Au pays des dynamiques, le Sennheiser MD 421-II fait partie des grands classiques. Fréquemment, sa silhouette oblongue se détache lors de séances d'enregistrement et nombre de techniciens l'adorent. Mais cette solide réputation est-elle si fondée ?
Sennheiser est une marque allemande créée en 1945, juste au sortir de la guerre. À ses débuts, la compagnie développa principalement des microphones avant d’atteindre assez vite une stature bien plus imposante, proposant de nos jours un panel de produits bien plus vaste. Micros, casques, enceintes, barres de son, rien ne semble arrêter la marque allemande devenue dorénavant un énorme groupe financier, propriétaire entre autres, de la célèbre marque Neumann. C’est dire le poids de l’entreprise.
Mais revenons quelques années en arrière…
Das mikrofon
C’est en 1960 que le MD 421 fut mis sur le marché. Ce nouveau microphone dynamique (« MD » venant de « mikrofon dynamische ») s’est vite installé comme un classique dans le monde de l’audio pro, que cela soit pour des interviews, des conférences, ou des enregistrements live et studio.
Hormis le fait qu’il possède étonnamment le même nom qu’un célèbre jeu de dés français, le 421 possède certains attributs qui le distinguent grandement de ses confrères.
Tout d’abord, la forme du microphone, très particulière. Oblongue et reprenant quelque peu le profil d’un pistolet, la silhouette du Sennheiser est rapidement identifiable. En forme de pistolet, dites-vous ? Sa suspension, intégrée au corps du micro est justement munie d’une gâchette qui lui permet de s’enlever très facilement. Trop facilement, même. Si l’idée de départ est plutôt bonne et le côté pratique indéniable, il faut bien aussi lui avouer un côté très énervant. Démunie d’une seconde sécurité, la gâchette saute souvent lors du placement du microphone, lui laissant toute l’opportunité de s’écraser par terre (au revoir petit micro…) ou sur les futs de votre batteur préféré (au revoir petite peau de frappe…). Aussi étonnant que cela puisse paraitre, Sennheiser n’a jamais cherché à améliorer cette suspension qui, pourtant, possède en plus l’inconvénient d’être assez fragile.
Liée à la forme du micro, la position de la cellule à l’intérieur de la grille de protection en a trompé plus d’un. Ne vous fiez pas à votre instinct, il faut placer votre source sonore face au bandeau noir présent sur le dessus du microphone (cf photo). Surtout pas sur le côté, devant la large grille noire, votre prise souffrirait alors d’un son complètement désaxé. Petit pense-bête pour les néophytes : les constructeurs de microphones placent souvent le nom, voire le logo de leur marque, du côté duquel est tournée la cellule (et donc vers où votre source sonore doit être dirigée). Convention adoptée ici par Sennheiser.
Autre particularité : un filtre coupe-bas à cinq positions est situé sur une bague, juste au-dessus de la connectique XLR. Cinq positions oscillant donc entre « M » pour Music, avec un filtre inactif, jusqu’à « S » pour Speak, pour laquelle le filtre est activé de la façon la plus radicale de toutes (cf. la courbe de fréquences). La latitude de jeu entre ces cinq réglages rend le micro bien plus polyvalent qu’un dynamique standard et à elle seule peut expliquer la renommée du micro.
Enfin, dernier petit détail notable : chaque 421 est fourni dans un coffret en plastique suffisamment solide pour transbahuter ou stocker votre micro sans crainte de l’abîmer. Comme disait l’autre : c’est peut-être un détail pour vous…
Les différentes versions.
