Depuis sa création, la famille de plug-ins pour les cartes UAD d’Universal Audio s’est vouée corps et âme à la reproduction de machines analogiques. C’est dans cette optique que l’éditeur s’est associé au fil des ans avec les plus grands noms du monde de l’audio : EMT, Neve, SSL, Lexicon, etc.
Janvier 2013 a vu naître le début d’une collaboration entre la marque et le célèbre constructeur API avec l’annonce, lors du Winter NAMM, de la sortie imminente de l’API 500 Series EQ Plug-in Collection. Le résultat semble avoir convaincu les deux partenaires puisqu’ils ont remis le couvert en octobre dernier avec la modélisation d’une tranche de la console de mixage API Vision. Jetons-y un œil, et surtout une oreille…
API Birthday
Sortie en 2003, la console de mixage Vision fut conçue par API (Automated Processes Inc.) afin de proposer une solution de travail flexible dans le domaine du son Surround tout en conservant la pâte sonore ayant fait le succès du constructeur. Plusieurs configurations étant disponibles, UA a fait le choix de modéliser les modules suivants : le préampli 212L, la section filtres coupe-haut et coupe-bas 215L, le gate/expander 235L, le compresseur/limiteur 225L, et enfin l’égaliseur 4 bandes 550L.
Le préampli micro 212L s’inspire des consoles vintages API 2488 avec transformateur et op-amp discret API 2520. Le son délivré est décrit comme étant bien détaillé dans les aigus sans sacrifier au bas puissant et généreux qui a fait la gloire de la marque dans les années 70.
Le module de filtrage passif 215L est conçu pour nettoyer tout en délicatesse le signal afin de préserver son naturel. Le passe-bas travaille avec une pente très douce de 6 dB par octave et un balayage continu de 40,8 kHz à 643 Hz. Le passe-haut, quant à lui, applique un filtre de 12 dB par octave sur une plage de fréquences allant de 12 Hz à 596 Hz.
Avec des temps d’attaque de 25 millisecondes ou 100 microsecondes, le gate/expander 235L offre une rapidité d’action censée étouffer dans l’œuf tout type de bruits indésirables sans pour autant tailler dans le signal utile. Des réglages continus du seuil, de la profondeur et du temps de relâchement sont disponibles, ainsi qu’un switch basculant le réglage du relâchement en mode « Hold » qui détermine alors la durée d’ouverture du gate. Le mode expander propose une expansion de type « downward » (comprendre descendante) avec un ratio fixe de 1:2 et une réduction de gain déterminée par le réglage de profondeur.
Semblant largement s’inspirer du magnifique compresseur API 2500, le module 225L propose quant à lui des réglages continus du ratio (1:1 à infini:1), du seuil (+10 dB à −20 dB) et du temps de relâchement (50 millisecondes à 3 secondes). Un switch 3 positions permet de choisir entre des temps d’attaque de 2, 18 ou 75 millisecondes. Il est possible de faire travailler la bête en hard knee ou soft knee, option somme toute classique. Ce qui l’est moins en revanche, c’est la possibilité de changer la topologie du circuit de détection du compresseur. Le mode « Old » propose ainsi une réduction de gain typique d’un fonctionnement « feedback », alors que le mode « New » réagit façon « feedforward ». Pour être plus clair, dans le premier cas, le signal de détection est prélevé en sortie de traitement ; dans le deuxième, il est prélevé avant le traitement.
Nous clôturons ce tour d’horizon avec l’égaliseur 550L. Reprenant les caractéristiques du 550B de la marque, il travaille sur 4 bandes (basse fréquence, bas-médium, haut médium, haute fréquence) en filtre en cloche avec pour chacune un choix parmi 7 fréquences fixes et un gain de plus ou moins 12 dB. Les bandes HF et LF peuvent être basculées en mode filtre en plateau. Ce module utilise le système de facteur Q proportionnel caractéristique des égaliseurs API qui rétrécit la largeur de bande en fonction de l’augmentation du gain. Une switch « PREDYN » permet de placer cet EQ avant les modules de traitement de la dynamique.
Don’t Worry, Be API
La version virtuelle signée Universal Audio reprend peu ou prou les fonctionnalités des modules hardware avec un design soigneusement calqué sur ces derniers. Extrêmement bien pensée, cette superbe interface graphique est bien la preuve que l’on peut donner dans le skeuomorphisme sans pour autant sacrifier à l’efficacité. À bon entendeur…
Nous retrouvons donc en première ligne le préampli avec gain ajustable (jusqu’à 65 dB), pad d’atténuation −20 dB, switch d’inversion de polarité et Vumètre à LEDs virtuelles indiquant le niveau en sortie dudit préampli. Contrairement aux autres, ce module n’est malheureusement pas débrayable. C’est fort dommage car étant donné la qualité intrinsèque de chaque module, il aurait était intéressant de pouvoir en disposer sans avoir à subir la coloration du 212L et surtout sans le surplus de consommation processeur qu’il engendre.
