Après s’être installée parmi les leaders de l’interface audio haut-de-gamme, Universal Audio s’attaque au segment très concurrentiel de l’entrée de gamme. Et comme on sait que Bill Putnam Jr et son crew ne sont pas du genre à faire les choses comme tout le monde, c’est forcément avec curiosité qu’on se tourne vers cette Volt 2.
S’il est bien une petite entreprise qui ne connaît pas la crise, c’est bien Universal Audio… Non contente de proposer depuis 1958 du matériel de référence pour les studios professionnels (notamment les fameux compresseurs de légende 1176 et LA2A initialement développés par UREI et Teletronix), la société a réussi depuis les années 2000 un fameux coup dans le secteur de la MAO : imposer une plateforme à DSP si performante que le leader Avid a même renoncé un temps à produire des interfaces audio et à ouvrir son fameux Pro Tools à d’autres matériels pour se recentrer sur ses solutions les plus onéreuses… De fait, UAD (le nom de la fameuse plateforme) est devenu bien plus qu’une gamme, c’est presque une marque en soi qui fait référence, tant par la qualité de ses interfaces audio Appolo que par celle de ses plug-ins propriétaires, reproduisant dans l’audio les recettes qui ont fait le succès d’un Apple : composants et construction de qualité, look et packaging soignés, tout cela au profit d’un écosystème fermé mais garantissant une expérience utilisateur de qualité. Ajoutez à cela un marketing ô combien agressif et une stratégie misant sur l’association aux noms de légende de l’audio (la plupart des produits mythiques de l’audio sont émulés par des plug-ins UAD, qu’ils émanent de Neve, SSL, API, Trident, Pultec, Fairchild, Manley, SPL, EMT, Lexicon, Marshall, Fender, etc.), et vous comprendrez aisément que la marque ait ses aficionados chez les pros comme chez les amateurs… pour peu que ces derniers ait un minimum d’argent !
En effet, à 700 euros, l’Apollo Solo n’est pas réellement ce qu’on l’on pourrait appeler un produit d’entrée de gamme susceptible de séduire les petits budgets sous la barre des 300 euros, de sorte qu’Universal Audio n’a rien à proposer qui fasse de l’ombre aux produits de Focusrite, Presonus, Audient, Behringer, M-Audio, Arturia, Steinberg, Roland, ESI, SSL, Tascam, Mackie ou MOTU pour ne citer que les principaux… Ou tout du moins « n’avait rien à proposer » puisqu’avec la nouvelle série Volt, Universal Audio propose désormais des solutions beaucoup plus abordables.
Parce que je le Volt bien
Notez-le d’emblée : Volt est bien une gamme d’Universal Audio mais qui n’a rien à voir avec la plateforme UAD. Pas question ici de faire tourner le moindre plug-in propriétaire vu que pour faire baisser les coûts, les interfaces Volt sont dépourvues des fameux DSP qu’on trouve sur les Apollos. La marque a toutefois eu à coeur de conserver l’esprit de ce qui a fait son succès au travers de 5 interfaces et de deux technologies : Vintage Mic Preamp, un circuit qui émule le son du fameux préampli 610 de la marque, et le compresseur 76, qui fait clairement référence au célèbre 1176.
Compatible Mac, PC, iOS, basée sur les mêmes convertisseurs travaillant en 24 bits/192 kHz et sur la même connectique USB, la gamme Volt s’organise logiquement en fonction des entrées/sorties et des fonctionnalités : à 139 euros, la Volt 1 ne propose qu’une entrée préamplifiée avec technologie Vintage Mic Preamp, quand la Volt 2 en propose deux pour 189 euros. Pour disposer du compresseur 76, il faut toutefois passer dans la gamme 100 qui se décline comme suit : la Volt 176 ne propose qu’une entrée à 249 euros, la Volt 276 deux entrées pour 299 euros et la Volt 476 quatre entrées (2 micros + 2 lignes) pour 369 euros.
