Nouveau produit de Native Instruments, Rise & Hit est spécialisé dans les transitions et ponctuations dont raffolent les producteurs de l’audiovisuel. En quoi cette bibliothèque répond-elle au cahier des charges ?
En matière de rhétorique du son et de la musique à l’image, de création d’élément co-narratif ou signifiant, il n’y a guère eu d’inventions récentes. Quasiment tous les éléments de langage possibles ont été mis en place par les compositeurs, ingénieurs du son et sound designers (même si ce dernier terme est récent, la fonction existait, et pour faire simple, on y inclura les bruiteurs, foley artists, etc.) dès l’arrivée du son synchrone, les dernières réelles avancées ayant résulté des opportunités offertes lors de bascules techniques (stéréo, arrivée du Dolby, etc.).
Pourtant, depuis quelques années, une mode sonore s’est installée dans la production audiovisuelle, celle d’accompagner mouvements de caméras et changements de plans par des bruitages (wooshes, rises, ponctuations, etc.), soi-disant pour donner de la dynamique au montage, alors que le résultat est plutôt un alourdissement (un peu comme certains dans le son prétendent apporter de la dynamique en compressant…).
Même la fiction y a droit : à ma connaissance, le premier exemple viendrait de Predator de John McTiernan (1987), lorsqu’on passe en vue subjective (on voit alors ce que voit le Predator), le cut est accompagné d’un bruitage. D’un point de vue narratif, ce son n’a aucune raison d’être, rapportée à la « réalité » du film (on espère que le Predator n’entend pas ça à chaque fois qu’il tourne la tête…), il n’est là que pour ponctuer le changement de plan, comme pour dire : « attention, maintenant on adopte la vision subjective ».
On retrouve de plus en plus ce phénomène, notamment chez les réalisateurs de la génération vidéoclip, à la fois dans la fiction (un seul autre exemple parmi une palanquée de films, The Cell, de Tarsem Singh, 2000), et, de manière superfétatoire car systématique, dans le reportage télé. « Vazy coco, mets-moi des wooshes, ça le fait ! ».
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On peut être d’accord ou pas avec cette utilisation, certains producteurs y sont attachés, il faut donc composer avec ces exigences. Reste que l’usage de ce type de sons n’est heureusement pas limité à cette approche, et que ces sons (wooshes et hits) peuvent être viables dans toutes sortes de contextes, en particulier dans la fiction pour toutes les situations de suspense, les climats horrifiques, surnaturels, etc., voire en musique, pour des effets bien particuliers.
Plusieurs bibliothèques sont déjà disponibles chez divers éditeurs (on trouve ce type de sons dans la série des Evolve chez Native ou chez Project Sam avec les différentes bibliothèques autour de Symphobia, Lumina, par exemple), et on peut aussi, bien sûr, créer ses propres bruitages. Aujourd’hui, Native Instruments propose sa propre version de la « machine à wooshes et hits », voyons ce qui peut la rendre utile, ou dispensable.
Introducing Native Instruments Rise & Hit
Rise & Hit, résultat de la collaboration entre Native et Uli Baronowsky de Galaxy Instruments (concepteur de The Giant) est une bibliothèque conçue pour Kontakt et le Kontakt Player gratuit (version 5.3.1 minimum), les spécifications (OS, formats de plug-ins et compagnie) sont donc celles de l’échantillonneur de l’éditeur. La banque pèse presque 9 Go, ramenés à 6,25 Go grâce à l’algorithme de compression de Native, et offre 4250 échantillons pour 200 présets.
On l’achète sur le site de l’éditeur, pour 149 euros, l’installation et l’autorisation s’effectuant comme d’habitude via le Service Center. La bibliothèque sera accessible dans l’onglet Libraries de l’échantillonneur.
Architecture
Les présets sont répartis en 11 familles, de Orchestral à Subs en passant par des Hybrid (Orchestra, Sounds, Instruments), Percussive, Lifters, Pure Synth, etc. L’interface graphique est spécifiquement conçue, se montre très claire, ergonomique et permet une prise en main quasi immédiate, le manuel (fourni) pouvant très bien rester fermé…
Le principe repose sur une séparation des sons en deux parties indépendantes (même si le sound designer a conçu des Hits correspondant aux Rises), Rise (un son montant progressivement) et Hit (un impact, un son percussif concluant le premier), multipliées par quatre, puisque l’on dispose de quatre layers. La partie supérieure de l’interface affiche la forme d’onde du résultat, tout comme celle des éléments séparés quand on les édite. Un des accès aux sons y figure, via une loupe pour accéder au navigateur ou via des flèches de défilement. Un bouton Continue permet de dissocier/associer la lecture en continu.
