Naturel est une firme française fondée par Guillaume Naturel, saxophoniste de jazz accompagnant notamment l’artiste salsa Tito Puentes. Le SR-1, premier produit de la marque, est un microphone à ruban, entièrement fabriqué en France, qui vient concurrencer les « indétrônables » R121 de chez Royer ou 4038 de chez Coles. Alors, cocorico ?
Le déballage
Le SR-1 est livré dans une housse, elle-même placée dans une boîte. Les précautions sont toujours bonnes à prendre avec des micros à ruban. Leur fragilité légendaire (notamment à cause de la technologie du ruban) nécessite de les conserver dans les meilleures dispositions. Évitez de l’exposer aux courants d’air ou aux trop grandes pressions acoustiques, cela garantira une longue vie au SR-1 (et à tous les autres micros à ruban) !
En le sortant de sa housse, on est de suite attiré par la beauté du micro. Quel look ! Il fait, inévitablement, bonne figure lorsqu’on l’installe. Livré avec sa suspension, Naturel a mis les petits plats dans les grands et a fourni à son (superbe) micro un conditionnement à la hauteur.
En condition
Gracieusement prêté par Funky Junk, le Naturel SR-1 a passé plusieurs semaines au studio Montmartre Recording, où nous avons eu le loisir de l’essayer sur de nombreux instruments. Et nous n’avons pas été déçus de ses performances puisque nous l’avons régulièrement utilisé, et ce dans de multiples circonstances.
Le son, particulièrement chaud, délivré par ce micro lui confère une polyvalence fort appréciable. À l’image des autres micros à ruban haut de gamme, le SR-1 peut encaisser de fortes pressions d’air. Sa réponse en fréquence est décrite comme plate et étendue (de 20 Hz à 18 kHz), d’où, sans doute, le nom de « Naturel » pour la marque. Ce qui est, dans de nombreuses circonstances, un sacré atout.
Comme les autres micros à ruban que nous utilisons, le Naturel SR-1 s’adapte très bien aux batteries, aux cuivres, aux pianos ou aux guitares (acoustiques et électriques). Nous l’avons soumis à divers tests comparatifs avec d’autres micros à ruban comme le Royer R121 et le Coles 4038. Pour info, le Naturel SR-1 possède une réponse en fréquence plus étendue que les deux autres micros (20 Hz à 18 kHz pour les Naturel, de 30 Hz à 15 kHz pour le Coles et le Royer). D’un point de vue de la conception, le Naturel tend à se rapprocher du Royer, son aimant étant en néodyme. Le ruban, d’une épaisseur de 2 microns, est en aluminium. À l’instar des autres micros à ruban, le SR-1 est un micro bidirectionnel.
Les premières impressions qui nous viennent concernent les graves rendus par le micro. Sur une grosse caisse ou un ampli basse, le SR-1 est fabuleux. La réponse en fréquence étendue et quasi plate que l’on nous a vendu avec le micro n’est pas si évidente que ça. Sur de nombreuses sources il sera nécessaire de, soit le coupler avec un autre micro, soit booster un peu les aigus. On peut constater aussi que l’on a besoin de pousser plus le préampli avec le SR-1 qu’avec les autres rubans…
Nous l’avons, donc, soumis à un test comparatif avec d’autres micros à ruban (2 Coles, Royer R121) et plusieurs statiques (Neumann U87, 2 Neumann KM184, 2 AKG C414)
Pour tous ces tests, les impédances ont été réglées de cette manière :
Neve 1073 DPD : impédance High (1.2kΩ)
Phoenix Audio DRS-8 : fixe à 1.4kΩ
API 512c : fixe à 1.5kΩ
Amek : 5 kΩ
Extraits 1 : Overhead Drums en couple stéréo
Préampli : Neve 1073 DPD
- OH Naturel 00:16
- OH Coles 00:16
- OH Km184 00:16
- OH C414 00:16
Les premières impressions sont évidentes : le son des rubans est naturellement plus chaud, punchy, coloré… La différence de technologie est flagrante. On remarque, par rapport aux statiques, un effet plus « boomy » sur la batterie dû au bas du spectre généralement mieux défini et mis en valeur par les aigus plus doux. Il faut savoir que les rubans utilisés sont bidirectionnels, et que leur son est d’autant plus coloré par l’acoustique de la pièce.