Voilà pour les différences, sachant qu’il est temps de nous recentrer sur la Volt 2 qui a été mise à notre disposition et qui ne dispose pas du compresseur 76 donc, mais du Vintage Mic Preamp…
Les doigts dans la prise…
Même si elle n’est pas aussi sexy que la 276 avec ses contrôles sur le dessus et ses joues en bois, la Volt 2 offre un look plutôt réussi : châssis en métal gris clair, gris foncé et noir, boutons rétroéclairés, et une organisation qui reprend les canons esthétiques et ergonomiques de ce secteur de prix…
De gauche à droite en façade, on dispose de deux entrées combos XLR/Jack solidement fixées, de leurs potards de gain respectifs, puis de boutons rétroéclairés permettant d’activer le fameux mode Vintage, le mode haute impédance pour les instruments, l’alim fantôme et le Direct Monitoring disponible dans deux modes possibles : soit STAN et entrée répartis dans les canaux droite/gauche, soit mixés ensemble… (sans possibilité hélas de doser ce mixage). Complétant cela, un gros potard permet de régler le volume global, tandis qu’une sortie casque au format Jack 6,35 clôt le cortège avec son potard de volume dédié…
En face arrière, les sorties se résument à deux connecteurs pour Jack 6,35, tandis qu’on dispose d’une entrée/sortie MIDI au format DIN 5 broches : merci d’y avoir pensé. Le reste concerne l’alimentation avec un connecteur au format USB-C, une prise pour l’alimentation électrique et un bouton permettant d’allumer ou d’éteindre l’interface : merci d’y avoir pensé, là-aussi !
Deux câbles sont fournis : l’un pour l’alimentation à raccorder à un transfo de type chargeur de smartphone (non fourni, ce qui est peut-être un mauvais point pour certains, mais un très bon point d’un point de vue écologique) et un autre pour le raccordement à l’ordinateur, d’USB-C vers USB-A (pas d’USB-C vers USB-C pour les utilisateurs des plus récents Macbook ce qu’on ne reprochera pas à Universal Audio vu les choix parfaitement stupides réalisés par Apple en matière de connecteurs depuis ces dernières années et sur lesquels la marque semble enfin revenir). Précisons que l’interface peut fonctionner en étant alimentée via USB uniquement et que le raccordement au secteur n’est proposé qu’au cas où la source à laquelle vous connectez la Volt ne propose pas suffisamment d’énergie pour les besoins de l’interface ou que vous souhaitez en économiser les batteries.
Un mot enfin sur la qualité de construction globale : l’interface pèse son poids et il ne fait aucun doute qu’avec ses quatre patins en caoutchouc, elle ne glissera pas sur votre bureau. Précisons que l’ensemble respire la qualité de fabrication : les embases sont solidement fixées, la résistance des différents potards est ferme et homogène, les boutons rétro-éclairés et différentes diodes sont bien lumineux et les commandes comme les connecteurs suffisamment bien espacés pour qu’on travaille dans le confort. Bref, UA a bien fait le job sur le plan matériel, reste à voir comment cela se passe sur le plan logiciel.
Retour au natif
Un logiciel permet d’installer le contenu proposé avec l’interface, l’occasion de se rendre compte qu’à défauts de plug-ins UAD, Universal Audio a eu à coeur de proposer de quoi concurrencer les Focusrite et PreSonus très forts sur le plan du bundle. Outre une version d’Ableton Live Lite flanquée d’un Melodyne Essentiel de Celemony, on dispose de Virtual Drummer DEEP et Virtual Bassist DANDY de UJAM et de plug-ins d’effets réalisés par Softube via le Marshall Plexi Classic Amp Bundle (lequel comprend la même émulation de Plexi qu’on trouve sur UAD, ainsi que les excellents Tube Delay, Saturation, Drawmer S73 et TSAR 1-R) et via l’Ampeg SVT-VR Classic Bass Bundle (lequel comprend l’ampli basse Ampeg SVT-VR Classic, l’accordeur bx_tuner et la tranche de mastering bx_masterdesk Classic), complétés enfin par la réverb LX480 Essentials de Relab Development, une émulation de Lexicon. Sachant que certains des produits proposés par Softube ou Brainworx sont exactement les mêmes que ceux qu’on trouve sur plateforme UAD, le bundle est donc de très bonne qualité.
Histoire de chipoter, on lui adressera tout de même quelques critiques : plutôt que de disposer de deux réverbes qui font double-emploi, il aurait été plus opportun de fournir un égaliseur logiciel voire une tranche de console assurément plus utiles au quotidien. Par ailleurs, on ne comprend pas qu’une version de Luna, la STAN d’Universal Audio, ne fasse pas partie du package, d’abord parce que ce serait un très bon moyen de rendre ce dernier plus populaire, ensuite parce que l’ADN electro d’Ableton Live n’est pas ce qui soit de plus cohérent avec le look de l’interface comme avec le reste du bundle, plus branché Vintage et instruments pop/rock qu’électro et musique urbaine… On notera l’inutilité de proposer des instruments Labs de Spitfire, non que ceux-ci ne soient pas excellents, mais qu’ils sont d’ores-et-déjà gratuits sur le site de l’éditeur, qu’on soit possesseur d’une interface Universal Audio ou non… Enfin, on précisera qu’aucun panneau de contrôle n’est fourni pour l’interface, ce qui n’est pas forcément un défaut en soi mais mérite d’être souligné vu qu’on trouve ce genre de panneau dans les drivers des concurrents…
On aurait tort de se plaindre d’ailleurs face à ce qui nous est offert et qui est de très bonne qualité : il fallait au moins ça pour concurrencer le fameux Plug-in Collective de Focusrite qui permet aux utilisateurs de bénéficier régulièrement de nouveaux plug-ins gratuits et non des moindres… Ceci étant dit, l’heure est venue de voir si le ramage vaut le plumage en termes de benchmark, comme de juger de l’à-propos des fonctions Vintage et 76 Compressor…
Dans mon bench, bench, bench
Précisons-le d’abord, la Volt travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
En mettant le buffer sur 256 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 17,959 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 48 kHz, le logiciel remonte une latence de 17,893 ms.
