Début septembre, Plugin Alliance présentait la version d'évaluation du "premier" produit signé ADPTR Audio : un outil facilitant la comparaison A/B de votre mixage avec des morceaux de référence. Dix jours plus tard, MetricAB était enfin disponible à la vente… Étant donné l'importance de l'écoute comparative en situation de mix comme en situation de mastering, vous vous doutez bien que ce petit joujou a tout de suite attiré notre attention ! Cela fait maintenant deux mois que je teste la bête, l'heure est donc venue de vous livrer mon rapport…
Système Metric
En guise de préambule, j’invite ceux d’entre vous qui ne sont pas familiers avec le concept d’écoute comparative à lire au préalable cet épisode de mon guide du mixage histoire de pouvoir mieux comprendre la suite de ce test.
Bien, commençons par la partie « technico-technique ». Disponible aux formats VST 2/3, AU et AAX Native et AudioSuite pour Mac et PC, MetricAB s’installe et s’autorise très facilement grâce au gestionnaire maison PA-InstallationManager qui est un modèle d’efficacité et de simplicité. Niveau consommation, ce plug-in est plus que raisonnable puisqu’il taxe à peine 1,8% du CPU de mon vieux MacBook Air (Intel Core i7 2 GHz – 8 Go DDR3 de 2012) et seulement 0,3% sur mon Mac Pro (modèle fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3). Notez qu’en plus, la bestiole a le bon goût de n’induire aucune latence.
MetricAB est donc un outil d’écoute comparative. À ce titre, il convient de le nourrir avec les morceaux de référence que vous souhaitez confronter à votre mixage. Il accepte les fichiers audio PCM jusqu’à 192 kHz / 32 bits, les formats WAV, AIFF, FLAC, MP3, AAC et M4A. Pour importer ces titres, rien de plus simple : il suffit de glisser/déposer les fichiers sur l’interface graphique du plug-in depuis n’importe quelle fenêtre de votre système d’exploitation et hop ! Sachez qu’il est possible d’utiliser jusqu’à 16 morceaux de référence et que vous pouvez les importer tous d’un seul coup, ils se répartiront automatiquement dans chacun des slots de la matrice 4×4 située dans la partie inférieure du plug-in. Seul hic, il est malheureusement impossible de réordonner les morceaux après coup via glisser/déposer d’un slot à l’autre, ce qui aurait pu être bien pratique. Une fois vos références importées, vous vous retrouvez face à ceci :
Les plus sagaces d’entre vous trouveront certainement que ce MetricAB possède une forte ressemblance avec un autre produit du genre signé Sample Magic, le plug-in Magic AB. Ce n’est bien entendu absolument pas un hasard, ces deux joujoux ont été conçus par la même personne mais pas pour le même commanditaire. Et comme vous allez pouvoir le constater, MetricAB est bel et bien un Magic AB sous stéroïdes…
Audio-Metric
Sur la gauche de l’interface graphique se trouvent les indicateurs de niveau de sortie (crêtes et RMS) dont la résolution peut passer de –48 dB à –18dB pour plus de précision. Juste en dessous, quatre boutons permettent de basculer l’écoute entre les modes mono, canal gauche ou droit seul et signal « sides » seul. Vient ensuite l’énorme bouton permettant d’alterner entre votre titre en cours de mixage (A bleu) et l’une de vos références (B orange). Jusqu’ici, tout est simple et efficace. Détail très intéressant, les informations du morceau de référence actuellement sélectionné dans la matrice 4×4 sont affichées en permanence en haut à droite de l’interface (nom, format de fichier, résolution, mode mono ou stéréo, niveau LUFS).
De base, MetricAB affiche en son centre l’onglet « Playback » représentant la forme d’onde de la référence. Les choses deviennent particulièrement intéressantes avec les fonctions présentes juste au-dessous. Il y a tout d’abord une fonction « Loudness Match » qui permet de caler automatiquement le volume perçu de la référence en fonction du niveau de votre mixage en une poignée de secondes. Diablement utile pour que votre analyse comparative ne soit pas faussée par une différence de volume sonore perçu. Sachez cependant que cette fonction n’est accessible que dans l’onglet « Playback » ce qui est bien dommage tant il nécessaire d’y avoir recours fréquemment. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir face à cette fonction au demeurant fort sympathique.
