café du coin : analyse et commentaire de l'actualité poliltique
- 15 154 réponses
- 154 participants
- 506 494 vues
- 132 followers
tropdeg'
970
Posteur·euse AFfolé·e
Membre depuis 21 ans
Sujet de la discussion Posté le 16/04/2020 à 15:11:05café du coin : analyse et commentaire de l'actualité poliltique
Un endroit qui fleure bon la France et ses discussions interminables au comptoir pour parler de politique.
Je lance cette question : que pensez-vous de la suppression de l'ISF ?
Je lance cette question : que pensez-vous de la suppression de l'ISF ?
[ Dernière édition du message le 16/04/2020 à 15:13:02 ]
Juju516
9
Nouvel·le AFfilié·e
Membre depuis 3 ans
4371 Posté le 29/11/2020 à 20:08:03
L'ISF, y a que en France que ca existe
je ne paye pas l'ISF
mais supprimons cet impôt débile
je ne paye pas l'ISF
mais supprimons cet impôt débile
kruks
1586
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
4372 Posté le 29/11/2020 à 20:16:21
Sûrement la faute à l'ultra-gauche
Honnêtement s'il n'y a pas de démissions et de restructuration complète du fonctionnement de la police nationale après tous ces faits, on va droit à l'insurrection.
Et accessoirement le retrait complet de la loi sécurité globale aussi, parce qu'à part l'article 24, elle contient aussi le fait de pouvoir déléguer des missions de maintien de l'ordre au privé entre autres...
La loi sur le "séparatisme" est du même acabit, la loi "programmation de la recherche" est une horreur également.
La volonté de ce gouvernement de museler et de criminaliser toute forme d'opposition est délirante : 3 Projets ou propositions de loi en parallèle sur ce thème !!!
Et puis c'est pas comme s'il y avait une pandémie mondiale à gérer en parallèle, ça m'étonnerait qu'ils s'ennuient...
T'as conscience qu'il y a belle lurette que c'est fait ?
Et l'argument : "on fait ça qu'en france" ...
Honnêtement s'il n'y a pas de démissions et de restructuration complète du fonctionnement de la police nationale après tous ces faits, on va droit à l'insurrection.
Et accessoirement le retrait complet de la loi sécurité globale aussi, parce qu'à part l'article 24, elle contient aussi le fait de pouvoir déléguer des missions de maintien de l'ordre au privé entre autres...
La loi sur le "séparatisme" est du même acabit, la loi "programmation de la recherche" est une horreur également.
La volonté de ce gouvernement de museler et de criminaliser toute forme d'opposition est délirante : 3 Projets ou propositions de loi en parallèle sur ce thème !!!
Et puis c'est pas comme s'il y avait une pandémie mondiale à gérer en parallèle, ça m'étonnerait qu'ils s'ennuient...
Citation :
L'ISF, y a que en France que ca existe
je ne paye pas l'ISF
mais supprimons cet impôt débile
T'as conscience qu'il y a belle lurette que c'est fait ?
Et l'argument : "on fait ça qu'en france" ...
Two Beers or not two beers... ?
[ Dernière édition du message le 29/11/2020 à 20:18:54 ]
JohnnyG
10265
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 15 ans
4373 Posté le 29/11/2020 à 20:39:35
D'abord l'ISF c'est pas débile, c'est chacun paye en fonction de ses gains.
Ensuite l'argumentation pour le supprimer c'est faire un chèque en blanc aux plus aisé en espérant qu'ils fassent fonctionner l'économie française. C'est pour investir français.
Au final ils investissent rien du tout.
Ça aurait été plus intelligent de défalquer tout ou partie des investissements... Au moins c'était donnant/donnant.
Bref
Ensuite l'argumentation pour le supprimer c'est faire un chèque en blanc aux plus aisé en espérant qu'ils fassent fonctionner l'économie française. C'est pour investir français.
Au final ils investissent rien du tout.
Ça aurait été plus intelligent de défalquer tout ou partie des investissements... Au moins c'était donnant/donnant.
Bref
kruks
1586
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
4374 Posté le 29/11/2020 à 20:52:39
Réflexions de Geoffroy de Lagasnerie que je trouve intéressantes sur la police :
https://blogs.mediapart.fr/geoffroy-de-lagasnerie/blog/291120/les-conditions-de-la-production-d-un-discours-oppositionnel-de-l-ordre-policier?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-67
https://blogs.mediapart.fr/geoffroy-de-lagasnerie/blog/291120/les-conditions-de-la-production-d-un-discours-oppositionnel-de-l-ordre-policier?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-67
Spoiler - Cliquer ici pour lire la suite
Les images de l’agression policière raciste dont Michel Zecler a été victime ont placé la question de la police au centre de l’actualité. Nous pouvons nous féliciter que cette question reçoive l’attention qu’elle mérite et espérer que les transformations nécessaires auront lieu… Mais nous pouvons aussi être sceptiques. Le fait que des images de la police soient publiées, choquent, puis suscitent l’indignation n’a rien de nouveau. C’est une séquence rituelle, qui se reproduit régulièrement, comme il y a quelques annees lors de l’affaire Theo, ou apres le 1er decembre 2018 lorsque des gilets jaunes ont été frappés au sol dans un Burger King a Paris. Images choquantes, indignations, prises de position, commission de réflexion, puis rien, oubli avant un nouveau cycle : tel est le régime qui organise la présence de la question policière dans notre espace public.
Si ce système du scandale fonctionne comme un système de l’oubli et de l'inertie, c’est en grande partie parce que les discours tenus par les forces progressistes sur les forces de l’ordre manquent leur cible. Ils sont plus incantatoires qu’oppositionnels, ils n’identifient pas les points de transformation possibles et sont par conséquent dénués d'effectivité pratique.
1.D’abord, il faut rompre l’ensemble des discours creux qui appellent à “renouer la confiance entre la police et la population”, à “rapprocher les citoyens de leur police”, à refonder la “légitimité” des actions de l’Etat. Par définition, penser la police c’est penser l’existence d’une institution qui a affaire à des individus qui ne sont pas d’accord, qui ne veulent pas faire ce que l’ordre pose comme légal ou ce que les gouvernants définissent comme légitime. La question du recours à la police se pose lorsque la question de la confiance et de la légitimité ne se pose plus, lorsque quelqu’un va être contraint malgré lui via l’Etat de faire quelque chose qu’il ne veut pas ou de ne pas faire quelque chose qu’il voudrait. Un discours honnête sur la police doit donc cesser d'utiliser des catégories totalisantes et abstraites comme “peuple”, "citoyen“, "légitimité, qui évacuent le problème au moment où l’on croit l’aborder et qui empêchent d'élaborer un discours honnête sur la problématique de l’antagonisme et de notre rapport à la violence. Cette question est d’autant plus important à aborder pour la gauche que dans un monde antagoniste, il y aura toujours quelque chose de l’ordre de la police. Si vous êtes pour l’hôpital public, pour la sécurité sociale, pour payer des impôts, vous êtes pour la police, parce qu’une contrainte fiscale est nécessaire pour les gens qui ne veulent pas payer d’impôts ou qui ne veulent pas partager leur richesse.
2 Tant de discours nous font stagner car ils critiquent les forces de l’ordre en reprenant à leur compte les objectifs de la police. On voit régulièrement des hommes politiques, des journalistes ou des chercheurs se complaire à produire des comparaisons avec d’autres pays pour valoriser leur bonne “doctrine du maintien de l’ordre” fondée sur la “désescalade” par rapport à la tradition française qui produirait du “désordre” et de l’affrontement ”. Mais dénoncer la police sous cette angle revient à ratifier totalement l’idéologie policière et étatique du contrôle de la manifestation, de l’encadrement, de l’”ordre public”, à se donner les mêmes objectifs que les préfets ou les ministres de l’intérieur pour seulement envisager d’autres moyens plus “pacifiques” de les accomplir. Ces discours condamnent la gauche à naturaliser les objectifs de la police et sa vision du monde au lieu d’assumer les objectifs propres à notre camp.. De la même manière, nous ne pouvons pas parler du rapport de la police à la délinquance sans produire d’abord une critique des conditionnements sociaux qui conduisent à la production d'illégalisme et nous interroger alors sur la légitimité même d’aborder ces sujets d’un point de vue répressif.
