Faire tenir dans un boîtier à peine plus gros qu’un baladeur un générateur GM de 520 sons, avec séquenceur 32 000 notes et arrangeur 172 styles / 4 200 riffs, tout cela avec un rapport qualité / prix à faire pâlir d’envie Ferrari, tel est le défi de Yamaha avec le QY70...
Ceci a été mon tout premier test, l’article est initialement paru dans le magazine PlayRecord il y a 25 ans, en avril 1998 – Merci Félix Marciano pour ta confiance. Le texte reproduit ici est l’originel… (NDLR : Bon anniversaire synthwalker :))
Depuis le célèbre QX1 réservé à une élite fortunée, Yamaha a toujours cru au concept de séquenceur externe. Malgré l’avènement de la micro informatique personnelle et la multiplication des séquenceurs sous forme logicielle, le constructeur nippon n’a pas désarmé. Bien au contraire, ayant compris la menace commerciale, il a su faire évoluer son concept, au point d’y intégrer une source sonore interne (QY22), évitant ainsi au musicien l’achat supplémentaire d’un expander, puis dotant ses machines de mini-clavier sous forme de pads, et enfin, plus récemment, des motifs rythmiques complets et programmables. Aujourd’hui, Yamaha décline son QY700, séquenceur fleuron de la marque, en un modèle plus abordable pour le musicien itinérant ou au budget serré, et qui plus est séduisant et vraiment tout petit. Le QY70 perd un zéro par rapport à son aîné et du coup son prix est divisé par deux, tout en proposant des fonctions jusque-là réservées aux modèles plus musclés, et par là-même, plus chers.
Small is beautiful
Dès la sortie du magasin, le musicien encore tout heureux de son achat et pressé d’en jouer ne se fera pas un tour de reins avec le QY70 : à peine plus de 500 grammes ! Une fois à la maison, le déballage du petit carton laisse apparaître, outre le petit Q, une série de 4 modes d’emploi (manuel principal, guide des paramètres, liste des sons et styles ainsi que le guide logiciel, sur lequel nous reviendrons après). Premier point fort, le manuel principal est en français (traduction un peu exotique, certes), ce qui évitera un détour sur Internet ou des cours du soir en anglais, car le but, c’est de jouer tout de suite de la musique sans se prendre la tête. Deuxième point fort, le QY70 est livré avec une prise mini-jack stéréo / cinch gauche-droite, très appréciable, même si le câble est un peu court. Au chapitre des regrets, l’alimentation externe en option (grrrr…), l’appareil pouvant fonctionner également sur 6 piles 1,5V non fournies (re-grrr…). Sans pousser à la consommation, l’acquisition de l’alimentation externe nous paraît nécessaire, car le petit consomme les piles à une vitesse grand V (3 heures et puis s’en vont !).
De plus, le petit doit avoir la varicelle car sa figure est couverte de boutons : autour du large LCD 128 × 64 pixels non éclairé (dommage), on trouve les boutons de sélection des modes de fonction (Song, Pattern), les commandes de transport du séquenceur (merci), un bouton MENU couplé à 4 Soft Keys + touches ENTER / EXIT (fort sympathique dans cette gamme de prix) ainsi que des pads équivalents à 2 octaves et permettant, au choix, la sélection en temps réel des variations d’arrangements, des progressions d’accords ou encore des entrées de valeurs numériques, en conjonction avec la touche SHIFT. Enfin, quatre flèches pour naviguer dans les pages écran et deux touches octave Down/Up terminent la visite de la face avant. Il faut avouer que l’on s’y perd un peu devant tant de possibilités sur une si petite surface. A l’arrière, c’est beaucoup plus simple : sortie commune casque ou ligne sur mini-jack stéréo, duo Midi In / Thru (pas de Thru), molette de réglage du contraste du LCD, borne pour alimentation externe et, pas des moindres, la prise TO HOST permettant de raccorder le QY70 à un MAC ou un PC (astuce PlayRecord : pour un ATARI, on utilisera la prise… MIDI !). Dans ce cas, la prise Out peut faire office de Thru et les données reçues à l’entrée In sont envoyées à l’ordinateur. Grâce à un switch sur le panneau latéral de droite, il est possible de sélectionner la configuration utilisateur (Mac, PC-AT, PC-NEC ou MIDI). Sur le côté gauche ensuite, le bouton marche/arrêt et sous la machine enfin, une trappe réservée aux piles.
Tout d’un grand !