Commençons par noter les différences entre les deux rubans. Le Naturel SR-1 délivre un son chaud, plus sombre que les Coles : en contrepartie de son bas généreux, les médiums aigus et aigus paraissent un peu « entamés » et moins précis que ses collègues, malgré une petite bosse dans les fréquences de précision (16–17 k) que les autres micros à ruban n’ont pas, et qui dans cette configuration fait ressortir un peu trop la charley… C’est dommage, mais la couleur générale reste typée et cohérente. Un placement de micro judicieux ou une légère EQ permet de contourner ce détail.
Avec les Coles on atteint le sommet de l’équilibre ! Au-delà des quelques différences concrètes de fréquences par rapport aux autres micros (bosse subtile dans les médiums légèrement plus haute que le Naturel, ce qui le rend un peu plus « ouvert ») le résultat est imprenable : le son est purement et simplement musical… Quelques mots subjectifs pour en parler : corps, punch, chaleur, beauté, définition. Quelques notes techniques : bas généreux (moins que le Naturel) et défini, médiums équilibrés et aigus doux : l’équilibre entre les fûts et les cymbales est idéal. Mais le Naturel n’a pas à rougir, il possède sa propre couleur et s’intègrera très bien parmi les autres micros de la batterie.
Comparé aux rubans, le rendu overhead avec les C414 est moins intéressant (mais très correct) par son manque de corps (très peu de bas médiums et médiums en général, ce qui donne aux fûts un son moins gonflé qu’avec les rubans) et des aigus trop présents et pas toujours flatteurs (cymbales et charley en avant plan). Ils ont cependant le mérite d’être précis et incisifs sur les attaques kick/caisse claire. Moins beaux encore, les KM sonnent encore plus aigu, ce qui enlaidit la charley qui sonne « sac plastique », et rend l’ensemble très synthétique.
Extraits 2 : Room Drums en couple stéréo
Préampli : Amek Purepath DMCL
- ROOM Naturel 00:16
- ROOM Coles 00:16
- ROOM Km184 00:16
- ROOM C414 00:16
Quasiment les mêmes constats qu’en overhead, la couleur qu’apporte le ruban est incontestablement plus musicale qu’avec un micro statique !
Les Naturels donnent tout de suite une belle sonorité ronde, avec de très bonnes basses complétées par cette petite sensibilité dans les extrêmes aigus qui retranscrivent bien le dynamisme d’une batterie. Le kick et la caisse claire ressortent bien, l’ensemble est pêchu et équilibré.
Les Coles quant à eux donnent un résultat plus racé avec cette différence de couleur (on sent une marche d’environ 1/2 ton plus haut entre la bosse bas-médium des Coles et celle des Naturels) ainsi que des aigus plus ouverts, toujours doux et très raffinés. La couleur du son de batterie est magnifique, typée « vintage » haute définition.
Extraits 3 : Guitare Folk
Préampli : Neve 1073 DPD
- GtAcNaturel 00:12
- GtAcColes 00:14
- GtAcR121 00:12
- GtAcU87 00:12
On constate beaucoup de graves dans le Coles, trop même. Une certaine chaleur certes, mais qui ne semble pas idéalement taillée pour la guitare acoustique (bas et bas médium trop important et sans intérêt). Même chose pour le Naturel, qui est encore moins défini que le Coles dans les médiums aigus. Le Royer est quant à lui un peu plus précis, plus nasillard en comparaison avec les deux autres, ce qui n’est pas pour déplaire, car on manquait de ces fréquences avec les deux précédents micros. Cependant on est toujours loin de la clarté d’un U87 ! Ce dernier choix est dans la plupart des cas plus adapté à une prise de proximité sur une guitare, mais tout est question de goût et d’orientation, on peut avoir de très bonnes surprises avec des combinaisons de micros et des placements judicieux.