3 Les prises de position contemporaines sont faibles car elles sont trop obsédées par la thématique de l’impunité des forces de l’ordre. D’abord il est important de remarquer que la question de l'impunité ne concerne pas réellement la police, mais plutôt les procureurs, les magistrats et les experts . Ce sont pas les policiers qui rendent des non lieux, ce sont les juges et donc c’est l’étatisme symbolique de ces derniers et leur façon de se placer plus du côté de la police que de la vérité qui doit être interrogée.
Mais surtout, et comme toujours, la logique répressive conduit à poser les problèmes d’une manière inadéquate. Le problème n’est pas que les policiers ne soient pas punis. Le problème est de les désarmer de façon qu’ils ne puissent plus produire les actes que nous ne voulons plus qu’ils produisent. Il faut penser en termes de modifications des structures et des comportements policiers plutôt qu’en termes de réaction aux structures et aux comportements policiers.
D'autre part, la revendication de la fin de l'impunité policière nous conduit à tomber dans les pièges du légalisme. Il ne faut pas que notre critique de la police nous amène à réactiver le schéma de la nécessaire conformité à ce qui est posé comme légal. Nous savons que, à gauche, nous ne cessons de revendiquer la possibilité d’actions qui s’écartent de la Loi, que ce soit l’action directe, le sabotage, le fauchage d’OGM, l’occupation de bâtiments, l'arrachage de chemise, la fuite de documents secrets… Que quelque chose soit jugé légal n’est pas pertinent pour en évaluer la valeur. Et si nous érigeons la Loi comme critère ultime de notre opposition à la police (en répétant sans cesse : ce qu’ils font est illégal), cela risque de constituer un piège qui se refermera sur nous dans le futur.
Cette question est d’autant plus essentielle que la question de la loi se pose de façon extrêmement particulière lorsqu’il s’agit de la police. Comme l’a largement montré la sociologie, les notions qui fondent l’action de la police et sont censés l’encadrer sont nécessairement floues et interprétables (l’idée de proportion par exemple : les actions policières doivent être « proportionnés » pour être acceptables et il suffit que l’IGPN dise « c’est proportionné » pour que cela passe, les juges et les politiques s'alignant ensuite sur cette affirmation) et ce caractère flou permet à la police de toujours trouver un moyen de justifier la légitimité de ses actions. Autrement dit, la police est dans nos sociétés un corps qui détient la capacité d’interpréter en situation ses propres règlements pour se donner sa propre légalité. C’est la raison pour laquelle la thématique de l'impunité passe à côté des enjeux. Le problème de la police ne vient pas du fait qu’elle produit des actions hors la Loi qui ne sont pas réprimées, mais du fait que lui ait accordé la possibilité de produire sa propre légalité (donc d’agir légalement) et de s’autolégitmer, avec la complicité des juges.
4/ Prendre conscience de cette réalité impose de saisir ceci :l’enjeu d’une critique de la police ne doit pas être son contrôle ex post mais son désarmement ex ante.
5
L’agression de Michel Zecler doit être considérée comme une révélation de la vérité des forces de l’ordre et c’est de cette vérité que nous devons partir. La police n’est pas ce qu’elle prétend être, un corps qui surgit pour nous protéger et interrompre des cycles de violence. La plupart du temps, dans les quartiers populaires notamment, elle intervient alors qu’il ne se passe rien et que personne ne présente de danger. Les policiers ciblent des individus et inaugurent des cycles de violence qui produisent des conséquences dramatiques et n’ont aucun rapport avec la question de la réponse à la violence.
C’est ce qui est arrivé à Adama Traoré, mort à la suite à un plaquage ventral tout simplement parce qu’il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui et que les gendarmes se sont mis en tête de le contrôler. C’est ce qui est arrivé à Zineb Redouane qui était juste à sa fenêtre avant d’être visée par une ou plusieurs grenades lacrymogènes et de mourir. C’est ce qui est arrivé à Steve sur les bords de la Loire. C’est le cas de tant d’opérations de contrôles d’identité et de fouilles qui visent de manière disproportionnée les jeunes garçons noirs et arabe.
Des lors le problème doit être posé ainsi : faire reculer l’ordre policier nécessite d’abord de diminuer au minimum sa capacité à inaugurer des cycle de violence. Et donc à réfléchir sur la question du contrôle d’identité en tant que tel ( pas seulement des contrôles au faciès), de la course poursuite, du droit d’arrestation, des outrages et des rebellions, qui sont autant de dispositifs qui donnent du pouvoir arbitraire à la police. Mais plus que ca, il est nécessaire de depoliciariser la question de la police. L’un des supports essentiels à l'arbitraire policier est la pénalisation des stupéfiants. La guerre à la drogue a toujours été instrumentalisée pour accroître le pouvoir de ciblages des policiers contre celles et ceux qu’elle voit comme des indésirables. C’est pourquoi il ne peut pas y avoir de lutte contre l'ordre policier qui ne passe par une légalisation des stupéfiants...
5/ Enfin, un discours oppositionnel de l’ordre policier doit viser les bonnes cibles. Lorsqu’un fait nous choque nous ciblons souvent spontanément le préfet ou le ministre. Mais c’est oublier que la police est un corps où aussi, très souvent, c’est la base qui a l’initiative et dont les actions sont ensuite couvertes par la hiérarchie puis les autorités et la justice. Il n'y a pas les gentils policiers et les mauvais donneurs d'ordre (comme contribue à le faire croire le hashtag allo place beauvau)...C’est la raison pour laquelle la question du recrutement des policiers, des idéologies instituées, de l”esprit de corps sont particulièrement importants. On sait qu’une procédure judiciaire qui a abouti à la condamnation de certains policiers du 12e arrondissement a montré que les contrôles et harcèlements que ces policiers faisaient subir à une partie de la population se fondaient sur le fait qu’ils percevaient des jeunes garçons et filles comme des « indésirables ». Lors de la mort de Steve des captures d'écran de posts de gendarmes et de policiers ont été publiés où ils se réjouissaient de sa mort et en faisaient un sujet de blague. Le fait que les policiers votent très majoritairement à l’extrême droite et soient très majoritairement d’extrême droite, qu’ils activent des imaginaires de la conquête, de la force, impose de prendre la mesure du fait que si nous voulons changer la police nous devons changer de policiers. Il n’y aura pas de réforme de la police sans décision de mettre à l’écart la quasi-totalité des policiers d’aujourd’hui et aborder tout autrement leur formation, la définition de leur mission et de leur identité. Il n’y a presque aucune transformation envisageable de la police si l’on conserve les mêmes fonctionnaires de police qu'aujourd'hui.
Assa Traoré dit toujours que son frère est mort sous le poids de 3 gendarmes et d’un système. Cette formule exprime la vérité des conditions de la transformation de la police: changer radicalement le système qui rend possible l’action de la police mais aussi changer les gens qui composent cette institution et l’infiltrent pour nous imposer à travers elle leur vision du monde.
Si ce système du scandale fonctionne comme un système de l’oubli et de l'inertie, c’est en grande partie parce que les discours tenus par les forces progressistes sur les forces de l’ordre manquent leur cible. Ils sont plus incantatoires qu’oppositionnels, ils n’identifient pas les points de transformation possibles et sont par conséquent dénués d'effectivité pratique.