Outre une multitude de commandes, les caractéristiques affichées par le QY70 frappent d’emblée : polyphonique 32 voies et multitimbral 24 canaux (8 pistes arrangeur et 16 séquenceur), le QY70 dispose de 519 sons et 20 kits de batterie classés par catégorie GM et XG, 128 styles Presets et 64 programmables, 4167 riffs élémentaires monotimbraux combinables par 8 pour former un style, ainsi qu’un triple multieffets. Les 3 démos en Rom donnent un aperçu convaincant des possibilités de la machine. A l’examen des sons, nous sommes tombés sur le… enfin, la Rédaction a été très impressionnée par la qualité sonore globale de l’appareil. Les basses synthétiques à la Minimoog sont excellentes, les guitares saturées sonnent bien et l’éventail de percussions est très étendu (rock, électroniques à la TR808 et 909, mais aussi jazz brush et effets sonores). Les textures synthétiques sont très amples et évocatrices, surtout les empilages de deux formes d’ondes (ce qui est le maximum sur un son). Le piano acoustique est assez convaincant, mais les instruments acoustiques multiéchantillonnés sont un peu en retrait lorsqu’on les écoute seuls (certains points de montage et de bouclage auraient demandé plus d’attention et l’aliasing perceptible dans les notes basses porte à penser que l’on n’est pas tout à fait à 44,1 KHz sur 16 bits linéaires). Par contre, au sein d’un arrangement bien léché, les défauts ont tous tendance à disparaître. A la bonne surprise, l’appareil est accompagné de deux disquettes (Mac ou PC, mais pas Atari) sur lesquelles réside un gestionnaire Data Filer, permettant de se constituer une banque de sons, séquences et patterns, et de tout envoyer ou recevoir depuis le QY70 (format QY ou Standard Midi File).
Song for QY
Le mode SONG est le mode d’utilisation par défaut du QY70. Doté d’une capacité de 32 000 notes sur 20 Songs, le séquenceur affiche la surprenante résolution, pour cette gamme, de 480 ppqn. Il est possible, sur chacune des 16 pistes, d’affecter un son, le volume, le panoramique, ainsi que le dosage de l’envoi dans chacun des 3 bus d’effets. Ces opérations se réalisent très rapidement, grâce en particulier à l’afficheur sur lequel une mini table de mixage donne l’état de tous les réglages des pistes 1 à 8 ou 9 à 16 (du grand art !). A ces 16 pistes s’ajoutent 3 pistes spécifiques, la première chargée de gérer les évolutions de styles (choix des variations parmi les 6 disponibles), la seconde, les progressions d’accords et la troisième, le tempo de la séquence.
Pour programmer une séquence, rien de plus simple : choix du style, du son à enregistrer, du mode temps réel ou pas à pas, puis Record et Play (comme quoi les meilleures choses sont les plus simples !). Puis ainsi de suite pour chaque piste. Pour les néophytes ou ceux que les accords rebutent (ou les fainéants), il est possible d’enregistrer une progression d’accords, le QY70 se chargeant d’harmoniser sur 8 pistes supplémentaires, la basse (qui peut être différente de la tonalité de l’accord, exemple : accord Do Majeur avec Sol à la basse, comme Elton John), les parties rythmiques et les percussions. A ce sujet, précisons que 26 modèles d’accords Presets peuvent être appelés et utilisés à tout moment, ainsi que 99 modèles de progression, comme quoi Yamaha n’a pas voulu nous laisser les mains vides. De plus, il est très aisé d’enchaîner introduction, variation rythmique A, fill-in A vers B, variation rythmique B, fill-in B vers A. Pour ce faire, il suffit d’appuyer à tour de rôle sur les touches INTRO, FILL-IN AB puis BA et END suivant les besoins et le QY se charge lui-même des basculements de variation rythmique pile sur le temps.
Pour ceux qui souhaitent programmer un peu, chaque son peut être édité de façon sommaire (fréquence de coupure de filtre, résonance, enveloppe ADSR de volume, réponse du Pitchbend), ces modifications étant accessibles via les touches MENU et SOFT KEYS, puis stockées dans la Song en cours. L’édition des sons fait l’objet d’une page spécifique et s’accompagne d’un affichage graphique temps réel de la courbe de réponse du filtre (fréquence + pic de résonance) et des quatre segments de l’enveloppe. Plus tard, des contrôleurs continus répondant au standard étendu MidiXG pourront être programmés dans le séquenceur pour faire varier ces paramètres en temps réel (idéal pour une ligne techno ou la fréquence du filtre évolue alors que des accords de synthé sont joués staccato). Mais le QY70 ne s’arrête pas là, puisqu’il permet de partir de zéro, et de composer soi-même sa propre rythmique, basse, accords, percussions, en temps réel ou pas à pas, le tout étant éditable grâce à un mode d’édition par événement sous forme de liste déroulante, rappelant sans conteste nos ordinateurs chéris. De plus, des fonctions appelées JOB parmi lesquelles insérer / couper / copier / coller permettront de monter rapidement le tube de l’été, comme sur LogiCuFormer. D’ailleurs, il est possible de transférer jusqu’à 16 pistes en simultané depuis son logiciel préféré grâce à un mode d’enregistrement multi : QY70 en mode Record synchronisé au logiciel, puis Play sur le logiciel, et le tour est joué (attention cependant à la limite des 32 000 notes). Ainsi le musicien itinérant peu emmener son travail (sans son micro) très simplement.
