Déclinant à l’extrême sa série JV, Roland nous présente le plus concentré de tous. Compact et aussi simple d’utilisation qu’un module GM, le JV-1010 est une énorme banque de sons qui, une fois reliée à un ordinateur, se métamorphose en puissant synthétiseur digne de ses aînés.
La série JV / XP est la gamme actuelle des synthétiseurs Roland basés sur la lecture d’échantillons. Elle a fait ses preuves depuis pas mal de temps déjà et a été inaugurée par le JV-80. Mais le modèle le plus abouti est sans conteste le 2080, offrant 64 voix de polyphonie sur 16 canaux multitimbraux. Tirant ses échantillons d’une Rom de 8 Mo (compression R-DAC), la machine peut accueillir jusqu’à 8 cartes de la série SR-JV pour monter à 72 Mo de Rom et environ 2500 programmes. Par ailleurs, le 2080 dispose d’un OS remarquable, basé autour d’un superbe LCD et de pages écran très claires où les graphiques font la loi. Pour démocratiser sa ligne de synthétiseurs lecteurs d’échantillons sans en compromettre les performances, Roland a eu l’idée de déporter l’essentiel des commandes d’édition vers l’ordinateur tout en conservant, pour la partie matérielle, une extensibilité fort appréciable. Le JV-1010 reprend donc intégralement l’architecture sonore de son aîné et ses principales caractéristiques, à savoir une polyphonie de 64 voix sur 16 canaux Midi, histoire de bien commencer dans la vie.
Très concentré
Le JV-1010 se présente dans un boîtier au format demi-rack sur une unité de haut. Avec l’un de ses congénères, on peut le monter dans un rack 19 pouces grâce à l’adaptateur spécifique RAD-50. La face arrière se résume au strict minimum : une borne pour adaptateur secteur (fourni), classique sur ce genre de produit, un trio Midi, une prise pour ordinateur hôte couplée à un sélecteur quatre positions (suivant l’ordinateur connecté) et deux sorties audio gauche / droite en jack 6,35. Pas de sortie séparée ni d’entrée audio, la concentration a hélas été faite à l’extrême.
Sur la façade avant, c’est la même sobriété, avec quatre potentiomètres rotatifs dont deux avec interrupteurs : la prise casque, située en bonne place, côtoie le potentiomètre de volume général. Lorsqu’on pousse sur ce dernier, le JV-1010 lance une petite phrase préprogrammée illustrant la sonorité choisie. Une sympathique fonction héritée du 2080. Le potentiomètre suivant permet de sélectionner le canal Midi en cours ou la partie multitimbrale pour l’édition. Au centre, un modeste écran atteste que l’époque des 3 diodes 7 segments n’est pas révolue. A sa droite, un potentiomètre-interrupteur permet de changer les valeurs et le mode de jeu : programme simple (patch), mode multitimbral (performance), mode percussions (Rhythm) et mode GM (no comment). Une rangée de cinq diodes indique le mode en cours ainsi que l’activité Midi. Enfin, le potentiomètre le plus à droite avant le bouton marche / arrêt permet d’alterner extrêmement rapidement entre les banques de sons, soit par numéro, soit par catégorie d’instrument. Amis de la simplicité, bonjour !
Seize soixante-quatre
Membre de la famille très nombreuse des lecteurs d’échantillons, le JV-1010 tire ses sons d’une Rom confortable de 16 Mo comprenant les 8 Mo originels du JV-2080 auxquels s’ajoutent les 8 Mo de la carte d’extension SR-JV80–09 Session, soit environ 650 multisamples. La carte Session propose d’excellentes sonorités Pop Rock (255 programmes) complétant à merveille la Rom d’origine. On y trouve un grand piano stéréo bien conçu, des cuivres très brillants, des guitares acoustiques et électriques convenablement reproduites, des basses bien rondes et des kits de batterie d’excellente facture. Cette carte offre une qualité très supérieure à la Rom d’origine, dans la mesure où elle couvre un territoire sonore plus restreint pour la même capacité mémoire. Ceci ce traduit par un peu de stéréo par ci, des points de multisampling plus nombreux par là et des boucles plus longues par ci par là. Seuls les choeurs nous ont un peu déçus, probablement parce que nous sommes blasés.