1.D’abord, il faut rompre l’ensemble des discours creux qui appellent à “renouer la confiance entre la police et la population”, à “rapprocher les citoyens de leur police”, à refonder la “légitimité” des actions de l’Etat. Par définition, penser la police c’est penser l’existence d’une institution qui a affaire à des individus qui ne sont pas d’accord, qui ne veulent pas faire ce que l’ordre pose comme légal ou ce que les gouvernants définissent comme légitime. La question du recours à la police se pose lorsque la question de la confiance et de la légitimité ne se pose plus, lorsque quelqu’un va être contraint malgré lui via l’Etat de faire quelque chose qu’il ne veut pas ou de ne pas faire quelque chose qu’il voudrait. Un discours honnête sur la police doit donc cesser d'utiliser des catégories totalisantes et abstraites comme “peuple”, "citoyen“, "légitimité, qui évacuent le problème au moment où l’on croit l’aborder et qui empêchent d'élaborer un discours honnête sur la problématique de l’antagonisme et de notre rapport à la violence. Cette question est d’autant plus important à aborder pour la gauche que dans un monde antagoniste, il y aura toujours quelque chose de l’ordre de la police. Si vous êtes pour l’hôpital public, pour la sécurité sociale, pour payer des impôts, vous êtes pour la police, parce qu’une contrainte fiscale est nécessaire pour les gens qui ne veulent pas payer d’impôts ou qui ne veulent pas partager leur richesse.
2 Tant de discours nous font stagner car ils critiquent les forces de l’ordre en reprenant à leur compte les objectifs de la police. On voit régulièrement des hommes politiques, des journalistes ou des chercheurs se complaire à produire des comparaisons avec d’autres pays pour valoriser leur bonne “doctrine du maintien de l’ordre” fondée sur la “désescalade” par rapport à la tradition française qui produirait du “désordre” et de l’affrontement ”. Mais dénoncer la police sous cette angle revient à ratifier totalement l’idéologie policière et étatique du contrôle de la manifestation, de l’encadrement, de l’”ordre public”, à se donner les mêmes objectifs que les préfets ou les ministres de l’intérieur pour seulement envisager d’autres moyens plus “pacifiques” de les accomplir. Ces discours condamnent la gauche à naturaliser les objectifs de la police et sa vision du monde au lieu d’assumer les objectifs propres à notre camp.. De la même manière, nous ne pouvons pas parler du rapport de la police à la délinquance sans produire d’abord une critique des conditionnements sociaux qui conduisent à la production d'illégalisme et nous interroger alors sur la légitimité même d’aborder ces sujets d’un point de vue répressif.
3 Les prises de position contemporaines sont faibles car elles sont trop obsédées par la thématique de l’impunité des forces de l’ordre. D’abord il est important de remarquer que la question de l'impunité ne concerne pas réellement la police, mais plutôt les procureurs, les magistrats et les experts . Ce sont pas les policiers qui rendent des non lieux, ce sont les juges et donc c’est l’étatisme symbolique de ces derniers et leur façon de se placer plus du côté de la police que de la vérité qui doit être interrogée.
Mais surtout, et comme toujours, la logique répressive conduit à poser les problèmes d’une manière inadéquate. Le problème n’est pas que les policiers ne soient pas punis. Le problème est de les désarmer de façon qu’ils ne puissent plus produire les actes que nous ne voulons plus qu’ils produisent. Il faut penser en termes de modifications des structures et des comportements policiers plutôt qu’en termes de réaction aux structures et aux comportements policiers.
D'autre part, la revendication de la fin de l'impunité policière nous conduit à tomber dans les pièges du légalisme. Il ne faut pas que notre critique de la police nous amène à réactiver le schéma de la nécessaire conformité à ce qui est posé comme légal. Nous savons que, à gauche, nous ne cessons de revendiquer la possibilité d’actions qui s’écartent de la Loi, que ce soit l’action directe, le sabotage, le fauchage d’OGM, l’occupation de bâtiments, l'arrachage de chemise, la fuite de documents secrets… Que quelque chose soit jugé légal n’est pas pertinent pour en évaluer la valeur. Et si nous érigeons la Loi comme critère ultime de notre opposition à la police (en répétant sans cesse : ce qu’ils font est illégal), cela risque de constituer un piège qui se refermera sur nous dans le futur.
Cette question est d’autant plus essentielle que la question de la loi se pose de façon extrêmement particulière lorsqu’il s’agit de la police. Comme l’a largement montré la sociologie, les notions qui fondent l’action de la police et sont censés l’encadrer sont nécessairement floues et interprétables (l’idée de proportion par exemple : les actions policières doivent être « proportionnés » pour être acceptables et il suffit que l’IGPN dise « c’est proportionné » pour que cela passe, les juges et les politiques s'alignant ensuite sur cette affirmation) et ce caractère flou permet à la police de toujours trouver un moyen de justifier la légitimité de ses actions. Autrement dit, la police est dans nos sociétés un corps qui détient la capacité d’interpréter en situation ses propres règlements pour se donner sa propre légalité. C’est la raison pour laquelle la thématique de l'impunité passe à côté des enjeux. Le problème de la police ne vient pas du fait qu’elle produit des actions hors la Loi qui ne sont pas réprimées, mais du fait que lui ait accordé la possibilité de produire sa propre légalité (donc d’agir légalement) et de s’autolégitmer, avec la complicité des juges.
4/ Prendre conscience de cette réalité impose de saisir ceci :l’enjeu d’une critique de la police ne doit pas être son contrôle ex post mais son désarmement ex ante.
5
L’agression de Michel Zecler doit être considérée comme une révélation de la vérité des forces de l’ordre et c’est de cette vérité que nous devons partir. La police n’est pas ce qu’elle prétend être, un corps qui surgit pour nous protéger et interrompre des cycles de violence. La plupart du temps, dans les quartiers populaires notamment, elle intervient alors qu’il ne se passe rien et que personne ne présente de danger. Les policiers ciblent des individus et inaugurent des cycles de violence qui produisent des conséquences dramatiques et n’ont aucun rapport avec la question de la réponse à la violence.
C’est ce qui est arrivé à Adama Traoré, mort à la suite à un plaquage ventral tout simplement parce qu’il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui et que les gendarmes se sont mis en tête de le contrôler. C’est ce qui est arrivé à Zineb Redouane qui était juste à sa fenêtre avant d’être visée par une ou plusieurs grenades lacrymogènes et de mourir. C’est ce qui est arrivé à Steve sur les bords de la Loire. C’est le cas de tant d’opérations de contrôles d’identité et de fouilles qui visent de manière disproportionnée les jeunes garçons noirs et arabe.
Des lors le problème doit être posé ainsi : faire reculer l’ordre policier nécessite d’abord de diminuer au minimum sa capacité à inaugurer des cycle de violence. Et donc à réfléchir sur la question du contrôle d’identité en tant que tel ( pas seulement des contrôles au faciès), de la course poursuite, du droit d’arrestation, des outrages et des rebellions, qui sont autant de dispositifs qui donnent du pouvoir arbitraire à la police. Mais plus que ca, il est nécessaire de depoliciariser la question de la police. L’un des supports essentiels à l'arbitraire policier est la pénalisation des stupéfiants. La guerre à la drogue a toujours été instrumentalisée pour accroître le pouvoir de ciblages des policiers contre celles et ceux qu’elle voit comme des indésirables. C’est pourquoi il ne peut pas y avoir de lutte contre l'ordre policier qui ne passe par une légalisation des stupéfiants...
