En nos temps informatiques, un ensemble d’outils de mesure précis et efficaces est un élément indispensable de toute boîte à outils numérique. Voyons ce que nous propose l’éditeur Blue Cat Audio avec son Analysis Pack.
L’un des avantages les plus évidents et immédiats de l’audionumérique est le support visuel de l’acte audio. Les “yeux” peuvent maintenant être autant sollicités que les “oreilles”, avec les risques corollaires que sont le mixage à la courbe de réponse, le calage systématique à l’échantillon et le manque global d’apprentissage purement auditif de l’enregistrement, de la prise de son, des effets, du mixage, etc. Mais tout système ou potentialité ayant ses bons et mauvais côtés, il ne faut pas jeter les apports extraordinaires du numérique sous prétexte qu’il peut être mal utilisé.
Parmi ses avantages, il en est un indéniable, l’analyse du signal. On dispose maintenant d’outils de mesure qui tiennent la dragée haute à nos bons vieux Vumètres, oscilloscopes, crête-mètres, etc., voire les relèguent aux oubliettes en termes de précision et de finesse de réglages. D’autant que de nombreuses fonctions plus ou moins ésotériques, ou tout simplement pratiques peuvent y être incluses.
L’éditeur français Blue Cat Audio propose de nombreux produits (on y reviendra certainement), et parmi ceux qui nous intéressent le Blue Cat’s Analysis Pack, dont quelques éléments viennent tout juste de passer en version 1.9. Revue de détail.
Introducing Blue Cat’s Analysis Pack
|
Vendu sur le site de l’éditeur 229 euros (on le trouve aussi chez d’autres revendeurs en ligne), le bundle regroupe six plug-ins, aux formats VST, AU, RTAS et DXi pour Mac (Intel et PowerPC) et PC, tous compatibles 32 et 64 bits. Dans l’ordre alphabétique, on trouve les Blue Cat’s Digital Peak Meter Pro, Blue Cat’s FreqAnalyst Multi, Blue Cat’s FreqAnalyst Pro, Blue Cat’s Oscilloscope Multi, Blue Cat’s Stereoscope Multi, Blue Cat’s Stereoscope Pro. Les noms parlent d’eux-mêmes, mais méritent quand même quelque développement, notamment quant à la signification des suffixes Multi et Pro, mais on y reviendra.
Une boîte à outils complète, puisque quasi tous les éléments nécessaires à une analyse semblent être là : lecteur de niveaux/crêtes, analyseur de spectre, oscilloscope et analyseur d’image stéréo.
Bien. Mais qu’apportent-ils de plus par rapport aux outils de mesure dont toute bonne DAW ou tout bon éditeur audio est pourvu ?
Question de niveau
On commence par le Blue Cat’s Digital Peak Meter Pro, que l’on pourrait traduire par crête-mètre numérique pro, mais qui s’avère bien plus que ce simple outil disponible dans tout logiciel audio. En effet, le DPMP (pour faire plus court) inclut un certain nombre de fonctionnalités uniques, à l’instar des autres plugs du bundle.
Mais voyons déjà ses fonctions dites de base, à savoir celles de mesure du niveau. À cet effet, on dispose de deux indicateurs horizontaux, qui affichent à la fois les crêtes (niveau maximum instantané) et le niveau RMS (du grand breton Root Mean Square, pour moyenne quadratique, l’équivalent de la valeur efficace de pression acoustique, qui correspond au volume perçu), et ce en mode L-R ou M/S, puisque le DPMP offre la compatibilité avec ces deux types de gestion du signal. Ces mesures disposent d’une visualisation graphique et numérique, affichant le dernier niveau le plus fort (selon un certain laps de temps réglable, on y reviendra). En plus d’une visualisation de type dit “Normal”, le plug-in intègre les différents modes découlant du principe créé par Bob Katz, le K-Metering ou K-System (plus de détails chez le créateur, ICI). Et comme si cela ne suffisait pas, on dispose de deux écrans dans la partie inférieure du plug, permettant de lire les niveaux Peak, RMS et Transformed (voir plus bas).
Un ensemble de réglages permet de paramétrer la réactivité au signal du plug : pour les crêtes, temps de montée, maintien et relâchement, pour les RMS, maintien. L’indicateur de crête maximale, un trait blanc, peut lui aussi être maintenu durant un temps réglable, avec vitesse de remise à zéro (en dB/s). On termine par les réglages de l’enveloppe de sortie. Une enveloppe de sortie ? Pour quoi faire ?