Vous avez ensuite accès aux différents mode de lecture : manuel, « Latch » pour suivre la mise en lecture de votre STAN, « Sync » pour une lecture synchronisée à la timeline de la STAN et enfin « Cue » pour commencer la lecture à un point précis de la référence. Tout est vraiment fonctionnel. Le mode « Sync » est particulièrement intéressant lorsque vous utilisez le plug-in pour comparer différentes itérations d’un même mixage puisque tout sera parfaitement synchronisé. Quant au mode « Cue », il est diablement utile avec la possibilité de fixer jusqu’à 4 « Cues » par morceaux avec en sus une fonction de bouclage, la possibilité de diviser ou multiplier par deux la longueur de la boucle ainsi qu’une paire de switches pour déplacer la boucle au sein du morceau.
Enfin, une section « Filtres » complète le tableau. Particulièrement efficace, cette dernière permet de centrer l’écoute de votre mix comme de vos références sur une certaine zone du spectre. La pente des filtres peut être basculée entre –12 et –24 dB par octave et des presets permettent d’accéder en un clic aux zones Sub, Bass, Low Mid, Mid et High. Bien sûr, l’utilisateur peut fixer lui-même les bornes de ces zones.
Tout cela est déjà fort attrayant alors qu’il ne s’agit là que de l’onglet « Playback ». Or, il en reste encore pas moins de cinq autres…
Metric & Images
Comme son nom l’indique, le concept de base de l’écoute comparative repose avant tout sur l’écoute. Ceci étant, en situation de mix comme à l’occasion du mastering, il est également parfois judicieux de faire appel à certains indicateurs visuels. La bonne nouvelle, c’est que MetricAB intègre plusieurs outils d’analyse pas piqués des vers.
Il y a tout d’abord l’onglet « Spectrum » qui permet logiquement de visualiser le spectre de votre mix ou de la référence (Single), des deux l’un au-dessus de l’autre (Dual) ou bien encore des deux superposés sur un seul et même graphique (Layered). L’ensemble est configurable à l’envi avec, entre autres, des fonctions de zoom dont le niveau peut être lié à la section de filtrage ou bien encore différents modes d’affichage (octave, tiers d’octave, etc.). Seul regret, l’absence d’une indication précise de la fréquence lors du survol de l’analyseur avec la souris, cela aurait pourtant facilité l’identification des éventuels problèmes.
L’onglet « Correlation » propose pour sa part la visualisation de la phase du signal soit en temps réel en fonction des fréquences (Meters), soit de façon globale au cours du temps (History). Ici aussi, tout est configurable de façon relativement simple.
Nommé « Stereo Image », l’onglet suivant offre logiquement un affichage de la largeur stéréo des signaux en fonction des fréquences avec comme toujours une grande souplesse de configuration.
Le quatrième onglet « Dynamics » permet non seulement de comparer l’évolution au cours du temps de la dynamique de votre mix à celle d’un morceau de référence, mais il propose également de choisir un niveau de plage dynamique cible (Target PSR). C’est particulièrement bien vu car cela peut permettre d’éviter la surcompression du mix.
Enfin, l’onglet « Loudness » offre toutes les indications de niveaux qui vous permettront de ne pas tomber dans le piège de la « Loudness War ». Il est notamment possible de choisir un niveau LUFS cible en fonction du moyen de diffusion envisagé pour votre mix (Spotify, Youtube, iTunes Radio, Tidal, Broadcast EU / US / Japan) ou de l’étape de production à laquelle vous vous trouvez (Mix ou Mastering).