L’excellente nouvelle tient du fait que la Rom est extensible avec l’une des cartes de la série SR-JV, par exemple la carte « Vocal Collection », tiens donc ! (voir ci-dessous*). Autre excellente nouvelle qui met le JV-1010 à bonne distance des modules GM de la marque, tous les réglages de synthèse sont mémorisés au sein des programmes eux-mêmes et pas au sein des canaux Midi. Ceci permet entre autres de tirer pleinement parti de la sympathique section effets de la machine sans souffrir du syndrome bassement GM où tous les sons passent dans le même algorithme chorus + réverbération.
En tout, le JV-1010 offre près de 1000 programmes, 64 combinaisons multitimbrales (16 canaux Midi maximum) et 18 kits de percussions figés en Rom. Pour nous simplifier la tâche, les programmes peuvent être appelés suivant 7 catégories d’instruments. Cette faculté ne s’applique hélas pas aux sons d’usine tirés de la carte Session. En fait, ils sont gérés à part comme si la carte était « ajoutée d’origine » à la Rom de 8 Mo. Rien de bien grave. Enfin et pour rassurer tout le monde, la machine est compatible GM.
*Pack de 16
Non content d’incorporer de base l’intégralité des formes d’onde et des programmes de la carte Session, le JV-1010 se paie le luxe de pouvoir accueillir une des 16 cartes SR-JV sur un slot interne, portant le total de la Rom PCM à 24 Mo. Certes, nous sommes loin des 8 slots du 2080, mais ne nous plaignons pas. Lorsqu’une carte est mise en place, on accède à sa banque (de 100 à 250 programmes en Rom environ) grâce au potentiomètre idoine placé sur la position judicieuse « Wave-exp ». A partir du SoundDiver, on peut alors gérer les multiéchantillons contenus sur la carte comme les formes d’onde internes du JV. La collection SR-JV Roland est la plus grosse jamais produite, loin devant les Q-Cards Alesis qui viennent en second. On y trouve vraiment de tout : Pop, Orchestral, Piano, Vintage, World, Super Sound Set (compilation), Keyboards of the 70’s & 80’s, Session (à ne pas mettre une seconde fois dans le JV-1010 !), Bass & Drums, Techno, HipHop, Vocal, Asia, Special FX et Orchestral II.
Ces cartes sont toutes de bonne facture, mais nous sommes tombés sous le charme des développements conjoints de Roland et Spectrasonics, société américaine d’Eric Persing que les collectionneurs de CD-Rom haut de gamme connaissent bien. « Bass & Drums » propose une superbe collection de basses électriques extraite des développements menés sur le CD « Bass Legend » avec trois grosses pointures de la basse, Marcus Miller, Abraham Laboriel Jr et John Patituci, ainsi que des éléments puisés sur les CD « Liquid Grooves » et « Burning Grooves ». « Vocal Collection » est de la même trempe, conjointement développée avec le magnifique quadruple CD « Symphony of Voice ». Enfin, la carte « Special FX » tire sa richesse des délires d’Eric Persing, connu pour ses productions monstrueuses sur les CD « Distorded Reality 1 » et « DR2 ».