Eh bien, l’énorme (le mot n’est pas trop faible…) plus de tous ces plugs Blue Cat Audio est la possibilité de transformer l’audio analysé en informations de commande via Midi Out (on dispose à la fois d’un menu dans une fenêtre flottante et d’un panneau de réglages Midi Settings au sein de l’interface du plug) et/ou Automation Output, selon un nombre conséquent de paramètres (et indépendants par canal !), qui peuvent être personnalisés à l’envi. Ce qui les transforme d’entrée et avec une souplesse inégalée en plugs de commande façon side chain, avec une richesse de paramètres qui surpassent la quasi-totalité de la concurrence, d’autant que, rappelons-le, nous n’avons affaire “qu’à” des plug-ins de mesure…
Ainsi, rien n’empêche d’envoyer le niveau lu RMS vers un filtre d’un synthé, ou le maintien de la lecture Peak au sustain, par exemple, le tout selon plusieurs courbes de réponse, et selon une plage donnée ! Le tout pouvant être visualisé sur les écrans inférieurs, en fonction des réglages d’enveloppe d’entrée (Meter Settings) et de sortie (Output Envelope), via la lecture Transformed.
|
La procédure sera différente suivant les DAW, mais dans le cas de Logic, il m’a suffi d’abord de cocher la source désirée dans les préférences Automation du plug, puis dans l’environnement de raccorder la tranche à des Transformers (avec Monitor pour vérifier le bon déroulé de l’information), eux-mêmes relié à un Fader (avec Monitor pour vérifier…), dirigés vers la tranche hébergeant le synthé, synthé dont la coupure du filtre est maintenant pilotée par le niveau Peak, la résonance par le niveau RMS et la vitesse du LFO appliqué au Pitch via la Transformed (ici en utilisant des messages CC, il faut parfois utiliser des messages Fader, vue l’architecture particulière de Logic, voir aussi encadré). L’éditeur fournit de nombreux tutoriels sur son site, expliquant les différentes manipulations dans les principales DAW, ainsi que des trucs et astuces (ducking, etc.),
On n’ose imaginer (si, si, imaginons !) le nombre de possibilités offertes par cette implémentation, sachant que toutes les “fonctions” d’analyse et de mesure du plug sont disponibles comme outil source, complétées par des possibilités de modulation via les réglages (enveloppes & co., rien n’est statique, sauf si on le désire…). Je ne l’ai pas mentionné, mais, les plugs émettant des données Midi et/ou d’automation, il est évident qu’il suffit d’activer l’enregistrement compatible avec l’un ou l’autre mode pour voir de belles courbes se dessiner sur les pistes de la DAW, permettant ainsi de fixer l’action désirée. Indépendamment de leurs qualités propres, ces fonctionnalités placent d’emblée les plugs de Blue Cat Audio dans une classe à part, puisque ce sont des fonctions que l’on retrouvera dans tous les plug-ins de l’éditeur.
De l’analyse à tous les stades
Continuons avec les Blue Cat’s FreqAnalyst Pro (FAP) et Blue Cat’s FreqAnalyst Multi (FAM). Les deux partagent les mêmes interfaces et fonctions, leurs différences seront détaillées plus avant. Le plug est large (trop ?), et reprend les fonctions habituelles des produits de l’éditeur : Undo/Redo, chargement/sauvegarde de présets, mode Freeze pour figer l’affichage, Window Opacity qui permet de rendre plus ou moins transparent le plug-in, et le menu donnant accès au changement d’interface (Skin), au paramètre Midi/Automation en mode Preset ou Global. Le plug est disponible en version Mono et Stereo, avec compatibilité M/S.
L’écran de visualisation en mode Spectrum (car il y a trois modes de mesure) présente une graduation en dB (ordonnée, de 0 à –120 dB) et en fréquence (abscisse, de 10 Hz à 22 kHz). La fenêtre d’analyse est “une fenêtre « maison » de type Hanning”, selon Guillaume Jeulin, l’éditeur. Qui nous précise aussi la signification des valeurs des paramètres Transform, Speed (qui permet de compenser la vitesse d’affichage de la forme d’onde lorsque la précision est élevée, phénomène connu) et Precision, qui “va de 32 à 16384 échantillons, et l’échelle est logarithmique (en puissances de 2) donc 32, 64, 128, 256, 512, 1024, etc.”. Attention, la combinaison d’une précision haute et d’une vitesse rapide est très exigeante en ressources CPU.