5/ Enfin, un discours oppositionnel de l’ordre policier doit viser les bonnes cibles. Lorsqu’un fait nous choque nous ciblons souvent spontanément le préfet ou le ministre. Mais c’est oublier que la police est un corps où aussi, très souvent, c’est la base qui a l’initiative et dont les actions sont ensuite couvertes par la hiérarchie puis les autorités et la justice. Il n'y a pas les gentils policiers et les mauvais donneurs d'ordre (comme contribue à le faire croire le hashtag allo place beauvau)...C’est la raison pour laquelle la question du recrutement des policiers, des idéologies instituées, de l”esprit de corps sont particulièrement importants. On sait qu’une procédure judiciaire qui a abouti à la condamnation de certains policiers du 12e arrondissement a montré que les contrôles et harcèlements que ces policiers faisaient subir à une partie de la population se fondaient sur le fait qu’ils percevaient des jeunes garçons et filles comme des « indésirables ». Lors de la mort de Steve des captures d'écran de posts de gendarmes et de policiers ont été publiés où ils se réjouissaient de sa mort et en faisaient un sujet de blague. Le fait que les policiers votent très majoritairement à l’extrême droite et soient très majoritairement d’extrême droite, qu’ils activent des imaginaires de la conquête, de la force, impose de prendre la mesure du fait que si nous voulons changer la police nous devons changer de policiers. Il n’y aura pas de réforme de la police sans décision de mettre à l’écart la quasi-totalité des policiers d’aujourd’hui et aborder tout autrement leur formation, la définition de leur mission et de leur identité. Il n’y a presque aucune transformation envisageable de la police si l’on conserve les mêmes fonctionnaires de police qu'aujourd'hui.
Assa Traoré dit toujours que son frère est mort sous le poids de 3 gendarmes et d’un système. Cette formule exprime la vérité des conditions de la transformation de la police: changer radicalement le système qui rend possible l’action de la police mais aussi changer les gens qui composent cette institution et l’infiltrent pour nous imposer à travers elle leur vision du monde.
Two Beers or not two beers... ?
Rifki
16822
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 18 ans
4375 Posté le 29/11/2020 à 20:53:17
Citation de clerks999 :
Citation de Mediapart :La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents
29 novembre 2020 Par Pascale Pascariello et Armel Baudet
Alors que Gérald Darmanin doit être auditionné lundi à l’Assemblée nationale sur l’action des forces de l’ordre, Mediapart publie une nouvelle vidéo témoignant d’une action incompréhensible. Six jeunes, n’ayant commis aucun délit, sont violemment interpellés par des policiers agissant en toute illégalité. L’un des agents tire deux fois, sans sommation, vers la tête du conducteur. La préfecture de police de Paris n’a pas suspendu ce policier affirmant que la justice avait conclu à la légitime défense. Ce qui est faux.
https://www.mediapart.fr/journal/france/291120/la-prefecture-de-police-de-paris-menti-pour-couvrir-les-tirs-d-un-policier-sur-des-jeunes-innocents
C'est consternant, le niveau de mensonge ... que les Français acceptent
J'ai vu la vidéo et j'ai imaginé mon fils au volant de la voiture. C'est consternant.
Dans le doute, le mieux ça serait quand même une ligne inox.
kruks
1586
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
4376 Posté le 29/11/2020 à 20:59:52
Dis toi que s'il n'est pas racisé il y a beaucoup moins de probabilité que ça lui arrive...
Two Beers or not two beers... ?
Rifki
16822
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 18 ans
4377 Posté le 29/11/2020 à 21:09:58
Dans la vidéo, il fait nuit et vu la rapidité de l'intervention, est-ce que les policiers savaient déjà qui se trouvait dans l'auto ?
Dans le doute, le mieux ça serait quand même une ligne inox.
Ipwarrior
8298
Je poste, donc je suis
Membre depuis 20 ans
4378 Posté le 29/11/2020 à 21:23:42
https://twitter.com/i/status/1333116562828636160
Le conducteur a essayé de se dégager avec sa voiture, il n'a pas visé un homme qui était debout sur la chaussée, hommes dont on ne savait rien sur leurs vrais intentions dans la mesure où ils n'étaient pas identifiables par aucuns brassards ou presque.
Tiré sur le conducteur parce qu'il essaie de s'enfuir sans visé un homme sur la chaussée avec son véhicule y'a un problème.
Le préfecture ne protègera pas longtemps des idiots de ce genre.
Ce que je veux dire, c'est qu'un genre ils tomberont sur de vrais truands de haute volée et ils se feront dégommés à agir n'importe comment de la sorte.
Ces "pseudo-flics" se mettent en danger eux même comme des cons à agir n'importe comment.
Bref ils sont idiots et par dessus le marché dangereux.
Ils ont rien compris à l'exercice de leur mission.
Pas de gyrophare, pas de brassards.
Plus simplement on appelle cela des cons...
Mais des cons qui peuvent tuer hein !
Va falloir stopper tout cela manu-militari et radicalement.
Là ça commence à dépasser les bornes.
Le conducteur a essayé de se dégager avec sa voiture, il n'a pas visé un homme qui était debout sur la chaussée, hommes dont on ne savait rien sur leurs vrais intentions dans la mesure où ils n'étaient pas identifiables par aucuns brassards ou presque.
Tiré sur le conducteur parce qu'il essaie de s'enfuir sans visé un homme sur la chaussée avec son véhicule y'a un problème.
Le préfecture ne protègera pas longtemps des idiots de ce genre.
Ce que je veux dire, c'est qu'un genre ils tomberont sur de vrais truands de haute volée et ils se feront dégommés à agir n'importe comment de la sorte.
Ces "pseudo-flics" se mettent en danger eux même comme des cons à agir n'importe comment.
Bref ils sont idiots et par dessus le marché dangereux.
Ils ont rien compris à l'exercice de leur mission.
Pas de gyrophare, pas de brassards.
Plus simplement on appelle cela des cons...
Mais des cons qui peuvent tuer hein !
Va falloir stopper tout cela manu-militari et radicalement.
Là ça commence à dépasser les bornes.
[ Dernière édition du message le 29/11/2020 à 21:35:00 ]
kruks
1586
AFicionado·a
Membre depuis 14 ans
4379 Posté le 29/11/2020 à 21:26:20
Je te met l'article entier en spoiler
Pour résumer : les jeunes dans la voiture étaient soupçonnés de vol de sac à main. On notera l'usage proportionné de la force pour une opération de cette envergure
Spoiler - Cliquer ici pour lire la suite
La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents
29 NOVEMBRE 2020 PAR PASCALE PASCARIELLO ET ARMEL BAUDET
Alors que Gérald Darmanin doit être auditionné lundi à l’Assemblée nationale sur l’action des forces de l’ordre, Mediapart publie une nouvelle vidéo témoignant d’une action incompréhensible. Six jeunes, n’ayant commis aucun délit, sont violemment interpellés par des policiers agissant en toute illégalité. L’un des agents tire deux fois, sans sommation, vers la tête du conducteur. La préfecture de police de Paris n’a pas suspendu ce policier affirmant que la justice avait conclu à la légitime défense. Ce qui est faux.
-------------------------
« Une voiture noire nous a coupé la route. » Des hommes en sont sortis, « j’ai vu deux armes pointées sur nous et, quelques secondes après, on a entendu les coups de feu. » Assis à l’arrière de la voiture, « j’ai baissé la tête, j’ai vu ma vie défiler car j’ai vu la vitre se briser », confie Hugo, 19 ans, l’un des passagers.
Son ami Paul, qui ce soir-là conduisait le véhicule, se souvient, lui aussi, de ces hommes armés qui lui criaient : « “Coupe le contact, coupe le contact, enculé !” J’étais terrorisé. J’ai enclenché la marche arrière, car j’ai cru qu’on allait se faire tuer. »
Cette nuit du 30 avril 2019 restera à jamais gravée dans la mémoire de Paul, d’Hugo et de quatre de leurs amis, âgés de 16 à 22 ans. À 2 heures du matin, dans le bois de Boulogne à Paris, arrêtée à un feu rouge, leur voiture est soudainement bloquée par trois véhicules. Huit hommes armés en sortent, les mettent en joue et l’un d’entre eux tire à deux reprises, visant notamment la tête de Paul.