À l’instar de nombreux autres micros de la même époque, le 421 a connu différentes versions/améliorations au fil des ans. Nous pourrions parler notamment du MD 421-N ou du MD 421 U4, des prises DIN, XLR, des suspensions, de parties du corps en métal ou en plastique, de la cellule, et cetera, et cetera… Chaque version offre une particularité propre et, comme à l’accoutumée, un large débat sans fin a vu le jour…
Quelles sont donc les grosses différences du 421-II par rapport à ses prédécesseurs ? D’après le constructeur, le corps du micro est dorénavant en polyacétal (un composite de verre), il est légèrement raccourci et les composants sont protégés dans un châssis intérieur, les rendant moins sensibles à l’humidité et à la poussière. Par ces modifications, le son du 421 a donc également légèrement évolué. Le constructeur parle d’une plus grande transparence et d’un son plus naturel. Pour avoir pu comparer il y a de cela quelques années, il semble que le 421-II a une présence plus affirmée dans les aigus, accentuée qui plus est par un petit pic vers 4–5 kHz. Les versions précédentes paraissent en comparaison un peu moins dures et un peu plus épaisses. Mais n’ayant jamais effectué de vrai test comparatif A-B, je ne peux apporter de vraie réponse définitive à ce débat…
La Batterie
Kick
Commençons les tests audio avec une prise batterie, le microphone placé devant l’évent de la grosse caisse. Le son du kick est instantanément très bien restitué. Avec déjà une belle attaque et un beau bas, le micro supporte très bien la grosse pression acoustique et amène un côté « cimenté » plutôt intéressant. Le Re20, dans la même position, sonne plus gras, plus rond, plus doux et les deux microphones auraient leur place dans un mix. Mais le Sennheiser, sans aucun traitement extérieur, apporte cet effet « déjà traité » immédiat, bien perçant et très dynamique, qui lui donne un net avantage pour des musiques énergiques et puissantes (ré-écoutez le 1er album de Franz Ferdinand !).
Introduit un peu plus dans la grosse caisse, nous retrouvons fort logiquement encore plus d’attaque (si jamais vous pensiez en manquer). Moins de bas, plus de tranchant, le kick se creuse alors forcément un peu plus et se rapproche d’un son « ballon de basket », mais il semble toujours aussi bien sculpté (à coups de stéroïdes) et toujours puissant. Premier test réussi haut la main pour Sennheiser !
- 01a Md421 Kick00:17
- 01b Md421 Kick + OH00:17
- 01c Md421 Kick OH Solo00:17
- Re20 Kick00:19
- 02a Md421 Kick Inside00:20
- 02b Md421 Kick Inside + OH00:20
- 02c Md421 Kick Inside OH Solo00:20
- Re20 Kick Inside00:17
Snare
Sur la caisse claire, le résultat obtenu dépendra grandement de vos goûts. Le micro délivre toujours une attaque franche et puissante sans aucune distorsion et l’effet de proximité l’agrémente d’une belle corpulence qui se marie très bien avec la piste d’overhead (Coles 4038). Certains pourraient justement trouver la caisse claire un peu trop terne et surtout trop grasse. Pour ceux-là, la bague de coupe-bas se révèlera un vrai plus et les cinq positions proposées leur permettront d’amenuiser l’effet de proximité en fonction du son recherché.
Bonne nouvelle : grâce à sa courbe de fréquences assez ouverte, le Sennheiser arrive même à capter le timbre de la caisse claire et ne semble pas nécessiter de renfort pour offrir un bon équilibre général. De plus, le 421 étant cardioïde, la repisse captée par le microphone est alors assez moindre, sans trop de charley, ni de cymbales. La prise de son n’est aucunement polluée par les autres éléments de batterie.
- 03a Md421 Sn00:17
- 03b Md421 Sn + OH00:17
- 03c Md421 Sn OH Solo00:17
Toms
Indéniablement, le rendu du 421 sur les toms est très bon. L’attaque du microphone est très propre et très bien définie. Remarquez comme il tolère bien la résonance du tom aigu et sur le tom grave, comme l’on sent la profondeur du fut sans avoir non plus un énorme rumble dans le bas du spectre. Du corps, de l’attaque et un son clair et précis : voici les raisons qui font de ce micro souvent le premier choix des ingénieurs pour les toms.
À propos, grâce à sa suspension interne (et en dépit de sa gâchette), le micro se place plutôt facilement, mais l’on regrette parfois que la prise XLR ne soit pas coudée : une fois installé, le micro peut, de par sa longueur, gêner avec les cymbales.