On dispose ensuite d’un réglage d’enveloppe, avec attaque, relâchement et remise à zéro des crêtes (en dB/s). Un Offset permet de recentrer la forme d’onde dans l’écran si nécessaire, tandis qu’un Slope (en dB/oct) permet de remonter les hautes fréquences. Deux réglages de seuil (Threshold) permettent ensuite de cibler la zone que l’on souhaite analyser, en valeur absolue (en dB) ou Relative (en pourcentage). On termine cette première barre de réglages avec les boutons Reset, un pour les crêtes, l’autre pour le niveau moyen.
L’ergonomie est idéale, on zoome dans le spectre audio via une sélection en cliqué-tiré, le curseur de la souris affiche la fréquence et son niveau, on peut se déplacer dans l’affichage avec l’outil Main et on dézoome par clic droit.
Premier point fort du plug en plus de sa précision, les mémoires d’analyse : le plug affiche à la fois la réponse instantanée, le niveau crête atteint et le niveau moyen, et l’on peut sauvegarder ces trois mesures indépendamment sur quatre emplacements, par canal, ou par regroupement des deux canaux en moyenne ou au niveau max. Donc en tout 48 emplacements. L’affichage est géré en ligne, d’abord, via une case master située sur la gauche, et en colonnes par quatre boutons maîtres reprenant les codes couleur des mémoires.
Ces réglages et mémoires sont disponibles pour les deux autres modes d’analyse, le deuxième étant l’affichage via Spectrogram, disponible en lecture 2D ou 3D, fil de fer ou solide, en détection instantanée ou crête et selon la séparation/regroupement des canaux déjà mentionnée et possibilité de faire tourner la représentation. La lecture en fréquence est cette fois verticale, la lecture horizontale offrant le temps passé.
Enfin dernier mode de mesure, la visualisation sur trois écrans (gauche, centre et droite) des hauteurs maximales, centrales et minimales du fichier analysé. Qui sont ensuite réglables, par les Transform Parameters, grâce à un taux, un offset et une fonction Reverse, dans le même esprit d’ajustement que ceux disponibles sur DPMP.
Car il faut savoir que toutes les analyses effectuées par le Frequency Analyst peuvent servir de sources pour générer des… hauteurs par Midi et/ou Automation à un autre plug ! On peut ainsi définir des accords, dont la vélocité suivra précisément l’analyse en temps réel du fichier qui sera à l’origine du sidechain… Le plug offre jusqu’à 27 sources possibles dans sa version stéréo. Dans Logic, on reprend le même principe de câblage dans l’environnement, il suffit alors de choisir Note On en tant qu’élément de sortie du Fader, et le tour est joué…
Mais ce n’est pas fini ! Passons au FAM. La différence avec FAP ? Plus de transformation de l’audio en Midi. Dommage ? Non, car FAP le fait. Donc que gagne-t-on au change ? Eh bien, la possibilité d’afficher dans une seule instance du plug FAM jusqu’à 16 courbes en provenance de 15 autres plugs FAM ouverts sur d’autres tranches ! On comprend tout de suite les incroyables gains en temps, puissance, gestion du multipiste, l’utilité pour le mixage, pour copier la réponse d’un EQ sur un autre d’un type différent, etc. D’autant que les manipulations sont très simples : codes couleurs, possibilité de donner un nom, désactivation des mémoires déjà utilisées, etc. Et qu’on l’on peut afficher la différence entre courbes dans la fenêtre Diff, avec jusqu’à 16 emplacements mémoires…
De plus tous les réglages peuvent être envoyés à partir d’un des plugs vers les autres via la fonction Push, de façon globale (flèche bleue) ou par potard individuel (petite flèche rouge). Là encore, le principe est totalement maîtrisé, le fonctionnement innovant, le tout, comme nous l’explique Guillaume Jeulin, grâce à un partage de données entre plug-ins “qui est totalement propriétaire et spécifique à notre technologie. Nous avons développé un système qui permet de le faire dans n’importe quel type de plug-in sur Mac ou PC, et qui tire profit des processeurs multi-cœurs. C’est ce qui est également utilisé dans la série de plug-ins « Blue Cat’s Gain Suite » ou le dernier né « Blue Cat’s MB-7 Mixer », pour lier les paramètres des plug-ins entre eux afin de gagner du temps et simplifier la gestion de nombreuses instances.”.