Contrairement à ce que craignent ces jeunes gens, ces hommes ne sont pas des voyous, mais bien des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) qui, parce qu’ils les suspectent d’un vol de sac à main, les interpellent sans le moindre signe d’identification, ni brassard ni gyrophare. Et, alors que la situation ne présente aucun danger, ils vont user de leur arme sans faire de sommation.
Aucune image de ces violences policières n’a circulé sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Et pour cause, les seuls enregistrements provenant des caméras de vidéosurveillance n’ont été transmis à Paul qu’en juin, après de nombreuses demandes, depuis octobre 2019, de son avocat, Raphaël Kempf, auprès du parquet de Paris.
Enterrées alors même qu’elles prouvent que les policiers agissent en toute illégalité et que l’un d’entre eux fait usage de son arme sans que la situation ne le justifie, ces images « démentent la version des policiers qui m’ont accusé de violence. J’ai été poursuivi pour ça et relaxé seulement en novembre dernier. Par contre, le policier qui a tiré en me visant continue de se balader avec son arme. J’ai porté plainte, mais l’enquête est plus longue le concernant », constate Paul.
Mediapart publie la vidéo de cette violente interpellation.
© Pascale Pascariello, Armel Baudet
Plus d’un an après les faits, la préfecture de police de Paris n’a pris aucune mesure à l’encontre de ces policiers. L’auteur des tirs continue d’exercer. Contactée par Mediapart, la préfecture nous a communiqué une fausse information, déclarant, le 16 novembre, que « le parquet a conclu à la légitime défense », justifiant ainsi qu’« aucune procédure administrative n’a été diligentée à l’encontre du policier ayant fait usage de son arme de service ».
Pourtant, de source judiciaire, le parquet n’a rien conclu de tel. L’enquête ouverte en mai 2019 pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » vient de se terminer et les policiers pourraient bien être poursuivis.
La préfecture de police nous a recontactés le 28 novembre, jour des Marches pour les libertés, légitimant cette fois l’absence de suspension des policiers par « la complexité juridique de cette affaire ». Une communication qui s’emmêle pour tenter de justifier qu’aucune mesure n’a été décidée par le préfet Didier Lallement à l’encontre de ces agents.
Traumatisé, Paul, 22 ans, a eu une incapacité totale de travail (ITT) de quarante jours. Il a été contraint d’interrompre ses études, sujet à des « explosions impulsives », des « crises de pleurs » et des « ruminations centrées sur la peur qu’il a eue de mourir », selon l’expertise psychiatrique.
« La balle s’est logée dans la carrosserie à quelques centimètres à côté de ma tête, confie-t-il à Mediapart. J’ai cru mourir. »
Ce soir-là, Paul part avec cinq de ses amis « pour faire une virée dans Paris. On est allé au bois de Boulogne. Certains n’y étaient jamais allés et on s’était lancé des paris. C’était aussi idiot que ça ». Après avoir demandé des feuilles pour rouler des cigarettes à une prostituée, les six jeunes s’apprêtent à quitter le bois lorsqu’au niveau d’un feu rouge une voiture les dépasse et se met en travers de leur route.
« Deux hommes en sont sortis, une arme à la main. Je pensais que c’était des voyous qui nous braquaient pour nous voler. Ils ne nous ont jamais dit que c'étaient des policiers. » Lorsqu’ils se sont approchés des portières, « j’ai alors mis la marche arrière pour qu’on puisse se sauver parce que je pensais qu’on allait se faire tuer, poursuit-il. Là, j’ai heurté quelque chose en pensant à un arbre ou un trottoir ».
Il s’agit, en fait, d’un troisième véhicule de police banalisé. « Mais je ne l’avais pas vu. Mon attention était prise par les hommes qui nous menaçaient. Lorsque j’ai entendu le bruit des coups de feu, j’ai alors baissé la tête instantanément. »
Paul coupe alors le contact de sa voiture. « Un homme a ouvert ma portière et a essayé de me mettre dehors, mais j’avais la ceinture de sécurité. Il forçait en hurlant », explique-t-il. Choqué, c’est seulement « lorsque j’ai senti une menotte que j’ai réalisé que c’étaient des policiers. J’ai vu que mes amis n’étaient pas blessés. Je me suis dit que c’était bon, que je n’allais pas mourir ici ».
Mais le soulagement de Paul ne dure qu’un instant. Plaqué au sol par trois policiers, l’un d’entre eux lui tire « en arrière le bras, si fort qu’il m’a luxé l’épaule gauche. Je hurlais, mais il ne voulait rien entendre ». Sur le chemin du commissariat, « j’étais dans un état second, raconte-t-il. J’avais l’impression d’être en dehors de mon corps. Un moment de flottement pendant lequel je me refaisais la scène sans parvenir à comprendre ce déchainement de violence ».
Le jeune homme, perplexe, s’interroge : « Je ne sais pas si la couleur de ma peau a eu une incidence, se demande-t-il. Certains d’entre nous étant métis. Les policiers m’ont traité “d’enculé”, de “fils de pute”. »
Rapidement, les poursuites pour vol contre les six adolescents sont abandonnées. Cinq d’entre eux sont libérés, mais Paul voit sa garde à vue prolongée pour « violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique, avec arme par destination sans incapacité totale de travail ».
Autrement dit, il se retrouve accusé d’avoir avec une arme par destination, en l’occurrence sa voiture, commis des violences, en heurtant le véhicule des policiers, sans qu’aucun n’en soit blessé.
Le parquet de Paris a maintenu les poursuites contre Paul, qui a été relaxé à l’issue de sa comparution, le 4 novembre, plus de dix-huit mois après les faits. Diffusées durant l’audience, les images de vidéosurveillance ont confirmé que les policiers, en toute illégalité, ne portaient aucun insigne permettant de les identifier et qu’il était donc parfaitement légitime pour Paul d’avoir dû reculer afin de fuir ce qu’il pensait être des braqueurs. « Pendant plus d’un an et demi, j’étais dans l’attente de ce jugement en étant à la place du coupable. Intérieurement, c’est révoltant », confie Paul, qui a dû interrompre sa formation.
« Quand j’ai vu les impacts de balles sur la voiture, je me suis effondré. » Toujours suivi par un psychologue pour « des crises de stress et de colère », Paul travaille aujourd’hui comme serveur « en attendant de se réorienter et pour payer les frais d’avocat. Tout s’est écroulé, dans mes études et au sein de ma famille, où la relation avec ma mère s’est tendue ».
« Elle est institutrice et mon père travaille dans la sécurité pour le Sénat, précise-t-il. J’ai déjà été contrôlé pour ma couleur de peau, mais je n’ai pas vraiment ressenti de colère contre la police. Depuis ce 30 avril, la peur de mourir et le comportement du policier qui porte plainte contre moi m’ont révolté. »
Il attend aujourd’hui avec impatience que le policier soit jugé. Et ne comprend pas qu’en attendant il ne soit pas suspendu. « La balle est passée à quelques centimètres de ma tête. Et ce policier est toujours armé et continue de travailler. On attend quoi ? Qu’il tue quelqu’un ? »
"Je tiens à préciser que nous avions ni gyrophare ni brassard de police, l'action a pris le dessus."
Les procès-verbaux rédigés la nuit des faits par ces policiers, à la suite de l’interpellation, ainsi que leurs auditions dans le cadre de l’enquête ouverte pour vol, que Mediapart a pu consulter, révèlent une multitude d’infractions commises par ces agents. Le 30 avril 2019, dans des véhicules banalisés, trois équipages de la brigade anticriminalité (de Boulogne, des XVIe et XVIIe arrondissements) tournent autour du bois de Boulogne et entendent un « appel de police secours indiquant un vol de sac à main, […] le seul signalement que nous avions, c’était que l’un des deux était de type africain et le numéro d’immatriculation [correspondant à celui du véhicule des six jeunes] », explique le major Patrick O., chargé de l’interpellation.
Impact de balle sur la voiture conduite par Paul, le 30 avril 2019.