En parlant de coloration, il faut avouer que celle délivrée ici n’est pas des plus discrètes mais ô combien efficace. Le son gagne en « pêche », avec en contrepartie une transparence toute relative plus de l’ordre du translucide. Ne vous affolez pas, le signal source est bien loin d’être défiguré. Mais si vous recherchez le respect absolu du son de la prise, passez votre chemin. À l’usage, un seul petit point nous a fait tiquer : la marge de manœuvre trop étroite entre un son franchement coloré et un signal carrément distordu. En effet, ça ne se joue qu’à un cheveu et nous aurions aimé pouvoir explorer plus avant l’entre-deux-mondes tant cette coloration est agréable. Mais nous en reparlerons plus tard, lors de l’écoute des exemples sonores…
La section filtre 215L de ce channel strip remplit agréablement son rôle avec toute la douceur promise par les caractéristiques sur le papier. Débrayable, ce module dispose en sus d’un switch de « sidechain » permettant d’appliquer les filtres uniquement au signal déclenchant les traitements de la dynamique, comme illustré dans le très bon manuel (malheureusement en anglais) par la figure ci-contre.
Passons maintenant au gate/expander. Fidèle en tout point à l’original, ce 235L est le module qui nous a le plus bluffé. Comme illustrées dans la section suivante, sa musicalité et sa facilité d’utilisation rendront assurément de fiers services.
Le compresseur/limiteur, pour sa part, se situe également dans le haut du panier. Malgré nos craintes, l’absence d’un réglage continu du temps d’attaque n’est pas un obstacle. Les modes hard knee/soft knee et le choix de la topologie feedback/feedforward y sont pour beaucoup. Ayant eu la chance de travailler avec un compresseur hardware API 2500, nous pouvons dire sans rougir que ce 225L virtuel nous a procuré des sensations similaires. Seule ombre au tableau, l’auto-gain non débrayable qui compense automatiquement la réduction de gain. Ce comportement est fidèle au module original, mais nous aurions aimé avoir le choix de l’activer ou non.
Que dire de l’égaliseur 550L sinon qu’Universal Audio a bien réussi son coup. Ce qui n’est finalement pas vraiment une surprise étant donné leur précédent fait d’armes en la matière avec l’API 500 Series EQ Plug-In Collection. Le son rendu est clair et punchy, bref musical à la sauce API. Pour ne rien gâcher, ce module dispose également d’un switch permettant de le placer dans le circuit sidechain des traitements de la dynamique. Tant de flexibilité force le respect.
Pour finir, cette tranche de console API Vision offre en bout de chaîne un immense crête-mètre à LEDs ainsi qu’un réglage du gain de −24 dB à +12 dB afin de gérer le niveau en sortie. Cette section dispose également d’un bouton « SC Link » qui permet de lier les canaux droit et gauche du circuit de détection des modules 225L et 235L lors d’une utilisation sur un signal stéréo afin d’éviter tout déséquilibre intempestif de l’image stéréophonique. Enfin, c’est ici que se trouve le bouton « Power » permettant de désactiver entièrement le plug-in.
Avant de passer aux exemples sonores, un petit mot sur l’aspect purement informatique de ce produit. Il s’agit d’un plug-in pour les cartes UAD -2. À ce titre, il est disponible sur Mac (OS X 10.6.8 minimum) et PC (Windows 7 64-bit) aux formats VST, RTAS et AU. Une version bêta du format AAX 64-bit est également disponible, mais uniquement pour Mac à l’heure actuelle. En ce qui concerne la consommation DSP, disons-le tout de go : ça pompe sévère ! 22,4 % d’un DSP pour une instance mono en 44,1 kHz, et 29,7 % pour la stéréo. Il est possible de baisser cela en désactivant certains modules mais enfin, une configuration musclée sera nécessaire pour mixer tout un projet avec un API Vision par tranche. D’autant plus si vous comptez utiliser d’autres plug-ins de la famille UAD…
API Hour
Après toutes ces belles paroles, il est grand temps de jeter enfin une oreille à ce que la bestiole a dans le ventre. Commençons avec un piano électrique virtuel.
