Déclinant désormais ses produits dédiés à l’informatique musicale et à la production audiovisuelle sous la marque Roland ED via la filiale EDIROL, Roland propose le SC-8850, son plus puissant module GM. Pas de doute, le nouveau venu en a dans le ventre. Poussons la porte…
La société EDIROL est la filiale de Roland spécialisée dans les produits liés à l’informatique musicale et à l’audiovisuel. En quelques mois d’existence, elle commercialise déjà une série déjà impressionnante d’instruments très variés, allant du module GM aux interfaces audio et Midi, en passant par les petits claviers de commande, les enceintes amplifiées de proximité, les surfaces de contrôle pour studios virtuels, les stations audio et les régies vidéo numériques. La distribution s’effectue soit par le net (achats en ligne), soit par le circuit traditionnel des revendeurs français. Point commun à la plupart de ces produits, l’interface USB est de rigueur, l’ordinateur étant au centre du projet. La base londonienne d’EDIROL Europe est relayée en France par un service local déjà en place (distribution, hotline). Pas de doute, l’efficacité semble de rigueur, puisqu’il a fallu un jour entre notre demande et l’arrivée à la rédaction d’un SC-8850, le module GM haut de gamme de la nouvelle marque. La machine se positionne en direction des nombreux aficionados de l’informatique musicale qui recherchent une énorme banque sonore de qualité, suffisamment de polyphonie pour des orchestrations très denses et une grande souplesse d’interconnections entre l’univers Midi et le monde informatique. Entrons dans la boutique…
Devanture et arrière boutique
Le SC-8850 est abrité dans un élégant demi-rack de 2U de hauteur, connotation informatique musicale oblige. Très dépouillée, la face avant se compose d’un LCD 160 × 64 pixels rétro-éclairé qui surmonte quatre touches de fonctions et une cinquième de sélection de module. Cette dernière alterne entre différentes banques de sons, permettant une compatibilité descendante avec les SC-88Pro, SC-88 et SC-55. Sur la gauche, l’interrupteur surmonte le potentiomètre de volume, capable de lancer une note ou une petite phrase de démonstration fonction du son sélectionné et une prise casque au format mini-jack, astucieusement placée. Sur la droite, on trouve un pavé de neuf touches (mode de jeu, édition et navigation), trois touches dédiées (shift, solo et mute) et une grosse molette crantée réservée à l’entrée de valeurs ou au changement de programmes, accompagnée de touches incrément / décrément – sobre et efficace.
Sur le panneau arrière, Roland ED nous a réservé quelques bonnes surprises : deux paires de sorties stéréo et une paire d’entrées stéréo (pour mixer une source externe, avec potentiomètre dédié assez mal placé) au format Cynch, une borne pour câble secteur (alimentation interne), deux entrées et deux sorties Midi, un port série et un port USB. Ces deux derniers permettent de raccorder de façon très simple le SC-8850 à un PC ou un MAC et de tirer pleinement parti de sa multitimbralité impressionnante de 64 canaux, grâce aux drivers fournis sur le CD-Rom. Encore faudra-t-il être équipé de logiciels permettant la gestion de quatre multiports Midi. Le port USB autorise une connexion simple et rapide, puisqu’elle s’opère à chaud, appareils allumés. Tout cela s’annonce très bien, devant comme derrière.
Rayons bien garnis
Nous avons dit que le SC-8850 s’adressait aux musiciens qui souhaitent réaliser des orchestrations denses sans compromis. Les statistiques ne démentent pas ce positionnement : 128 voix de polyphonie, 64 canaux multitimbraux, 1640 programmes d’usine et 63 kits de percussions. La génération sonore est comme toujours la lecture d’échantillons, avec une Rom étendue de formes d’ondes équivalente à 64 Mo (soit environ 30 Mo après compression maison R-DAC). Pas de doute, la nouvelle panoplie sonore améliore sur bien des points celles des machines précédentes, déjà très appréciées dans nos colonnes.