Impact de balle sur la voiture conduite par Paul, le 30 avril 2019.
Ils repèrent alors la voiture. Mais, poursuit-il, avec « le manque d’éclairage, nous étions dans l’impossibilité de déterminer le nombre d’individus à bord du véhicule ». Ils décident de les interpeller, mais, auparavant, contactent par téléphone la victime afin de s’assurer de sa plainte. « Elle ne voulait pas déposer plainte, regrette le chef du dispositif. Mais je l’ai convaincue en lui disant que nous avions des individus en surveillance. Je lui ai dit que nous allions les contrôler et que je la rappellerai pour m’assurer que ce sont bien les deux individus. »
Sans cette plainte, il n’y aurait pas eu « d’interpellation inutile », concède-t-il. D’autant que, selon un autre policier, ils ne disposaient d’aucune description concernant, par exemple, le sac – aucun d’entre eux n’ayant cru bon de se renseigner auprès de la victime.
« Je tiens à préciser que nous n’avions ni gyrophare ni brassard de police, lance, sans complexe, le major Patrick O. L’action a pris le dessus sur le réflexe de sortir son brassard. »
« L’action », c’est bien cela qui semble animer ces policiers ce soir-là. Oubliant leur fonction, ils ont agi dans l’irrespect du code de la sécurité intérieure (CSI), code juridique qui réglemente notamment toute opération de police. Il rend obligatoire le port du brassard, les sommations et délimite l’usage des armes.
Ainsi que le stipule l’article 435-1 du CSI, dans l’exercice de leur fonction, les agents de la police « peuvent faire usage de leur arme revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité ». Et cela, dans plusieurs cas : s’il y a atteinte à leur vie, à leur intégrité physique contre eux ou autrui, si, à la suite de deux sommations, ils ne peuvent défendre autrement un lieu ou des personnes, en cas de fuite des personnes suspectées, pour immobiliser leur véhicule ou pour empêcher la réitération d’un meurtre.
Or, ce soir-là, aucune de ces obligations n’est respectée et les agents ne font face à aucune des situations nécessitant l'usage d'une arme. La confusion est telle que les policiers eux-mêmes ne savent pas qui a tiré. Le chef du dispositif explique que lorsque « les deux coups de feu [sont] entendus, espacés de quelques secondes », il ne savait pas « s’il s’agissait d’un collègue qui avait tiré ou un des passagers du véhicule ». Et pour cause, « à [sa] connaissance », aucune sommation n’a été faite avant les tirs.
L’officier de police judiciaire (OPJ) tente de comprendre les raisons de ces tirs et questionne alors l’agent de la BAC sur la dangerosité des jeunes. La réponse est, en soi, un aveu d’illégalité du recours à la force : « Il n’y avait aucun élément qui nous laissait supposer que les individus pouvaient être dangereux. »
Un autre policier avoue d’ailleurs avoir lui-même fait « un bond en arrière » lorsque son collègue a tiré le premier coup de feu. « Je suis KO, dit-il, je ne réalise pas trop ce qu’il se passe lorsqu’un second coup de feu part. Sous l’impact, un collègue a chuté et j’ai eu aussi un mouvement de recul en réponse à l’impact. J’ai vu le conducteur recroquevillé sur lui-même. »
Auditionné, le policier auteur des deux tirs, Alexis B., tente de les légitimer en prétextant que les jeunes représentaient un danger lorsque leur véhicule a reculé. « Le conducteur a effectué une marche arrière et nous a percutés, je sors et je saisis mon arme et la dirige en direction du véhicule et je fais feu. »
Pour le second tir, il dit avoir « vu la détermination du conducteur, pensant qu’il allait faire une marche avant ». Aucune marche avant n’a été faite, comme l’atteste la vidéo. Sans avoir « visé, je pointe en direction du danger pour protéger les collègues, donc un tir de riposte », qui a été dirigé vers la vitre du conducteur, passant à quelques centimètres de sa tête. Selon lui, il aurait lancé avant de tirer : « Police, police ! »
À l’issue de son audition, outre sa plainte contre Paul pour des violences avec arme par destination, il se plaint « de douleurs aux cervicales », mais « ne souhaite pas aller voir un médecin de l’unité médico-judiciaire ».
Après l’interpellation, le sac n’a pas été retrouvé. Les policiers n’ont d’ailleurs effectué « aucune fouille, ni visite des environs » pour tenter de le récupérer. La plainte pour vol a donc été retirée.
En revanche, le parquet de Paris a décidé de poursuivre Paul pour violences. Et cela, sans exiger d’expertise balistique. Il a fallu que l’avocat de Paul, Raphaël Kempf, en fasse la demande en signalant que « la balle n’a effleuré que de très peu la tête du conducteur ainsi que celle du passager arrière gauche, ce qui évidemment est constitutif de faits extrêmement graves ».
L’enquête a, en outre, été émaillée de nombreux manquements, avec des auditions à décharge des policiers et une retranscription des images de vidéosurveillance parcellaire. Paul n’a d’ailleurs pu avoir accès à ces enregistrements que plus d’an après les faits. « Et cela, après de nombreuses relances. Or, ces images témoignent la violence et l’illégitimité de cette interpellation et démentent la version des policiers », précise l’avocat de Paul, Raphaël Kempf, auprès de Mediapart.
« Ces poursuites décidées par le procureur à l’encontre de Paul visaient à couvrir les violences policières », déplore-t-il. « C’est seulement le 4 novembre que Paul a été relaxé » et l’État a dû verser à Paul 1 000 euros à titre de dédommagement. Par ailleurs, le parquet a annoncé, durant l’audience, que des poursuites seraient engagées à l’encontre des policiers.
« Ce jeune homme a cru mourir et, pendant plus d’un an, a vécu avec la peur d’une peine de prison. Tandis que le policier qui lui tire dessus, à quelques centimètres de sa tête, ne fait l’objet d’aucune garde à vue, d’aucune suspension, d’aucune mesure pour le mettre à l’écart, alors qu’il représente un danger », dénonce Raphaël Kempf, qui regrette que les policiers soient des « justiciables privilégiés. Un traitement qui contribue à leur impunité et leur donne le sentiment d’être au-dessus des lois, avec toutes les dérives que cela induit ».
Il se dit néanmoins « heureux d’apprendre que l’enquête de l’Inspection générale de la police nationale est terminée » et espère que le parquet de Paris va désormais ouvrir une information judiciaire, obligatoire en matière criminelle. « On est dans une situation de tentative d’homicide volontaire avec un policier qui tire en visant le conducteur de la voiture. Quant aux autres agents, ils peuvent se voir reprocher des violences volontaires en réunion contre ces jeunes », conclut-il.
29 NOVEMBRE 2020 PAR PASCALE PASCARIELLO ET ARMEL BAUDET
Alors que Gérald Darmanin doit être auditionné lundi à l’Assemblée nationale sur l’action des forces de l’ordre, Mediapart publie une nouvelle vidéo témoignant d’une action incompréhensible. Six jeunes, n’ayant commis aucun délit, sont violemment interpellés par des policiers agissant en toute illégalité. L’un des agents tire deux fois, sans sommation, vers la tête du conducteur. La préfecture de police de Paris n’a pas suspendu ce policier affirmant que la justice avait conclu à la légitime défense. Ce qui est faux.
-------------------------
« Une voiture noire nous a coupé la route. » Des hommes en sont sortis, « j’ai vu deux armes pointées sur nous et, quelques secondes après, on a entendu les coups de feu. » Assis à l’arrière de la voiture, « j’ai baissé la tête, j’ai vu ma vie défiler car j’ai vu la vitre se briser », confie Hugo, 19 ans, l’un des passagers.