Pour clore le chapitre, notons au passage la possibilité d’affecter un certain pourcentage de swing et de groove aux styles, apportant par la même un peu de feeling dans des rythmiques que l’utilisateur jugerait trop carrées (c’est ça le progrès : les batteurs essaient de jouer bien sur le temps comme des boîtes à rythmes, et les BAR mettent à notre disposition des fonctions pour imiter les fluctuations des batteurs. Un jour peut-être, tout le monde se mettra d’accord).
Styles, pattern et riffs en tout genre
A l’échelon le plus haut est le style et le QY en comporte 128 Presets. Si les styles techno sont très réussis, le QY70 s’en sort très bien dans les rocks électriques et les rythmes latins. Pour la valse et le tango, c’est un peu moins bien, mais comme Yamaha sait que ses clients sont difficiles, il a doté sa machine de 64 emplacements programmables par l’utilisateur, qui résident en mémoire permanente après extinction des feux (mille merci). Chaque style comporte 6 variations (décrites plus haut) arrangées en Patterns. Composés de 8 pistes, les patterns du QY70 durent en général 4 mesures, avec signatures quaternaire (4/4) ou ternaire (3/4 ou 6/8). Chacune des pistes est en fait une mini-séquence dénommée RIFF, qui comporte un numéro de programme et des notes programmées (accords, arpèges, lignes de basses). Rien n’empêche alors l’utilisateur de collationner certains riffs parmi les 4167 disponibles et de les mélanger avec ses propres programmations. Et pour rendre le tout un peu vivant, rien de tel qu’un peu de groove ou de swing. Parmi les 128 styles Presets, notons quelques futurs best-sellers : le 6/8 R&B m’a donné envie de pousser un « Blueberry Hill » chaloupé et d’inviter toutes les filles du quartier, et les GOA TRANCE 1 et 2 de refaire la Love Parade à domicile. De la très bonne matière, qui évoque rapidement des idées de composition et pousse à la création.
Des effets qui le font
La section effets du QY70 est sans conteste une réussite. 3 effets (réverbe, chorus et variation) sont disponibles en permanence. Dans cette gamme de prix, c’est assez fort. Là ou cela se complique, c’est que chaque effet est connecté à un bus sur lequel chacun des 16 sons peut être individuellement envoyé, avec réglage séparé du niveau d’envoi. C’est beaucoup mieux que certaines workstations haut de gamme valant cinq fois le prix du QY70, bien que ce standard tende à se généraliser ces derniers temps. De plus, les niveaux d’envoi sont affichés à l’écran comme sur une vraie table de mixage : fader, panoramique, départs 1 2 et 3, solo / mute, ainsi que des vumètres 5 segments en temps réel (superbe, dommage que l’écran soit un peu petit et pas éclairé, car cela nuit à la lisibilité des paramètres).
Chaque bloc d’effet est paramétrable, de la même façon que les sons : pression sur MENU, puis sélection avec les 4 Soft Keys. Les paramètres disponibles sont en bon nombre, sans égaler une Lexicon : parmi les 11 réverbes, choix des réglages de temps / diffusion / délai / HPF / Densité. Parmi les 11 chorus, accès à vitesse / profondeur / feedback / délai / EQ Hi-Lo. Le troisième effet dénommé variation est plus souple, car il comporte pas moins de 43 algorithmes, dont des distorsions, compresseurs, Leslie. Le rendu est superbe, d’autant que la faculté de dosage individuel permet d’envoyer la basse sur un compresseur, la rythmique sur une réverbe avec dosage séparé pour chaque partie, les guitares rythmiques et solo sur la distorsion et sur la réverbe. Ceci explique en partie la qualité sonore générale de l’appareil, car on n’a pas l’impression que tous les sons arrivent dans le même effet pour finir tous par sonner un peu pareil. Là, ce n’est pas le cas, et chaque son conserve sa personnalité et son positionnement dans le spectre stéréo.
Le Tamagushi du musicien
Attention, il ne faudrait surtout pas considérer le QY70 comme un jouet, bien que son utilisation soit très ludique. C’est en fait un instrument très complet et capable d’être à la source d’inspiration musicale. L’avantage de tout avoir sous la main lève certains obstacles à la créativité, car les idées peuvent très vite se concrétiser. Sur son segment de marché, le QY70 est difficile à battre et après quelques jours d’utilisation, on a du mal à s’en passer, on a tendance à en prendre soin et à l’emmener partout avec soi. C’est dans cette relation qui se créée avec l’utilisateur que le QY70 est sans nul doute le Tamagushi du musicien.