Dans la catégorie des paires de moniteurs à moins de 100 euros, PreSonus est un cador ! Cette deuxième génération des Eris 3.5 va-t-elle encore bluffer son monde ? En tout cas elle rendra certainement de fiers services aux musiciens et autres apprentis mixeurs fauchés.
Prêt-à-sonner
PreSonus, ça nous rappelle, non sans une certaine émotion, nos débuts dans l’enregistrement. Une petite Firebox avait été notre toute première carte son, une fidèle compagne pendant les années d’apprentissage et d’exploration du home-studio, une alliée précieuse dans la découverte de la production musicale. À cette époque (il y a une vingtaine d’années), la marque était encore jeune puisque fondée en 1995. Désormais quasi trentenaire, PreSonus a conservé le même credo qu’au début, et mise le plus souvent sur le fait de proposer des produits très abordables et néanmoins fiables, pour l’enregistrement et le mixage. Le logiciel Studio One, des consoles, des interfaces audionumériques, des micros, et donc des moniteurs, la marque propose à peu près tout ce qu’il faut pour monter son home-studio, souvent à des prix très compétitifs. Dans le domaine des enceintes de monitoring, en particulier, PreSonus s’est positionné sur le marché des paires de moniteurs très (très) abordables, et la gamme Eris, lancée il y a dix ans, en est le paroxysme. Pour bien préciser les choses, si Eris est l’entrée de gamme, Eris Studio se situe un peu au-dessus, et Eris Pro encore un cran supérieur… ne pas confondre ! Le modèle que l’on teste ici, Eris 3.5, est tout simplement la paire la moins chère de la marque, et même la paire la moins chère qu’on ait jamais testée, puisqu’elle est vendue… 95 € ! En 2018, la première mouture de ces enceintes était sortie, et il en avait été question en des termes élogieux dans ces colonnes, avec un award à la clé… La paire que nous recevons aujourd’hui est donc la 2nd Generation.
À gauche toute !
Première impression à l’ouverture du carton : ces moniteurs sont vraiment très petits ! 210 par 141, pour 153 de profondeur. On en prend un à une main, en toute aisance, tant ils sont légers : trois kilos la paire ! Côté design, ils ressemblent beaucoup à la première génération, à l’exception du logo PreSonus qui diffère un peu, et d’une petite barre lumineuse qui s’allume en blanc lorsqu’on est en standby et en bleu quand les enceintes jouent, en dessous du haut-parleur du moniteur de gauche. Car, sur cette paire, les deux côtés ne sont pas identiques : le moniteur de gauche rassemble tous les réglages, reçoit l’alimentation électrique, et on en déduit par conséquent qu’il est en charge de l’amplification, tandis que le moniteur de droite est une enceinte passive qui reçoit le signal par un câble type HiFi dénudé. Les enceintes sont fournies avec ce câble, ainsi que le cordon d’alimentation (sans terre, c’est à noter), mais aussi un câble RCA vers jack 3.5 ainsi qu’un câble jack 3.5, qui correspondent à certaines des options d’entrée audio. Sur le panneau avant (à gauche donc, puisque tout est là) on trouve l’interrupteur et le rotatif de volume ; plutôt intéressant d’avoir ces fonctions accessibles à l’avant, sur ce genre de modèles. Entre les deux, on trouve un Aux In, auquel le jack 3.5 est dédié, et une prise casque. Lorsqu’on envoie du son dans l’Aux In, l’entrée principale reste active, et le rotatif de volume s’applique à l’addition des deux signaux. C’est à la source qu’il faudra choisir ce qu’on veut entendre ou non. En revanche, brancher un casque coupe la sortie des enceintes, et le volume s’appliquera désormais au casque. Sur le panneau arrière, on trouve l’alimentation bipolaire, mais aussi les entrées audio principales : on peut entrer en 2 jacks symétriques 6.35 (depuis une carte son par exemple), ou bien en RCA avec le câble fourni (depuis un ordinateur portable). Enfin, pour finir, on trouve des borniers à l’arrière des deux enceintes, qui permettent de les relier et d’envoyer le signal depuis la gauche vers la droite. À noter qu’il existe aussi une version « BT » qui, pour une trentaine d’euros de plus, ajoute la possibilité d’envoyer un signal Bluetooth. Une très bonne couverture des différentes options d’entrées audio ! Toujours sur le panneau arrière, on trouve quelques options de réglages : un sélecteur pour l’option de standby, un rotatif pour les aigus et un autre pour les graves.
Un tweeter dôme en soie de 1 pouce, un haut-parleur 3.5 pouces, comme son nom l’indique, une amplification classe AB deux fois 25 watts, voilà pour l’essentiel des caractéristiques techniques. Les paires d’enceintes auxquelles on pourra les comparer, par leur prix ou par leur format, seraient par exemple certains modèles de chez Mackie, M-Audio, Behringer ou plus récemment SwissSonic, les Krk GoAux 4 qu’on avait testées dans ces colonnes il y a quelques mois (qui sont tout de même nettement plus chères). Inutile de vous dire que Focal, Genelec ou Neumann ne produisent pas de paires d’enceintes à moins de 100 euros.
Sonus Maximus
Pour ce test, on a branché nos enceintes références les moins chères, les Krk Rokit 5 et les Adam A7X (dont on gardera tout de même à l’esprit qu’elles se situent dans une gamme nettement supérieure). Dans un premier temps, on utilise l’entrée la plus fiable, en deux jacks symétriques depuis notre contrôleur de monitoring.