Son ami Paul, qui ce soir-là conduisait le véhicule, se souvient, lui aussi, de ces hommes armés qui lui criaient : « “Coupe le contact, coupe le contact, enculé !” J’étais terrorisé. J’ai enclenché la marche arrière, car j’ai cru qu’on allait se faire tuer. »
Cette nuit du 30 avril 2019 restera à jamais gravée dans la mémoire de Paul, d’Hugo et de quatre de leurs amis, âgés de 16 à 22 ans. À 2 heures du matin, dans le bois de Boulogne à Paris, arrêtée à un feu rouge, leur voiture est soudainement bloquée par trois véhicules. Huit hommes armés en sortent, les mettent en joue et l’un d’entre eux tire à deux reprises, visant notamment la tête de Paul.
Contrairement à ce que craignent ces jeunes gens, ces hommes ne sont pas des voyous, mais bien des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) qui, parce qu’ils les suspectent d’un vol de sac à main, les interpellent sans le moindre signe d’identification, ni brassard ni gyrophare. Et, alors que la situation ne présente aucun danger, ils vont user de leur arme sans faire de sommation.
Aucune image de ces violences policières n’a circulé sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Et pour cause, les seuls enregistrements provenant des caméras de vidéosurveillance n’ont été transmis à Paul qu’en juin, après de nombreuses demandes, depuis octobre 2019, de son avocat, Raphaël Kempf, auprès du parquet de Paris.
Enterrées alors même qu’elles prouvent que les policiers agissent en toute illégalité et que l’un d’entre eux fait usage de son arme sans que la situation ne le justifie, ces images « démentent la version des policiers qui m’ont accusé de violence. J’ai été poursuivi pour ça et relaxé seulement en novembre dernier. Par contre, le policier qui a tiré en me visant continue de se balader avec son arme. J’ai porté plainte, mais l’enquête est plus longue le concernant », constate Paul.
Mediapart publie la vidéo de cette violente interpellation.
© Pascale Pascariello, Armel Baudet
Plus d’un an après les faits, la préfecture de police de Paris n’a pris aucune mesure à l’encontre de ces policiers. L’auteur des tirs continue d’exercer. Contactée par Mediapart, la préfecture nous a communiqué une fausse information, déclarant, le 16 novembre, que « le parquet a conclu à la légitime défense », justifiant ainsi qu’« aucune procédure administrative n’a été diligentée à l’encontre du policier ayant fait usage de son arme de service ».
Pourtant, de source judiciaire, le parquet n’a rien conclu de tel. L’enquête ouverte en mai 2019 pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » vient de se terminer et les policiers pourraient bien être poursuivis.
La préfecture de police nous a recontactés le 28 novembre, jour des Marches pour les libertés, légitimant cette fois l’absence de suspension des policiers par « la complexité juridique de cette affaire ». Une communication qui s’emmêle pour tenter de justifier qu’aucune mesure n’a été décidée par le préfet Didier Lallement à l’encontre de ces agents.
Traumatisé, Paul, 22 ans, a eu une incapacité totale de travail (ITT) de quarante jours. Il a été contraint d’interrompre ses études, sujet à des « explosions impulsives », des « crises de pleurs » et des « ruminations centrées sur la peur qu’il a eue de mourir », selon l’expertise psychiatrique.
« La balle s’est logée dans la carrosserie à quelques centimètres à côté de ma tête, confie-t-il à Mediapart. J’ai cru mourir. »
Ce soir-là, Paul part avec cinq de ses amis « pour faire une virée dans Paris. On est allé au bois de Boulogne. Certains n’y étaient jamais allés et on s’était lancé des paris. C’était aussi idiot que ça ». Après avoir demandé des feuilles pour rouler des cigarettes à une prostituée, les six jeunes s’apprêtent à quitter le bois lorsqu’au niveau d’un feu rouge une voiture les dépasse et se met en travers de leur route.
« Deux hommes en sont sortis, une arme à la main. Je pensais que c’était des voyous qui nous braquaient pour nous voler. Ils ne nous ont jamais dit que c'étaient des policiers. » Lorsqu’ils se sont approchés des portières, « j’ai alors mis la marche arrière pour qu’on puisse se sauver parce que je pensais qu’on allait se faire tuer, poursuit-il. Là, j’ai heurté quelque chose en pensant à un arbre ou un trottoir ».
Il s’agit, en fait, d’un troisième véhicule de police banalisé. « Mais je ne l’avais pas vu. Mon attention était prise par les hommes qui nous menaçaient. Lorsque j’ai entendu le bruit des coups de feu, j’ai alors baissé la tête instantanément. »
Paul coupe alors le contact de sa voiture. « Un homme a ouvert ma portière et a essayé de me mettre dehors, mais j’avais la ceinture de sécurité. Il forçait en hurlant », explique-t-il. Choqué, c’est seulement « lorsque j’ai senti une menotte que j’ai réalisé que c’étaient des policiers. J’ai vu que mes amis n’étaient pas blessés. Je me suis dit que c’était bon, que je n’allais pas mourir ici ».
Mais le soulagement de Paul ne dure qu’un instant. Plaqué au sol par trois policiers, l’un d’entre eux lui tire « en arrière le bras, si fort qu’il m’a luxé l’épaule gauche. Je hurlais, mais il ne voulait rien entendre ». Sur le chemin du commissariat, « j’étais dans un état second, raconte-t-il. J’avais l’impression d’être en dehors de mon corps. Un moment de flottement pendant lequel je me refaisais la scène sans parvenir à comprendre ce déchainement de violence ».
Le jeune homme, perplexe, s’interroge : « Je ne sais pas si la couleur de ma peau a eu une incidence, se demande-t-il. Certains d’entre nous étant métis. Les policiers m’ont traité “d’enculé”, de “fils de pute”. »
Rapidement, les poursuites pour vol contre les six adolescents sont abandonnées. Cinq d’entre eux sont libérés, mais Paul voit sa garde à vue prolongée pour « violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique, avec arme par destination sans incapacité totale de travail ».
Autrement dit, il se retrouve accusé d’avoir avec une arme par destination, en l’occurrence sa voiture, commis des violences, en heurtant le véhicule des policiers, sans qu’aucun n’en soit blessé.
Le parquet de Paris a maintenu les poursuites contre Paul, qui a été relaxé à l’issue de sa comparution, le 4 novembre, plus de dix-huit mois après les faits. Diffusées durant l’audience, les images de vidéosurveillance ont confirmé que les policiers, en toute illégalité, ne portaient aucun insigne permettant de les identifier et qu’il était donc parfaitement légitime pour Paul d’avoir dû reculer afin de fuir ce qu’il pensait être des braqueurs. « Pendant plus d’un an et demi, j’étais dans l’attente de ce jugement en étant à la place du coupable. Intérieurement, c’est révoltant », confie Paul, qui a dû interrompre sa formation.
« Quand j’ai vu les impacts de balles sur la voiture, je me suis effondré. » Toujours suivi par un psychologue pour « des crises de stress et de colère », Paul travaille aujourd’hui comme serveur « en attendant de se réorienter et pour payer les frais d’avocat. Tout s’est écroulé, dans mes études et au sein de ma famille, où la relation avec ma mère s’est tendue ».
« Elle est institutrice et mon père travaille dans la sécurité pour le Sénat, précise-t-il. J’ai déjà été contrôlé pour ma couleur de peau, mais je n’ai pas vraiment ressenti de colère contre la police. Depuis ce 30 avril, la peur de mourir et le comportement du policier qui porte plainte contre moi m’ont révolté. »
Il attend aujourd’hui avec impatience que le policier soit jugé. Et ne comprend pas qu’en attendant il ne soit pas suspendu. « La balle est passée à quelques centimètres de ma tête. Et ce policier est toujours armé et continue de travailler. On attend quoi ? Qu’il tue quelqu’un ? »
"Je tiens à préciser que nous avions ni gyrophare ni brassard de police, l'action a pris le dessus."
