DPA, qui nous avait habitué à des mini micros ultra sensibles, sort le 4055 dédié à la grosse caisse. Un mariage étonnant pour un résultat annoncé révolutionnaire. On a testé et écouté pour vous dire ce qu’il en est.

DPA, précis et moderne
La marque DPA c’était surtout, pour nous et pour nombre de techniciens son, des micros serre-têtes couleur chair sur des plateaux télé, des lavaliers (micros cravate) sur les tournages… Si vous avez déjà travaillé pour l’audiovisuel, vous connaissez sans doute ces produits. Mais ce qu’on sait moins, c’est que la marque danoise a développé quelques micros à condensateurs pour la musique également. On ne les connaît pas tous, mais vu les prix pratiqués ils ont intérêt à être précis ! En tout cas, c’est clairement le crédo de cette marque : des micros électrostatiques sensibles, performants, discrets et innovants. D’ailleurs, les produits avec lesquels DPA s’est lancé étaient des micros de mesure, et c’est seulement dans les années 1990, après plusieurs décennies d’expertise dans ce secteur, que la firme danoise s’est lancée sur le marché de l’audio pro. Et voici donc, dans ce contexte, le microphone dédié à la grosse caisse, le DPA 4055.
Dans le paysage des micros spécialistes de la grosse caisse, il y a des références bien connues, le Beta 52 chez Shure, le D6 pour Audix, et notre favori RE20 de la marque Electrovoice (qui n’est pas exclusivement un micro kick, mais on l’utilise beaucoup dans ce rôle) … Ce sont en règle générale des micros dynamiques, à l’exception du Beta 91 de Shure, qui est un électrostatique hémicardioïde que l’on place à l’intérieur de la grosse caisse, souvent en complément d’un dynamique placé dans l’évent ou devant la peau. Ces micros sont pour certains un peu rustiques, généralement pas très onéreux et construits pour pouvoir encaisser les coups de battes sans trop broncher. Or, avec le 4055, DPA apporte une proposition bien différente avec un micro à condensateur qui se positionnera de la même manière que ses concurrents ou confrères dynamiques.
Un condensateur de fréquences
Car ce micro grosse caisse n’est vraiment pas comme les autres, en tout cas pas comme ceux qu’on connaît. D’abord parce que c’est un micro à condensateur. Il vous faudra par conséquent l’alimenter depuis le préampli en 48v, et peut-être vous faudra-t-il lui affecter un atténuateur aussi, si le batteur est un peu trop costaud au niveau de ses cuisses, parce qu’il est particulièrement sensible. On nous annonce 2 mV / Pa, alors que le Beta 52 serait à 1 mV, et que le D6 serait lui carrément à 0.8 mV. C’est vrai qu’on peut lui rentrer très fort dedans, à ce bon vieux D6. Pour revenir au 4055, la marque vante sa réponse en fréquence linéaire, fidèle à la source, et naturelle : c’est le crédo DPA, pour ce produit comme pour les autres, la restitution précise et naturelle de la source enregistrée ou sonorisée. Et on ne vous dira pas le contraire à propos du 4055 ! On nous parle aussi d’une directivité cardioïde ouverte, qui se situerait entre cardioïde large et cardioïde classique, et que Schoeps avait déjà développée avec sa fameuse capsule MK 22, en version petite membrane. Un micro électrostatique étant sensible (bien plus qu’un dynamique) à toute variation de pression, à tout mouvement, ce micro a été équipé d’un filtre anti-vent devant la capsule, et d’un système anti-vibration qui isole la capsule des vibrations solidiennes. La marque danoise, qui investit particulièrement dans sa branche recherche et développement, assure que ses micros sont assemblés à la main et calibrés 15 fois avant approbation. En conséquence, cette technologie de pointe et cette précision, ça a un coût : autour de 630 €. C’est près de trois fois plus que les micros les plus répandus du même usage, de chez Shure ou Audix, on n’est clairement pas dans la même gamme de produit.
Le pouvoir du Phantom
En avant la grosse caisse
On commence par les placer tous deux à l’extérieur de la grosse caisse, à quelques centimètres de la peau, en faisant attention à être le plus possible dans le même axe, et à ce que les préamplis des deux micros soient réglés pour avoir des signaux d’entrées comparables, linéaires et sans aucun traitement. On se rend très vite compte que le 4055 révèle des graves qui descendent très bas, beaucoup plus bas qu’avec notre RE20. Le son est profond, mais garde pour autant une couleur très intéressante dans les hauts médiums et les aigus. On entend se dessiner la sensibilité du micro statique, et les détails du son de la peau sont précis et claquants. Les bas médiums, qui peuvent parfois être un peu envahissants lors d’enregistrement de grosse caisse, semblent être amoindris, naturellement nettoyés. Pour synthétiser cette première impression, l’image sonore est large et complète, et la pollution du reste de la batterie (communément appelée repisse), n’est pas très importante, contrairement à ce qu’on pourrait présupposer d’un micro statique cardioïde et ouvert.





