Un micro de guitare électrique est constitué d’un ou plusieurs aimants et d’une ou deux (parfois trois voire quatre pour les plus gourmands) bobines.
C’est cet incontournable paradigme que Larry Fishman a voulu défier en se passant de bobinage. Il propose ainsi 3 types de micros basés sur son nouveau principe baptisé Fluence : Classic humbucker, Modern Humbucker et celui que nous allons détailler dans quelques instants : Single Width for Strat.
Sans bobine ?
Eh bien, pas tout à fait, car, pour faire court, le principe de base reste le même, à savoir la création d’un champ magnétique et la captation de ses variations.
Ainsi, Fishman garde l’aimant (ici un Alnico IV), mais remplace le fil généralement bobiné à la main par une carte électronique (ou Printed Circuit Board).
Sur cette PCB sont imprimés 48 « équivalents de bobines » dans un sens et le même nombre dans l’autre, le but avoué étant d’obtenir un son neutre, avec une représentation fidèle du spectre sonore. Mais puisque nous autres guitaristes électrifiés ne sommes généralement pas friands de sons « totalement neutres », Fluence intègre un préampli pour « colorer » le son de manière à ce que nos habitudes ne soient pas trop chamboulées.
Avec gourmandise
Car qui dit préampli dit alimentation et donc pile 9V, mais Fishman propose également une batterie Lithium-ion rechargeable via une prise mini-USB, le câble et l’adaptateur secteur étant alors fournis.
La dite batterie promet 250 h de jeu, ce qui est appréciable, mais de là à « sauver la planète » comme le dit Fishman sur son site, sachant qu’un kit de micros actifs consomme en moyenne une pile tous les 2 ans et que la majorité des instruments restent passifs et ne nécessitent donc pas d’alimentation pour fonctionner, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Ceci dit, j’ai dû jouer une centaine d’heures avec et je n’ai donc pas eu à recharger pour le test. Cela reste donc tout à fait raisonnable.
Sans parasites
C’est bien joli tout ça, mais qu’est-ce que cela peut apporter vis-à-vis des traditionnels bobinages ?
En fait beaucoup de choses et même parfois trop ! Je m’explique, en essayant d’être le plus simple possible : Fluence permet de récupérer plus de signal qu’un micro standard, mais ce n’est pas pour autant que les guitaristes veulent entendre l’entièreté de ce signal, en particulier aux extrémités du spectre. Ainsi, Fishman a conçu un préampli avec deux types d’égalisation fixes, baptisées vintage et modern, avec des pics fréquentiels respectivement à 4 et 3 kHz. Ces deux « voicings » sont sélectionnés à l’aide d’un push-pull placé ici sur la tonalité du micro central. Une sorte de buffer intégré permet également à ceux qui ont de longs câbles de perdre un minimum de signal.
On a donc affaire à une sorte de « double-bobinage sans bobinage », actif, le tout au format simple avec un rapport signal/bruit bien supérieur à ce que les micros standards sont capables de délivrer tout en conservant un niveau de sortie raisonnable.
Il est donc urgent de vérifier la pertinence de tout cela avec le plus implacable des arbitres : les oreilles !
Côté Manche
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Branchée dans un Super Sonic Combo en mode Bassman réverb enclenchée, la Stratocaster Road Worn sous inFluence est jouée avec le preset vintage, puis modern. Les extraits témoins sont, quant à eux, réalisés avec une Stratocaster '56 NOS.
- Fluence Manche Vintage 00:42
- Fluence Manche Modern 00:42
- Temoin Manche 00:41
Le mauvais réglage global de la Road Worn nuit énormément à la définition du son délivré, mais la qualité et les aigus brillants sont bien au rendez-vous. Par contre, le bas du spectre et la présence sonore ne font clairement pas le poids face à la '56.
Côté chevalet
Après le clean, place au gros crunch rock’n’roll !
- Fluence Chevalet Vintage 00:37
- Fluence Chevalet Modern 00:36
- Temoin Chevalet 00:38
La différence entre les deux voicings s’estompe légèrement à mesure que le gain augmente, néanmoins, le petit coup de boost dans les médiums que le mode modern apporte pourra rendre de fiers services.
L’ensemble reste, à mon humble avis, en retrait face aux micros Fender en termes de grain, toutefois, la grande quantité d’aigus délivrée peut-être fort utile pour percer dans un mix.
Entre les deux
Les positions intermédiaires se révèlent bien plus sexy de par leur nature moins exigeante en bas médiums. Pour ajouter un peu de réalisme, j’ai ajouté un peu de Reverb (D-Verb, intégrée à Pro Tools) aux extraits sonores qui vont suivre.
- Fluence Manche Central Vintage 00:29
- Fluence Manche Central Modern 00:27
- Fluence central chevalet vintage 00:59
- Fluence central chevalet modern 00:51
Pour finir, j’ai sélectionné le micro central seul et j’ai changé d’ampli pour un Dual Rectifier afin de montrer le potentiel du système Fluence en hi-gain.
- Fluence central vintage 00:53
- Fluence central modern 00:53
Bobine or not bobine ?
Il est juste de saluer l’effort de Larry Fishman, car ce n’est pas tous les jours que l’on a affaire à un nouveau système de micros pour guitare électrique crédible. Néanmoins, si la prouesse technologique est louable, elle n’emportera vraisemblablement pas l’adhésion générale. Le manque de « grain », de « moelleux » et autres expressions subjectives qu’un sondier résumerait par un manque de bas médiums laisse les amateurs de sons chauds à leurs vieilles bobines.
Pour autant, Fluence pourra séduire ceux qui cherchent des aigus cristallins de grande qualité et en grande quantité pour, par exemple, accentuer la dynamique d’un jeu en finger picking ou faire ressortir une cocotte funky dans un mix. Il me faut ajouter que je n’ai pas testé les humbuckers et qu’il est fort probable que ce potentiel dans le haut du spectre soit encore plus appréciable, en particulier en hi-gain.
Reste le prix qui, bien que compréhensible au vu de la R et D nécessaire à l’élaboration de tels micros, paraît tout de même un peu élevé par rapport aux prestations.