Cette puissance a aussi un prix, puisque la CPU sera de plus en plus sollicitée au fur et à mesure du rajout de courbes/plugs, surtout si l’on utilise un réglage élevé de précision. Donc il conviendra d’utiliser les plugs en cherchant le meilleur compromis précision/conso CPU (il n’est pas dit qu’une fenêtre de 16384 échantillons soit un choix indispensable sur toutes les instances ouvertes…). On appréciera sur les captures d’écran l’excellente distribution sur tous les cœurs du travail des plugs. Distribution bien mieux optimisée que celle de la majeure partie des plugs de Logic…
Oscillo, du grain à voir
Évidemment, un pack d’outils de mesure sans un oscilloscope serait incomplet. Évidemment, un oscilloscope signé Blue Cat Audio ne pouvait être un simple oscilloscope. Dont acte, puisque le Blue Cat’s Oscilloscope Multi (OM) reprend le principe de FreqAnalyst Multi, à savoir la possibilité d’afficher jusqu’à 16 courbes provenant de 15 Oscilloscopes en plus du premier considéré comme maître. Le plug reprend la quasi-totalité des fonctions habituelles, et ne dispose cette fois-ci que de très peu de réglages. D’abord, le mode Time affiche la forme d’onde, avec lecture en mode Flow (la forme d’onde défile de droite à gauche) ou Loop (la forme d’onde affichée dans la fenêtre est lue puis remplacée par la partie suivante). On peut zoomer dans la forme d’onde, geler son affichage, et paramétrer un délai afin de rattraper une éventuelle désynchronisation entre formes d’ondes, tout en disposant d’un bouton global permettant de synchroniser toutes les instances ouvertes si nécessaire.
Ensuite le mode XY permet de vérifier les phases de deux formes d’ondes simultanément via un afficheur graphique à fenêtre Lissajous, avec sélection des fichiers séparée pour X et Y, réglages de temps et de densité, et possibilité de connexion des grains (afin de former des lignes géométriques) pour l’affichage. Rien de plus à signaler pour ce plug, si ce n’est rappeler la puissance du mode Multi…
Dernier outil, le Steréoscope, sous deux versions, Pro et Multi. Je ne reviendrai pas sur le fonctionnement en mode Multi, en tous points identique à celui du FAM et de OM. Le Blue Cat’s Stereoscope Pro demandera un petit temps d’adaptation aux utilisateurs d’outils à lecture via diagramme polaire ou fenêtre Lissajous, sachant que ce temps sera très court. La lecture en mode Stereo s’effectue verticalement, deux bandes centrales représentant l’étendue en phase de l’image stéréo, deux bandes latérales (sur fond rouge foncé) affichant elles le hors phase. Un indicateur horizontal nous renseigne sur l’équilibre entre droite et gauche et l’énergie du centre, tandis qu’un indicateur de corrélation de phase est placé à droite verticalement (le signe a disparu, les valeurs négatives sont en bas). On dispose de trois choix d’affichage, avec les courbes en réponse instantanée, crête ou niveau moyen. Chacune dispose de quatre mémoires. Les paramètres de réglages sont ceux déjà rencontrés, à savoir Precision, les trois réglages d’enveloppe, Threshold (absolu et relatif), les boutons Reset et un offset de Gain afin d’adapter la forme affichée à la fenêtre.
Un affichage Spectrogram est aussi disponible, identique en termes de paramètres à celui présent dans FAP. Enfin une fenêtre Output permet de régler et modifier les représentations graphiques des positions Max, Min et moyenne. Bien sûr, toutes les mesures et analyses sont utilisables comme sources pour piloter n’importe quelle fonction d’un plug ou d’un effet. Ça devient une habitude…
Bilan
Indépendamment des qualités propres des plugs, à savoir précision, ergonomie, richesse de fonctionnalités, de modes d’analyse, de choix de représentation graphique (sans oublier les options de personnalisation de l’interface via des skins), ce sont bien évidemment les fonctionnalités de side chaining, la possibilité de littéralement transformer l’audio analysé en informations de commande Midi et/ou Automation, ainsi que la très utile fonction d’affichage de multiples courbes dans les versions Multi (tellement idéale pour le mix que l’on se demande pourquoi personne ne l’a réalisé avant…) qui font tout le sel des plug-ins d’analyse signés Blue Cat Audio.
D’autre part, la majorité des plugs équivalents inclus dans Logic (Multimeter, Level Meter, etc.) et même Peak (Reveal) ne peuvent rivaliser en termes de précision (à titre d’exemple, l’analyseur inclus dans le Channel EQ de Logic n’offre qu’une résolution de 4096 échantillons), de réglages ou de qualité d’affichage.
La réponse à la question : “cela vaut-il le coup d’investir dans un tel bundle, alors que ma DAW inclut déjà des outils similaires ?” sera donc : oui. N’hésitez pas à faire l’expérience vous-même, l’éditeur met à disposition des versions de démo à cette adresse.
Bref, avec ces plugs utiles, inventifs, innovants, offrant des fonctions inédites, l’éditeur a parfaitement réussi son coup. Bravo.