A commencer par le nouveau grand piano, qui se paie le luxe d’utiliser quatre couches multiéchantillonnées pour générer deux niveaux stéréophoniques de vélocité. Le rendu est très bon. Autres améliorations, les guitares sont complétées par des échantillons de slides, d’attaques et de buzz de cordes, ce qui permet un réalisme accru, calqué sur la force de frappe. Autres éléments qui nous ont séduits, l’excellente sélection de voix jazz à la Take 6, dans laquelle on retrouve non sans plaisir la touche de la société Spectrasonics, le nec plus ultra dans le développement de banques d’échantillons sur CD-Rom : à nous les multiéchantillons de « Dahs », « Bop », « Woh », « Wah », au féminin comme au masculin. Mode oblige, beaucoup de sons de claviers électromécaniques vintage ont été ajoutés : pianos électriques, clavinet, mais surtout des orgues (bravo pour les versions jazz et percussions). La section basses a elle aussi été revue et bien améliorée, à la sauce « Bass Legends ». Les sections cuivres sont générées par empilages internes de sons élémentaires (saxes, trompettes, trombones), ce qui donne des résultats bien meilleurs que des sections congelées en bloc : quand on aime la polyphonie, on ne compte pas ! Les sections cordes sont elles aussi plus amples et plus brillantes que les anciens modules, grâce à de nouvelles formes d’ondes. Par compte, les cordes solos sont toujours aussi décevantes, y compris le nouveau violoncelle, peu réaliste.
Terminons ce tour d’horizon largement positif par les sons de synthèse, toujours aussi chauds et riches (tradition Roland oblige), les effets spéciaux, enrichis de nombreux exotismes et les sets de percussions absolument exhaustifs. Pas moins de 20 nouveaux drum sets couvrant à la fois tous les styles de musique et toutes les boîtes à rythmes de la marque sont de la partie, avec un coup de chapeau au magnifique kit de percussions vocales !
Achalandage limité
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Comme sur la plupart des modules GM, les quelques paramètres d’édition sonores modifiables par l’utilisateur se situent au niveau des canaux Midi et non pas des programmes eux-mêmes. Par ailleurs, ces paramètres sont invariants d’un son à un autre, si bien qu’il convient d’envoyer des messages complets de Sysex ou de contrôleurs dès que l’on change de programme, pour doser par exemple les départs effets, les niveaux ou encore la réponse aux modulateurs. C’est bien ce qui différencie un module GM classique d’un véritable synthétiseur, où les paramètres sont très nombreux et sauvegardables dans des programmes utilisateurs.
Dans cet esprit, le SC-8850 permet d’accueillir 256 programmes utilisateur bâtis à partir de 8 paramètres et pas un de plus : vitesse, profondeur et délai du vibrato, fréquence de coupure et résonance du filtre, segments ADR de l’enveloppe de volume. L’édition se limite donc à choisir l’un des 1640 programmes en Rom et d’en altérer ces quelques éléments, comme sur les SC précédents. C’est peu. Au niveau canal multitimbral, les réglages sont plus nombreux, mais pas sauvegardés : on peut lister les envois vers les trois effets système (réverbération, chorus et délai), l’embrayage de l’égaliseur et le routage via le multieffet d’insertion dont nous reparlerons ; on poursuit par les réglages de niveau, de panoramique, de canal de réception (ce qui permet d’empiler plusieurs sons), d’accordage, de réponse à la vélocité, de fenêtre de tessiture et de vélocité, de gamme microtonale, des huit paramètres de synthèse évoqués précédemment (mais cette fois au niveau du canal) et de l’action de quatre contrôleurs (molette, pitchbend, pression et contrôleur libre) sur sept destinations (pitch, fréquence de coupure, volume, vitesse LFO, LFO sur pitch, LFO sur filtre et LFO sur volume). Tout cela est bien (trop) classique, la tendance n’est décidément pas à l’innovation sur le segment des modules GM.
Pour la partie Drums, chacune des quatre parties Midi ABCD peut piloter deux sets différents, ce qui suffit amplement. A partir des 63 sets en Rom, il est possible de se fabriquer 2 kits originaux contenant chacun 128 instruments. Pour chaque instrument, il convient de choisir le set Rom d’origine puis de régler les paramètres de pitch, niveau, panoramique, envois réverbération / chorus / délai, groupe exclusif et de filtrer les messages Midi de note on et note off. Classique.