- 01 Synth dry 00:24
- 02 Synth beefy 00:24
- 03 Synth beefier 00:24
- 04 Synth trash 00:24
- 05 Synth dry delay 00:24
- 06 Synth trash delay 00:24
Il faut bien avouer que le son de base est un poil fade. Pour arranger la sauce, nous avons tout d’abord poussé le gain d’entrée du plug-in afin de réchauffer le tout (le VU-mètre chatouille la LED +8). Ajoutons à cela un petit coup de passe-haut juste au-dessus de 100 Hz pour éclaircir un peu le signal, une compression assez ferme en mode HOLD mais avec une attaque médium pour gagner en mordant, une égalisation creusant à peine le bas médium et avec un beau +10 dB dans les aigus pour ajouter de l’air, et le résultat est tout de suite plus convaincant ! Le troisième sample reprend les mêmes réglages mais avec un gain en entrée légèrement plus élevé, ce qui fait directement tordre le signal. Pour mieux nous en rendre compte, le quatrième exemple est identique mais sans réverbération. Ça n’est pas moche mais difficilement exploitable, et la différence au niveau du potard de gain est vraiment d’un cheveu. Ceci étant, si nous appliquons cette grosse saturation non pas sur le signal source mais plutôt sur un delay cela devient vraiment intéressant, comme illustré avec le sixième sample.
Passons maintenant à une ligne de synthé basse.
- 07 Bass dry 00:12
- 08 Bass wet 00:12
Déjà bien agressif à la base, ce riff gagne encore en « trash attitude » avec un gain d’entrée poussé à fond, un passe-haut à 10 kHz, une égalisation sévère dans les bas médium et haut médium, et une légère compression. Le résultat accroche bien la feuille tout en restant musical malgré un traitement pour le moins extrême.
L’exemple qui suit utilise uniquement la section gate/expander sur des chœurs ayant une respiration très présente.
- 09 Choeur dry 00:37
- 10 Choeur gate 00:37
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous avons réussi à nous débarrasser des ces bruits de respiration. Le traitement est d’une transparence et d’une efficacité bluffante. Chapeau bas UA !
Ce module de gate est capable d’agir de façon beaucoup plus drastique comme nous allons le voir maintenant sur les overheads d’une batterie.
- 11 OH dry 00:18
- 12 OH Gate 00:18
- 13 OH Gate SC 00:18
- 14 OH wet 00:18
La repisse de la grosse caisse est ici très présente. Un coupe-bas et un gate nous en débarrasse plutôt bien. Mais si les coups de caisse claire ouvrent systématiquement le gate, le charley se retrouve malheureusement mangé malgré nos efforts dans l’exemple 12. Heureusement, en plaçant l’égalisation dans le circuit de sidechain, nous récupérons le charley. Il n’y a plus qu’à modérer la profondeur du gate et nous obtenons un résultat plus qu’exploitable.
Sur une prise de grosse caisse, le gate fait encore des merveilles en supprimant des résonances indésirables.
- 15 Kick gate dry 00:18
- 16 Kick gate wet 00:18
Sur la caisse claire, il est assez simple de se débarrasser suffisamment de la repisse de la grosse caisse en combinant gate et filtre passe-haut.
- 17 Snare Gate dry 00:18
- 18 Snare Gate 00:18
- 19 Snare Gate Hipass 00:18
- 20 Snare Gate Hipass Depthless 00:18
Enfin, retrouvons tout ce beau monde combiné. Une instance du plug-in a été ajoutée sur le bus avec une compression ferme sur l’ensemble (à l’exception du bas du spectre grâce au filtre coupe-bas dans le sidechain) et une pointe d’égalisation. Notre batterie a tout de même beaucoup plus de caractère à présent !
- 21 Bus dry 00:18
- 22 Bus wet 00:18
API End
L’heure est venue de dresser un bilan. Alors, fidèle au modèle hardware ou pas ? À vrai dire nous n’en savons rien, n’ayant jamais eu la chance de poser nos mimines sur une console API Vision. Et après tout, est-ce vraiment ce qui compte ? L’important est que ça sonne et que ça serve, non ? Après ce test, nous pouvons dire que malgré les quelques défauts, nous nous verrions bien mixer tout un titre avec comme seul outil cette tranche de console virtuelle. Pour peu que nous ayons la puissance DSP nécessaire… Et si ça peut en rassurer certains, sachez que d’après notre expérience en matière de son « API » de par l’utilisation de modules de la série 500 et du compresseur 2500, la filiation est claire et nette. Comme d’habitude, nous ne saurions trop vous encourager à utiliser la version de démonstration pour vous faire votre propre opinion. Mais faites attention, il y a de fortes chances pour qu’après les 14 jours d’essai vous finissiez comme Droopy à brandir une pancarte « you know what, I’m API » !
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