C’était il y a 9 ans, Logic en était à sa 7e version, les Mac Intel venaient tout juste d’être annoncés et Apogee notifiait la sortie de la Ensemble, une interface audio « Mac only » intégrant 4 préamplis micro et gérant 36 canaux. À l’époque, le FireWire était encore fringant, même en version 400, et il filait avec la Ensemble le parfait amour.
Seulement les temps ont changé, nous sommes désormais en 2015 et le FireWire n’est plus proposé sur aucun Mac du catalogue d’Apple, même si des adaptateurs existent… Le Thunderbolt, créé par Intel et aussitôt adopté par l’équipe de Cupertino, a depuis remplacé plus qu’avantageusement son aîné, en offrant notamment des débits monstrueux et une grande flexibilité. C’est donc tout naturellement que nous avons vu débarquer peu à peu des interfaces audio arborant ce connecteur, notamment chez Universal Audio et Zoom.
Si les modèles plus accessibles de la gamme d’Apogee, telles que la One, la Duet ou la Quartet, se contentent sans problème de l’USB, la marque a décidé de munir sa nouvelle Ensemble d’un connecteur Thunderbolt promettant par la même occasion une très faible latence. Est-ce la seule nouveauté ? C’est ce que nous allons découvrir ici.
Wouho les champions, on est tous ensemble
Neuf années séparent donc l’ancienne Ensemble de la nouvelle, et évidemment, beaucoup de choses ont changé. Le look est totalement différent, mais les spécifications techniques aussi. Le nombre de canaux ainsi que le nombre de préamplis a presque doublé, tout en gardant un prix sensiblement identique. C’est beau le progrès.
Toujours au format rack 1U, la Ensemble est désormais noire, et il faut avouer que le look est plutôt réussi. C’est propre et ça fait sérieux. Au premier regard, plusieurs choses attisent notre curiosité. Tout d’abord, les deux entrées instruments en façade sont secondées par deux sorties instruments, afin d’attaquer un ampli ou un multieffet. On a donc la possibilité de faire du réamping sans avoir à acheter une boite, ce qui est une très bonne nouvelle pour nos amis guitaristes. On aimerait voir ça plus souvent sur les interfaces que nous testons ! Cette Ensemble commence donc très fort. On aperçoit aussi les 10 boutons permettant d’afficher les infos ou de contrôler les 8 entrées analogiques et les deux entrées instruments, ce qui nous semble d’un point de vue ergonomique une bonne idée. Les deux écrans, identiques à ceux équipant les Quartet et Duet, sont entourés de deux potards cliquables à course crantée et infinie permettant de contrôler respectivement les niveaux et autres paramètres des entrées et des sorties. Deuxième très agréable surprise : la présence d’un micro de talkback intégré sur la face avant ! Là aussi, c’est une très bonne idée, pour peu que votre interface ne trône pas trop loin de votre siège. Il est aussi bon de savoir qu’il sera possible d’utiliser un micro externe pour le circuit de talkback.
Quatre boutons assignables pourront être affectés à différentes fonctions, via la partie logicielle Maestro commune à toutes les interfaces du constructeur. D’usine, on pourra enclencher le talkback, changer la source des sorties instrument (thru ou retour logiciel), réinitialiser les vumètres et modifier l’action du bouton Mute (afin de faire taire les enceintes ou le casque). Enfin, on termine avec les deux sorties casques totalement indépendantes, que ce soit en termes de niveau que de sources. Le bouton de mise sous tension est lui aussi en façade, et ça, c’est toujours plus pratique.
Nous avons donc deux premières belles surprises avec les sorties instrument et le micro de Talkback. Le reste est plus classique, mais cela a fait ses preuves.
Duet, Quartet… Octet ?
À l’arrière, c’est blindé de connecteurs, et première bonne nouvelle avec la présence d’envois et de retours d’inserts au format Jack 6,35 TRS, à côté des deux premières entrées micro (il y en 8). Les possesseurs de « outboards », tels que des compresseurs ou EQ, seront aux anges. Il est aussi à noter que les quatre premières entrées permettent de brancher un instrument via une prise combo XLR/Jack. Pour brancher ses enceintes, on passera par les sorties Jack TRS idoines, tandis que le reste des sorties analogiques sera disponible via le connecteur D-Sub (prévoyez le câble suivant vos besoins, qui n’est pas toujours donné).
Côté entrées et sorties numériques, on a quatre connecteurs optiques de type TOSlink pour de l’ADAT (donc 16 E/S en 44,1 kHz) et du RCA pour le S/PDIF. On termine avec les deux ports Thunderbolt 2 (compatible Thunderbolt 1), on pourra donc chaîner la Ensemble avec n’importe quoi, comme des disques durs ou un écran. J’aime ce connecteur ! Une paire d’E/S Word Clock au format BNC est aussi présente, et c’est toujours ça de pris. Enfin, sachez que l’alimentation est intégrée au rack, il n’y aura donc pas de bloc secteur poussiéreux qui trainera derrière votre bureau. Plutôt cool.
À l’utilisation
L’installation du driver se fait simplement sur Mac, et comme il est coutume chez Apogee, pas du tout sur PC. L’interface utilise le même logiciel que ses grandes sœurs, à savoir Maestro 2, qui reste assez simple et classique, même si on aurait aimé un design un peu plus en adéquation avec la partie hardware. Maestro reste quand même très gris et un peu moche.