Les graphiques de l’analyseur de spectre nous confortent très rapidement dans notre perception des fréquences graves. Le DPA possède une bosse entre 45 et 75 Hz, alors que le M88 et le RE20 situent eux leurs bosses plutôt entre 75 et 100 Hz. On remarque aussi que les médiums, surtout entre 1 et 2 kHz, vont être un peu plus atténuées chez le DPA qu’avec nos deux références, ce qui correspond à l’impression de nos oreilles, qui ont moins eu envie de nettoyer le surplus de présence qu’il y aurait chez Beyer ou Electro-voice. À gauche le graphique représente les fréquences du DPA, et à droite, celles du RE20.
Un micro Kick pour un mega son ?


Enfin, on a très envie de voir comment le signal fourni par notre nouveau jouet va se comporter si on essaie de le corriger, ou de le caractériser en augmentant ou atténuant quelques bandes de fréquences de son spectre. On applique la même égalisation à notre RE20, ainsi qu’à notre vieux BeyerDynamic M88 (qu’on adore ici). Voici l’égalisation assez classique qu’on applique à nos trois tranches de console, de façon purement théorique: on augmente un peu le 50 Hz, on atténue un peu le 400 Hz avec une incidence assez large, afin de diminuer la présence d’harmoniques et de petits artefacts de peau, on augmente assez précisément le 4 kHz pour faire ressortir l’attaque, et on applique un léger shelf à partir de 10 kHz pour ramener les aigus de la peau. Comme on pouvait s’y attendre, le 4055 réagit parfaitement à cette égalisation, son spectre s’élargit encore vers le grave, et notamment ce qui est en dessous de 50 Hz. La légère bosse à 4 kHz nous ramène une superbe précision qui nous permettra de le placer sans aucune difficulté dans un mix. On remarque au graphique de l’analyseur de spectre que le M88 et le RE20 ont eu plus tendance à venir gommer le médium, en particulier autour de 1 kHz, alors qu’ils ont aussi davantage augmenté les fréquences de l’attaque (autour de 4kHz). L’immense différence réside dans les fréquences graves, l’amplification du 50 Hz se matérialise par une bosse qui commence à 22 Hz et qui culmine dès 45 Hz, contrairement à nos deux autres références dont la bosse des graves culmine bien plus haut, autour de 75 Hz. On a clairement 10 dB de différence à 22 Hz, ce qui pourrait faire trembler quelques pantalons si on pouvait le tester sur un gros système de diffusion. Le seul résultat qui nous étonne un peu, c’est de voir que notre nouveau DPA est le micro qui a le moins été sensible à l’augmentation des fréquences très aiguës. À gauche le graphique représente les fréquences du DPA, et à droite, celles du M88.



Conclusion
Ce micro DPA 4055 est effectivement très performant, large, précis… On ne peut que confirmer ses qualités vantées par la marque, et la rumeur enthousiaste qui a accompagné son arrivée. Il coûte un peu cher, mais c’est légitime au vu de la qualité du produit, sachant qu’au-delà de la grosse caisse, il saura évidemment se rentre très utile pour tous les instruments avec un gros méchant bas, à commencer par la basse. Très probablement un futur classique des studios d’enregistrement.