Seul vrai bémol : la diaphonie du 421, qui n’est pas des plus gracieuses. Le son produit par le microphone pour les instruments hors axe est parfois assez désagréable : des fréquences un peu dures et un peu plastiques surgissent. Attention donc si vous voulez mixer vos toms très fort ! Néanmoins, si repisse il y a, elle reste assez moindre et surtout largement gérable : l’ajout d’un simple gate viendra résoudre le problème en un tour de main.
- 04a Md421 Tom Hi00:19
- 04b Md421 Tom Hi + OH00:19
- 04c Md421 Tom Hi OH Solo00:19
- 05a Md421 Tom Lo00:19
- 05b Md421 Tom Lo + OH00:19
- 05c Md421 Tom Lo OH Solo00:19
HH, OH, Front et Room
Voici maintenant tout un panel de position pour lesquelles le 421 montre de réelles faiblesses.
Sur le charley, le son est dur et assez peu défini. En outre, il ne se marie pas très bien cette fois-ci avec le Coles. En position d’overhead, cela n’est guère mieux. Nous retrouvons bien toute l’attaque caractéristique du microphone, mais le rendu, accentué dans les médiums, n’est pas idéal. Certes, Sennheiser n’a jamais clamé ce micro être l’égal d’un Neumann U87, mais l’on pouvait tout de même en espérer un meilleur résultat. Le bas manque cruellement. Tout comme la définition. Le rendu, un peu aigre et plat, manque d’ampleur et semble même un peu nasillard.
Mêmes remarques en éloignant le micro en position d’ambiance. Une égalisation est indispensable pour amoindrir la rigidité du son, surtout des cymbales. La couleur sonore, toujours assez médium, manque de profondeur pour recréer l’effet « oomph » d’une belle ambiance bien roomy. Il faut se rendre à l’évidence : le côté claquant du micro marche très bien couplé à l’effet de proximité, mais devient vite plus agressif sur des sources plus fines (comme le charley) ou plus lointaines (en overhead ou ambiance). Cela lui faisant perdre beaucoup de corpulence et de profondeur… comme de naturel.
A contrario, son côté un peu sale pourrait être parfait dans un contexte rock ou punk pour se tourner vers une trash room bien énervée et cinglante… et le micro pourrait alors tirer toute son épingle du jeu.
- 06a Md421 HH00:17
- 06b Md421 HH + OH00:17
- 06c Md421 HH OH Solo00:17
- 07a Md421 Position OH00:17
- 07b 4038 OH00:17
- Drums Front 42100:17
- Drums Front U8700:17
- Drums Room 42100:17
- Drums Room U8700:17
Sur des amplis
La Basse
De retour en proximité, le 421 revient instantanément dans les cour des grands. Ouf !
Une fois de plus, l’effet de proximité du microphone joue son rôle et apporte un bas médium bien présent et bien plein. Le son est superbement équilibré. Comparé au Re20, le Sennheiser développe une couleur un peu plus rock, de par ce haut médium un peu plus accentué, plus agressif, parfait pour accentuer le côté nerveux de l’instrument. En son clean ou en son fuzz, la prise de basse se tient parfaitement, corpulente et en même temps bien ciselée pour passer dans votre mix. Superbe !
- Bass 42100:27
- Bass Re2000:27
- Bass 421 B00:23
- Bass Re20 B00:23
- Bass 421 Fuzz00:27
- Bass Re20 Fuzz00:27
- Bass 421 B Fuzz00:26
- Bass Re20 B Fuzz00:26
La guitare électrique
Mêmes remarques avec un ampli guitare. Le 421 offre un très bel équilibre : le bas est présent, mais ne bave aucunement. Les médiums comme les aigus sont affutés sans être stridents. Comparé au 57, le Sennheiser est clairement plus large, plus imposant, plus défini.
Comme pour la grosse caisse, le rendu, massif et parfaitement contrôlé, paraît déjà taillé pour passer dans un mix. La dynamique du micro et son tranchant sont excellents pour accentuer le jeu de médiator et/ou le petit grésillement de l’ampli (cf. palm-mute et fuzz).
Si nous devions chercher la petite bête, nous pourrions lui trouver une tonalité un poil plastique dans le haut médium voire une petite envie de filtrer un peu les aigus, mais tout ceci dépend principalement du son recherché comme des réglages de votre ampli et n’entache aucunement la grande qualité de restitution du microphone.