Produits frais
A l’image du SC-88Pro, le SC-8850 dispose d’une section d’effets assez complète et paramétrable, composée de trois effets système (réverbération, chorus, délai), d’un égaliseur et d’un multieffet d’insertion. Les effets système sont communs à tous les canaux, avec sur chacun un réglage séparé des départs vers chaque effet. Au contraire, l’effet d’insertion est une affaire de routage, sur chaque canal : les canaux qui lui sont assignés partagent alors les paramètres de dosage et de mixage.
La section réverbération dispose de 8 algorithmes (3 halls, 2 rooms, plate et 2 délais) et 6 paramètres (niveau, caractère, atténuation des aigus, temps, feedback et prédélai). La section chorus dispose également de 8 types d’effets de modulation (5 chorus, flanger et 2 délais courts) et 8 paramètres (niveau, atténuation des aigus, feedback, délai, vitesse, profondeur, départ réverbération et départ délai). Il y a 10 délais (1 seconde maximum) à 10 paramètres (niveau, atténuation des aigus, temps gauche / centre / droite, niveaux gauche / centre / droite, feedback et départ réverbération).
Nous ne nous étendrons pas sur l’égaliseur global, de type deux bandes semi-paramétriques. Par contre, le multieffets stéréo a attiré toute notre attention. Identique à celui qui équipe le SC88Pro et le SC-880, celui-ci propose 64 algorithmes d’une grande richesse. Des effets variés, riches, puissants et modulables en temps réel via deux contrôleurs Midi (les paramètres sont fixés par le constructeur). On trouve 34 algorithmes simples, 21 en série (jusqu’à 5 effets) et 9 en parallèle (2 effets). En plus des effets 3D et lo-fi intéressants, citons « Keyboard multi », qui offre une modulation en anneau, un EQ, un pitch shifter, un phaser et un délai, tout cela en série et en stéréo. Certains effets proposent pas moins de 20 paramètres, ce qui suffira dans bien des cas. Seul hic, il n’y a aucun emplacement pour sauvegarder le moindre programme d’effets, les modules GM ont pris de mauvaises habitudes. Il faudra se plonger dans un éditeur informatique, milieu pour lequel le SC-8850 est prévu, rappelons-le. Pour être complet, signalons l’impossibilité d’utiliser simultanément le chorus et le délai sur des parties de kits de percussion et sur les 32 canaux C et D. Rien de bien grave. Globalement, voici une section effets de qualité, à laquelle Roland nous a habitués maintenant.
Emballez c’est pesé !
Avant de conclure, signalons que le SC-8850, dépourvu d’interface pour unité de sauvegarde, est capable de dumper tout ou partie de sa mémoire : tous les paramètres, tous sauf les programmes utilisateur, tous les programmes, les drums sets et chacun des quatre ports Midi ABCD. Les paramètres communs à toutes les parties sont le niveau, le panoramique, la transposition et l’accordage. Signalons également que le manuel est très bien fait avec son index fort pratique et qu’il est en français. Point négatif, le CD-Rom fourni avec la machine se contente de quelques programmes pas très ambitieux : des drivers et un éditeur GS, heureusement épaulés par un sympathique cyber musée interactif dédié aux instruments de musique.
Au final, le SC-8850 apparaît comme une excellente affaire pour home studistes branchés informatique musicale, recherchant un module regorgeant de sons de qualité couvrant largement tous les styles musicaux. En revanche, les blasés de la synthèse, les fondus du potentiomètre, les aventuriers du paramètre resteront indéniablement sur leur faim, le module Roland ED n’étant simplement pas fait pour eux. Et ceux qui trouvent la conversion Livre Sterling / Franc français un peu raide pourront même se rabattre sur le SC-8820, une version allégée 64 voix et 32 canaux. Sympa, ce ED !
Glossaire
modulation en anneau : interaction de deux formes d’onde dont l’onde résultante s’obtient en faisant la somme et la différence des ondes d’origine.
contrôleur Midi : message Midi permettant d’agir sur un générateur sonore en temps réel, consistant essentiellement en deux paramètres qui sont le numéro de contrôleur (déterminant le paramètre cible) et la valeur de modulation.
résonance de filtre : aussi appelée facteur de qualité, accentuation d’une bande étroite de fréquences centrée sur la fréquence de coupure du filtre.