Radiohead – 15 step
D’emblée, la première impression est plutôt agréable, surprenante. La balance tonale semble assez équilibrée, les basses sont loin d’être ridicules. Certains éléments de la production rythmique paraissent être un peu trop frontaux, mais on perçoit tout de même assez bien les différents plans de cet arrangement riche et complexe. L’image stéréo est assez belle, la dissociation des éléments est précise, et l’utilisation de la largeur dans cette production est très bien restituée. On sent bien qu’on est un peu limités en bas du spectre, notamment quand on compare avec les A7X, mais c’est totalement logique. Compte tenu de leur prix et de leur format, la performance des Eris 3.5 est plus qu’honorable. Ce qui nous embête un peu plus serait l’aspect frontal de la rythmique, avec des transitoires un peu rêches, une présence un peu excessive de certains hauts médiums, également au regard d’un léger défaut d’ouverture et d’air.
Kendrick Lamar – Alright
Très belle restitution de l’énergie de ce tube. Cette fois, les caisses claires, les consonnes, le charley, sont très bien soulignées par la balance tonale des enceintes, et les transitoires sont justement dosées. À nouveau, on sent bien que la basse manque de profondeur, que l’énergie du kick vient se placer dans une zone un peu trop haute, faute de pouvoir s’exprimer plus bas, mais franchement, quand on regarde ces petites boites, on est déjà impressionnés par ce qu’on entend !
Massive Attack – Teardrop
Là encore, c’est vraiment très convaincant. On pousse un peu le volume, à –25 bB en sortie de carte son, pour voir comment ces petites Eris 3.5 encaissent, et la distorsion harmonique reste très raisonnable… difficile à quantifier à l’écoute, mais même à ce volume, on garde une belle précision. La largeur, la profondeur, la restitution détaillée de l’arrangement nous séduisent. On retrouve une petite agressivité dans certaines transitoires situées dans le haut médium ou juste au-dessus, qui rappelle ce qu’on avait ressenti à l’écoute de 15 step. On en profite pour tester l’entrée RCA, et là on a une mauvaise surprise : quand on attaque les moniteurs avec un volume fort depuis l’ordinateur (8/10), ils saturent clairement. Ce genre de mésaventure ne nous arrivera pas avec un contrôleur ou une carte son, sur lesquels on garde un niveau raisonnable au potentiomètre en général, mais avec un ordinateur portable ou un téléphone, souvent utilisés avec des systèmes de diffusions beaucoup moins puissants, ou leurs haut-parleurs intégrés, il faudra faire attention !
Mesures
Pour donner un peu de corps à nos ressentis, on prend la mesure de ces enceintes à l’aide de notre micro SonarWorks. Un bruit blanc va nous servir d’étalon, et on peut ainsi observer de façon plus précise la répartition des fréquences sur nos petites Eris.
Mettons-nous d’accord tout de suite, ce qui se passe en dessous de 40 Hz, ne vient pas des enceintes. À partir de là, on n’est pas surpris de constater que le point culminant des graves se situe assez haut, au-dessus de 100 Hz. Ensuite, on remarque aussi une bosse dans le haut des médiums, entre 1,2 kHz et 3,5 kHz. On peut clairement attribuer à cette bande de fréquences, ainsi qu’à la seconde bosse encore plus nette autour de 10 kHz l’agressivité et les transitoires un peu frontales, le manque de douceur ressenti sur certaines écoutes. Dans les hautes fréquences, au-dessus de 5 kHz puis à nouveau au-dessus de 15 kHz, on observe des lacunes importantes. Cela vient confirmer un manque de linéarité dans cette zone aiguë, qui nous avait un peu titillé l’oreille sur certaines écoutes.
On tourne les potars
Moderat – A New Error
Essayons de régler les petits regrets qu’on pourrait avoir, avec les réglages disponibles au dos de l’enceinte. Sur ce morceau qui nous aide à jauger le bas du spectre, on va tester le filtre grave. Sans aucune addition, cela sonne déjà de manière très honnête, mais en comparant avec nos moniteurs plus gros, on sent bien qu’il manque une partie importante de la basse et du kick. En ajoutant 3 dB avec le potentiomètre, on gagne assez nettement du niveau sur le kick, mais l’énergie vient se placer là où elle était déjà, peut-être légèrement plus bas, mais on n’accède pas vraiment aux graves qui nous manquaient. Il y a tout un monde souterrain qui reste inaccessible avec de si petits haut-parleurs dans de si petites boîtes, et c’est tout à fait logique.
Lou Reed – Walk on the wild side
Comme on avait aussi pu regretter un certain manque d’air, on teste ensuite le filtre aigu dans l’espoir qu’il nous aide à respirer un peu mieux. À plus 6 dB, on gagne effectivement de l’air, mais on rend les transitoires du charley et de la guitare un peu disgracieuses. En revenant à un réglage plus raisonnable, 2 dB en plus, on trouve un équilibre plus intéressant. Mais en toute franchise, les hautes fréquences ne sont pas splendides, et comme on l’a déjà remarqué, un peu déséquilibrées entre les différentes zones. On ne va pas en abuser.
Conclusion
Pour une somme plus que modique, ces moniteurs sont vraiment impressionnants. Bien sûr, ils ont de petits défauts, et on ne vous dira pas que vous pouvez mixer un hit international ou un blockbuster avec, mais pour faire de la musique en home-studio, elles sont très crédibles ! Très petites, légères, installées en trois minutes, plutôt équilibrées, et si vous les prenez en « BT » elles permettent toutes les entrées audio dont vous pouvez avoir besoin.