Steinberg profite de la collaboration avec Yamaha pour surfer sur la vague vintage et tenter de mettre du son d'antan dans nos ordinateurs flambant neufs. Au menu du test : un égaliseur, deux compresseurs et des magnétos à bandes.
Au coeur de cette collection de plug-ins cosignée par Yamaha et Steinberg se trouve la technologie dénommée VCM, qui est aussi présente dans les plug-ins Portico créés en collaboration avec un troisième larron de renom : Rupert Neve.
La technologie VCM (Virtual Circuitry Modeling), créée par un groupe d’ingénieurs dirigé par le japonais Toshifumi Kunimoto, tente de récréer par modélisation le comportement de certains circuits analogiques. Grosso modo, le but est de remplacer chaque élément du circuit analogique (résistances, condensateurs, etc.) par un calcul. Évidemment, ça parait simple dit comme ça, mais c’est en réalité plus compliqué qu’il n’y parait, car un circuit analogique peut avoir un comportement particulier, des éléments interagissent et il peut être difficile de retranscrire certaines subtilités. Heureusement que chez Yamaha et Steinberg, on n’est pas du genre à se décourager. Voici donc le fruit du travail acharné de ces ingénieurs, en test aujourd’hui sur AudioFanzine.
Comme on n’aime pas le suspens, on commence par ce qui intéressera le plus grand monde : l’égaliseur et les compresseurs !
Viens petite fille dans mon Channel Strip
S’il y a bien des traitements incontournables pour un home studiste et un ingénieur du son, ce sont les égaliseurs et les compresseurs. Vous en utilisez sur quasiment chaque piste de vos projets, et il convient donc de les choisir avec sérieux. Cependant il existe plusieurs types de compresseurs et d’égaliseurs en MAO : d’un côté les logiciels dit « modernes », offrant pléthores de réglages et ayant généralement un son plus transparent, et de l’autre les plug-ins simulant avec plus ou moins de bonheur du vieux matos, offrant ainsi une certaine « couleur » sonore et des réglages plus disséminés. Les deux catégories se complémentent bien et remplissent chacune un rôle bien précis. Mais vous l’aurez deviné, nous avons affaire ici à des plug-ins de la deuxième catégorie, simulant de bons vieux racks issus de l’époque où les pattes d’éléphant et les coupes afros étaient monnaie courante.
Tout cela reste donc très classique, loin d’un Pro-Q de FabFilter et plus proche d’un égaliseur hardware.On commence avec l’EQ 601, un égaliseur typé années 70, proposant six bandes paramétriques. Ce plug-in, compatible VST 2.4, VST 3, AU et nécessitant une clé USB-eLicenser (ce qui est le cas pour tous les plugs de cet article), ne se veut pas transparent du tout, car il est censé émuler la distorsion des vieux égaliseurs analogiques. On aperçoit d’ailleurs un switch sur la gauche de l’interface permettant d’alterner entre les modes « drive » et « clean ». On pourra régler les niveaux d’entrée/sortie, et accéder aux réglages des 6 bandes. Les deux bandes extrêmes disposent de quatre types de filtres : deux passe-haut/bas et deux shelves. Pour les quatre autres bandes, c’est du paramétrique classique avec réglages de Q (largeur de la courbe), de la fréquence et du gain. Ajoutez à cela un bouton flat pour remettre les gains à zéro, voir tous les paramètres en laissant appuyé (attention les étourderies !). Il est possible de désactiver une bande en particulier et on pourra aussi faire ses réglages en cliquant directement sur la courbe.
Nous avons essayé l’égaliseur sur une prise de batterie acoustique, une basse, une guitare acoustique et une voix. Voici des exemples audio et une vidéo du plug-in en action, où nous avons changé quelques paramètres en cours de route.
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- Drums EQ 601 – 100:23
L’égaliseur est plutôt une bonne surprise, il est resté assez musical et le fait de booster les hautes fréquences permet d’ouvrir les prises sans les rendre trop agressives. Nous avons aussi aimé le fait de pouvoir « rentrer dedans » en poussant le réglage input et en activant le mode « drive ». Le fait d’avoir ces deux modes est assez sympathique, on a ainsi le choix entre un son plus crade (quand on pousse vraiment les réglages) ou un son plus clean même si le mode drive reste quand même relativement discret. Le son nous a donc plu, le prix reste raisonnable et aligné sur la concurrence, et il ne manque rien au niveau des fonctionnalités. Un petit bout de soft à prendre en considération, fatalement.