En mettant le buffer sur 256 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 10,771 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 44 kHz, le logiciel remonte une latence de 13,039 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 48 kHz, le logiciel remonte une latence de 12,562 ms.
En mettant le buffer sur 128 samples en 96 kHz, le logiciel remonte une latence de 8,104 ms.
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Commençons par les entrées micros :
Déviation : ça commence pas mal, avec une linéarité de ±0,089 dB, et une différence assez peu marquée entre les deux voies.
THD : C’est ici que les résultats deviennent plus surprenants. En effet, on se retrouve avec une courbe de THD qui oscille entre le très bon (0,0005 % entre 150 et 1500 Hz, c’est un résultat de compète), le bon (0,006% à 60 Hz) et le moyen (0,2 % à partir de 4 kHz). On a essayé avec différents niveaux de gain, et la courbe changeait peu. On est donc face à une interface avec des compromis, capable du meilleure, mais pas que…
Rapport signal/bruit : 95,127 dB, avec une telle THD, on ne peut pas s’attendre à une résultat au dessus de 100 dB.
Passons maintenant aux entrées ligne :
Déviation : Voilà un résultat vraiment sensiblement moins bon – ±0,124 dB. En revanche, on note que les deux voies ont exactement la même déviation, ce qui est toujours un gage de bonne sélection des composants.
THD : Tout pareil que l’entrée micro… Définitivement, nous sommes face à un “profil” assez typé, qui aura très certainement des incidences sur la coloration du son.
Rapport signal/bruit : 98,489 dB
On a donc essayé de voir comment le switch “Vintage” transformait le signal. Voilà ce que celà donne à la mesure, en gardant le gain au même niveau que pour le test précédent
Des basses et des aigus accentués et, surtout, un gros effet de distorsion (THD autour de 10% !). En baissant le gain de 3 dB, on obtient une courbe de THD toute différente, moins exagérée, où l’on remarque donc que ce sont les médiums qui se colorent (et distordent) en premier, alors même que ce ne sont pas eux qui sont accentués.
Le rapport S/B ne souffre pas trop : 94,418 dB
Terminons par la sortie casque :
Déviation : Rien que du très classique ici, avec une déviation au dessus de 1,5 kHz (±0,457 dB)
THD : On garde les mêmes et on recommence – la sortie casque présente une THD en tout point similaire à celle des sorties ligne. Les résultats ne sont donc pas neutres, mais on remarquera qu’UA a vraiment conçu son interface avec un souci de cohérence.
Rapport signal/bruit : 98,081 dB, c’est correct.
Pas de grande surprise en termes de performances audio
Quant au mode Vintage dans les fait, il apporte indubitablement une coloration perceptible, notamment dans l’aigu, même si ça reste raisonnable. Voyez ce que ça donne sur une basse et sur une guitare enregistrées directement dans la Volt :
- GuitarNOVintage00:20
- GuitarVintage00:17
- bassNOvintage00:22
- bassVintage00:22
La fonctionnalité est donc intéressante, et au-delà, la démarche de proposer une interface qui a un son et ne sonnera pas comme ses concurrentes. Seul regret, le traitement n’est utilisable que sur les préamps et il n’y a aucun moyen d’en bénéficier a posteriori : puisqu’on vous dit que ce n’est pas une Apollo !
Conclusion
On en attendait pas moins d’Universal Audio : la Volt 2 est une réussite qui propose une offre cohérente et pertinente en termes de rapport qualité/fonctionnalités/prix tout en s’inscrivant dans l’identité et la philosophie de la marque. Si elle n’est pas un Game Changer, la fonctions Vintage Mic Preamp est un vrai plus à valoriser face à certains concurrents et l’on notera avec plaisir qu’UA a eu à coeur de proposer des préamps micros dotés de suffisamment de gain pour s’en sortir avec des micros demandeurs sur ce plan… Le tout étant bien construit et ergonomique, on accueillera donc cette Volt avec enthousiasme en attendant de mettre la main sur un membre de la famille 76 histoire de voir ce que valent les compresseurs intégrés.