 35 Hz, alors que les ADAM A7X sont limitées au 65 Hz. Le kick est trop boursouflé sur les ADAM A7X à cause des fréquences autour de 150 Hz et de leur équilibre vis-à-vis des fréquences situées en dessous et au-dessous. Quand on repasse sur les Trio6, le mix s’ouvre clairement et devient beaucoup moins « boxy ». La lisibilité est vraiment très agréable, car jamais agressive. Même le duo basse/grosse caisse ne parait pas disproportionné sur les Trio6, il reste à sa place sans jamais venir manger le reste des instruments. Le haut du spectre nous semble aussi beaucoup plus détaillé, les ADAM A7X ne font clairement pas le poids et les Focal pointent du doigt leurs moindres petits défauts. Ceux qui se demandaient s’il valait le coup d’investir dans des enceintes aussi chères ont leur réponse : c’est une victoire par KO, même si c’est un combat poids lourd contre poids plume…
Michael Jackson – Liberian Girl
Cette chanson de Michael Jackson ne vient que confirmer ce que l’on a déjà entendu : le son s’ouvre sans devenir agressif, tous les détails ressortent aisément, les extrémités du spectre se déploient. Les voix sonnent très naturelles, les nappes sont riches, la dynamique est respectée. Quel bonheur de travailler avec des enceintes pareilles… Vous l’aurez compris, il va être compliqué de trouver un quelconque reproche à faire d’un point de vue strictement sonore.
Nous avons fait des mesures avec le logiciel Reference 3 de Sonarworks, afin de calibrer les enceintes dans notre pièce d’écoute. Mis à part le bas du spectre (sous les 300 Hz), notre pièce n’étant pas traitée à ce niveau, la courbe des Trio6 est assez linéaire. À l’écoute, l’activation/désaction du plug-in est sans appel : la Trio 6 est vraiment très neutre et les différences entre la version calibrée et non calibrée restent minimes au-dessus de 300 Hz.
Conclusion
Focal a voulu créer le chaînon manquant entre la Twin6 Be et la SM9 et le pari est totalement réussi. La Trio6 Be se pose à équidistance en termes de tarif et hérite du mode Focus de la SM9, lui permettant de passer de trois à deux voies en un claquement de pied. D’un point de vue des performances audio, nous avons notamment été épatés par sa linéarité et par le fait qu’elle descende jusqu’à 35 Hz sans sourciller. D’un point de vue pratique, les plus petits home-studios seront ravis d’apprendre qu’elle peut se poser de trois manières différentes (horizontale et verticale avec le tweeter à l’extérieur ou l’intérieur) pour s’adapter à toutes les situations. Reste le prix qui, s’il est totalement justifié, ne réservera la Trio6 qu’aux home-studistes fortunés.