Soft drink
Que peut-on faire en terme d’édition avec 4 potentiomètres (dont celui de volume) et 3 diodes 7 segments ? Certains diront pas grand chose et ils n’ont absolument pas tort… En fait, tout se passe avec les potentiomètres de sélection des banques et d’entrée des valeurs. Un rapide coup d’œil sur le dessus de l’appareil laisse apparaître une sérigraphie de nouvelles fonctions embrayables en mode performance ou Kit de batterie uniquement, en pressant simultanément les boutons « volume » et « mode ». L’édition se fait alors sur trois niveaux : le premier concerne indépendamment chaque partie contenue dans une performance (jusqu’à 16, rappelons-le). On peut en régler le niveau, le panoramique, l’accordage (grossier et fin), la réserve de voix, l’assignation en sortie et l’envoi séparé dans le triple processeur d’effets (réverbération, chorus et multieffets). Le second est global pour la performance en cours et détermine la source du multieffets, et c’est tout ! Le troisième mode concerne les réglages globaux de l’appareil : initialisation des paramètres d’usine, initialisation GM (chouette !), initialisation de la performance ou du Kit sélectionné, transfert de données via Midi, réglage du canal de réception Midi des performances et accordage global. « That’s all folks » pour ceux qui utilisent le JV-1010 sans ordinateur.
Cocktail d’éditions
Le JV-1010 est livré avec un CD-Rom contenant un driver Midi et une version de SoundDiver d’Emagic pour JV / XP, permettant d’accéder à tous les paramètres de synthèse de la machine. Franchement, ceux qui ont un ordinateur (PC sous Windows 95 / 98 / NT ou Mac sous système 7.0.4 ou mieux) ne doivent surtout pas se priver, car ils peuvent accéder ni plus ni moins à toute la puissance de synthèse du 2080. Pour mémoire, un programme simple peut être constitué de quatre couches d’échantillons (les Tones) arrangés deux à deux suivant l’une des dix structures régissant l’agencement de deux filtres multimodes résonants et de deux sections ampli. Les filtres peuvent être placés en série ou en parallèle, ce qui permet des combinaisons très intéressantes.
Mieux, les deux oscillateurs peuvent interagir sous forme de modulation en anneau ou être boostées, ce qui ajoute un peu de poussière à un son trop propre. Pour moduler tout cela, on peut faire appel à 2 LFO (8 formes d’ondes) et à 3 enveloppes (hauteur, fréquence de coupure du filtre et volume) de 4 segments (4 temps / 3 ou 4 niveaux). Ensuite, le signal passe par un panoramique modulable par le numéro de note, le LFO, aléatoirement ou alternativement (gauche / droite). Le signal est enfin séparément envoyé dans le triple processeur d’effets (une réverbération, un chorus et un multieffets largement programmable). 128 mémoires internes au JV-1010 peuvent ainsi accueillir nos œuvres maison savamment concoctées au doigt et à l’oreille. Enfin, les amateurs de multitimbralité peuvent sauvegarder 32 performances en mémoire interne. Voilà pourquoi le JV-1010 un vrai synthétiseur.
Liquidation totale
Au final, le JV-1010 est une excellente affaire qui s’adresse à deux types de musiciens : d’une part, les fanatiques du son Roland chaud et généreux qui rêvent d’un 2080 abordable sans trop de programmation ; d’autre part, les maniaques de l’édition à la souris qui ne veulent pas payer inutilement un éditeur hardware. Avec le JV-1010, Roland nous gratifie d’un module convivial qui se métamorphose en puissant synthétiseur dès qu’on l’utilise avec un ordinateur. L’architecture de la machine n’a rien à voir avec le SC-880 où la programmation se fait essentiellement par offset de quelques paramètres de synthèse. Là, nous sommes en présence d’un véritable synthétiseur avec environ 160 paramètres de synthèse différents et un mode multitimbral à mémoires. Enfin, n’oublions pas que la machine renferme 16 Mo de Rom dont l’intégralité de la carte Session, le tout pour le prix de deux cartes de la série SR-JV, ce qui est un argument de poids au moment de faire ses comptes.
Glossaire
To Host : interface de liaison entre un module et un ordinateur pour échanger des données, éditer des programmes et transformer le module en interface Midi.
R-DAC : compression Roland permettant de stocker des échantillons dans un rapport de 2 à 2,5 fois l’équivalent en linéaire. Franchement, les résultats obtenus sont excellents.
PCM (acronyme de Pulse Code Modulation) : codage numérique transformant en série d’impulsions à amplitude variable (échantillons) les signaux capturés lors d’une digitalisation.