Extraits 4 : Guitare Electrique
Préampli : Neve 1073 DPD
- GtElecNaturel 00:28
- GtElecColes 00:30
- GtElecR121 00:29
- GtElecU87 00:31
Vu le son de gratte qu’on obtient avec le Coles, on a tout de suite envie de ne poser que ce micro devant l’ampli et basta ! Un bon bas, une grosse pêche et des aigus encore une fois délicieusement adoucis et équilibrés, ce qui donne vraiment un beau son coloré, chaud, sensation de velours…
Le Naturel n’est pas tout à fait aussi musical, il est un peu moins ouvert, plus sombre, mais sa couleur particulière est intéressante sur un ampli guitare. Elle colle bien à des styles un peu plus dark, un peu plus crunchy. On peut l’utiliser seul pour un son plutôt sourd et caverneux, ou bien le coupler à d’autres micros, en proximité ou en room.
Comme sur la guitare acoustique, le Royer R121 apporte les fréquences un peu plus concrètes de l’instrument, à savoir les médiums et hauts médiums, ce qui réveille le coté agressif de l’ampli et amène une précision bienvenue.
À côté de ça le U87 donne immédiatement une teinte plus moderne par sa technologie différente, les extrêmes aigus orientent immédiatement le son de guitare vers un genre musical différent, plus industriel et plus agressif, mais sans être pour autant particulièrement musical… En tout cas sur un ampli ainsi réglé il fera difficilement l’affaire pour obtenir un beau son brut avec un seul micro.
Les microphones à ruban, en plus d’avoir chacun leur couleur propre, donnent donc tous un gros son bien chaud sur les guitares saturées, avec un bas bien fourni et un ensemble cohérent et naturellement beau, avec un seul micro bien placé ! Ils sont un bonheur pour des genres musicaux qui vont du blues au heavy métal en passant par la plupart des styles de rock.
Extraits 5 : Voix
Préampli : Neve 1073 DPD
- Voix Naturel 00:33
- Voix Coles 00:33
- Voix U87 00:33
Là encore, la grande présence des fréquences basses des micros à ruban ne rend pas un résultat convaincant sur la voix (à moins d’un effet voulu), et surtout sur le SR-1 qui a vraiment un bas costaud. Tellement costaud que les plosives deviennent percussions (à tester sur du beat box ?)
On se retrouve encore une fois face à l’évidente perfection du U87 à capter les voix (bas atténués, mais présents, médiums et aigus pleins et équilibrés, son clair et précis), mais encore une fois tout est question de choix.
Note : après avoir étudié les caractéristiques du Naturel SR-1, nous avons constaté de manière récurrente une sensibilité du micro dans les fréquences aigües (entre 16k et 17k), un détail confirmé par l’analyseur de fréquences (cf. image ci-contre). Cette sensibilité est accentuée par un creux à 13 k. La courbe orange représente la moyenne du spectre de la prise overhead des Coles, et la courbe blanche celle des Naturels. On constate le même phénomène sur toutes les autres prises que nous avons effectuées. Ces caractéristiques n’apparaissent pas manifestement sur la courbe de réponse du micro, outre le fait qu’il a une réponse en fréquence étendue dans les aigus face à la plupart des autres rubans qui coupent à 15 k. Choix du constructeur ou défaut de fabrication ?
Conclusion
Malgré l’impression de manque d’aigus qu’il donne au premier abord et en comparaison aux autres micros, nous avons apprécié l’utilisation de ce micro, pour la couleur spécifique qu’il apporte sur chaque instrument : une texture douce, sombre, épaisse… Nous l’avons d’autant plus apprécié sur les sources où les rubans sont pertinents. En l’occurrence dans un style rock, l’énergie qu’il apporte sur la batterie et la guitare est remarquable ! Il possède vraiment un son unique, qui se mélangera volontiers avec d’autres micros (probablement plus ouverts) pour créer d’autres couleurs très intéressantes. Il trouve donc largement sa place dans les studios dignes de ce nom !
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