Les procès-verbaux rédigés la nuit des faits par ces policiers, à la suite de l’interpellation, ainsi que leurs auditions dans le cadre de l’enquête ouverte pour vol, que Mediapart a pu consulter, révèlent une multitude d’infractions commises par ces agents. Le 30 avril 2019, dans des véhicules banalisés, trois équipages de la brigade anticriminalité (de Boulogne, des XVIe et XVIIe arrondissements) tournent autour du bois de Boulogne et entendent un « appel de police secours indiquant un vol de sac à main, […] le seul signalement que nous avions, c’était que l’un des deux était de type africain et le numéro d’immatriculation [correspondant à celui du véhicule des six jeunes] », explique le major Patrick O., chargé de l’interpellation.
Impact de balle sur la voiture conduite par Paul, le 30 avril 2019.
Impact de balle sur la voiture conduite par Paul, le 30 avril 2019.
Ils repèrent alors la voiture. Mais, poursuit-il, avec « le manque d’éclairage, nous étions dans l’impossibilité de déterminer le nombre d’individus à bord du véhicule ». Ils décident de les interpeller, mais, auparavant, contactent par téléphone la victime afin de s’assurer de sa plainte. « Elle ne voulait pas déposer plainte, regrette le chef du dispositif. Mais je l’ai convaincue en lui disant que nous avions des individus en surveillance. Je lui ai dit que nous allions les contrôler et que je la rappellerai pour m’assurer que ce sont bien les deux individus. »
Sans cette plainte, il n’y aurait pas eu « d’interpellation inutile », concède-t-il. D’autant que, selon un autre policier, ils ne disposaient d’aucune description concernant, par exemple, le sac – aucun d’entre eux n’ayant cru bon de se renseigner auprès de la victime.
« Je tiens à préciser que nous n’avions ni gyrophare ni brassard de police, lance, sans complexe, le major Patrick O. L’action a pris le dessus sur le réflexe de sortir son brassard. »
« L’action », c’est bien cela qui semble animer ces policiers ce soir-là. Oubliant leur fonction, ils ont agi dans l’irrespect du code de la sécurité intérieure (CSI), code juridique qui réglemente notamment toute opération de police. Il rend obligatoire le port du brassard, les sommations et délimite l’usage des armes.
Ainsi que le stipule l’article 435-1 du CSI, dans l’exercice de leur fonction, les agents de la police « peuvent faire usage de leur arme revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité ». Et cela, dans plusieurs cas : s’il y a atteinte à leur vie, à leur intégrité physique contre eux ou autrui, si, à la suite de deux sommations, ils ne peuvent défendre autrement un lieu ou des personnes, en cas de fuite des personnes suspectées, pour immobiliser leur véhicule ou pour empêcher la réitération d’un meurtre.
Or, ce soir-là, aucune de ces obligations n’est respectée et les agents ne font face à aucune des situations nécessitant l'usage d'une arme. La confusion est telle que les policiers eux-mêmes ne savent pas qui a tiré. Le chef du dispositif explique que lorsque « les deux coups de feu [sont] entendus, espacés de quelques secondes », il ne savait pas « s’il s’agissait d’un collègue qui avait tiré ou un des passagers du véhicule ». Et pour cause, « à [sa] connaissance », aucune sommation n’a été faite avant les tirs.
L’officier de police judiciaire (OPJ) tente de comprendre les raisons de ces tirs et questionne alors l’agent de la BAC sur la dangerosité des jeunes. La réponse est, en soi, un aveu d’illégalité du recours à la force : « Il n’y avait aucun élément qui nous laissait supposer que les individus pouvaient être dangereux. »
Un autre policier avoue d’ailleurs avoir lui-même fait « un bond en arrière » lorsque son collègue a tiré le premier coup de feu. « Je suis KO, dit-il, je ne réalise pas trop ce qu’il se passe lorsqu’un second coup de feu part. Sous l’impact, un collègue a chuté et j’ai eu aussi un mouvement de recul en réponse à l’impact. J’ai vu le conducteur recroquevillé sur lui-même. »
Auditionné, le policier auteur des deux tirs, Alexis B., tente de les légitimer en prétextant que les jeunes représentaient un danger lorsque leur véhicule a reculé. « Le conducteur a effectué une marche arrière et nous a percutés, je sors et je saisis mon arme et la dirige en direction du véhicule et je fais feu. »
Pour le second tir, il dit avoir « vu la détermination du conducteur, pensant qu’il allait faire une marche avant ». Aucune marche avant n’a été faite, comme l’atteste la vidéo. Sans avoir « visé, je pointe en direction du danger pour protéger les collègues, donc un tir de riposte », qui a été dirigé vers la vitre du conducteur, passant à quelques centimètres de sa tête. Selon lui, il aurait lancé avant de tirer : « Police, police ! »
À l’issue de son audition, outre sa plainte contre Paul pour des violences avec arme par destination, il se plaint « de douleurs aux cervicales », mais « ne souhaite pas aller voir un médecin de l’unité médico-judiciaire ».
Après l’interpellation, le sac n’a pas été retrouvé. Les policiers n’ont d’ailleurs effectué « aucune fouille, ni visite des environs » pour tenter de le récupérer. La plainte pour vol a donc été retirée.
En revanche, le parquet de Paris a décidé de poursuivre Paul pour violences. Et cela, sans exiger d’expertise balistique. Il a fallu que l’avocat de Paul, Raphaël Kempf, en fasse la demande en signalant que « la balle n’a effleuré que de très peu la tête du conducteur ainsi que celle du passager arrière gauche, ce qui évidemment est constitutif de faits extrêmement graves ».
L’enquête a, en outre, été émaillée de nombreux manquements, avec des auditions à décharge des policiers et une retranscription des images de vidéosurveillance parcellaire. Paul n’a d’ailleurs pu avoir accès à ces enregistrements que plus d’an après les faits. « Et cela, après de nombreuses relances. Or, ces images témoignent la violence et l’illégitimité de cette interpellation et démentent la version des policiers », précise l’avocat de Paul, Raphaël Kempf, auprès de Mediapart.
« Ces poursuites décidées par le procureur à l’encontre de Paul visaient à couvrir les violences policières », déplore-t-il. « C’est seulement le 4 novembre que Paul a été relaxé » et l’État a dû verser à Paul 1 000 euros à titre de dédommagement. Par ailleurs, le parquet a annoncé, durant l’audience, que des poursuites seraient engagées à l’encontre des policiers.
« Ce jeune homme a cru mourir et, pendant plus d’un an, a vécu avec la peur d’une peine de prison. Tandis que le policier qui lui tire dessus, à quelques centimètres de sa tête, ne fait l’objet d’aucune garde à vue, d’aucune suspension, d’aucune mesure pour le mettre à l’écart, alors qu’il représente un danger », dénonce Raphaël Kempf, qui regrette que les policiers soient des « justiciables privilégiés. Un traitement qui contribue à leur impunité et leur donne le sentiment d’être au-dessus des lois, avec toutes les dérives que cela induit ».
Il se dit néanmoins « heureux d’apprendre que l’enquête de l’Inspection générale de la police nationale est terminée » et espère que le parquet de Paris va désormais ouvrir une information judiciaire, obligatoire en matière criminelle. « On est dans une situation de tentative d’homicide volontaire avec un policier qui tire en visant le conducteur de la voiture. Quant aux autres agents, ils peuvent se voir reprocher des violences volontaires en réunion contre ces jeunes », conclut-il.
Pour résumer : les jeunes dans la voiture étaient soupçonnés de vol de sac à main. On notera l'usage proportionné de la force pour une opération de cette envergure
Two Beers or not two beers... ?
[ Dernière édition du message le 29/11/2020 à 21:27:45 ]
Rifki
16822
Drogué·e à l’AFéine
Membre depuis 18 ans
4380 Posté le 29/11/2020 à 21:28:08
Oui je l'ai lu.
C'est encore plus consternant.
C'est encore plus consternant.
Dans le doute, le mieux ça serait quand même une ligne inox.
- < Liste des sujets
- Charte