Les réglages concernant les entrées (coupe-bas, 48 V, niveaux…), les sorties, le routing et le reste des paramètres sont accessibles via différents onglets. On pourra choisir les fonctions des 4 boutons de façade, choisir la source du talkback, et aussi accéder aux 4 mixers virtuels. Vu le nombre de sorties physiques, on aurait aimé en avoir plus que 4, espérons qu’ils corrigent ça dans une future mise à jour.
Côté traitement interne, Apogee a fait totalement l’impasse, et préfère argumenter sur le fait que la Ensemble, grâce au Thunderbolt, possède un temps de latence très faible (ce qui est vrai : voir prochain chapitre) et qu’il est possible d’utiliser n’importe quel plug-in du marché sans ressentir une quelconque gêne. Dans les faits, ceci est assez vrai, la Ensemble possédant une latence sensiblement identique à une Apollo, par exemple. Il faudra juste vérifier que les plug-ins que vous utilisez n’induisent pas trop de latence supplémentaire, et il vous faudra évidemment un logiciel hôte (une STAN, par exemple).
À l’utilisation, la Ensemble s’est révélée très agréable, avec ses deux beaux écrans, ses potards crantés, ses boutons de sélection d’entrée et ses 4 boutons paramétrables. Les deux sorties casques indépendantes, les deux entrées et sorties instruments et le micro intégré pour le Talkback sont très pratiques et restent de sérieux atouts. Rien à redire non plus du côté des entrées/sorties, c’est très complet, et le logiciel Maestro 2 fait simplement et honnêtement son travail. Il est à rajouter que la Ensemble peut gérer simplement jusqu’à trois paires d’enceintes de monitoring via les boutons assignables.
Il ne reste plus qu’à faire les benchmarks.
Benchmarks
Nous avons réglé la mémoire tampon au minimum (32 échantillons) afin d’obtenir la meilleure latence : 1,81 ms en entrée et 1,77 ms en sortie (en 44,1 kHz). Ces résultats sont excellents et légèrement en dessous des dernières grosses interfaces USB que nous avons testées (la RME 802 et la Zen Studio). Vous devriez donc pouvoir utiliser vos plug-ins favoris lors des enregistrements sans ressentir le moindre décalage.
Afin de tester l’interface, nous avons fait des benchmarks avec notre APX-515 d’Audio Precision, et nous allons pouvoir comparer les résultats à ceux obtenus avec les interfaces que nous avons précédemment testées.
Voici les résultats obtenus avec les niveaux lignes :
Déviation Ligne
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Le résultat obtenu est très légèrement inférieur à ce que nous avons testé précédemment avec ±0,087 dB (pour rappel, la déviation de la Fireface 802 est de ±0,063 dB, la Metric Halo ULN-8 ±0,06 dB, l’Apollo Twin ±0,023 dB et la Crimson de SPL ±0,073 dB) mais meilleur que la Zen Studio qui avait obtenu ±0,155 dB. C’est donc un bon résultat, mais qui ne tranche pas avec la concurrence.
THD Ligne
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La distorsion, toujours sous les 0,001 %, est très faible, ce qui est de très bon augure. C’est même le meilleur résultat que nous ayons obtenu récemment.
Avec un gain allant jusqu’à 75 dB, les préamplis contrôlés numériquement offrent une marge très confortable aux utilisateurs. Reste à savoir s’ils sont silencieux.
Déviation micro
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THD Micro
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Avec le gain réglé sur 34 dB, la déviation et la distorsion sont les mêmes que sur les entrées ligne (±0,087 dB et moins de 0,001 %), on peut donc en conclure que les préamplis sont très transparents, ce qui est une très bonne chose pour une interface audio. Côté bruit de fond, la Ensemble fait partie des meilleures interfaces, avec un rapport signal/bruit de 105 dB lorsque les préamplis sont réglés sur 34 dB de gain. C’est même mieux que les dernières interfaces que nous avons testées (Zen Studio — 101 dB, Fireface 802 — 102 dB, SPL Crimson — 101 dB, Metric Halo ULN-8 — 100 dB)
Les résultats des benchmarks sont donc très satisfaisants, avec une mention très bien pour les préamplis qui offrent une très bonne réserve de gain, tout en étant très transparents et silencieux.
Conclusion
Pour son retour, la Ensemble n’a pas fait les choses à moitié. La connectique Thunderbolt la remet au goût du jour tout en offrant une très faible latence. Ses 8 préamplis sont tout simplement excellents, et les convertisseurs restent à hauteur de la concurrence. Nous avons aimé le design et les quelques caractéristiques originales, comme les sorties instruments et le micro Talkback intégré. Les boutons en façade sont très pratiques à l’usage et le logiciel Maestro 2 reste simple et intuitif, même si Apogee peut améliorer son design et rajouter des Mixers. Certains pourront regretter l’absence de traitements internes, mais il est vrai que la latence de l’engin relativise le manque. Finalement, les seuls gros défauts sont inhérents à la marque, avec un prix assez élevé et une compatibilité limitée au monde d’Apple.