Tous ces outils sont plutôt bien pensés et surtout très utiles. De plus, au-delà de l’aspect « écoute comparative », ils ont une dimension éducative puisqu’ils permettent d’analyser finement et donc de décortiquer les mixages de vos titres préférés. Que demande le Peuple ? Eh bien justement, nous allons y venir car trois bons gros points noirs viennent sérieusement tâcher le rose presque parfait de ce beau tableau…
Les démons du MIDI
Le premier souci vient de la taille fixe de l’interface graphique. Sur une station de travail fixe pourvue d’un grand écran, ce n’est pas forcément problématique même si une fonction de redimensionnement aurait été la bienvenue. En revanche, sur l’écran d’un ordinateur portable, MetricAB dévore l’espace avec une gloutonnerie démesurée. Jugez plutôt :
Il s’agit d’une capture d’écran de mon MacBook Air. Avouez qu’un tel gigantisme rend l’utilisation de l’engin beaucoup plus compliquée. Heureusement, un mode d’affichage miniature permet de récupérer de l’espace mais cela ampute MetricAB de tous les affichages qui le distinguent de la concurrence et il faudra donc souvent jongler entre l’interface complète et la version miniature. Bref, je sais bien que je râle souvent sur l’absence de fonctions de redimensionnement des interfaces graphiques mais c’est, il me semble, quelque chose d’extrêmement important d’un point de vue ergonomique et ici, c’est vraiment gènant.
Le deuxième problème totalement impardonnable à mon sens concerne le pilotage du plug-in via une surface de contrôle MIDI. Déjà, la majorité des fonctions ne sont tout simplement pas accessibles… Pourtant, il aurait été par exemple bien utile de pouvoir activer et/ou régler les multiples fonctions de la section de filtrage grâce à un contrôleur. La fonction « Loudness Match » si pertinente et à laquelle il faut si souvent avoir recours n’est pas non plus assignable. Quelle erreur ! Mais quelle erreur !
Pour couronner le tout, les rares paramètres accessibles via MIDI le sont de façon complètement aberrante. Un seul et unique message Control Change pour la navigation entre les modes d’écoute stéréo, mono, droite, gauche et sides… Moralité, pour passer d’une écoute stéréo à une écoute du signal latéral, il faut forcément se farcir les trois autres avant. Bonjour la distraction qui en découle et qui ne manquera pas de compliquer l’écoute comparative. Il est évidemment possible de remédier à cela en configurant finement votre contrôleur MIDI pour que plusieurs boutons envoient le même message CC à des valeurs précises différentes – si tant est que cela soit possible car tous les contrôleurs n’offrent pas ce genre d’options – mais quelle perte de temps et d’énergie pour une chose qui aurait dû être si simple. Et c’est malheureusement la même farce pour passer d’un morceau de référence à un autre, pour naviguer entre les quatre points « Cues » ou bien encore pour basculer l’affichage d’un onglet à l’autre…
Entre la taille de l’interface et les manques de l’implémentation MIDI, MetricAB ne sait pas se faire oublier et c’est bien dommage car cela va à l’encontre de son but premier. En effet, l’écoute comparative nécessite un niveau de concentration élevé que ce genre de problème met passablement à mal…
Reste le dernier point noir…
Écono-Metric
Affiché à $199, MetricAB représente un réel investissement, surtout pour un plug-in qui ne produit pas de son… Certes, l’écoute comparative est un point crucial en mixage comme en mastering et ce joujou possède un certain nombre d’arguments qui le démarquent de la concurrence. Mais à un tel tarif pour un outil comme celui-ci, j’estime qu’une ergonomie sans faille est un minimum syndical. Or, ce n’est malheureusement pas le cas.
En outre, la façon dont a été lancé ce plug-in me dérange un peu. Sortir une version de démonstration pleinement fonctionnelle et annoncer le tarif dix jours plus tard me semble être une démarche pour le moins curieuse. Je laisse à chacun le soin de se faire son propre avis sur la question mais sachez qu’à titre personnel, ce n’est pas le genre de manoeuvre que j’apprécie…
Ah ! si Metric…
Il est temps de conclure ce banc d’essai sur une note mitigée. Oui, MetricAB est une solution intéressante pour l’écoute comparative. Les différentes fonctions d’analyse sont pertinentes et vont bien au-delà du simple cadre de départ. Toutefois, les problèmes ergonomiques alliés à la prétention tarifaire constituent un véritable tue-l’amour selon moi. Alors oui je suis sévère car je suis déçu. Il y avait là de quoi faire tellement mieux ! Espérons qu’une mise à jour viendra corriger le tir sous peu… En attendant, je vous invite à télécharger la version d’évaluation pour vous faire votre propre opinion. J’attends d’ailleurs avec impatience vos retours sur la question dans les commentaires de ce banc d’essai !