Un des problèmes auxquels on est confronté quand on traite avec ce type de son, c’est leur durée. Native a intelligemment proposé une solution, via une réglette permettant de préciser le temps de montée du son (avant l’impact conclusif), soit en nombre de battements (Beats, jusqu’à 32, bien évidemment relatifs au tempo interne ou à celui de l’hôte) soit en secondes (de une à 20 secondes, avec un chiffre derrière la virgule). L’éditeur utilise à cet effet l’algorithme Time Machine Pro de Kontakt. Voici un exemple de son avec différents temps de montée, les premiers sans le Hit, puis le dernier complet.
Chaque Layer offre, pour Rise, un réglage de volume et un offset (décalage du démarrage de la lecture) et pour Hit un volume et un Decay (temps de chute). Un bouton Link permet de rendre dépendants les réglages, un autre, Whoosh, permet de charger un sample court à la place du Rise (et qui ne sera joué qu’avant le Hit). Un bouton permet de le désactiver, et un autre de le réinitialiser.
Ainsi, dans l’exemple suivant, on entendra d’abord le son complet, et les éléments le composant.
Même principe, dans un autre genre.
On peut ainsi s’amuser à associer deux sons n’ayant rien à voir ensemble, comme dans l’exemple suivant.
Ce dernier exemple n’utilise qu’un seul Layer, on imagine facilement ce que cela donnera avec quatre. En voici quelques exemples :
Effets
Mais ce n’est pas tout. La page Master FX offre l’accès à un ensemble d’effets faisant partie de l’arsenal de Kontakt, EQ (le Solid G), Saturation, Compression, Limiter, Convolution et Delay, chacun doté d’un bouton d’activation et d’un menu de présets (à l’exception des Limiter et Delay). La réverbération à convolution se voit dotée de nouvelles réponses impulsionnelles, entre espaces réels (ou irréels) et effets spéciaux, accessibles via deux onglets, et de réglages de niveau, pré-délai et taille. Les IR ne peuvent être extraites, mais on pourra sauvegarder des présets afin de les réutiliser avec d’autres bibliothèques de Kontakt.
De plus, dans la page principale, on peut cliquer sur le symbole représentant deux flèches, ce qui ouvre une sous-page donnant accès à des paramètres supplémentaires : Pan, Tune, taux du Delay et de la Reverb, ainsi que deux taux variables, assignés à l’effet choisi dans les menus déroulants correspondant et qui piloteront soit les effets inclus dans la page Master FX, soit d’autres effets auxquels on pourra avoir accès via le mode édition, entre Phaser, filtre 3×2 (multimode, multipente, etc.), saturation, Skreamer, Lo-Fi, Stereoizer, etc. Chacun étant bien évidemment remplaçable. L’éditeur fournit un préset Rise & Hit qui pourra servir de base à toute création personnelle. Un réglage très bien vu, celui de Crossfade entre le Rise et le Hit, permettant des transitions plus ou moins douces.
Si l’on prête attention à l’interface, chaque paramètre est flanqué de deux flèches, indiquant ainsi la possibilité d’assigner une modulation au réglage correspondant. En cliquant sur Mod View, la fenêtre de visualisation bascule sur l’affichage d’une grille de modulation (la Table accessible en mode Edition dans les divers Modulators), un simple cliqué-tiré du paramètre affiche (en plus clair) la plage de modulation et il ne reste plus qu’à dessiner directement les courbes de modulation du paramètre sur la Table. C’est très bien conçu et très efficace. Tous les paramètres de la page Main peuvent ainsi être automatisés, à l’exception des Offset, Decay et Crossfade.
Voici quelques exemples faisant appel à ces automations sur le pitch, la réverbe, la saturation.
Bilan
Le premier constat, c’est qu’encore une fois l’éditeur étonne par la qualité des scripts de l’instrument : la puissance est là, et pourtant l’interface utilisateur est extrêmement intuitive, et très simple d’accès. La bibliothèque fait exactement ce qu’on attend d’elle, et le potentiel sonore des traitements, le nombre de layers et d’échantillons, la qualité et la diversité de ces derniers devraient éviter aux futurs utilisateurs de Rise & Hit de tous sonner de la même façon, ce qui est assez rare dans ce type d’outils. Certes, les sons et effets synthétiques peuvent tous être obtenus avec un bon synthé, des outils de dynamique, de saturation et une bonne réverbe (voire une mauvaise pour ses défauts), mais il sera en revanche impossible d’obtenir facilement des chœurs, effets d’orchestre et autres sonorités purement acoustiques.
Rise & Hit reste toutefois un outil assez spécialisé, qui ne conviendra pas à tous, tout du moins pour une utilisation quotidienne dans un contexte musical. En revanche, pour répondre à des demandes spécifiques (celles induites par son nom…), dans des délais courts et pour des productions à petits budgets (passer du temps sur un son, ça coûte, enfin, normalement…), la bibliothèque sera l’outil idéal, tant par sa qualité sonore que pour sa variété de programmation. Une très belle réalisation.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)