Un compresseur rythmique ?
Le premier compresseur est le Compressor 276 (inspiré par un UREI ?), censé émuler un compresseur analogique, recommandé sur les batteries et les basses. Les réglages sont assez simples : niveaux d’entrée/sorties, ratio à 5 valeurs (2, 4, 8, 12 et 20:1), temps d’attaque et de relâchement, un auto makeup permettant de rehausser automatique le niveau du signal après traitement, et un coupe-bas pour le sidechain afin que les basses fréquences ne déclenchent pas le compresseur. Les deux vumètres sont à aiguilles, comme sur les vieux compresseurs, et peuvent afficher la réduction de gain. Comme tous les plugs de la collection, il est compatible mono et stéréo.
Pour tester ce plug-in, nous l’avons inséré sur une piste de batterie, une grosse caisse seule et une de basse.
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Sur notre ligne de basse slappée, nous avons d’abord laissé le temps d’attaque sur 15 ms et un temps de relâchement assez court de 73 ms afin de laisser encore plus l’accent sur les transitoires et donner plus de punch au son. Le ratio est réglé sur 8:1. Le fait d’enclencher le filtre passe-haut sur le side-chain fait forcément ressortir les basses fréquences sur le résultat traité, ces dernières ne déclenchant plus le compresseur. Nous avons ensuite fait varier les réglages afin de voir comment le plug-in réagissait. Le 276 s’est sort plutôt bien sur la basse, et on arrive bien à redonner du punch à cette prise initialement un peu plate.
Sur la batterie, le plug-in s’en sort bien, surtout avec le coupe-bas sur le sidechain enclenché, ce qui évite au son de trop pomper à cause de la grosse caisse et du tom basse. Ce compresseur a du caractère, et permet de traiter le son d’une belle manière. Sur la vidéo, nous avons poussé les réglages un peu violemment afin que vous puissiez voir comment le plug réagit. On fera juste attention au réglage « input », nous sommes généralement habitués à un réglage de threshold, plus on baisse, plus ça compresse. Ici, c’est le contraire ! On comprend en tout cas que le registre de ce compresseur est plutôt la basse et la batterie, et qu’il n’est pas du genre à se faire oublier. Il n’est pas hyper polyvalent (nous l’avons trouvé moins intéressant sur les voix et les guitares), mais fait très bien son boulot si on choisit bien les sources.
Compresseur à pattes d’eph’
Le deuxième plug-in, dénommé Compressor 260 (inspiré par un DBX ?), émule aussi le son des compresseurs et limiteurs des 70's, et à la différence du 276, il peut fonctionner en sidechain et se déclencher suivant un signal différent de celui traité. Au menu des réglages : seuil, trois knee (soft, médium et hard) qui déterminent la vitesse de réponse du compresseur, le temps d’attaque et de relâchement, le ratio avec une position limiteur quand il est tourné à fond et un niveau de sortie. Deux vumètres à LEDs permettent de visualiser la réduction de gain et le niveau de sortie.
Nous avons testé ce plug-in sur une batterie, une caisse claire, une grosse caisse, une basse, une guitare acoustique et une voix. Voici une vidéo et des exemples audio.
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Sur la basse et la batterie, le 260 nous a paru moins intéressant que le 276, mais le fait de pouvoir l’utiliser en side-chain pourra sûrement sauver la mise. Sur la guitare acoustique et la voix, il s’est révélé un peu plus intéressant, nous aidant à contenir la voix lorsque le chanteur envoie un peu plus, et en homogénéisant notre piste de guitare acoustique. L’attaque, pouvant être très rapide (à midi sur le potard, on est à 1 ms !), permet de diminuer certaines transitoires indésirables, et même si le 260 paraît à première vue moins sexy que le 276, il fait le job.
