Suite et fin de notre dossier sur le volume, ses conséquences sur la musique, le son et nos oreilles.
Évidemment, business is business, et les éditeurs ont vu là une belle opportunité de présenter des outils inédits, qu’ils soient de mesure, intégrant les nouveaux standards, que de correction, voire d’inclure ces fonctions dans des produits déjà existants à la faveur d’une mise à jour ou d’un changement de version.
Pas question ici d’une liste exhaustive (difficile de connaître tous les produits à n’importe quel instant T), mais on mentionnera les principaux, de mesure et/ou de correction, qu’ils soient payants ou (chouette !) gratuits.
Norme et outils
Les possesseurs de produits iZotope sont gâtés, à condition d’avoir les versions les plus performantes des logiciels, et donc les plus chères. RX4 Advanced (1199 $), d’abord, intègre un module Loudness qui permet d’analyser puis de corriger les fichiers audio suivant différentes normes, grâce aux présets fournis (EBU R128, ITU-BS.1170 rev. 1, 2 et 3, ATSC A85, la variante US, l’OP-59 pour l’Australie, etc.). On peut y régler manuellement le limiteur True Peak et le niveau en LUFS (iZotope a retenu le LKFS, identique au LUFS).
Ozone 6 Advanced (999 $) offre lui la suite d’outils de mesure Insight (disponible séparément pour 499 $) qui contient un ensemble d’indicateurs de niveaux complets pour les nouvelles normes (sans oublier les classiques Peak et RMS), avec affichage de l’historique du Loudness, sans possibilité de correction via processus ou module dédié.
Chez Flux : :, on trouvera le Pure Analyzer System (279 €), auquel il faudra adjoindre l’option Metering (149 €). Mesures seulement, pas de corrections possibles, voir le test ici.
L’éditeur MeterPlugs propose le LCAST, outil de mesure (seulement) stéréo (199 $) ou surround (399 $) assez complet. Non testé, je ne peux vous en dire plus.
Toujours dans la mesure, on recommandera les outils Hofa-Plugins, en particulier la série 4U, qui est gratuite. Et notamment, le Hofa 4U Meter, Fader & MS-Pan, pour ses fonctions d’affichage EBU R128. Limité, certes, mais gratuit. Une première manière de rentrer dans l’univers des nouvelles mesures, et donc de s’habituer à la lecture de nouveaux indicateurs.
Chez ToneBoosters, pour 19,95 €, le TB EBU Loudness vous offre les mesures de toutes les normes, y compris celles du K-System v2, le True Peak, historique du Loudness et le fonctionnement en stéréo et multicanal… Le moins cher de toute la série, doté de sérieux atouts, notamment via le nombre de pré-réglages, l’indication de l’entrée en action des Gates (voir les docs techniques de la norme).
Autre éditeur, notamment connu pour son Visualizer offrant quasiment toutes les options de mesure (actuellement en version 2), NuGen fournit un ensemble très complet d’outils dédiés à la mesure et à la correction en accord avec la plupart des normes actuelles. Ainsi, le LMCorrect2 (372 €) est un logiciel autonome permettant d’analyser et corriger tout fichier audio (en fonction d’une des normes intégrées sous forme de présets, avec possibilité d’adapter les valeurs paramétrées, un must have si l’on produit beaucoup à destination de divers media. L’ISL2 (234 €) est un limiteur true peak qui permet d’appliquer directement des pré-réglages correspondant aux normes. MasterCheck (120 €) permet de vérifier instantanément la façon dont votre audio sonnera suivant les différentes normes, grâce à sa fonction Offset To Match, avec affichage du PLR (Peak to Loudness Ratio, différence entre les crêtes et le volume perçu). VisLM2 (420 €) est un ensemble d’indicateurs extrêmement complet, avec affichage de l’historique et export des statistiques. Il existe un bundle, le Loudness Toolkit 2, incluant ISL2, LMCorrect2 et VisLM2 (864 €). Les tarifs ne mettent cependant pas ces logiciels à la portée de tout un chacun…
Enfin du côté de chez TC Electronic (tout récemment racheté par Music Group, soit Behringer…), la série d’applications LC Loudness Correct, qui analysent et traitent les fichiers .aif ou .wav, en fonction d’un certain nombre de présets, avec réglages de niveau cible LUFS et dBTP : deux versions, le LC2n (traitement des fichiers stéréo, 358 $) et LC6n (fichiers surround, 838 €). Tout comme le NuGen LMCorrect2, un must have. Le choix sera affaire de goût, le coût des logiciels étant à peu près équivalent. À noter que TC propose aussi des versions sans correction, avec les LM (2 et 6) et LMn (1, 2 et 6).
Vu les tarifs de certains logiciels, on évitera toute réaction motivée par le GAS, et il conviendra de se poser la question de l’utilité et de la rentabilité. En revanche, la connaissance de l’impact des nouvelles normes sur sa propre production sera un plus, et pourra éventuellement résulter en un changement dans les pratiques personnelles de mixage, dans une redécouverte de la dynamique. Les quelques outils de mesure à bas prix (mais pas au rabais) ici présentés se révèleront alors très utiles.
Conclusion (provisoire ?)
Toutefois, ne nous méprenons pas. Ces nouvelles normes ne sont pas encore généralisées, tous les médias n’ont pas obligation d’y souscrire. Avant que tous les sites (principaux pourvoyeurs de musique enregistrée actuellement) ne se conforment par simple volonté (pas de contrainte légale à l’heure actuelle), et sans garantie que tous ceux ayant obligation s’y conforment vraiment (voir comment certains sonorisateurs live, DJ, patrons de bars, boîtes et salles de concerts arrivent à contourner le 105 dB…), on risque d’attendre encore un bon petit moment.
Rappelons, pour enfoncer le clou, comme l’a démontré Earl Vickers, dans sa communication sur le sujet lors de la 129e convention de l’AES, qu’il n’y a aucune corrélation entre le volume d’un titre, d’un disque et leur succès commercial !
Il est temps de conclure ; peut-être de façon provisoire, sait-on jamais, imaginons que tous les acteurs responsables de la Loudness War décident d’un coup d’arrêter… Musiciens, producteurs, ingénieurs du son, ingénieurs de mastering, maisons de disques, radios, télés, mixeurs cinéma, sites internet, commerciaux, journalistes (tiens, on aurait tendance à les oublier, ceux-là), remixeurs, sonorisateurs, DJs, publicitaires : tous d’accord pour reconnaître leur erreur, les dégâts infligés à la fois à la musique, au son et à nos oreilles ! Ne rêvons pas. Ce qui fera changer les choses, comme souvent, est une ou des pressions d’ordre avant tout commercial. Certaines sont déjà en place, reste à en trouver d’autres, et à agir différemment.
En attendant, l’essentiel est que le message passe : le problème n’est pas qu’esthétique, il est aussi et avant tout, vous l’aurez compris, de santé publique.
PS : En guise de cadeau pour conclure cette série d’articles, vous pourrez lire un entretien très intéressant la semaine prochaine…