- Gtr Elec 421 Surf00:20
- Gtr Elec Sm57 Surf00:20
- Gtr Elec 421 Arpege00:27
- Gtr Elec Sm57 Arpege00:27
- Gtr Elec 421 PalmMute00:24
- Gtr Elec Sm57 PalmMute00:24
- Gtr Elec 421 Fuzz00:25
- Gtr Elec Sm57 Fuzz00:25
Sur des prises acoustiques
Devant des instruments projetant beaucoup moins, on sent d’emblée que le 421 n’est pas dans son domaine de prédilection, mais il tient le choc et s’en sort finalement pas si mal. La prise de guitare acoustique fonctionne amplement, sur le jeu au médiator comme aux doigts. Toutefois, nous retrouvons toujours une résonance assez peu naturelle dans le haut médium. Si la prise pourrait fonctionner pour un mix chargé, le son du 421 est tout de même un poil creusé et il lui manque un petit peu de profondeur pour restituer tout le côté boisé, chaleureux et intimiste de l’instrument. Bien évidemment, ces remarques sont à prendre avec des pincettes et surtout à contextualiser avec le prix du micro. In fine, le résultat est bien plus qu’honorable pour un dynamique.
Il en est de même sur les clochettes : la prise fonctionne et n’a pas tant à rougir face au U87, mais les harmoniques sont un peu rêches à fort volume. Comme pour les prises d’overhead de batteries, l’éloignement accentue le manque de rondeur et surtout de profondeur du micro. Si la prise se tient, il lui manque cette belle magie que le 421 nous offre en prises de proximité.
- Gtr Ac 42100:13
- Gtr Ac U8700:13
- Gtr Ac Arpege 42100:15
- Gtr Ac Arpege U8700:15
- Bells 42100:18
- Bells U8700:18
La Voix
Comme tout bon dynamique qui se respecte, le 421 est efficace sur les prises de voix. Son fuselage est parfait pour tenir dans la main (une fois la fameuse suspension enlevée) et sa gestion des plosives est très bonne (les filtres de coupe-bas pourront toujours aider en plus si besoin). Le bas médium s’en retrouve puissant tout en étant contenu. Quant aux hauts médiums, leur présence (avec cette petite pointe à 4–5 kHz) facilite grandement à l’intelligibilité de la voix, ce qui fait du Sennheiser un micro redoutable pour les voix parlées.
Pour de la musique, il pourra être parfait pour des prises témoins ou live. Cependant, pour les fans de prises grasses et chaleureuses avec de gros micros à lampes, le 421 pourra vite sembler un peu froid, voire trop creusé… Le coupe-bas enclenché sur la position Speak paraît d’ailleurs un peu violent et sabre d’autant plus la voix, surtout sur du chant. Il faudra donc l’utiliser avec parcimonie, en fonction de l’environnement sonore de votre source, comme de sa distance du microphone. Au vu des tests précédents, il ne fait aucun doute que le 421 sera surtout bénéfique pour les voix puissantes et les chanteurs à coffre. Sûrement moins sur des voix plus douces ou plus fluettes, sur lesquelles le côté un peu plastique et non naturel risque de vite réapparaitre.
- Vx 42100:13
- Vx U8700:13
- Vx 421 LoCut00:13
- Vx U87 LoCut00:13
Conclusion
Le Sennheiser MD 421-II est un excellent microphone dynamique. Il n’est pas forcément le plus adéquat pour des prises d’ambiance, mais il se révèle magnifique dès lors qu’il est utilisé en proximité, surtout face à des sources puissantes et dynamiques. Dans ces conditions, il retrouvera toute la corpulence, toute la dynamique et toute la définition qui font de lui un micro d’exception ! Grosse caisse, toms, percussions, amplis guitare/basse, cuivres, voix, sa polyvalence est illimitée et aucun volume sonore ne semble lui faire peur, bien au contraire. Quand le 421 fonctionne, il le fait à la perfection et ses petits défauts se font bien vite oublier. Pas de doute : voilà (encore) un microphone soixantenaire qui tient la forme !