Le réglage de knee agit aussi énormément sur le temps d’attaque du traitement, faites donc attention à ce paramètre : il est crucial de bien le positionner suivant l’effet désiré. En mode soft, pour avoir un effet plus subtil, et en mode hard, des temps d’attaque hyper rapides. De manière générale, ce plug se fait moins remarquer que son frère le 276 et on peut lui reprocher de manquer parfois de caractère, mais il a le mérite de sonner « naturel », que ce soit sur la voix ou la guitare acoustique. On regrettera juste l’absence de makeup gain, bien pratique. Les deux compresseurs sont, vous l’aurez compris, assez complémentaires et vu la qualité de l’égaliseur, nous vous conseillons l’acquisition du bundle, vous économiserez 70 € environ (379 € le bundle).
Sans Deck ?
Steinberg et Yamaha proposent aussi un plug-in permettant d’émuler les circuits analogiques et les bandes des vieux magnétos qui équipaient les studios il y a quelques années (certains studios actuels en utilisent toujours !). Le logiciel intègre une platine d’enregistrement et une de reproduction. Pour chacune, nous avons le droit à 4 modèles différents : Swiss '70, Swiss '78, Swiss '85 et American '70, sûrement des Studer et Ampex.
Différents réglages sont disponibles pour affiner le son sur la platine d’enregistrement: on peut régler le niveau d’entrée (quand on augmente le niveau, on augmente la compression et on ajoute de la distorsion), activer l’auto makeup qui compense l’augmentation du niveau (il baisse la sortie quand l’entrée augmente), ajuster le gain des hautes fréquences, et enfin régler le bias (polarisation) pour contrôler le niveau de la distorsion dans le signal. Sur « less », le niveau de signal augmente et il y a plus d’aigus, sur « over », il y a plus de compression et de saturation dans les hautes fréquences.
La platine de reproduction permet d’ajuster les hautes et basses fréquences, et de régler le niveau de sortie. On trouve aussi un dernier potard pour modifier la vitesse de la bande, ce qui fera plus ou moins saturer le signal.
Voici des exemples audio et une autre vidéo permettant de voir et d’entendre le plug-in en action avec une batterie et une guitare acoustique.
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Téléchargez les fichiers audio : flac.zip
Conclusion
Le bundle Vintage Channel Strip est une réussite, pour 379 €, vous obtenez un égaliseur complet, et deux compresseurs complémentaires. L’EQ et le Comp 260 peuvent offrir une couleur légèrement vintage, mais pas seulement. Le Comp 260 peut être assez transparent, l’EQ s’est montré assez doux, mais efficace. Le Comp 276 nous a convaincus sur la basse et la batterie et peut donner du caractère à vos prises. À l’unité (149 €), l’égaliseur peut valoir le coup, les compresseurs un peu moins.
Le bilan du Vintage Open Deck est un peu plus mitigé. Nous avons été satisfaits du traitement sur nos prises de batterie et de guitare acoustique, et nous aimons le fait de pouvoir ajuster les hautes fréquences et le bias. Le plug-in pourra se montrer subtil ou être utilisé comme un effet poussé à fond. Mais nous regrettons le peu de différences entre les différents magnétos et nous doutons de la véritable utilité des réglages de vitesse et de type de bande.
Vintage Channel Strip
- Un EQ 6 bandes complet
- Drive sur l’EQ
- Le Comp 276 à l’aise sur les basses et batteries
- Sidechain interne pratique sur le 276
- Le Comp 260 bon sur les voix et les guitares
- Temps d’attaque très courts possibles sur le 260
- Prix du pack plutôt bon
- Peu gourmand en ressources
- Le Comp 276 pas très polyvalent
- Le Comp 260 qui peut manquer de caractère
- Pas de makeup gain sur le 260
- Plug-in moins intéressant à l’unité
- VST et AU seulement
- eLicenser nécessaire
Vintage Open Deck
- Traitement convaincant
- EQ et Bias utiles
- Subtil ou outrancier, au choix
- Peu gourmand en ressources
- Peu de différences entre les magnétos
- Paramètres de vitesse et de types de bandes peu utiles
- VST et AU seulement
- eLicenser nécessaire